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20/10/2009

Lao gaï et peoples

« Ji ho !

C’était le cri qui nous ordonnait de nous rassembler –et il n’y aurait pas d’exception, nous dirent les gardiens. Nous sortîmes dans la cour en débandade, et nous rangeâmes en ordre par sections. Je me trouvais dans la première rangée à côté de Yeh. Nous sortîmes nos sacs de tabac, roulâmes nos cigarettes et attendîmes. De la vapeur montait de la terre humide, tandis que le soleil la frappait de ses rayons. Alors, j’entendis un bruit de chaînes, derrière nous.

Le premier à arriver devant nous fut Wang, notre gardien manchot, et il fut rapidement suivi par le chef de brigade chargé de la production, un homme du nom de Yen puis une douzaine de gardes, et finalement un personnage inconnu vêtu d’un uniforme Mao bleu et tenant une serviette noire. Au milieu d’eux tous, se tenait le coiffeur, enchaîné dans des fers. Une corde autour de son cou, fermement attachée à sa ceinture, lui maintenait la tête baissée. Ses mains étaient liées derrière son dos. Les gardes le poussèrent directement au bord de la scène, juste devant nous. Il resta là, debout en silence, pareil à un pénitent ligoté, tandis que de la vapeur montait en petites traînées à ses pieds. Yen avait préparé un discours.

« J’ai quelque chose d’horrible à vous dire. Je ne suis pas heureux de le faire et je n’ai vraiment pas à en être fier. C’est mon devoir et ça devrait vous servir de leçon. Cet œuf pourri que vous voyez là devant vous, a été emprisonné à la suite d’une affaire de mœurs : il avait eu des relations sexuelles avec un garçon. Pour ce délit il n’a été condamné qu’à sept ans. Plus tard, alors qu’il travaillait à l’usine de papier, sa conduite a été constamment mauvaise et il a volé à plusieurs reprises. Sa peine fut doublée. Maintenant nous avons établi que, pendant son séjour ici, il a séduit un jeune prisonnier de dix-neuf ans –un prisonnier mentalement retardé. Si cela se produisait dans le cadre de la société, il serait sévèrement puni. Mais en commettant son acte ici [camp de rééducation par le travail –Lao gaï] il a non seulement péché moralement, mais il a aussi Sali la réputation de la prison et la grande politique de la Réforme par le Travail. C’est pourquoi, étant donné ses crimes répétés, le représentant du tribunal populaire suprême va maintenant vous lire la sentence. »

laogai.jpgL’homme en uniforme bleu s’avança et lu le sombre document, une récapitulation des délits qui se terminait par la décision du tribunal populaire suprême : la port, avec exécution immédiate de la sentence.

Tout se produisit de façon si soudaine que je n’eus même pas le temps d’être choqué ni effrayé. Avant même que l’homme en uniforme bleu n’eut fini de prononcer le dernier mot, le coiffeur était mort. Le garde qui se tenait derrière lui sortit un énorme pistolet et lui fit sauter la cervelle. Une pluie de sang et de matières cérébrales vola dans l’air et s’abattit sur ceux d’entre nous qui étaient aux premiers rangs. Je détournai les yeux de la silhouette hideuse agitée de soubresauts par terre, et vomis. Yen réapparut et parla de nouveau :

« Que ceci vous serve d’avertissement. J’ai été autorisé à vous dire que, désormais, l’on ne témoignera plus d’aucune indulgence dans ce camp. A partir d’aujourd’hui, tous les délits d’ordre moral seront punis de la même façon. Maintenant, retournez à vos cellules et discutez de ce qui vient de se passer. »

Il baissa les yeux sur moi et les autres qui avaient été éclaboussés par les matières cérébrales et le sang.

« Vous, là devant, allez vous laver, et puis retournez à vos cellules pour les séances d’étude. »

Yen avait peut-être délibérément exagéré quand il avait menacé tous les autres délits de ce genre d’une exécution immédiate, mais je suis certain que personne n’était tenté de mettre ses paroles à l’épreuve. En Chine, on ne traite pas à la légère les délits d’ordre moral. Dans les pays socialistes en général, mais encore plus en Chine, les déviations par rapport à la norme ne sont pas appréciées ni considérées comme tolérables.

Le raisonnement est simple: ceux qui ne se conduisent pas comme des êtres humains normaux doivent être punis, pour la purification de la société. Après la révolution, de nombreux chanteurs d’Opéra masculins furent poursuivis parce qu’ils incarnaient des femmes. La sodomie et le viol peuvent être punis de mort. Les femmes sont condamnées à cinq ans pour rapports sexuels pré conjugaux ou extra conjugaux. Un homme marié qui séduit une femme mariée écope de dix ans. Un homme marié qui séduit une femme non mariée recevra une sentence indéterminée mais lourde, et sa partenaire, une sentence légère. Le lesbianisme a toujours été rare en Chine mais l’homosexualité, autrefois très répandue, n’est plus tolérée désormais. J’ai lu des articles sur des hommes qui se faisaient violer dans des prisons Occidentales. En Chine, le coupable serait fusillé sur le champ. »

Jean Pasqualini, Prisonnier de Mao, 1973 NRF.

Relu récemment ce témoignage unique sur les camps Chinois qui ne figurèrent jamais sur l’itinéraire des visites officielles des Occidentaux Maolâtres, genre Sollers, Sartre ou Godard (qui, finalement auraient sans doute du être fusillés à Montrouge, eux aussi, pour intelligence avec l'ennemi et apologie du totalitarisme rouge), et que nombre de sinologues occidentaux –hormis Simon Leys- choisirent d’ignorer (pas désespérer Billancourt…). Jean Pasqualini, fils d’un père Corse et d’une mère Chinoise, a passé sept ans dans cet archipel de camps de « rééducation par le travail ». Il fut libéré grâce à la reconnaissance de la Chine communiste par la France en 1964 et reste le seul occidental à en être sorti vivant. A lire.

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« (…) Prestigieux annuaire biographique des "personnes agissantes" créé en 1953, le "Who's Who 2010", disponible mercredi, compte 1.084 nouvelles personnalités, sur près de 22.000 noms au total, recensant celles et ceux qui comptent en France dans toutes les sphères professionnelles.

Sollicitée pour l'édition 2010, Carla Bruni-Sarkozy n'a pas donné suite. « On lui a écrit mais silence radio », regrette Antoine Hébrard. »

"des personnes agissantes..." Sans déconner, mis à part quelques milliers de crétins endogames se bousculant chaque année pour en faire partie, tels des lemmings au bord de la falaise et dont les émois dérisoires sont relayés servilement par quelques bancs de harengs journalistiques, pour QUI ce type d’information peut-il avoir le MOINDRE intérêt ? Consternant. Va falloir resortir les piques.