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18/04/2009

Badiou

14b-2.jpg" (…) Badiou se rend-il compte à quel point le pathos de la rébellion à laquelle il s’abandonne est daté ? Aujourd’hui le monde de l’art est plein de « professionnels du subversif et du dérangeant ». La rébellion est devenue un positionnement rentable, comme l’a fait remarquer Guillaume Allary à propos d’un fait divers : « Brian Molko, chanteur rock, vient de porter plainte contre un hebdomadaire pour avoir publié une photo de lui en train de promener son bébé en poussette ; Motif. Atteinte de son image de marginal… » Il demande réparation parce qu’on a pas dit du mal de lui. Un artiste présenté comme sulfureux, androgyne et provocateur, bref comme un rebelle, reconnaît que ce portrait n’est qu’une construction médiatique et, qu’en plus, c’est son fond de commerce. »

Badiou affirme, non sans quelque naïveté, combattre pour un « universalisme politique, une politique faite par les gens qui sont ici, sans égard à leur provenance ». En réalité, dans leurs engagements, « les gens qui sont ici » tiennent le plus grand compte de leur provenance. Badiou ferait bien d’interroger sur ce point les Pakistanais, les Kurdes, les Turcs. Il s’apercevra que leurs intérêts et leurs passions politiques sont très différents de ceux qui motivent les Chinois ou les Portugais, pour ne rien dire des Français, auxquels Badiou s’intéresse peu.

Supposons que toutes les communautés religieuses, nations et groupes divers s’appliquent vertueusement à développer le même (ce qu’ils ont en commun). Le résultat sera un métissage généralisé estompant ou même abolissant toutes les identités. C’est le paradis de l’indifférenciation prêché par la propagande libérale. Même les musulmans « modérés » n’en veulent pas. Il faut dire que leur « modération » religieuse a pour contre partie le nationalisme le plus chauvin, comme chez le premier ministre turc Erdogan qui déclarait fin 2008, en s’adressant à ses compatriotes installés en Allemagne, que « l’assimilation est un crime contre l’humanité » ! Il voudrait qu’une frontière étanche sépare les populations d’origine turque des autochtones allemands.

Son amour éperdu pour tout ce qui n’est pas français conduit Badiou à des accents d’un lyrisme quasi raciste : « la masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoignent, dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde ; qu’ils nous apprennent au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève et dont nous n’avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre. »

Cela se passe de commentaires, mais j’en ferai quand même deux. Il y a moins de guerres et plus de créativité intellectuelle en Europe qu’en Afrique. Les immigrés savent ce qu’ils font quand ils affluent depuis un demi siècle, parfois au péril de leur vie, dans « de vieux pays fatigués » au lieu de rester dans de jeunes pays dynamiques »."

Kostas Mavrakis, De quoi Alain Badiou est-il le nom ? Eléments avril juin 2009.