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29/12/2017

Grecs et barbares.

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Phalange d'hoplites en formation de combat.
Entre deux rangées de soldats, un joueur de flûte rythme le pas.
(Vase protocorinthien dit "Vase Chigi") VIIe siècle.

A l’aube du V éme siècle avant notre ère, dans un monde égéen peu peuplé, sous pression des « barbares » aux frontières de l’Hellade (le monde Grec), les Grecs avaient une faible conscience de leur identité. Tout allait changer avec les guerres médiques et la menace d’une invasion ressentie comme celle de l’Asie. Jusqu’alors, le barbare était avant tout l’étranger qui ne parlait pas la langue d’Homère. Le mot même de barbare retranscrit les onomatopées ou le bredouillis incompréhensible que les Hellènes entendaient dans la bouche du voyageur, par nature étranger à leur univers, mais accueilli selon les règles d’hospitalité.

Si la langue était la manifestation immédiatement perceptible d’une différence, ce sont les liens du sang, de la religion, des coutumes de la terre qui fondaient le sentiment d’appartenance à une même culture Hellénistique. Sentiment encore faible qui n’interdisait pas les querelles entre cités soucieuses de leur autonomie. Une vision Héllénocentrée du monde, avec Delphes pour centre, rejetait les barbares, qu’ils soient Egyptiens, Carthaginois ou Perses aux marges du monde civilisé ; Pourtant, la trop grande proximité du puissant empire Perse, à la lisière du monde Grec allait radicalement modifier la perception des barbares et, en retour, l’image que les Grecs se faisaient d’eux-mêmes.

La prise de conscience d’une menace représentée par les hordes du grand roi Darius, fut graduelle et tardive. Elle débuta avec la conquête brutale par les Perses de l’Ionie, sur la rive asiatique de la mer Égée, alors peuplée de Grecs. L a tyrannie des envahisseurs, Perses et Mèdes, provoqua en -499 la révolte des cités d’Ionie, soutenue par une partie seulement des cités Grecques (Athènes et Erétrie). Sept ans plus tard, les troupes Perses traversèrent le Bosphore sous les ordres de Mardonios, gendre de Darius. Et quelques cités Grecques secondaires s’accommodèrent de cet envahisseur dont l’armée barbare semblait irrésistible : « Qui serait donc capable de tenir tête à ce large flux humain ? Autant vouloir, par de puissantes digues, contenir l’invincible houle des mers ! » écrira Eschyle (Les Perses, -472) Mais lorsque les émissaires Achéménide (d’Achéménès, ancêtre de la dynastie Perse) vinrent exiger d’Athènes « la terre et l’eau », c’est à dire la soumission, ils furent simplement exécutés. Après avoir pillé Naxos et Erétrie, dont les populations furent réduites en esclavage, les Perses débarquèrent à Marathon en -490 et furent défaits par une coalition de cités Grecques (Athènes et Platée) forte de la cohésion de ses redoutables phalanges hoplitiques et malgré une infanterie barbare supérieure en nombre.

Dix ans plus tard, l’ambitieux Xerxès, successeur de Darius, décida d’une seconde expédition sans commune mesure avec la précédente. Hérodote a dépeint une armée immense qui défila pendant sept jours et sept nuits devant son chef ! Conscient qu’il s’agissait cette fois d’une véritable invasion, les Grecs s’organisèrent sous le commandement de Sparte (en dépit des oracles défavorables de Delphes..) La Grèce était menacée d’anéantissement et d’asservissement à ce puissant empire Asiatique centralisé. La deuxième guerre Médique commença en -480 ; Malgré l’héroïque résistance des Spartiates de Léonidas, le défilé stratégique des Thermopyles fut franchi et Xerxès, à la tête de son armée servile, envahit la Thrace, la Macédoine et l’Epire. Les Grecs qui avaient abandonné Athènes et trouvé refuge sur quelques îles remportèrent alors une victoire magistrale à Salamine, sous les ordres de Thémistocle. Cette victoire déterminante puis celle du spartiate Pausanias, l’année suivante, à Platée et d’autres encore, précipitèrent la déroute des Perses en Grèce et la libération des cités Grecques d’Asie mineure.

L’Hellade était sauvée et tous avaient conscience que seule l’alliance des cités avait permis de repousser l’envahisseur et les Grecs se reconnaissent alors dans une certaine façon de combattre : la phalange hoplitique, symbole de la cohésion de la cité, constituée de citoyens soldats combattants pour leur patrie, apparaît comme l’antithèse des armées barbares désordonnées, composées d’esclaves tributaires du tyran Perse issues des différentes peuplades soumises aux Achéménides. L’absence d’ordre, la démesure, les comportements excessifs deviennent d’ailleurs les caractéristiques des barbares. Incapables de se contrôler et de reconnaître les limites fixées à l’homme, ils perturbent l’équilibre du monde et ne peuvent que susciter la colère des dieux. Exemple de l’hubris barbare, Xerxès en personne qui ordonne d’administrer 300 coups de fouets à la mer, coupable d’avoir détruit un pont fraîchement construit, et de marquer les flots au fer rouge…Autant de comportements incompréhensibles aux yeux des Grecs.

Les contours de l’identité Grecque se sont ainsi précisés dans l’adversité et la résistance commune, et voici 25 siècles, sur ce théâtre unique, face aux barbares, des Européens se découvrirent tels. Cette lutte contre les Perses, à l’origine de cette prise de conscience identitaire, est également la source de couples symboliques qui n’ont cessé de marquer les constructions historiques et politiques à venir : Europe et Asie, civilisation et barbarie.