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09/08/2009

inégalité des sociétés

metacons.jpg« (…) Pourquoi, en Eurasie, ce sont les sociétés européennes, plutôt que celles du croissant fertile [méditerranée orientale, Mésopotamie], de la Chine ou de l’Inde qui ont colonisé l’Amérique et l’Australie, ont prit la tête sur le plan technologique et sont devenues politiquement et économiquement dominantes dans le monde moderne ? Un historien vivant entre 8500 av JC et l’an 1450 de notre ère aurait certainement jugé la domination finale de l’Europe comme l’évolution la moins probable, parce qu’elle est restée pendant la majeure partie de ces 10 000 ans la plus arriérée de ces trois régions du Vieux Monde. De 8500 jusqu’à l’essor de la Grèce puis de l’Italie après 500 av JC, presque toutes les innovations majeures d’Eurasie occidentale –la domestication des animaux et des plantes, l’écriture, la métallurgie, les roues, les Etats, etc.- sont nées dans le croissant fertile ou tout prés. Jusqu’à la prolifération des moulins à eau après l’an 900 environ, l’Europe à l’Ouest ou au nord des Alpes n’a rien apporté de très significatif à la technologie ou à la civilisation du Vieux Monde ; elle s’est plutôt contentée d’accueillir des innovations venues de la Méditerranée orientale et de la Chine. Même entre l’an 1000 et 1450, le flux de la science et de la technologie est allé surtout des sociétés islamiques –de l’Inde à l’Afrique du Nord- vers l’Europe, plutôt que dans le sens inverse. Au cours de ces mêmes siècles, c’est la Chine qui est demeurée en tête sur le plan de la technologie, après s’être lancée dans la production alimentaire presque aussitôt que le croissant fertile.

Mais alors, pourquoi le croissant fertile et la Chine ont-ils fini par perdre leurs milliers d’années d’avance sur une Europe qui avait pris un départ plus tardif ?

On peut, bien entendu, souligner les facteurs immédiats de l’essor de l’Europe : la formation d’une classe de marchands, le capitalisme, la protection des inventions par des brevets, l’absence du despotisme absolu et d’une fiscalité écrasante, et la tradition gréco judéo-chrétienne de recherche empirique et critique. Reste que, malgré toutes ces causes immédiates, il faut poser la question de la cause lointaine : pourquoi tous ces facteurs immédiats se sont-ils trouvés réunis en Europe, plutôt qu’en Chine ou dans le croissant fertile ? (…)

De l’inégalité parmi les sociétés, Jared Diamond, 1997.

J’avais gardé d’une première lecture de cet ouvrage majeur de Diamond, il y a quelques années, une impression mitigée ; l’impression d’un déterminisme géographique pesant, laissant de côté le génie propre des hommes, sortes de robots, et des cultures et permettant d’expliquer l’évolution différenciée des sociétés humaines au travers des âges et des continents exclusivement par des considérations liées à l’environnement.

Sans comprendre que ces considérations environnementales (géographie, faune et céréales, domestication ou non des plantes et animaux, barrières géographiques, climats, axe continentaux de développement, centralisation étatique ou non, etc.) qui vont dans une très large mesure déterminer le destin des sociétés humaines et leur inégalité manifeste par le biais de cultures humaines singulières, n’excluent nullement la place d’hommes hors du commun et la dynamique propre de toutes les civilisations. Et leur grandeur comme leur disparition. D'Attila à Hitler en passant par Alexandre, Pizarro ou Bonaparte, les hommes, même déterminés par leur culture, gardent cette faculté de bousculer les trends les plus solides et de faire l'histoire.

Un des chapitres les plus intéressant explique comment l’Afrique est devenue noire…alors qu’elle était peuplée aux origines de cinq groupes ethniques distincts : « blancs » sur le pourtour méditerranéen, noirs dans l’Ouest, pygmées et Khoï San dans le centre et l’Afrique australe et Indonésiens à Madagascar et sur la côte Est. Ceci avant la grande migration des noirs bantouphones de l’Ouest Africain vers le centre le sud et l’est, au détriment des peuplades de chasseurs cueilleurs Pygmées ou Khoi San. (mais bon, j’avais lu Lugan avant, j’étais bien dégrossi des élucubrations habituelles des africanistes Français).

A lire absolument. (passionnant, rien à voir avec les mémoires d’outre tombe, qui me tombent un peu des mains en ce moment..hm)

Je pense également à la façon dont Lévi-Strauss, en bon structuraliste, expliquait la place déterminante de considérations génétiques humaines dans l'adaptation, la survie ou la disparition de groupes humains, mais celles-ci étant déterminées essentiellement par des considérations culturelles, si j'ai bien compris: ce sont la culture, les affinités culturelles, c'est-à-dire géographiques, ethniques, familiales, tribales, etc., qui déterminent l'appariement d'individus et le potentiel génétique de leur progéniture. L'appariement culturel précède l'appariement génétique, qui lui-même explique l'homogénéité génétique des sociétés archaïques jusqu'à récemment. Ce discours (Race et histoire) avait fait scandale en 75 à l'ONU car Lévi-Strauss réhabilitait dans une certaine mesure la notion de race et de génétique alors même que tous s'attendaient à ce que ces notions soient bannies...

"La tâche de l'homme d'Etat est d'épier les pas de Dieu qui marche à travers l'histoire et d'essayer de le saisir au passage par sa queue de pie." (Otto von Bismarck)