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23/07/2017

Sehr amusant!

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podcast

Souvent je repense au soldat roumain de Grossman. Et à cette petite fille qui attend son père.

« Les troupes sont en marche. L'humeur est plus gaie. « Eh, si seulement on allait jusqu'à Kiev. » Un autre : « Eh, j'irais bien jusqu'à Berlin. » Pris sur le vif : un point d'appui défensif mis sens dessus dessous par un char. Un Roumain sur lequel et passé un char, aplati. Son visage est comme un bas-relief. A côté de lui, deux Allemands écrasés. Au même endroit, l'un des nôtres gît dans la tranchée, à demi écrasé. Des boites de conserve, des grenades, des « citrons » (grenades à main), une couverture tachée de sang, des pages de magazines allemands. Nos soldats sont assis là, au milieu des cadavres, ils font bouillir dans un chaudron des morceaux de viande découpés sur un cheval tué et tendent vers le feu leurs mains gelées. Sur le champ de bataille, côte à côte, un Roumain tué et un des nôtres, également mort. Le Roumain a sur lui une feuille de papier et un dessin d'enfant : un petit lapin et un bateau. Le nôtre a une lettre : « Bonjour et peut-être bonsoir. Coucou petit papa... » Et la fin de la lettre : « Revenez mon petit papa, parce que sans vous on rentre à la maison comme si c'était une autre maison. Sans vous je m'ennuie ferme. Venez, que je puisse vous voir, ne serait-ce qu'une heure. J'écris et mes larmes coulent à flots. (...) Signé : votre fille, Nina. » » (Vassili Grossman, Carnets de guerre, Stalingrad, novembre 1942)

Ou aux soldats russes de Malaparte, transformés en poteaux indicateurs aux carrefours à l’Est…

« (...) A ce moment, en un point où la forêt était plus dense et plus profonde et où une piste traversait notre route, je vis brusquement surgir du brouillard, là-bas devant nous, au carrefour des deux pistes, un soldat enfoncé dans la neige jusqu’au ventre. Il était là, debout, immobile, le bras droit tendu pour indiquer le chemin. Quand nous passâmes devant lui, Schulz porta la main à son képi, comme pour le saluer et le remercier, puis dit :

-En voila un autre qui voudrait aller dans le Caucase ! et se mit à rire en se renversant sur le dossier de son siège. Au bout d’un autre segment de route, à un autre croisement de piste, voici qu’à grande distance, un autre soldat apparu, également enfoncé dans la neige, le bras droit tendu pour nous montrer le chemin.

-Ils vont mourir de froid, ces pauvres diables, dis-je.

Schulz se retourna pour me regarder :

-Il n’y a pas de danger qu’ils meurent de froid ! dit-il. Et il riait. Je lui demandais pourquoi il pensait que ces pauvres bougres n’étaient pas en danger de mourir gelés.

-Parce que désormais, ils sont habitués au froid ! Me répondit Schulz et il riait en me tapant sur l’épaule. Il arrêta la voiture et se tourna vers moi en souriant :

-Vous voulez le voir de prés ? Vous pourrez lui demander s’il a froid.

Nous descendîmes de voiture et nous approchâmes du soldat qui était là, debout, immobile, le bras droit tendu pour nous montrer la route. Il était mort. Il avait les yeux hagards, la bouche entrouverte. C’était un soldat Russe mort.

-C’est notre police des voies et communication, dit Schulz. Nous l’appelons la « police silencieuse ».

-Etes vous bien sûr qu’il ne parle pas ?

-Qu’il ne parle pas ? Ach so ! Essayez de l’interroger.

-Il vaudrait mieux que je n’essaie pas. Je suis sût qu’il me répondrait, dis-je.

-Ach sehr amusant, s’écria Schulz en riant.

-Ja, sehr amusant, nicht wahr ?

Puis j’ajoutais d’un air indifférent:

-Quand vous les amenez là sur place, ils sont vivants ou morts ?

-Vivants, naturellement, répondit Schulz.

-Ensuite, ils meurent de froid naturellement ? dis-je alors.

-Nein, nein, ils ne meurent pas de froid : regardez là! Et Schulz me montra un caillot de sang, un grumeau de glace rougie, sur la tempe du mort.

-Ach so !sehr amusant.

-Sehr amusant, nicht wahr ? dit Schulz ; Puis il ajouta en riant : Il faut tout de même bien que les prisonniers Russes servent à quelque chose ! » (Kaputt, Curzio Malaparte, 1944)

... Ça m’aide un peu à relativiser les aléas d’une vie moderne…

04/07/2017

28

28 %

Dis, Maman, dit l'Ecolière, tu m'expliques comment un parti plafonnant à 28 % des votants (13 % des inscrits)* se retrouve au final avec 80 % des sièges à l'Assemblée? C'est ça, la démocratie? La France n'est plus depuis longtemps une démocratie, dit l'Avocate. Si le mot dictature te fait peur, on peut en choisir un autre: Etat total, par exemple. L'Etat total est plus que simplement l'Etat policier. L'Etat policier se caractérise par le fait qu'il ne tolère aucune opposition. Il fait donc la chasse aux opposants (au besoin même, comme on le voit aujourd'hui, en instrumentant la justice). Mais l'Etat total nous fait franchir un pas de plus. L'Etat total ne se contente pas de faire la chasse aux opposants: il vise à l'établissement d'un contrôle total. Autrement dit, il veut tout voir, tout savoir. Tout voir, tout savoir, c'est ce dont ont toujours rêvé certains dirigeants. Sauf, désormais, que grâce aux NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) ce rêve est devenu réalité. Les services spéciaux peuvent effectivement, aujourd'hui, tout voir, tout savoir. Ou presque. Ils s'en sont même récemment donné le droit (avec les lois antiterroristes). Une comparaison s'impose ici avec le communisme. L'Etat communiste était, certes, policier, mais non exactement total. Il contrôlait beaucoup de choses, mais pas tout. Ce qui, d'ailleurs, l'angoissait passablement. Relis Soljénitsyne. Le reste est anecdotique. Cette assemblée ne représente bien sûr qu'elle-même. C'est un simple pouvoir de fait, elle n'a aucune légitimité. Eric Werner

Le Figaro, 13 juin 2017, p. 2

02/07/2017

lol