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27/01/2011

du phosphore

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« Les batteries s’endorment, le major Parker répond à des questionnaires de la brigade ; les ordonnances apportent le rhum, le sucre et l’eau bouillante ; le colonel met le gramophone à la vitesse 61 et le docteur O’Grady parle de la révolution Russe.

- Il est sans exemple, dit-il, qu’une révolution ait laissé au pouvoir après elle les hommes qui l’avaient faite. On trouve cependant encore des révolutionnaires : cela prouve combien l’histoire est mal enseignée.

- Parker, dit le colonel, faites passer le porto.

- L’ambition, dit Aurelle, n’est tout de même pas le seul mobile qui fasse agir les hommes ; on peut être révolutionnaire par haine du tyran, par jalousie et même par amour de l’humanité.

Le major Parker abandonna ses papiers.

- J’ai beaucoup d’admiration pour la France, Aurelle, surtout depuis cette guerre, mais une chose me choque dans votre pays, si vous me permettez de vous parler sincèrement, c’est votre jalousie égalitaire. Quand je lis l’histoire de votre révolution, je regrette de n’avoir pas été là pour boxer Robespierre et cet horrible fellow Hébert. Et vos sans-culottes…Well, cela me donne envie de m’habiller de satin pourpre brodé d’or et d’aller me promener sur la place de la Concorde.

Le docteur reprit :

- L’amour de l’humanité est un état pathologique d’origine sexuelle qui se produit fréquemment à l’époque de la puberté chez les intellectuels timides : le phosphore en excès dans l’organisme doit s’éliminer d’une façon quelconque. Quant à la haine du tyran, c’est un sentiment plus humain et qui a beau jeu en temps de guerre, alors que la force et la foule coïncident. Il faut que les empereurs soient fous furieux quand ils se décident à déclarer ces guerres qui substituent le peuple armé à leurs gardes prétoriennes. Cette sottise faite, le despotisme produit nécessairement la révolution jusqu’à ce que le terrorisme amène la réaction.

- Vous nous condamnez donc, docteur, à osciller sans cesse de l’émeute au coup d’état ?

-Non, dit le docteur, car le peuple anglais, qui avait déjà donné au monde le fromage de Stilton et des fauteuils confortables, a inventé pour notre salut à tous, la soupape parlementaire. Des champions élus font désormais pour nous émeutes et coups d’état en chambre, ce qui laisse au reste de la nation le loisir de jouer au cricket. La presse complète le système en nous permettant de jouir de ces tumultes par procuration. Tout cela fait partie du confort moderne et dans cent ans, tout homme blanc, jaune, rouge ou noir refusera d’habiter un appartement sans eau courante et un pays sans parlement. »

Les silences du colonel Bramble, André Maurois, 1917.

Commentaires

Texte très intéressant, merci.
Presque 100 ans plus tard, on s'aperçoit cependant que, comme pour tout ce qu'on accepte de sous-traiter trop longtemps, les sous-traitants ont fini par rouler intégralement pour leur propre compte.
Pendant que nous avons cru avoir du temps libre pour jouer au cricket et nous occuper (uniquement) de nos affaires privées ... eux-aussi se sont occupés de nos affaires privées ... et pas vraiment dans notre intérêt.
"Ne demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous. Demandez ce que les hommes de l’Etat sont en train de vous faire." - D. Friedman

Il n'est sans doute jamais trop tard pour se réveiller, mais (si c'est le cas), ce sera sans doute long et douloureux !

Bien cordialement
Vincent

Écrit par : Vincent | 29/01/2011

"Il n'est sans doute jamais trop tard pour se réveiller, mais (si c'est le cas), ce sera sans doute long et douloureux !"

tout à fait..

Écrit par : hoplite | 30/01/2011

Les commentaires sont fermés.