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12/01/2012

bas-relief

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La petite fille du soldat russe de Grossman ne reverra jamais son père. La mienne, si.

"Les troupes sont en marche. L'humeur est plus gaie. « Eh, si seulement on allait jusqu'à Kiev. » Un autre : « Eh, j'irais bien jusqu'à Berlin. » Pris sur le vif : un point d'appui défensif mis sens dessus dessous par un char. Un Roumain sur lequel et passé un char, aplati. Son visage est comme un bas-relief. A côté de lui, deux Allemands écrasés. Au même endroit, l'un des nôtres gît dans la tranchée, à demi écrasé.

Des boites de conserve, des grenades, des « citrons » (grenades à main), une couverture tachée de sang, des pages de magazines allemands. Nos soldats sont assis là, au milieu des cadavres, ils font bouillir dans un chaudron des morceaux de viande découpés sur un cheval tué et tendent vers le feu leurs mains gelées.

Sur le champ de bataille, côte à côte, un Roumain tué et un des nôtres, également mort. Le Roumain a sur lui une feuille de papier et un dessin d'enfant : un petit lapin et un bateau. Le nôtre a une lettre : « Bonjour et peut-être bonsoir. Coucou petit papa... » Et la fin de la lettre : « Revenez mon petit papa, parce que sans vous on rentre à la maison comme si c'était une autre maison. Sans vous je m'ennuie ferme. Venez, que je puisse vous voir, ne serait-ce qu'une heure. J'écris et mes larmes coulent à flots. (...) Signé : votre fille, Nina. »"

(Vassili Grossman, Carnets de guerre, Stalingrad, novembre 1942)

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Eva Joly, comme Flamby ou Talonnette 1er sont archétypaux de ces hordes de petits êtres sautillants et clignants de l'oeil dont parlait Nietzsche; et qui accompagnent toutes les époques de déreliction et de nihilisme. Ce produit fripé d'un mix d'idéaux soixante-huitards pseudo-rebelles subventionnés par Vivendi et d'un puritanisme progressiste Luthérien de mauvais aloi est en phase avec cette époque chaotique qui enjoint à chacun de déconstruire à tout va et de briser toutes les traditions, toutes les icônes, toutes les architectures de sens, bref tout ce qui tient encore debout dans le champ de ruines contemporain.

Et pour mettre quoi à la place? "Un défilé citoyen" dont j'imagine bien les cohortes de collectifs anti-discrimination, d'associations festives censées promouvoir un vivre-ensemble moribond (échasses anti-racistes et festiprides ne pouvant être considérées comme valeurs civilisationnelles -au sens Aristotélicien- qu'à la marge par les quelques derniers lecteurs de Télérama ou de Libé) sans oublier les gangs de racailles africaines friands de connards arc-en-ciel à bolosser.


Mais tous ces défilés ineptes, toutes ces postures anti-racistes, toutes ces incantations dérisoires au "vivre-ensemble", toutes ces rustines progressistes ne peuvent rien contre un monde qui se meurt car Dieu est mort et avec lui tous les mythes monothéistes sécularisés (individualisme, droits de l'homme, égalité, idée de Progrés, temps fléché, parabole du salut, royauté de l'homme sur terre, etc) qui furent recyclés par des modernes non plus au nom de la foi mais d'une raison qui n'est plus et à laquelle plus personne ne croit désormais. Tous ces crétins festifs car perdus sont des symptômes de l'effondrement contemporain non des précurseurs.

Je ne supporte plus ces marches ethniques de communautés en sécession sur notre sol pleurant des enculés multirécidivistes cocaïnomanes defunctés par bonheur. (ça donne une bonne idée du tribalisme etno-culturel de voir que des enculés pareils sont pleurés -en dépit du bon sens- par les leurs...). Ni ces politicards progressistes qui viennent s'applatir devant des familles de criminels au lieu de les bannir définitivement du territoire. Inversion du sens et mise en retrait des cultures autochtones sont partout: ce matin je lis dans Libé que le pitre Collomb se félicite de l'adoption dans les cantines scolaires de Lyon de "repas sans viandes" pour éviter de déplaire au commandements du prophète...et croire acheter la paix sociale...à pleurer. Il faut comprendre la nature exclusivement spectaculaire du cirque politique pour avoir une idée de la veulerie de ces politiciens qui viennent célébrer la "tradition" (Jeanne d'Arc ou Jaurés) ou le "socialisme" (le souvenir du cagoulard Mitterrand) alors qu'ils ne font que détailler la même world culture "libérale" babèlienne de nos amis BHL et Attali.

Hervé Juvin:

" (...) comme nous Européens, qui ne savons plus dire qui sont les nôtres et ce que nous voulons être vraiment (...)"
C'est précisément parce que les occidentaux, les européens en particulier, ne savent plus QUI ils sont, parce qu'ils vivent l'épuisement du sens de leur civilisation millénaire, que des personnages dérisoires comme Joly, Sarkosy, Hollande ou Attali peuvent surgir et occuper le devant de la scène médiatique. Mais sur quoi s'appuyer lorsque le passé est haïssable et que l'avenir est sombre?

22/10/2008

Memel

stalingrad7.jpgDans un post récent j’évoquais l’enfer du front russe et Guy Sajer. Sajer, jeune alsacien engagé à 17 ans dans la Wehrmacht va connaître toute la campagne de Russie, de Koursk à Kharkov, la bataille de Bielgorod, le passage du Dniepr, la retraite des derniers survivants de la Gross Deutschland à travers la Roumanie et les Carpates jusqu’au bord de la Baltique à Memel ou l’horreur atteint son comble.

Un récit hallucinant, une retraite homérique de jour comme de nuit, dans la boue, la neige, par -40°, sous le martèlement terrifiant de l’artillerie russe et le rouleau compresseur des vagues d’assaut inépuisables des soldats de l’armée rouge.

Il y a peu de temps j’ai relu en parallèle ce témoignage extraordinaire de Sajer et les carnets de guerre de Vassili Grossman, journaliste russe et correspondant de guerre pour Krasnaïa Zvezda (L’Étoile rouge) qui décrit la même guerre du côté soviétique, les mêmes batailles, la même souffrance, les mêmes hommes qui combattent et meurent parce que c’est la guerre et qu’ils n’ont pas le choix.

Rien de plus tragique ni de plus édifiant.

« Toujours il est en lui beaucoup de la bête, sommeillante sur les tapis confortables et bien tissés d'une civilisation lisse, dégrossie, dont les rouages s'engrènent sans heurts, drapée dans l'habitude et les formes plaisantes; mais la sinusoïde de la vie fait-elle brusquement retour à la ligne rouge du primitif, alors les masques tombent : nu comme il l'a toujours été, le voilà qui surgit, l'homme premier, l'homme des cavernes, totalement effréné dans le déchaînement des instincts. »

« L’essentiel n’est pas ce pour quoi nous nous battons, c’est la façon dont nous nous battons

(La guerre comme expérience intérieure - Ernst Jünger)

(…) Nous voici à Memel, nous les rescapés d’un moment ; Nous y sommes parvenus avec des camions tirés à bras d’hommes, avec des tanks locomotives qui tiraient derrière eux un convoi dont on les aurait crus incapables. Nous sommes parvenus au fond des choses. Tout ce qui possède encore un semblant de vie mécanique ou humaine, avance encore, oubliant ses plaies, bénissant le ciel de ce sursis de misère. Les bombardements ne ralentissent que ceux qui meurent d’une façon définitive. Les morts d’angoisse continuent à avancer, le regard flamboyant, parmi ceux qui s’écroulent et qui jalonnent la piste.

Memel vit encore sous ses flammes, sous son ciel opaque de fumée, sous ses ruines. Memel vit sous le vrillement des chasseurs bombardiers russes, sous celui de l’artillerie lourde, sous l’épouvante et la neige qui voltige.

Mais, une fois de plus, le vocabulaire est de peu d’aide pour exprimer ce que mes yeux ont pu voir. J’ai l’impression, finalement, que tout ce jeu de syllabes a été mis au point pour décrire des choses futiles. Une fois de plus, rien parmi les mots ne peut exprimer la fin de la guerre en Prusse. J’ai connu l’exode en France devant les troupes Allemandes auxquelles j’ai été incorporé ensuite, j’ai vu les mamans réclamer du lait dans des fermes paisibles, j’ai vu des chariots renversés, j’ai même été une fois mitraillé aux alentours de Montargis. Mais je ne garde de ceci qu’une toute petite inquiétude assez grisante, un peu comme d’un voyage qui n’a pas été tout seul. Et puis il faisait beau. Ici il fait froid, il neige et tout alentour est détruit. Les réfugiés meurent par milliers sans que quiconque puisse leur venir en aide. Les Russes, lorsqu’ils ne sont pas occupés par un contact avec nos troupes, poussent devant eux une marée de civils. Ils tirent au canon et foncent avec leurs chars parmi la masse épouvantée et pétrifiée. Ceux qui auront un peu d’imagination essaieront de brosser un tableau de ce que je tente d’expliquer. Jamais cruauté ne fut si pleinement atteinte, jamais le terme horreur ne parviendra à signifier ici ce qu’il veut dire.

Oui, nous sommes dans l’impasse de Memel. Dans ce demi cercle d’environ vingt kilomètres de diamètre, adossé à la Baltique dont la houle grise et froide roule sous le brouillard impénétrable. Dans ce demi cercle se rétrécissant sans cesse, qui tiendra on ne sait par quel miracle une grande partie de l’hiver. Dans ce demi cercle, harcelé par les bombardements continus et par les attaques permanentes venant des lignes Russes qui grossissent progressivement au fur et à mesure que les nôtres diminuent. Parmi des milliers et des milliers de réfugiés, dont la désolation ne pourrait être mentionnée par aucun commentaire suffisant, et qui attendent d’être évacués par la voie des mers avant que les troupes ne le soient vers la mi-décembre.

Memel en ruine ne peut ni abriter ni contenir cette importante partie de la population Prussienne qui s’est réfugiée dans son enceinte. Cette population à laquelle nous ne pouvons apporter que des secours virtuels, paralyse nos mouvements, endigue notre système de défense déjà si précaire. Dans le demi cercle de défense, vibrant du tonnerre des explosions qui couvrent les cris de toutes sortes, troupes anciennement d’élites, unités du Volkssturm, mutilés réengagés dans les services d’organisation de défense, , femmes, enfants, nourrissons et malades sont crucifiés sur la terre qui gèle, sous un toit de brouillard qu’illuminent les lueurs des incendies, sous le blizzard qui frôle d’une caresse froide l’avant dernier acte de la guerre. Les rations de nourriture sont si maigres que ce qui est occasionnellement distribué en une journée pour cinq personnes ne suffirait plus aujourd’hui à la collation d’un écolier. Des appels à l’ordre et aux restrictions sont sans cesse diffusés à travers la brume qui masque en partie le drame. De nuit comme de jour, des embarcations de toutes sortes quittent Memel avec un chargement maximum de monde. De nuit et surtout de jour, l’aviation soviétique les harcèle. Les énormes files de réfugiés, que l’on essaie vainement de recenser et qui s’avancent vers les pontons d’embarquement, offrent des cibles immanquables aux pilotes moujiks. Les impacts ouvrent des espaces épouvantables parmi la foule hurlante qui plie et meurt sous les coups, mais demeure sur place avec l’espoir féroce d’embarquer prochainement. On encourage à la patience, on invoque une fois encore le problème des super restrictions. En fait on propose à ces gens martyrisée de jeûner, en attendant la délivrance. Le drame est si grand que l’héroïsme devient banalité. Des vieillards se suicident, des femmes également, des mères de famille abandonnent leurs enfants à une autre mère en la priant de faire bénéficier son enfant de la ration qui lui aurait été accordée. Une arme ramassée prés d’un soldat tué fera l’affaire. L’héroïsme se mêle au désespoir. On encourage les gens en leur parlant de demain, mais ici tout perd de son importance.

Et les martyres assistent bien souvent au suicide de leurs semblables sans presque intervenir. Certains, dans un accès de démence qui atteint je ne sais quel stade, vont se tuer sur les silos de morts qu’une aide civile regroupe par endroits. Peut-être pour faciliter la tâche de cette entraide. La capitulation, quelle qu’elle soit, mettrait un terme à cette effroyable panique. Mais le russe a inspiré une telle terreur, manifesté une telle cruauté que l’idée n’effleure plus personne. Il faut tenir, tenir, coûte que coûte, puisque nous serons finalement évacués par la mer. Il faut tenir ou mourir. (…)

Le soldat oublié, Guy Sajer.