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25/10/2010

Nipomo, 1936

Dorothéa Lange (1895-1965) est l’une des photographes documentaires les plus célèbres. En 1935, lassée de son travail de portraitiste en studio, elle commence à photographier pour la Farm Security administration (chargée dans le cadre du New Deal d'illustrer le soutien apporté aux fermiers ruinés par la crise), réalisant des images qui symbolisent aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, la Grande Dépression et le désastre humain de la migration des fermiers vers l’Ouest américain, poussés parla mécanisation du travail agricole, les conséquences de la crise de 1929 ainsi qu'une série de secheresses et de tempêtes de poussières qui commencèrent à la fin de l'année 1933.

La « mère migrante », sans doute la photographie la plus célèbre de Dorothéa Lange, prise à Nipomo en Californie en mars 1936, est la dernière d’une série de six images représentant une femme avec ses enfants, à l’intérieur d’une tente de fortune. Dans celle-ci, la présence de détails tels qu’une malle cabossée et une assiette vide sont les signes de l’errance et de la faim qui frappent la famille.

 

dorothea_lange_florence_thompson.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lange a laissé une description détaillée de la manière dont elle a effectué les photos de la mère migrante : « Je ne lui ai pas demandé son nom ni ce qu’elle avait enduré. Elle m’a dit qu’elle avait 32 ans, et qu’ils se nourrissaient des légumes gelés ramassés dans les champs alentours, et des oiseaux que les enfants parvenaient à tuer. Elle venait de vendre les pneus de sa voiture pour acheter de la nourriture. Elle se tenait là, sous cette tente, avec ses enfants blottis contre elle, conscient que mes photos pourraient peut-être l’aider ; et c’est pourquoi elle m’a aidée. Il y avait une sorte d’égalité dans notre rapport. La récolte des pois à Nipomo était gelée et il n’y avait de travail pour personne. Mais je n’ai pas été jusqu’aux tentes et abris des autres ramasseurs de pois condamnés à l’inactivité. Ce n’était pas nécessaire ; j’avais enregistré l’essence de ce qu’on me demandait dans cette mission. »

Sur cette autre photo, Lange gomme les détails à l’arrière-plan et masque les visages des enfants agrippés à leur mère, qu’ils enserrent, détournant de l’objectif leurs visages. Dans un moment de repli sur elle-même, elle ne regarde plus ni la photographe ni ses enfants.

dorothea-lange.1183401600.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mère migrante a un nom : florence Thompson, jeune veuve qui eut dix enfants et dont la fin ne fut pas plus heureuse: en 1983 alors qu'elle se mourrait lentement d'un cancer, un de ses fils fut contraint de lancer un appel à l'aide pour recueillir des fonds afin de sauver sa mère de l'indigence dans les derniers jours de sa vie.

Commentaires

Emouvant mais d'une certaine manière terrifiant. Cette photographie, ce regard, sont d'une actualité troublante. Terrifiante.

Écrit par : Farr | 25/10/2010

"Cette photographie, ce regard, sont d'une actualité troublante."

oui, hélas!

Écrit par : hoplite | 26/10/2010

La vie lui a désappris à sourire. Imaginons seulement la solitude de l'adulte devant faire vivre ses enfants dans la misère et le chaos. Notre avenir?
Son visage me rappelle les photos du grand chef indien Sitting Bull, même beau regard profond, même bouche amère, mêmes rides. Mais elle, elle a 32 ans!

http://www.electricscotland.com/thomson/images/8.13%20Sitting%20Bull.jpg

Écrit par : Carine | 26/10/2010

Une misère extrême, et pourtant, je suis sûre qu'elle n'a jamais cru avoir le droit de bruler une voiture ou un abri bus. Pourquoi ?

Écrit par : mounia | 28/10/2010

Culture de l'excuse, desintegration culturelle et absence totale de conscience politique (hors du tribalisme/ethnicisme, si on peut appeler ca de la politique).

Écrit par : JÖ | 28/10/2010

merci carine, pour cette belle photo: les premiers américains!

@mounia,

parcequ'elle relevait encore de ces types anthropologiques en voie de disparition...pour autant une aide supplémentaire de l'état américain aurait été bienvenue..un peu comme aujourd'hui. rien à voir avec nos pépites de la nation confites dans la culture victimaire, l'indigence crasse, le communautarisme et la haine de tout ce qui n'est pas eux!

comme dit JÖ!

Écrit par : hoplite | 28/10/2010

Les commentaires sont fermés.