30/01/2010
le don des larmes
Voila. Tout à l'heure en montant quelques chaises IKEA de merde, made in China comme il se doit (c'est la mondialisation heureuse, biquet, c'est plus de social et moins de chômage ! ah !ah ! bande de clowns invertébrés), Jo, mon comparse et ami me parla de ce don des larmes qu'évoque Alain Finkielkraut dans son Nous autres modernes, un de mes livres de chevet depuis longtemps, un peu comme les Confessions de Saint Augustin le furent pour l'Occident. Saint Louis suppliait le seigneur de lui donner le don des larmes mais il ne fut pas exaucé...il voulait, en pleurant, gonfler son cœur sec, se remplir de compassion, découvrir en soi une sensibilité hors du commun. Au delà de cette capacité à s'émouvoir, il y a aussi, et je l'avais bien oublié, cette capacité de clairvoyance : « Qui ne pleure pas ne voit pas », dit Victor Hugo (dixit AF). Nos modernes, convaincus qu'Histoire et Raison puissent aller de pair et que la première ait un sens, derrière le spectacle des tragédies humaines bien incompréhensibles au regard superficiel du naïf, n'ont pas le sens de l'irréparable, celui de la mort ou du caractère tragique de l'existence.
Comprendre que l'Histoire n'a pas de sens, que chaque homme, dans son existence unique et sa trajectoire tragique, torpille le projet désastreux Prométhéen de nos modernes vers l'établissement du Bien...
« Là où se lève l'aube du Bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule. » fait dire à Ikonnikov, Vassili Grossman dans Vie et destin. A la nécessité de la Raison et à son avenir radieux, il est permis de préférer la contingence et la conscience de l'irréparable.
Les hommes ci-dessous ont ce don des larmes, perdus qu'ils sont dans une conflagration dramatique qui aurait du, en elle-même ruiner l'idée même d'un sens de l'Histoire... Ils savent qu'ils sont condamnés, qu'ils vont mourir dans quelques heures ou dans quelques jours, mais vont être émus jusqu'au sang par la comptine de cette fille. Et pleurer.
(le colonel Dax un peu moins mais un officier ça ne pleure pas, bordel! au moins devant les hommes..)
21:30 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : finkielkraut, paths of glory, les sentiers de la gloire, kubrick, don des larmes