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02/11/2008

Même pas mal

Ca s’est passé comme ça. L’autre soir, soirée binouze au pub irlandais du coin avec quelques potes boxeurs qui s’entraînent avec moi, et quelques filles jeunes et belles. Mais connes. Douzième pinte de guiness, l’or noir Irlandais, la conversation dérape, j’essaye de me rappeler sur quoi, pas moyen. Et la cette jolie brune qui me regarde en cherchant mon approbation, qu’elle attend toujours : « on est tous citoyens du monde, non ? »

gone-to-the-pub_guiness.jpgMe rappelle de cet éclair de lucidité qui traversa mon cerveau noyé et ce dilemme terrible : rassembler mon éloquence en fuite et lui démontrer que non ou lui dire « ta gueule ». Ce fut « ta gueule ». Je crois que je pouvais pas faire mieux à ce moment là. C’est d’ailleurs un peu une de mes spécialités, l’outrance, foutre la merde, dynamiter une ambiance trop lisse. Me dessaper, draguer outrageusement une femme mariée avec son mec à côté…bref un salaud. Je repense à l’instant à la soirée d’Helena. Merde trop tard. Zu spät, fraulein !

Les citoyens du monde ça n’existe pas, bordel ! Que les choses soient claires, une fois pour toutes ! Pas plus qu’un changement avec Obama ou qu’une pensée un peu complexe dans la tête de Sarah Palin. Comme si le monde était une réunion de citoyens, c'est-à-dire une entité politique ce qu’il n’est pas, à l’évidence.

Cette idée de citoyenneté planétaire, très répandue dans le camp progressiste est éminemment intéressante car elle illustre cette idéologie du Même, si bien théorisée par Julien Freund. L’idéologie du Même, c’est le vieux rêve d’unification du monde, d’homogénéisation des peuples et des hommes, d’abolition des frontières, des différences, des couleurs de peau, des disparités, des inégalités, jugées arbitraires et insupportables. Un monde indifférencié.

C’est la doctrine chrétienne universaliste, sécularisée par nos modernes, et dont on peut suivre la trace : 1789, l’abolition des corps intermédiaires et des privilèges, un état nation qui ne reconnaît plus que des citoyens égaux devant la loi, la colonisation (émanciper des peuples « retardataires » pour en faire nos égaux), les doctrines égalitaristes totalitaires (un peuple communiant dans le culte du chef), enfin l’unification de tous et de tout par le marché globalisé.

Mais, paradoxalement, cette idéologie du Même (un homme devant Dieu, un citoyen devant l’Etat) qui est indissociable de l’individualisme libéral, produit la division en valorisant l’individu –atome- versus l’humanité, détruisant tous les corps intermédiaires et tous les formes de socialisation et d’enracinement des hommes (famille, armée, école, églises, corporations, syndicats, etc.). L’effondrement de ces structures communautaires produisant –en retour- la montée de l’état providence obligé de pallier les anciennes formes de solidarité mises à bas par l’individu roi, mais seul et désarmé.

Cette idéologie pseudo fraternelle a un revers, une dimension totalitaire car elle ne peut qu’exiger radicalement l’exclusion de tout ce qui ne peut pas être réduit au Même. L’altérité irréductible devient l’ennemi prioritaire (les Vendéens des révolutionnaires, les blancs pour les rouges, les bourgeois oppresseurs pour le prolétariat opprimé, le non musulman pour le musulman, etc.). Il y a donc des hommes qui sont exclus de ce cercle vertueux d’égaux. Il en est de même pour les idées ; si tous les hommes se valent, toutes les idées se valent également en théorie, ressort du relativisme ambiant. Or chacun sait que toutes les idées n’ont pas droit de cité dans nos contrées progressistes : toutes les idées non réductibles au même sont impitoyablement combattues au nom du Bien et de la Vertu versus l’hydre nationaliste, fasciste ou populiste, sans cesse renaissante (et qui évoque les heures sombres de notre histoire...). Toutes les idées ne se valent donc pas. Et c’est heureux.

Il y a une contradiction aussi entre cette idéologie du Même et cette amour de la diversité et du droit des peuples a disposer d’eux-mêmes que célèbrent en tous lieux nos élites…Car manifestement la diversité si célébrée par nos modernes ne doit pas sortir de certaines limites précises : la différence est respectée si ces peuples utilisent ce droit dans le sens de cet idéal unificateur ; imaginons une communauté primitive fondée sur l’homogénéité ethnique et ou raciale et confrontée au jugement de nos modernes...facile d’imaginer leur réaction et leur grande tolérance!

Contradiction également avec ce culte ahurissant -cette propagande devrais-je dire- du métissage célébré par notre cléricature moderne et mondialisée : comment peut-on à la fois célébrer le métissage et l’amour de la diversité qui en est la négation ? Comment peut-on matraquer à ce point les hommes et les peuples (européens en particulier) pour les amener au métissage (des êtres et des cultures) tout en prônant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Inukshuk, qu'est-ce que je viens de dire? Tu suis pas, merde!

Au fond, c’est la hantise de l’incompréhension et de l’affrontement qui sous tendent cette idéologie du Même. Sous entendu, si les hommes se ressemblent tous, ils se comprendront mieux et la paix régnera…Amen.

A cette bouillie idéologique irénique et totalitaire, on peut opposer -comme le fait Alain de Benoist- la réflexion de rené Girard sur la violence de la rivalité mimétique, constante dans toutes les sociétés humaines et le fait que les hommes craignent plus le même que la différence, car le même est polémogène en soi. Alors que la diversité est fondamentale dans la construction d’une identité (soi versus l’autre). Ceux qui conçoivent l’identité comme un enfermement ont tort, car c’est le Même qui enferme le plus sûrement et qui conduit à la plus grande violence, contrairement au rêve rose de nos modernes.

Pour ADB encore, cette culture du Même, cette idéologie globalitaire, qui se confond avec la modernité, se résume en occident à l’éradication des modes de vie différenciés et ailleurs par l’imposition du modèle de développement productiviste/ consumériste occidental. L’imposition d’un horizon économique unique (monothéisme du marché) et moral indiscutable (droits de l’homme).

Tout ça pour une réflexion anodine, bordel. Que les âmes sensibles se rassurent, la jolie brune écervelée est sortie contre mon épaule car ivre morte, comme il se doit. (ci dessous, un homme enthousiaste dont il faut entendre la dernière phrase: "Il est le monde!")

Commentaires

"...et quelques filles jeunes et belles. Mais connes."

Cher maître,
Laissez-moi deviner, des carabines (tous grades confondus)!

Vous faites bien de citer De Benoist, car dans le cas contraire on aurait presque pu crier au plagiat. Allez-vous embrayer sur un aussi bon billet au sujet du nominalisme, comme le défunt "Askesis" savait les faire?



"Que les âmes sensibles se rassurent, la jolie brune écervelée est sortie contre mon épaule car ivre morte, comme il se doit."

J'avoue être un petit coeur sensible, mais c'est plutôt pour vous que j'ai peur: méfiez-vous des carabines. Bon d'accord, c'est pas à un vieux singe.... mais quand-même, passé la P2, on ne sait bien souvent plus ni où, ni avec qui/quoi, ni à combien de reprises ça a.... traînéE (non, m'sieur, me tapez pas; j'arrête les jeux de mots à la noix, je ferme ma gueule et je fais l'ECG.)

Écrit par : Un Fan | 02/11/2008

"J'avoue être un petit coeur sensible" mmh, m'a pas trop l'air..

Écrit par : hoplite | 03/11/2008

Prôner le métissage universel, c'est dire n'importe quoi quand on pense également au droit à la diversité et à au droit à des peuples à disposer d'eux-mêmes (alors qu'en fait, une fois atteint l'uniformisation de tous les individus, cela rendra caduc l'affirmation des peuples: il n'y aura qu'un ensemble homogène de citoyens supposément en phase avec le "cadre" global).

Bordel, je te suis au maximum, mec!

Ta voisine de table n'a sûrement pas laissé entendre cette idéologie totalitaire dans son commentaire amical, c'est l'évidence même.

T'as quelque chose du génial Herman Hesse, hoplite. Quelle verve! Quelle pensée audacieuse et juste!

Écrit par : Inukshuk | 03/11/2008

hop, hop, hop, merci gars
mais je ne suis que le produit de mes lectures. en l'occurrence en ce moment, l'oeuvre si féconde d'alain de benoist, Lasch, Miller et Orwell.

je crois bien qu'il y a une sorte de totalitarisme rampant dans cette façon de faire converger toute pensée et toute action étatique dans ce culte délirant du métissage et d'un monde indifférencié. par nature contradictoire avec le respect des cultures et des peuples..


et je ne connais pas herman hesse, vieux. mais vais rattraper ce retard. promis
tcho

Écrit par : hoplite | 03/11/2008

Comment ça? Vous n'avez pas encore votre passeport citoyen mondial vous?. l'ONU ne vous a pas envoyé de recommandé?

Écrit par : Major Tom | 04/11/2008

Ce qui est écrit est parfaitement juste, d'autant plus qu'y est cité celui qui a le mieux mis le doigt sur ce qui cache derrière ces mécanismes de l'Autre et du Même à savoir René Girard. Ce qui se cache derrière, c'est la violence, c'est la culture et l'histoire de l'humanité. AdB reprend le thème et il a raison, mais il ne va pas aussi loin dans l'anayse des rouages et de ce que cela sous-entend. C'est ce qui le condamne à se retrouver assis sur un plateau télé entre un Alain Krivine et un Jean Ziegler à se faire traiter de facho par ces deux fous furieux, et à encaisser mal à l'aise en tortillant du cul.

En revanche vous faites preuve de légèreté en balançant dans une même phrase que l'universalisme républicain (qui a accouché de l'idéologie du Même une fois que le dernier rempart différentialiste fut rompu à savoir la Nation) est issu du christianisme ("C’est la doctrine chrétienne universaliste, sécularisée par nos modernes, et dont on peut suivre la trace "). Je crois au contraire comme Girard que l'universalisme chrétien est le seul universalisme qui arrive à conjuguer aussi respect de l'identité et de l'individualité. Grâce au Christ. C'est compliqué de se pencher sur ce problème-là, mais c'est largement à votre portée. Car tout tribalisme (qu'il soit ethnique, nationaliste) est aussi une fusion d'une communauté dans le Même, qui va inévitablement entrer en conflit désintégrateur avec la tribu d'à côté.

Écrit par : aquinus | 04/11/2008

C'est à ta portée quand même! Hoplite un effort!
Aquinus, premier point: la "Nation" (pourquoi une majuscule?) n'est, en France, en rien un frein à l'universalisme. Puisque théorisée puis construite par le jacobinisme qui n'est pas précisément différentialiste. C'est sur les ruines fumantes des petites patries que la Grande Nation (deux majuscules)a été bâtie. A grand coup de règles sur les doigts...

Et puis Aquinus pourquoi t'échines tu à inventer ce qui ne peut être? L'universalisme chrétien qui serait, grâce au Christ, différentialiste?! ca ne tient pas debout! Pourquoi les chrétiens ne nous louent pas plutôt le christianisme pour ce qu'il a de fécond? Tout ce qui peut rendre la vie d'un authentique chrétien belle et bonne? Pourquoi veulent-ils absolument que le christianisme soit le nec plus ultra de la défense ethnique?!!! Le Christ n'est pas venu pour sauver la race blanche!

Écrit par : Ivane | 04/11/2008

Tant que le mythe de la Nation a tenu, c'est-à-dire une différence absolue de traitement entre les nationaux et les étrangers, personne ne peut nier que cela a fait office de différentialisme puissant entre les peuples. Il a joué en faveur de l'idéologie du Même au sein de cette Nation nous sommes d'accord, mais cette idéologie pour étendre son emprise n'avait pas d'autre choix ensuite que d'abattre la Nation qui lui avait permis de croître, afin de tenter de conquérir le monde. C'est ainsi que la gauche française a d'abord été nationaliste avant de devenir internationaliste et donc anti-nationaliste.

Le christianisme différentialiste tient debout, en ce que c'est l'individualisme qui est le plus puissant antidote à l'idéologie du Même. L'individualisme, qui est une invention complètement chrétienne.

Le christianisme n'est donc pas le "nec plus ultra de la défense des blancs", il est probablement le seul universalisme qui permette de revendiquer non seulement une identité individuelle distincte du groupe en fusion, mais encore une identité culturelle collective incarnée, celle-ci n'étant pas absolue mais relative.

Evidemment, l'autre alternative est de nier l'humanité et tout universalisme, et absolutiser le différentialisme. C'est une impasse qui est du même ordre que l'idéologie du Même, son symétrique. Levi-Strauss / Besancenot, même combat.

Écrit par : aquinus | 04/11/2008

@MT:non, mais ça viendra. suffit de voir revenir les thèmes de "gouvernance mondiale" notamment depuis la crise de la mondialisation économique. Un même syst_=ème économique, pourquoi pas une identité planétaire?

@aquinus et àivane: j'entends bien la nation comme une construction différentialiste à l'extérieur, mais -comme le dit ivane- éminement unificatrice et éradicatrice à l'intérieur.
L'effondrement du mythe national n'est-il pas lié à l'individualisme forcené de nos modernes mais aussi à celui que porte le christianisme et, en ces temps de grande sécularisation occidentale, à la reprise de la tradition chrétienne dans le discours de nos élites?
"c'est l'individualisme qui est le plus puissant antidote à l'idéologie du même": il me semble, dans ma grande inculture, qu'ADB démontre précisément le contraire: l'individu atomisé, seul, "libéré" de toute tutelle morale, religieuse, sociale ou politique, est à la merci de cette idéologie unificatrice..

Plutôt, je ne vois pas en quoi l'universalisme chrétien est un antidote contre le Même.
Et je n'ai pas assez lu Girard, c'est un fait, bordel!

Écrit par : hoplite | 04/11/2008

@AQUINUS:ou plutôt, en quoi René Girard va-t-il plus loin qu'ADB?

Écrit par : hoplite | 04/11/2008

AdB vise juste (comme d'autres dont Girard) en dénonçant l'idéologie du Même comme le moteur du mal occidental actuel. Il est différentialiste, s'asseoit sur la vocation forcément universelle de l'humanité, embraye sur l'intolérance des monothéismes (ce qui exact) et clos le chapître sans aller plus loin. Et après? ces différentialismes vont nécessairement engendrer autant de souverainismes rivaux et c'est reparti comme en 1914? non, le souverainisme est un leurre nous dit-il, l'avenir est un sublit mélangé de différences et de tolérance. Ah ben oui ça d'accord, mais comment? cette tension entre individu et totalité (que ce soit au sein d'une communauté ou entre les communautés elles-mêmes), cette tension entre souverainisme et dépendance et finalement soumission et loi du plus fort, desquelles tensions surgit immanquablement la question de la violence - il n'en pipe mot. Peut-être estime-t-il qu'il en va de la liberté humaine que de se les coltiner et de les régler, à coup de violence s'il le faut. Pourquoi pas après tout, mais cela ouvre immédiatement sur d'autres questions comme par exemple celle de la place d'une telle violence à l'heure atomique. Peut-on réellement la considérer comme créatrice de culture et d'Histoire, comme elle le fut de tout temps? Ou bien l'Histoire elle-même ne nous montre-t-elle pas au contraire que malgré les apparences, il en va tout autrement?

Girard va au coeur de ces questions, les dépasse au moyen de l'anthropologie et de l'étude des mythes et de leurs rites. Puis il débouche sur le christianisme et une pensée que l'on peut qualifier d'apocalyptique.

Enfin, l'individualisme libéré de toute tutelle n'existe plus contrairement à ce que prétend AdB. La preuve - notre époque redevient tribale et les grandes communautés fusionnelles comme l'umma ont le vent en poupe. Il n'y a d'individualisme que chrétien, et celui-ci n'est pas libéré de toute tutelle. Là est précisément la question.

Écrit par : aquinus | 04/11/2008

oui Inuk n'a pas tort , un peu de Herman Hesse ici...
moi j'avais beaucoup aimé son livre : "le loup des steppes "
un auteur qui va te plaie , je pense , hoplite !

Écrit par : helenablue | 04/11/2008

@aquinus; merci pour ces explications.
ce n'est sans doute pas un hasard si ADB ne "dépouche" pas sur le christianisme apocamyptique de Girard, ou sur le christianisme tout court..

"Il n'y a d'individualisme que chrétien, et celui-ci n'est pas libéré de toute tutelle"
soit, mais quelle influence, quel poids dans une civilisation occidentale massivement sécularisée, voire hostile au christianisme?

cela m'évoque le drenier opus d'e todd (aprés la démocratie) qui anticipe soit des guerres ethniques communautaires soit un retour de la lutte des classes pour autant que les classes moyenneqs occidentales se concoivent en tant que telle..autre débat

Écrit par : hoplite | 04/11/2008

helena, j'aprécie le compliment...mais je ne fais pas trop d'illusion sur mon écriture...
je suis étonné par la façon dont vous êtes en phase inukshuk et toi. Si si, je t'assure c'est frappant.
bonne nuit

Écrit par : hoplite | 04/11/2008

caroline's...

Écrit par : ATHENA | 05/11/2008

carolan's

Écrit par : hoplite | 05/11/2008

enjoy carolan 's ! mais pour moi ce lieu est reservé à l homme de ma vie...

Écrit par : ATHENA | 06/11/2008

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