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31/05/2007

Que faut-il dire aux hommes?

« On ne peut plus vivre sans poésie, couleur, amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVème siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot et de la propagande. » Saint-Exupéry.

Commentaires

"Je suis un homme moyen resté libre, je suis un homme moyen auquel la propagande n'a pas encore appris à sauter dans tous les cerceaux qu'on lui présente...Je suis un homme debout!"

Georges Bernanos

Écrit par : Pentagramme | 01/06/2007

Bernanos parlait aussi de robots..

Écrit par : hoplite | 02/06/2007

"on mesure la pente descendue"... mais quand je lis tous ces blogs qui partagent les mêmes opinions, je commence à croire qu'on peut encore la remonter... il va falloir inventer quelque chose.

Écrit par : Raph | 02/06/2007

l'espoir est permis, effectivement, raph

Écrit par : hoplite | 02/06/2007

Inventer quelque chose ? Je pense que l'espoir n'a plus aucun sens, et qu'il est même contre-productif (mais cela tient peut-être, en partie, à ma structure psychologique). N'espérons rien, vivons; la résistance s'impose parce qu'elle est un besoin vital.

Que l'on regarde d'abord, la situation de notre peuple, du substrat en somme - il n'y a plus rien d'un terreau, et ce sont des pousses étrangères et sauvages qui y poussent à présent.
Que l'on songe ensuite à l'incohérence du "milieu", ou du moins de notre blogosphère. Je doute malheureusement que, derrière des dégoûts et des enthousiasmes communs (encore que l'on ne les creuse pas), il puisse être trouvé une véritable cohérence. Et cette incohérence est d'autant plus forte qu'il faut prendre en compte les personnalités.
Comment, ensuite, changer quoique ce soit ? Par une révolution conservatrice, bien entendu. Mais comment, pratiquement ? La solution ne peut réjouir personne. Ce qu'écrivait Dominique Venner sous le titre de "Pour une critique positive" ne semble plus possible aujourd'hui, du moins plus directement.
Sans doute, la voie d'un communautarisme d'orientation souple, disons d'abord une ligne identitaire européenne, pratiquant une sorte d'indépendantisme de l'esprit, puis du corps; au sein de cette communauté, des voies pourraient apparaître, mais guère avant.
Faire sécession, cesser de se considérer comme concernés par les évolutions du pays (comme si nous en étions, nous aussi, les citoyens !). Ensuite nous verrons...

Mais je ne veux pas apparaître pour un Cassandre - je ne crois pas l'être, bien qu'étant enclin à un certain "Kultur Pessimismus".
Votre citation me penser à une phrase de Christopher Gérard qui y répond, et qui y répond positivement: "Le monde n'est pas plus désenchanté qu'il y a 1000 ou 2000 ans, c'est notre regard qui l'est." A défaut d'être exacte dans la forme, c'est du moins l'esprit. Réenchanter son regard, parvenir de nouveau à discerner l'immuable, le sacré, c'est un beau programme pour une jeunesse; loin du bougisme le sens de la contemplation - du regard actif !

Écrit par : Metanoïa | 02/06/2007

" Il m’apparut qu’ils se trompaient sur le respect. Car je me suis moi-même exclusivement préoccupé des droits de Dieu à travers l’homme. Et certes le mendiant lui-même, sans m’exagérer son importance, je l’ai toujours conçu comme un ambassadeur de Dieu.
Mais les droits du mendiant et de l’ulcère du mendiant et de sa laideur honorés pour eux-mêmes comme idoles, je ne les ai pas reconnus.
Qu’ai-je côtoyé de plus repoussant que ce quartier de ville bâtit au flanc d’une colline et qui coulait comme un égout jusqu’à la mer ? Les corridors qui débouchaient sur les ruelles versaient par bouffées molles une haleine empestée. La racaille n’émergeait de ses profondeurs spongieuses que pour s’injurier d’une voix usée et sans colère véritable, à la façon des bulles molles qui éclatent, régulières, à la surface des marais.
J’y ai vu ce lépreux, riant grassement et s’épongeant l’œil d’un linge sordide. Il était avant tout vulgaire et se plaisantait soi-même par bassesse.
Mon père décida l’incendie. Et cette tourbe qui tenait à ses bouges moisis commença de fermenter réclamant au nom de ses droits. Le droit à la lèpre dans la moisissure.
« Ceci est naturel, me dit mon père, car la justice selon eux c’est de perpétuer ce qui est. »
Et ils criaient dans leur droit à la pourriture. Car, fondés par la pourriture, ils étaient pour la pourriture.
« Et si tu laisses se multiplier les cafards, me dit mon père, alors naissent les droits des cafards. Lesquels sont évidents. Et il naîtra des chantres pour te les célébrer. Et ils te chanteront combien grand est le pathétique des cafards menacés de disparition.
« Être juste…, me dit mon père, il faut choisir. Juste pour l’archange ou juste pour l’homme ? Juste pour la plaie ou pour la chair saine ? Pourquoi l’écouterai-je, celui-là qui vient me parler au nom de sa pestilence ?
« Mais je le soignerai à cause de Dieu. Car il est aussi demeure de Dieu. Mais non point selon son désir qui n'est que désir exprimé par l’ulcère.
« Quand je l’aurai nettoyé et lavé et enseigné, alors son désir sera autre et il se reniera lui-même tel qu’il était. Et pourquoi, aurai-je, moi, servi d’allié à celui-là qui l’aura lui-même renié ?
Pourquoi l’aurai-je, selon le désir du lépreux vulgaire, empêché de naître et d’embellir ?
« Pourquoi prendrai-je le parti de ce qui est contre ce qui sera. De ce qui végète contre ce qui demeure en puissance ? »

« La justice selon moi, me dit mon père, est d’honorer le dépositaire à cause du dépôt. Autant que je m’honore moi-même. Car il reflète la même lumière. Aussi peu visible qu’elle soit en lui. La justice est de le considérer comme véhicule et comme chemin. Ma charité c’est de l’accoucher de lui-même.
« Mais dans cet égout qui plonge vers la mer je m’attriste devant cette pourriture. Dieu s’y trouve déjà tellement gâté… J’attends d’eux le signe qui me montrera l’homme et ne le reçoit point.
– Cependant, j’ai vu tel ou tel, dis-je à mon père, partager son pain et aider plus pourri que lui à décharger son sac, ou prendre en pitié tel enfant malade…
– Ils mettent tout en commun, répondit mon père, et de cette bouillie font leur charité. Ce qu’ils appellent charité. Ils partagent. Mais dans ce pacte, que savent faire aussi les chacals autour d’une charogne, ils veulent célébrer un grand sentiment. Ils veulent nous faire croire qu’il est là un don ! Mais la valeur du don dépend de celui à qui on l’adresse. Et ici au plus bas. Comme l’alcool à l’ivrogne qui boit. Ainsi le don est maladie. Mais si moi c’est la santé que je donne, je taille alors dans cette chair… et elle me hait.
« Ils en arrivent, me dit encore mon père, dans leur charité, à préférer la pourriture… Mais si moi je préfère la santé ?
« Quand on te sauvera la vie, me dit encore mon père, ne remercie jamais. N’exagère point ta reconnaissance, c’est qu’il est bas, car que croit-il ? T’avoir servi ? Alors que c’est Dieu qu’il a servi en te gardant si tu vaux quelque chose. Et toi, si tu exprimes trop fort ta reconnaissance, c’est que tu manques à la fois et de modestie et d’orgueil. Car l’important qu’il a sauvé, ce n’est point ton petit hasard personnel, mais l’œuvre à laquelle tu collabores et qui s’appuie aussi sur toi. Et comme il est soumis à la même œuvre, tu n’as point à le remercier. Il est remercié par son propre travail de t’avoir sauvé. C’est là sa collaboration à l’œuvre.
« Tu manques aussi d’orgueil de te soumettre à ses émotions les plus vulgaires. Et à le flatter dans sa petitesse en faisant de toi son esclave. Car s’il était noble, il refuserait ta reconnaissance.
« Je ne vois rien qui m’intéresse, disait mon père, qu’admirable collaboration de l’un à travers l’autre. Je me sers de toi ou de la pierre. Mais qui est reconnaissant à la pierre d’avoir servi d’assise au temple ?
« Mais eux ne collaborent point vers autre chose qu’eux-mêmes. Et cet égout qui plonge vers la mer n’est point nourricier de cantiques ni source de statue de marbre, ni caserne pour les conquêtes. Il ne s’agit pour eux que de pactiser le mieux possible pour l’usage des provisions. Mais ne t’y trompe point. Les provisions sont nécessaires mais plus dangereuses que la famine.
« Ils ont tout divisé en deux temps, lesquels n’ont point de signification : la conquête et la jouissance. As-tu vu l’arbre grandir, puis, une fois grandi, se prévaloir d’être arbre ? L’arbre grandit tout simplement. Je te le dis : ceux-là qui ayant conquis se font sédentaires sont déjà morts… »

La charité selon le sens de mon empire c’est la collaboration.

Le chirurgien, j’ordonne qu’il s’épuise dans la traversée d’un désert s’il peut à celui-là refaire son instrument. Et cela même s’il s’agit de quelques vulgaires casseurs de pierre mais qui a besoin de ses muscles pour casser ses pierres. Et cela même si le chirurgien est de haute valeur. Car il ne s’agit point d’honorer la médiocrité mais de réparer le véhicule. Et ils ont tous deux le même conducteur. Ainsi de cela qui protège et aide les femmes enceintes. C’était d’abord à cause du fils qu’elles servaient de leurs vomissements et de leurs douleurs. Et la femme n’avait point à remercier, sinon au nom de son fils. Mais voici qu’aujourd’hui elle réclame l’aide au nom de ses vomissements et de ses douleurs. Alors s’ils n’étaient qu’elles, je les supprimerais, car leurs vomissements sont laids. Car il n’est d’important en elles que ceux qui se servent d’elles et elles n’ont point qualité pour remercier. Car qui les aide et elles-mêmes ne sont que serviteurs de la naissance et les remerciements n’ont point de signification.
Ainsi du général qui vint trouver mon père :
« Je me moque bien de toi-même ! tu n’es grand qu’à cause de l’empire que tu sers. Je te fais respecter pour, à travers toi, faire respecter l’empire. »

Mais je sentais aussi la bonté de mon père. « Quiconque, disait-il, a eu un grand rôle, quiconque a été honoré ne peut être avili. Quiconque a régné ne peut être dépossédé de son règne, tu ne peux transformer en mendiant celui-là qui donnait au mendiant, car ce que tu abîmes ici c’est quelque chose comme l’armature et la forme de ton navire. C’est pourquoi j’use de châtiments à la mesure des coupables. Ceux-là que j’ai cru devoir ennoblir, je les exécute mais ne les réduit point à l’état d’esclaves, s’ils ont failli. J’ai rencontré un jour une princesse qui était laveuse de linge. Et ses compagnes riaient d’elles : « Où est ta royauté, laveuse de linge ? tu pouvais faire tomber les têtes et voilà qu’enfin impunément nous pouvons te salir de nos injures… ce n’est que justice ! » Car la justice selon elles était compensation.
« Et la laveuse de linge se taisait. Peut-être humiliée pour elle-même mais surtout pour plus grand qu’elle-même. Et la princesse s’inclinait toute raide et blanche sur son lavoir. Et ses compagnes impunément la poussaient du coude. Rien d’elle n’invitant la verve car elle était belle de visage, réservée de gestes et silencieuse, je compris que ses compagnes raillaient non la femme mais sa déchéance. Car celui-là que tu as envié, s’il tombe sous tes griffes, tu le dévores. Je la fis donc comparaître :
« Je ne sais rien de toi sinon que tu as régné. À dater de ce jour tu auras droit de vie et de mort sur tes compagnes de lavoir. Je te réinstalle dans ton règne. Va. »
« Et quand elle eu repris sa place au-dessus de la tourbe vulgaire elle dédaigna justement de se souvenir des outrages. Et celles-là même du lavoir, n’ayant plus à nourrir leurs mouvements intérieurs de sa déchéance, les nourrir de sa noblesse, la vénérèrent. Elles organisèrent de grandes fêtes pour célébrer son retour à la royauté et se prosternaient à son passage, ennoblies elles-mêmes de l’avoir autrefois touchée du doigt. »

« C’est pourquoi, me disait mon père, je ne soumettrai point les princes aux injures de la populace ni à la grossièreté des geôliers. Mais je leur ferai trancher la tête dans un grand cirque de clairons d’or. »

« Quiconque abaisse, disait mon père, c’est qu’il est bas. »

« Jamais un chef, disait mon père, ne sera jugé par ses subalternes. » "

Citadelle, VIII

Antoine de Saint-Exupéry

Écrit par : Nebo | 25/10/2008

remarquable, nebo
merci

Écrit par : hoplite | 25/10/2008

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