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01/06/2009

plurivers

1305145407_727aee1e2b_o.jpg(…) La diversité est inhérente au mouvement même de la vie, qui évolue de manière buissonnante en se complexifiant. La pluralité et la variété des races, des ethnies, des langues, des moeurs ou encore des religions, caractérisent le développement de l'humanité depuis ses origines. Devant ce fait, deux attitudes s'opposent. Pour les uns, cette diversité bioculturelle est un fardeau et il faut toujours et partout réduire les hommes à ce qu'ils ont en commun, ce qui ne manque pas d'entraîner par réaction toute une série d'effets pervers. Pour les autres, dont nous sommes, les différences sont des richesses qu'il convient de préserver et de cultiver. La Nouvelle Droite manifeste une profonde aversion pour l'indifférencié. Elle estime qu'un bon système est celui qui transmet au moins autant de différences qu'il en a reçues. La vraie richesse du monde réside d'abord dans la diversité des cultures et des peuples.

La conversion de l'Occident à l'universalisme a été la cause principale de sa volonté de convertir à son tour le reste du monde, naguère à sa religion (croisades), hier à ses principes politiques (colonialisme), aujourd'hui à son modèle économique et social (développement) ou à ses principes moraux (droits de l'homme). Entreprise sous l'égide des missionnaires, des militaires et des marchands, l'occidentalisation de la planète a représenté un mouvement impérialiste alimenté par le désir d'effacer toute altérité en imposant au monde un modèle d'humanité prétendument supérieur, invariablement présenté comme " progrès ". L'universalisme homogénéisant n'y était que la projection et le masque d'un ethnocentrisme élargi aux dimensions de la planète.

Cette occidentalisation-mondialisation a modifié la manière dont nous percevons le monde. Les tribus primitives se désignaient elles-mêmes comme " les hommes ", laissant entendre qu'elles se considéraient comme les seuls représentants de leur espèce. Un Romain et un Chinois, un Russe et un Inca pouvaient vivre à la même époque sans avoir conscience de leur existence réciproque. Ces temps sont révolus : du fait de la prétention démesurée de l'Occident de rendre le monde entièrement présent à lui-même, nous vivons un âge nouveau où les différences ethniques, historiques, linguistiques ou culturelles, coexistent dans la pleine conscience de leur identité et de l'altérité qui la reflète. Pour la première fois dans l'histoire, le monde est un pluriversum, un ordre multipolaire où de grands ensembles culturels se trouvent confrontés les uns aux autres dans une temporalité planétaire partagée, c'est-à-dire en temps zéro. Cependant, la modernisation se déconnecte peu à peu de l'occidentalisation : des civilisations nouvelles accèdent aux moyens modernes de la puissance et de la connaissance sans pour autant renier leurs héritages historiques et culturels au profit des valeurs ou des idéologies occidentales.

L'idée selon laquelle nous pourrions parvenir à la " fin de l'histoire ", caractérisée par le triomphe planétaire de la rationalité marchande, en généralisant le mode de vie et les formes politiques de l'Occident libéral est fausse. Nous vivons au contraire l'émergence d'un nouveau " nomos de la Terre ", un nouvel ordonnancement des relations internationales. L'Antiquité et le Moyen Age avaient vu se développer inégalement de grandes civilisations autarciques. La Renaissance et l'Age classique furent marqués par l'émergence et la consolidation des États-nations en concurrence pour la maîtrise de l'Europe, puis du monde. Le XXe siècle a vu se dessiner un ordre bipolaire où s'affrontaient le libéralisme et le marxisme, la puissance thalassocratique américaine et la puissance continentale soviétique. Le XXIe siècle sera marqué par l'avènement d'un monde multipolaire articulé autour de civilisations émergentes : européenne, nord-américaine, ibéro-américaine, arabo-musulmane, chinoise, indienne, japonaise, etc. Ces civilisations ne supprimeront pas les anciens enracinements locaux, tribaux, provinciaux ou nationaux : elles s'imposeront en revanche comme la forme collective ultime à laquelle les individus pourront s'identifier en deçà de leur humanité commune. Elles seront probablement appelées à collaborer en certains domaines pour défendre les biens communs de l'humanité, notamment écologiques. Dans un monde multipolaire, la puissance se définit comme la capacité de résister à l'influence des autres plutôt que d'imposer la sienne. L'ennemi principal de ce plurivers de grands ensembles autocentrés est toute civilisation qui se prétend universelle, se croit investie d'une mission rédemptrice et veut imposer son modèle à toutes les autres.

Alain de Benoist, Manifeste pour une nouvelle droite. Février 1999.

Commentaires

Très bon. Il a vraiment une vue juste ADB.

Agni

Écrit par : Agni | 01/06/2009

oui, pensée trés éclairante, décidément.

Écrit par : hoplite | 01/06/2009

"La conversion de l'Occident à l'universalisme a été la cause principale de sa volonté de convertir à son tour le reste du monde, naguère à sa religion (croisades)" Historiquement faux, le terme mission serait plus honnête.

Écrit par : Exupère | 02/06/2009

@exupère: c'est-à-dire?

Écrit par : hoplite | 02/06/2009

Selon moi les croisades sont des expéditions guerrières entreprises par les chrétiens d'Occident afin de reconquérir la ville de Jérusalem et les Lieux saints passés sous la domination islamique. L'Europe sort de la période des invasions, elle connaît un essor démographique et économique, la réforme grégorienne, l'expansion monastique de Cluny...Elle est assez forte pour reprendre les terres que l'Islam avait conquise au VII eme siècle. En aucun cas les croisés même installés dans les Etats latins se préoccupent de conversion, il y a d'ailleurs encore beaucoup de chrétiens orientaux.
A mon sens l'universalisme de la foi chrétienne occidentale ne peut être considéré qu'à partir du XVI eme siècle avec l'humanisme, l'Amérique ce qui m'amène aux missions, aux jésuites, à Las Casas...Là oui on peut parler de la conversion des autres peuples au christianisme comme l'un des caractères de l'universalisme.

Écrit par : Exupère | 05/06/2009

suis globalement d'accord avec votre analyse, exupère.
les premières "croisades" (terme postérieur) furent avant tout des pèlerinages en terre sainte, accompagnés de guerriers et de moines soldats, certes, compte tenu de la situation en terre sainte.
mais cela ne remet pas en cause, à mon avis, l'analyse d'adb concernant la prétention universaliste de l'occident. peut-être comme vous le soulignez, cela correspond-il seulement à un moment où celui-ci se sent puissant. comme d'autres civilisations à d'autres époques.

Écrit par : hoplite | 05/06/2009

Les commentaires sont fermés.