Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/07/2009

the faithfull hussar

« Une caisse, vous savez ce que c’est, une caisse, non, bordel ! »

Hoplite, plongé dans ses pensées du moment, matinées de packs de mousse et de Braudel, entortillé de Jared Diamond –je sais je suis comme ça, moi, incapable de dissocier lectures et activités profanes- ne releva point immédiatement.

C’est seulement lorsque je vis l’espèce de clown invertébré, habillé par armand thierry de pied en cap et bouc au menton, que je réalisais l’étendue du désastre. Imaginez une sorte de gros pitre grassouillet habillé comme l’as de pique, chaussé de méphistos, cravate saumon et chemise verte auréolée aux aisselles et étiqueté « chef produit » penché sur une jeune obèse suintante de peur derrière sa caisse, crevant de trouille devant cette caricature de zorglhomme moderne.

A ce moment précis, j’ai compris que c’était du flan, que cette larve ne jouait son numéro de sous chef lambda que pour le public que j'étais. Faut pas grand-chose pour saisir ça : le regard en biais qui évalue le public autour, manière de savoir si ça vaut le coup d’en remettre une couche. J’ai croisé ce regard foireux et celui de l’esclave derrière son comptoir de merde. Et, en une fraction de seconde, s’est imposé l’image de cette épicière maladroite vilipendée par son sous chef de rayon dans Un peu d’air frais, ce roman d'anticipation anti moderne et injustement méconnu d’Orwell, à la différence que le regard que je croisais n’était pas hostile. Elle ne m’en voulait pas d’assister à ce moment misérable, au contraire. Plus loin c’est cette fille misérable au bord du remblai que décrit Orwell dans Le quai de Wigan, qui m’est apparue ; la conscience claire d’un destin misérable et inéluctable de caissière de merde.

« (…) le train m’emportait à travers un monstrueux paysage de terrils, de cheminées, de tas de ferrailles, de canaux putrides, de chemins faits de boue et de cendre, tout piétinés d’empreintes de sabots. On était en mars, mais il avait fait affreusement froid, et partout élevaient encore des amoncellements de neige noircie. Comme nous traversions lentement les faubourgs de la ville, nous longeâmes d’interminables rangées parallèles de petits taudis grisâtres qui joignaient perpendiculairement le talus du chemin de fer. Derrière une de ces cahutes, une jeune femme était agenouillée sur les pavés, enfonçant un bâton dans un tuyau de plomb qui devait servir de décharge à un évier placé à l’intérieur, et qui, sans doute, s’était bouché. J’eus le temps de la détailler, avec son tablier qui pendait comme un sac, ses lourds sabots, ses bras rouges de froid. Elle leva la tête au passage du train ; un instant, je fus si prés d’elle que nous aurions presque pu nous regarder dans les yeux ; Elle avait un visage rond et pâle, le visage ordinaire et usé d’une fille grandie dans les taudis, qui a vingt-cinq ans mais en paraît quarante à force d’avortements et de travaux abrutissants, mais ce visage présentait, durant la seconde ou je l’entrevis, l’expression la plus désolée, la plus dénué d’espérance que j’ai jamais contemplée. Je saisis alors combien nous nous trompons quand nous disons : « Pour eux, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas comme pour nous » - comme si les gens qui ont grandi dans les taudis ne pouvaient rien imaginer d’autre que des taudis ; En effet, ce que j’avais lu sur son visage, ce n’était pas la souffrance ignorante d’une bête. Elle ne savait que trop bien ce qui lui arrivait, elle comprenait aussi bien que moi quelle destinée affreuse c’était d’être ainsi agenouillée là, dans ce froid féroce, sur les pavés gluants d’une misérable arrière cour, à enfoncer un bâton dans un puant tuyau d’égout. » (Orwell, Le quai de Wigan)

« But she can sing like a bird ! und Das wahr für wahr ein treuer husar!”

Et là, sous l’emprise de la boisson, je vous refourgue cette scène mythique de Pathways of glory!!! (mon côté traîneur de sabre).

et si ça ne vous émeut pas, fuck you my friends!

Et je me plaisais à imaginer un rapide pugilat, tout pack de kro cessant,  avec ce résidu de fausse couche attalinesque, ordure moderne enflée de ce petit pouvoir de marchand de merde et étiquettée chef produit de je ne sais quel surimi moisi : coup de pied dans les couilles, direct du gauche au bec, éventuellement coup de coude dans la tronche et low kick appuyé, manière de fatiguer la racaille cravatée avant de recevoir quelque vigile basané sur le rable…mais non, c’est mon côté violent et instinctif qu’il n’est pas bon de réveiller hors des salles ad hoc ! Achh, grand dommage !

 

oui, la phalange est fatiguée. mais debout.

Commentaires

J'ai pas lu Le Quai de Wigan, en revanche, celui intitulé "Dans la dèche à Paris et à Londres" (Down and Out in Paris and London) vaut le détour. C'est Eric Blair (Orwell) qui s'impose ce chemin de croix en compagnie des pauvres et des laisser-pour-compte. Il sait de quoi il parle et c'est sa grande force. Dommage qu'il nous ai quittés si tôt en raison d'une TB.

Anecdote récente: une Anglaise, pauvre de son état, est morte quelque part autour de 70 ans. Raison du décès? Saleté prononcée de son matelas et de ses draps. Quand on ménage même sur le savon...

Écrit par : Trader | 29/07/2009

alors pense absolument à lire cette enquête qu'est Le quai de Wigan, qui fit tomber Orwell dans le socialisme comme on tombe en religion. Et Un peu d'air frais que simon Leys considère comme son meilleur roman et effectivement l'histoire de cet homme qui voit disparaitre son univers sous les coups de la modernité est superbe et tragique.

Écrit par : hoplite | 29/07/2009

Orwell était socialiste ?

Écrit par : Jean-Pierre | 29/07/2009

Voyons, Jean-Pierre, on dirait que tu sors des nues!

Écrit par : Trader | 29/07/2009

oui, jp, alors?
orwell cet anarchist tory qui avait la politique en horreur..

Écrit par : hoplite | 30/07/2009

hoplite,

Alors rien...

Je ne connais pas grand chose d'Orwell. Il y a un petit temps déjà que j'ai lu son "1984", mais c'est à peu près tout ce que je sais du bonhomme.


Trader,

Oui je sors des nues de temps en temps, cela m'arrive quelquefois. Je descends de mon petit nuage, m'informer des choses de ce bas monde...

Écrit par : Jean-Pierre | 30/07/2009

C'est bien de garder le contact avec la masse... :D

Écrit par : Trader | 30/07/2009

jp, je te recommande chaudement la lecture de ce petit livre de simon Leys (l'auteur des habits neufs du président mao) sur Orwell+++

Écrit par : hoplite | 30/07/2009

Ok, vu toutes les belles choses que j'ai découvertes en passant sur ton blog, je ne peux que me sentir obligé de suivre une telle recommandation. D'autant plus que ce n'est pas recommandé n'importe comment, c'est recommandé "chaudement"...

Je le lirais.

Écrit par : Jean-Pierre | 31/07/2009

oui, chaudement...c'est Michéa qui m'a fait lire et découvrir Orwell, non celui de 1984, mais celui de Wigan's pier ou d'Un peu d'air frais. Mais la façon dont Leys, manifestement admiratif, saisit Orwell est stupéfiante de vérité et de singularité! (il faut aussi lire la trés exacte bio d'Orwell par Crick qui se lit comme un roman; il eut d'ailleurs une vie assez romantique et trop brève, hélas)

Écrit par : hoplite | 31/07/2009

Tiens, tu t'es tapé la bio de Crick. Un travail bien documenté et honnête. Les gens s'arrêtent trop à 1984 et oublie où Orwell a puisé son inspiration. Il a eu un parcours marginal, assumé et génial.

Écrit par : Trader | 31/07/2009

"Les gens s'arrêtent trop à 1984"

c'est vrai.mais je pense aussi que ça arrange beaucoup de monde...

Écrit par : hoplite | 31/07/2009

Les commentaires sont fermés.