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14/10/2008

Tous les matins du monde sont sans retour

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Il y a quelques jours, j’ai revu en rêve le visage et le regard d’une fille que je n'ai vu qu'une seule fois dans ma vie il y a prés de quinze ans. Je traversais le Canada d’est en ouest et, un soir, je m’étais arrêté à Drumheller, petit village perdu de l’Alberta dans l’Ouest Canadien. Sorte de bar, bistrot local tapissé de pancartes lumineuses à la gloire de Coors light ou Budweiser, fermiers édentés en chemises à carreaux, table de billard, musique country, etc. Niéme tournée de bière avec la jeune amazone qui m’accompagnait à l’époque. En payant au comptoir, résistance anormale de la serveuse qui, une bière dans chaque main, me lança un bref regard appuyé. Sous son index droit un petit papier plié en quatre avec son numéro. Que je n’ai pas utilisé. Ce regard et ce visage, comme si c’était hier. Je crois que je vis pour ce genre de moment.

*

Le regard fixe et bleu de mon grand-père hémiplégique et aphasique, quelques jours avant sa mort. Un concentré de désespoir muet, lorsqu’il portait les yeux sur les photos et les aquarelles de sa ferme sur les murs autour de lui. Le même regard immobile et éloquent. Celui-là ne me quitte jamais.

*

Le regard de cette jeune soldate de Tsahal. Conscience politique ou pas, bon côté ou pas, là n’est pas la question. L’important est dans la vertu guerrière qu’illustre cette jeune soldate. Cette vertu dont parlait Clausewitz, mélange de courage physique et moral, d’endurcissement, d’enthousiasme, de discipline, d’esprit de corps, d’expertise dans le combat, d’acceptation du sacrifice pour une cause supérieure, pour les siens, pour l'honneur, pour son pays.

Combien d’hommes ou de femmes en Occident possèdent-ils encore cette vertu guerrière ?

A méditer en ces temps de reniement et de veulerie.

 

Commentaires

Intéressant texte sur le regard.

Suis toutefois pas très en phase avec celui sur la soldate du Tsahal. Y a-t-il encore une cause morale légitimant l'engagement d'un soldat pour son pays aujourd'hui, surtout quand le dirigeant moyen est corrompu à l'os? quand les pays défendent plus des investissements d'ordre économique que des valeurs éthiques et culturelles? (les guerres modernes en sont le reflet.)

Personnellement, j'aurais de la difficulté à me battre pour les États-Unis si j'étais Américain. Même chose - et plus encore - si j'étais Israëlien. Je me demande bien d'ailleurs quel pays à l'heure actuelle en vaudrait la peine...

La vertu guerrière, si elle a déjà existé, est disparu avec la Première Guerre mondiale (et la disparition de la cavalerie). Les Jünger ont été des exceptions pendant la Deuxième.

Peut-être que j'aurais été le pire soldat de l'histoire. Je ne suis pas très discipliné, je n'ai pas un grand code d'honneur, je suis généralement très individualiste et pas mal objecteur de conscience.

Quant à mon code d'honneur, je n'ai jamais vraiment eu à l'explorer au point d'y mettre ma vie en jeu. À ce niveau, je n'en sais rien.

Mais je me rends compte que je vais à contre-courant d'un blogueur que j'aime bien lire et qui a choisi comme nom de blog celui d'un soldat grec ou de l'Antiquité! :gene:

Voilà.

Écrit par : inukshuk | 16/10/2008

Inukshuk, tu confonds les valeurs frelatées que vendent nos élites ploutocratiques occidentales aux masses anomiques ("guerre contre le terrorisme", "camp du bien et du mal", etc) et cette vertu guerrière qui te ferait sans nul doute prendre une arme pour défendre ce et ceux que tu aimes.

C'est pour cela que j'ai essayé (mal) de dissocier la cause (toujours discutable et partisane) de l'instinct de combat et de guerre qui vit en nous. Cette vertu est précieuse. Junger disait qu'il ne faut jamais perdre de vue l'horizon de la guerre...

Je crois que l'homme occidental -l'homme psychologique de Lasch- a été dépossédé de cette vertu morale, contrairement aux hommes de civilisation plus traditionnelles, au nom du Progrés, des Droits de l'homme, d'un certain universalisme dont les effets pervers et incapacitants me semblent exorbitants.

L'esprit de ce blog c'est la réfutation. A la limite je t'en voudrais d'être d'accord sur tout, ami.
françois.

Écrit par : hoplite | 16/10/2008

J'imagine qu'on a tous des souvenirs personnels de tels regards : celui plein de promesses d'une jeune fille en fleur ou celui de son bébé sur ses genoux. C'est à la fois unique et universel.
J'ai lu il y a peu un livre de Pierre Sergent "Je Ne Regrette Rien". Plusieurs photos de paras de la Légion à l'époque de Dien Bien Phu, de vrais guerriers pour le coup. Le regard de ces jeunes gars (souvent 25-30 ans) peu avant leur mort, envoyés au casse-pipe pour rien alors qu'ils y croyaient, est bouleversant, avec cette impression qu'ils regardent le lecteur, même 50 ans après.
L'auteur parle aussi du regard des partisans indochinois désarmés par l'Armée Française sur le point de plier bagage, alors que tout le monde savait le sort qui les attendait.

Écrit par : PROTON | 16/10/2008

ou celui des harkis en 1962
des hommes broyés par l'histoire

c'est vrai, il y a une intensité et une vérité singulière dans le regard d'hommes placés au milieu de la tourmente, ou des ruines.

Écrit par : hoplite | 16/10/2008

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