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09/04/2009

foules

JeanSeberg.jpg« L’opinion des foules tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique. Elle arrive aujourd’hui à imposer des alliances, comme nous l’avons vu pour l’alliance russe, presque exclusivement sortie d’un mouvement populaire.

C’est u symptôme bien curieux de voir de nos jours papes, rois et empereurs, se soumettre au mécanisme de l’interview, pour exposer leur pensée, sur un sujet donné, au jugement des foules. On a pu dire jadis que la politique n’était pas chose sentimentale. Pourrait-on le dire actuellement encore en la voyant prendre pour guide les impulsions de foules mobiles ignorant la raison, et dirigées seulement par le sentiment ?

Quant à la presse, autrefois directrice de l’opinion, elle a dû, comme les gouvernements, s’effacer devant le pouvoir des foules. Sa puissance certes est considérable, mais seulement parce qu’elle représente exclusivement le reflet des opinions populaires et leurs incessantes variations. Devenue simple agence d’information, elle renonce à imposer aucune idée, aucune doctrine. Elle suit tous les changements de la pensée publique, et les nécessités de la concurrence l’y obligent sous peine de perdre ses lecteurs. Les vieux organes solennels et influents d’autrefois, dont la précédente génération écoutait pieusement les oracles, ont disparu ou sont devenues feuilles d’informations encadrées de chroniques amusantes, de cancans mondains et de réclames financières. Quel serait aujourd’hui le journal assez riche pour permettre à ses rédacteurs des opinions personnelles, et quelle autorité ces opinions obtiendraient-elles prés de lecteurs demandant seulement à être renseignés ou amusés et qui, derrière chaque recommandation, entrevoient toujours le spéculateur ? La critique n’a même plus le pouvoir de lancer un livre ou une pièce de théâtre. Elle peut nuire mais non servir. Les journaux ont tellement conscience de l’inutilité de toute opinion personnelle, qu’ils ont généralement supprimé les critiques littéraires, se bornant à donner le titre du livre avec deux ou trois lignes de réclame, et dans vingt ans, il en sera probablement de même pour la critique théâtrale.

Epier l’opinion est devenue aujourd’hui la préoccupation essentielle de la presse et des gouvernements. Quel effet produira tel événement, tel projet législatif, tel discours, voilà ce qu’il faut savoir. ; Ce n’est pas facile car rien n’est plus mobile et plus changeant que la pensée des foules. On les voit accueillir avec des anathèmes ce qu’elles avaient acclamé la veille. »

 

Gustave Le Bon, Psychologie des foules, 1895.

 

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France inter ce soir. Je coupe des ognons et de l'ail pour ma sauce tomate et j'écoute d'une oreille distraite une émission sur François Mauriac, l'animatrice toute émoustillée de révéler (quelle révélation...) son homosexualité. La voix éraillée de Mauriac, son enfance Bordelaise, son idéal chrétien socialisant, sa foi, sa femme Jeanne, ses passions homosexuelles supposées, sa culpabilité de la chair, ses confessions, etc…

Et je me demande, dans cette époque haïssable à bien des égards, quelle est la part du souci littéraire et celle de la récupération par nos modernes de la sexualité hors norme de cet homme...

Je me demande si l'intention n'est pas surtout de forcer Mauriac à faire, bien malgré lui, un outing posthume, comme une offrande aux nouveaux totems contemporains...

L’asservissement du passé, hommes compris, à la célébration inconditionnelle du présent, comme disait Gauchet.

Jdis ça, jdis rien, comme dit l’amiral.

A table, bordel !