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01/09/2009

agora mon cul

877_X202LUN.jpgMONTPELLIER : Aménagement d’une "agora". La Serm a imaginé la réalisation d'une sorte de forum rond entre la partie ludique et la commerciale. Les premiers travaux ont été lancés il y a quelques jours. Au courant de l'automne, sera érigée une agora, qui prendra toute sa dimension sur la place du XXI e siècle. Il s'agit d'une sorte de forum arrondi, qui n'est pas sans rappeler une arène, qui sera construit devant le mur d'escalade et le karting, à l'intersection entre la partie ludique d'Odysseum et sa partie commerciale. C'est la Serm (société d'équipement de la région montpelliéraine), en charge des parties communes, qui est à l'origine de ce nouvel aménagement structurant de la zone.

Hier en lisant distraitement ce court article dans le Midi Libre, phare de la pensée Occitane, je pensais, au delà du ridicule des noms choisis ("agora", "odysséum", "mare nostrum") pour quelques enceintes bétonnées qu’il faudra dynamiter dans trente ans, qu’il y avait contradiction entre les nouvelles tendances architecturales et la réalité urbaine contemporaine. Je m’explique.

Je constate autour de moi, en ville mais pas seulement, une transformation rapide et profonde des paysages urbains et péri urbains très souvent animée par le souci de créer du lien social et une vie urbaine agréable, apaisée. Cette "agora" Montpélliéraine grotesque qui servira sans doute essentiellement de piste d’entraînement à quelques mini motos, de scène de crime ou de QG à quelques dealers multirécidivistes en témoigne. Nombre de paysages urbains récents, par exemple à l’occasion de la construction d’un tram ou lors d’un projet architectural d’envergure, sont réellement beaux, arborés, équipés d’accessoires (bancs, bibliothèque, médiathèque, ludothèque, aire de jeux, malls commerciaux etc) que nos pères n'auraient pas seulement imaginé et sans doute pensés pour civiliser les comportements citoyens. Par ailleurs, il ne se passe pas un jour sans que quelque manifestation festive ou citoyenne ne soit célébrée à grands renforts de publicité locale ou régionale (fête du Travail, des associations, de la terre, de la montagne, de l'eau, du sport, des anciens, "la région travaille pour vous", "le conseil général avance", ad lib.)

Or il suffit d’ouvrir les yeux pour comprendre qu’à rebours des espérances de nos élites auto proclamées, la vie moderne est de plus en plus violente, marquée par l’irrespect, l’incivisme, l’intolérance, l'individualisme, bref par la disparition de toute common decency, celle là même qui garantissait, au moins dans les classes laborieuses mais pas seulement, une vie en communauté relativement apaisée.

Il y a même quelque chose de pathétique et de dérisoire à constater l’inanité des efforts titanesques de nos modernes cultureux au regard de l’ensauvagement croissant de nos sociétés. Comme si à ce dernier, et constatant la disparition progressive de toute civilité ordinaire dans la Cité, ne répondait désormais que cette célébration continue et vaine de vivre ensemble et de lien social.

Je me demandais ainsi, dans ma grande inculture, si le mal ne réside pas simplement dans cette modernité qui organise toute vie communautaire, non plus autour de références morales ou philosophiques plus ou moins communes, mais autour de l’échange marchand et du droit. A la disparition de toute hétéronomie religieuse ou séculière régissant la vie en communauté, se substituant un "vivre ensemble" qui, contrairement aux espérances de certains, reste avant tout basé sur la lutte de tous contre tous, le calcul glacé de son meilleur intérêt et le recours systématique aux tribunaux lorsque surgit un différent… A cette atomisation, cette fragmentation du corps social, cette anomie sociale, palpables dans les rapports humains violents et la solitude prégnante, ne peuvent sans doute répondre que des campagnes promotionnelles vides de sens aux yeux de l’homo œconomicus contemporain et des aménagements urbains désormais bien incapables de recréer un début de vie communautaire.

Comme si l'agora, autrefois centre de la vie sociale chez les Grecs, était désormais le symbole de cette désintégration sociale moderne.

En passant, sans plus.