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10/11/2008

Combat

ernst_juenger.jpg« Au combat, qui dépouille l’homme de toute convention comme des loques rapiécées d’un mendiant, la bête se fait jour, monstre mystérieux resurgi des tréfonds de l’âme. Elle jaillit en dévorant geyser de flamme, irrésistible griserie qui enivre les masses, divinité trônant au dessus des armées. Lorsque toute pensée, lorsque tout acte se ramènent à une formule, il faut que les sentiments eux-mêmes régressent et se confondent, se conforment à l’effrayante simplicité du but : anéantir l’adversaire. Il n’en sera pas autrement tant qu’il y aura des hommes.

Les formes extérieures n’entrent pas en ligne de compte. Qu’à l’instant de s’affronter on déploie les griffes et montre les dents, qu’on brandisse des haches grossièrement taillées, qu’on bande des arcs de bois, ou qu’une technique subtile élève la destruction à la hauteur d’un art suprême, toujours arrive l’instant où l’on voit flamboyer, au blanc des yeux de l’adversaire, la rouge ivresse du sang. Toujours la charge haletante, l’approche ultime et désespérée suscite la même somme d’émotions, que le poing brandisse la massue taillée dans le bois où la grenade chargée d’explosif. Et toujours, dans l’arène où l’humanité porte sa cause afin de trancher dans le sang, qu’elle soit étroit défilé entre deux petits peuples montagnards, qu’elle soit le vaste front incurvé des batailles modernes, toute l’atrocité, tous les raffinements accumulés d’épouvante ne peuvent égaler l’horreur dont l’homme est submergé par l’apparition, l’espace de quelques secondes, de sa propre image surgie devant lui, tous les feux de la préhistoire sur son visage grimaçant. Car toute technique n’est que machine, que hasard, le projectile est aveugle et sans volonté ; l’homme, lui, c’est la volonté de tuer qui le pousse à travers les orages d’explosifs, de fer et d’acier, et lorsque deux hommes s’écrasent l’un sur l’autre dans le vertige de la lutte, c’est la collision de deux êtres dont un seul restera debout.

Car ces deux êtres se sont placés l’un l’autre dans une relation première, celle de la lutte pour l’existence dans toute sa nudité. Dans cette lutte, le plus faible va mordre la poussière, tandis que le vainqueur, l’arme raffermie dans ses poings, passe sur le corps qu’il vient d’abattre pour foncer plus avant dans la vie, plus avant dans la lutte. Et la clameur qu’un tel choc mêle à celle de l’ennemi est cri arraché à des cœurs qui voient luire devant eux les confins de l’éternité ; un cri depuis bien longtemps oublié dans le cours paisible de la culture, un cri fait de réminiscence, d’épouvante et de soif de sang. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure. 1922.

Paths of glory, 1957, S Kubrick.

Je vous entends dèjà: "oui, hoplite a un coeur de midinette, il nous refourgue toujours la scène finale des Sentiers de la gloire ou die schöne mädchen fait chialer les poilus, ça suffit, salaud, avoue!..."

Précisément, cette scène est bouleversante car comme au combat décrit par Jünger, les masques tombent. Ces hommes endurcis, aguerris, qui ont vu l'horreur de prés et qui n'en reviendront pas indemnes -ou pas du tout, se mettent à chialer comme des gamins. L'humanité de ces soldats "aux yeux que mille terreurs avaient fait de pierre, sous le casque d'acier", recluse au fond d'eux-mêmes, explose et déborde sans pudeur.

L'humanité aussi des trois soldats innocents condamnés à mort pour l'exemple par une hiérarchie militaire bornée et implacable, malgré la défense extraordinaire du colonel/ avocat Dax, qui ne manque pas pour autant de nous montrer son torse nu et son brushing inaltérable.

Le contraste entre la description clinique de l'horreur -absolue- du combat (relire Orages d'aciers de Jünger et A l'ouest rien de nouveau de Remarque), la mise à nu de l'instinct de mort présent en chaque homme, la mécanique atroce qui condamne à mort des hommes en pleine boucherie et cette jeune fille apeurée et émouvante est extraordinairement beau.


"Je ne sais pas qui va gagner la guerre, mais quelle que soit sa fin, ce sera celle des Rauffenstein et des Boeldieu"

La grande illusion, 1937, Jean Renoir.

Commentaires

Cher hoplite,

"L'humanité de ces soldats "aux yeux que mille terreurs avaient fait de pierre, sous le casque d'acier", recluse au fond d'eux-mêmes, explose et déborde sans pudeur."

Est-ce l'humanité de ces soldats qui surgissent à la surface ou plutôt le primitif besoin de survivre dans des conditions inhumaines?

Je crois deviner ce qui te préoccupe, hoplite. Tu veux trouver l'essence profonde de l'Homme qui se cache derrière de multiples couches de civilisation, sauf que dans le combat sanglant, on retrouve le noeud archaïque de l'Homme avant même qu'il reçoive une âme.

L'âme de l'Homme est quelque part entre sa naissance et l'apprentissage des règles de la civilisation, là où son esprit sorti des limbes commence à se frotter à la réalité. C'est là que l'Homme véritable se révèle dans sa nudité. Et cet Homme véritable, c'est l'enfant plein de naïveté qui, malheureusement, la perdra tranquillement quand on lui demandera de devenir un homme avec un "h" minuscule.

Bonne journée, hoplite,

de votre dévoué et ami Inukshuk. ;)

Écrit par : Inukshuk | 11/11/2008

Un commentaire d'autant plus d'appoint que le 11 novembre est le jour du Souvenir au Canada (en hommage aux hommes tombés pendant la Première Guerre mondiale).

Écrit par : Inukshuk | 11/11/2008

inuk, je crois que junger explique trés bien le côté primitif de tout homme qui se dévoile au combat, cette lutte archaïque pour la vie. pour autant, les mêmes hommes qui se sont battus comme des bètes la veille sont capables de pleurer devant une gamine le lendemain, faisant preuve d'humanité.
la complexité de la nature humaine

le retour à l'animalité ou non ne dépend pas du degré de civilisation mais des circonstances..on est d'accord là dessus
tcho

Écrit par : hoplite | 11/11/2008

je trouve cette note émouvante de justesse ...
jamais je ne dirais de toi que tu as un coeur de midinette , ce serait plus que déplacé , tu as un coeur ...
et de plus t'en sers trés bien , vraiment , je rentres de Londres , là , je viens voir mes amis , et je suis vraiment trés émue par mon passage ici.
merci Hoplite;

amitiés
helena

Écrit par : helenablue | 11/11/2008

danke sehr, scchöne madchen. (j'ai bon, dom?)

Écrit par : hoplite | 12/11/2008

Heu... cher mâitre: "schöneS Mädchen". C'est du neutre.

Écrit par : Un Fan | 12/11/2008

@fan, décidément..

Écrit par : hoplite | 12/11/2008

Arghhh, Hoplite, Sie Sind Hilfloss ! (Si ellipse de l'article, le genre se retrouve sur l'adjectif) ; demandez à votre fan la prochaine fois.

Écrit par : dom | 12/11/2008

himmel gott!

Écrit par : hoplite | 13/11/2008

"Les formes extérieures n’entrent pas en ligne de compte. Qu’à l’instant de s’affronter on déploie les griffes et montre les dents, qu’on brandisse des haches grossièrement taillées, qu’on bande des arcs de bois, ou qu’une technique subtile élève la destruction à la hauteur d’un art suprême"

Venant d'Ernst Jünger, ce passage m'a surpris, surtout compte tenu de sa "Mobilisation totale" de 1930 dans laquelle il analysera avec sans doute plus de recul le caractère unique de cette guerre. Or ici, de par son indifférence portée à la technicisation avancée du fait militaire, il semble affirmer l'équivalence de ce conflit avec tous les précédents qui ont parsemé l'histoire de l'humanité.

Et pourtant, dans le reste de l'extrait, en mettant l'accent sur la seule volonté d'anéantir l'ennemi, il touche de près le caractère intrinsèque de la 1ère Guerre Mondiale où pour la première fois des millions d'hommes surarmés face à face, enterrés vivants, ont pour seule mission de s'entre-tuer, de loin ou de près, sans l'espoir d'un coup décisif, sans calendrier de victoire, à travers l'industrie du massacre routinier et de la sortie inutile de tranchée à tranchée.
C'est précisément le caractère total de cette guerre qui lui a enlevé ce qu'elle pouvait mobiliser d'intelligence, de vertu et de prévoyance. Je crois que la meilleure observation d'un tel type de conflit a été donnée par Benjamin Constant, à son époque au sujet des guerres napoléoniennes mais qui trouve un meilleur champ d'explication avec la 1ère Guerre Mondiale. Pour Constant, dans la mesure où "la situation des peuples modernes les empêche d'être belliqueux par caractère", la guerre, lorsqu'elle a lieu a changé de nature :

"La nouvelle manière de combattre, le changement des armes, l'artillerie ont dépouillé la vie militaire de ce qu'elle avait de plus attrayant. Il n'y a plus de lutte contre le péril ; il n'y a que de la fatalité. Le courage doit s'empreindre de résignation ou se composer d'insouciance. On ne goûte plus cette jouissance de volonté, d'action, de développement des forces physiques et des facultés morales, qui faisait aimer aux héros anciens, aux chevaliers du Moyen-Âge, les combats corps à corps."

"De l'esprit de conquête et de l'usurpation", 1814.

C'est précisément ce qu'a été la Grande Guerre, même si d'après le témoignage de Jünger, elle laissa subsister une part de courage et d'excitation lors des moments fatidiques, elle fut avant tout le règne de la fatalité et de la résignation, l'homme devant l'esclave de la technique et de la propagande d'Etat : double anéantissement du corps et de l'esprit.

Écrit par : Wilfried | 14/11/2008

Helena vous nous fatiguez avec vos mievreries et vos plagiats de basse classe! haha le masque tombe!
vous souillez le territoire erudit d HOPLITE ,contentez vous de faire paraitre des photos de baobabs!
cf com des correspondances un merveilleux copié/colé quelle honte

Écrit par : ATHENA | 14/11/2008

@wilfried, merci pour ce commentaire érudit. et vous avez raison sur plusieurs points. les guerres modernes ne ressemblent en rien aux guerres antérieures par la façon de la pratiquer, les techniques, l'industrialisation de la mort,l'esprit, la disparition quasi complète des possibilités de s'affirmer comme guerrier. reste le fatalisme et la résignation. c'est vrai.
mais pour autant, cela laisse la possibilité à certains hommes, peu sans doute, de se découvrir empreint de ces valeurs de tous temps qui font le guerrier. Junger pointe ainsi, vous l'aurez remarqué, la nature violente et belliciste profonde de tout homme confronté à la perspective de mourir. Et nul doute que ce ressort de violence animale existe toujours au fond de l'homme d'aujourd'hui, quel que soit le degré de civilisation, guerre moderne ou pas. au dela du combat à distance favorisé par la technique, le combat au corps à corps qu'a connu Junger dans les bataillons de choc, illustre bien cette confrontation ultime, animale, pour la vie. dont sans doute peu d'hommes sont capables.
à bientôt

@ATHENA, mais vous êtes ivre?

Écrit par : hoplite | 14/11/2008

mr inukshuk
"l'essence profonde de l'Homme qui se cache derrière de multiples couches de civilisation, sauf que dans le combat sanglant, on retrouve le noeud archaïque de l'Homme avant même qu'il reçoive une âme".
moi j'ai plutot l'impression que les lezards et autres reptiles fuient au moindre bruit, et si les spartiates n'abandonnaient jammais leurs morts et preferaient mourir ensemble, c'est bien le sur moi mythique et civilisationnel qui agissait. A debattre..pourriez vous develloper votre propos?

Ps: Hoplite, avec toutes ces gazières qui apparaissent sur votre cite, vous allez bientot mettre des photos des dieux du stades, et parler chiffon? et cela pour conserver l'attention de ces putains de menagère de moins de 50 ans, qui, meme erudites, ne peuvent pas s'eloigner du sterreotype. reprenez vous..
Deux cueillierée a soupe de nutella devant titanic

Écrit par : syd | 14/11/2008

syd vous êtes saisissant de bêtise et pour ce qui est de stéréotype votre p.s est en plein dedans!!!Pauvre homme

je déteste titanic et autre débilité sucrée
je vous laisse a votre frustation latente

Écrit par : ATHENA | 14/11/2008

et avant de parler stéréotype SYD vérifiez votre orthographe dans le dictionnaire qui est à coté de vous, au milieu de vos encyclopedies où vous compulsez vos info.
Grotesque

Écrit par : ATHENA | 14/11/2008

menagéres de moins de cinquante ans, erudites, psycologues et perspicasses a ce que je vois, j'essaie juste de lancer Hoplite dans une diatribe sur les femmes et leur rapport moteur à la société de consommation, ou du meilleurs des monde, un monde feminisé. je ne suis pas nominatif.
et querélleuses..
PS: Mesdames mes commentaires sont souvent saugrenus, faut il s'en affliger et paraitre blesser?, ou simplement en rire et le tableau pitoyable n'en ressort que plus?.
kenavo

Écrit par : syd | 15/11/2008

non, syd, le saugrenu est le bienvenu ici
quant au primat des valeurs féminines qui accompagne le monde post moderne -ou qui en est l'émanation- il faut qu'on en cause un jour
tcho

Écrit par : hoplite | 15/11/2008

j'allais retourner au Bled,* mais puisque je peux rester!.

*livre d'orthographe

Écrit par : syd | 15/11/2008

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