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19/11/2008

Livre

 

20071213153028_livre.jpg« La rencontre avec le livre, comme avec l’homme ou la femme, qui va changer notre vie, souvent dans un instant de reconnaissance qui s’ignore, peut être pur hasard. Le texte qui nous convertira à une foi, nous ralliera à une idéologie, donnera à notre existence une fin et un critère, pouvait nous attendre au rayon des occasions, des livres défraîchis ou des soldes. Il peut se trouver, poussiéreux et oublié, sur un rayon juste à côté du volume que nous cherchons. L’étrange sonorité du mot imprimé sur la couverture usée peut arrêter notre œil : Zarathoustra, West-Ostlicher Divan, Moby Dick, Horcynus Orca. Tant qu’un texte survit, quelque part sur cette terre, fût-ce dans un silence que rien ne vient briser, il est toujours susceptible de ressusciter. Walter Benjamin l’enseignait, Borges en a fait la mythologie : un livre authentique n’est jamais impatient. Il peut attendre des siècles pour réveiller un écho vivifiant. Il peut être en vente à moitié prix dans une gare, comme l’était le premier Celan que je découvris par hasard et ouvris. Depuis ce moment fortuit, ma vie en a été transformée, et j’ai taché d’apprendre « une langue au nord du futur. »

George Steiner, Ceux qui brûlent des livres. 2003.

Commentaires

Ah Steiner... Chaque fois que quelqu'un l'évoque je me sens moins seul.

(Vous m'excuserez pour ce moment de faiblesse...)

Écrit par : Jean-Pierre | 19/11/2008

Quel beau commentaire que tu nous rapportes généreusement, hoplite! Bravo.

Ça me rappelle une drôle d'époque où je créchais (réellement) dans un club tenu par un ami (à Vancouver). Tout était à l'envers dans une des pièces attenantes où je dormais. Dans un moment de désoeuvrement, je m'étais mis à fouiller dans les tas d'objets laissés au hasard. J'y avais trouvé un petit roman de poche usé à la corde et oublié là. Il s'agissait The Outsiders par S. E. Hinton.

Des exemples comme cela, il y en a à quelques reprises dans la vie de tout bon lecteur.

Écrit par : Inukshuk | 19/11/2008

@jp, vous l'êtes...

@inukshuk, on a tous ce genre d'histoire. je me rappelle la découverte de la biographie de lyautey par A Maurois dans la bibliothèque de mes grand parents, il y a quelques lunes.
puis la découverte du colonel Bramble, qui y dormait également et qui compte tant pour moi..tu as raison, c'est le propre de tout bon lecteur que de faire ce genre de découverte

Écrit par : hoplite | 20/11/2008

C'est-à-dire ?

Écrit par : Jean-Pierre | 20/11/2008

@jp: excusé!

Steiner a une place à part dans mon (petit) panthéon littéraire. par sa dimension philosophique européenne, son enracinement dans la culture classique. son Errata

Écrit par : hoplite | 20/11/2008

"Une langue au Nord du futur"... Nan. La langue qui lui manque, qui lui manque beaucoup car c'est la plus importante et même la seule qui compte, c'est la langue maternelle.

Écrit par : Porteur | 22/03/2009

porteur, steiner est né à Paris...de parents autrichiens.
lit le grec et le latin dans le texte...
comprends pas le sens de votre remarque

Écrit par : hoplite | 22/03/2009

Oui. Je ne vise évidemment pas Steiner en particulier, pour qui j’ai le plus grand respect (j’ai été fasciné par ses Antigones). C’est cette idée que Steiner, polyglotte de naissance, n’a pas de langue natale, maternelle. Je trouve ça extrêmement troublant. Bizarrement ça me rappelle la métaphore kafkaïenne : Babel est un gouffre, etc. Instinctivement je suis porté à penser que sans langue natale, on ne peut pas exister (car le mot c’est le verbe, et le verbe… patati patata). Et pourtant, Steiner existe. Je pense que c’est cette infirmité (ou cette chance) qui l’a mis à jamais sur la route de Babel, errant.
Je sais c’est un peu confus, pardonnez-moi.

Écrit par : Porteur | 25/03/2009

non, je comprends mieux. peut-être effectivement que cette vie de cassure et sa judéité l'ont porté à posture babelienne.
cela dit peut-être Steiner, si on lui posait la question, se trouverait-il immédiatement une langue maternelle..
à+

Écrit par : hoplite | 25/03/2009

M. Steiner affirme lui-même n'avoir pas de langue natale.
Mais votre excellent site contient une brillante illustration de la pensée que j'ai tenté d'exprimer avec maladresse :
« Toute reddition des armes implique un acte irrévocable qui atteint le combattant à la source même de sa force. Je suis convaincu que la langue elle-même en est atteinte. On s'en rend surtout compte dans la guerre civile, ou la prose du parti battu perd aussitôt de sa vigueur. Je m'en tiens là-dessus au "Qu'on se fasse tuer" de Napoléon. Cela ne vaut naturellement que pour des hommes qui savent quel est notre enjeu sur cette terre. »
E. Jünger.
Il y a la même idée, quelque part chez Borges.
Bizarrement ça me rappelle Ronsard s'adressant à la Mort :
« Ne me laisse pas longtemps languir en maladie
Tourmenté dans un lit ; mais puisqu'il faut mourir
Donne moi que soudain je te puisse encourir
Ou pour l'honneur de Dieu ou pour servir mon Prince
Navré, poitrine ouverte, au bord de ma province »
Pour l'honneur quel Dieu, pour quel Prince, au bord de quelle foutue province M. Steiner peut-il aller mourir ?

Écrit par : Porteur | 25/03/2009

porteur, je vous trouve convaincant...surtout si vous citez à propos Jünger...
bien venue chez hoplite, anyway.

Écrit par : hoplite | 25/03/2009

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