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13/01/2010

un peuple nauséabond

J'écoutais tantôt Vincent Peillon sur Radio-France, ci-devant leader du groupuscule progressiste et post-socialiste « L'espoir à gauche » faire assaut de langue de bois sous les questions convenues du pitre Demorand, amuseur public stipendié et rodé au Spectacle politique. Je me suis dit à un moment, après mon troisième café, que personne de sensé ne pouvait se reconnaître dans la novlangue impeccable de cet homme, au demeurant agrégé de philosophie et érudit. Qui se gars-là peut-il représenter hormis quelques fidèles du PS ou du Modem ? J'ajoute que le raisonnement me parait valable pour la totalité des hommes politiques contemporains et pose le problème de la représentativité.

Le politiquement correct veut que la démocratie soit par nature représentative ou que la représentation politique du peuple soit l'aboutissement d'un processus historique, sorte de sens de l'histoire, de parousie profane. Or il n'en est bien sûr rien. La représentation est un phénomène récent et qui ne va nullement de soi. Dans l'antiquité, la démocratie directe était la règle et paraissait naturelle à chacun. L'idée même de se faire représenter par un tiers eut parue saugrenue à tous. Ca n'est que tardivement, en Occident, au Moyen-Âge, et plus tard dans le courant du XVIIIème siècle qu'est apparue, notamment sous l'influence de Montesquieu, ce concept étrange : le peuple, peu apte à décider par lui-même est en revanche capable de se choisir des représentants. Thèse révolutionnaire combattue par Rousseau qui arguait que le peuple perd sa souveraineté au moment même où il s'en désaisit au profit de représentants...la démocratie ne pouvant ainsi n'être, par esssence, que directe. Point de vue évidement balayé par nos jacobins et la geste révolutionnaire qui gravèrent dans le marbre la nature ontologiquement représentative de la démocratie, par ailleurs constitutionnelle, parlementaire et libérale. Mais également une défiance certaine à l'égard du Peuple, jugé immature politiquement et incapable de prendre en main son destin. Ainsi peut-on considérer, d'une part, qu'une démocratie est d'autant moins démocratique qu'elle fait une plus grande part à la représentation et, d'autre part, que ce concept de représentation a surtout été un moyen d'empêcher le peuple de s'exprimer librement...donnant mandat politique et pouvoirs à une petite oligarchie, soi-disant représentative, prompte à défendre ces exorbitantes prérogatives et privilèges (lex privata).

Oligarchie dont les membres cooptés se recrutent parmi ceux dont on est sûr qu'ils ne mettront pas en danger l'édifice et défendront, avant tout les intérêts du groupe dominant. Pareto avait théorisé cette forme de confiscation du pouvoir et expliqué que derrière tout pouvoir, quelles que soient les justifications qu'il se donne, il y a une minorité qui en tient les rênes, une minorité dominante, une oligarchie. Tant que cette oligarchie donne une image du monde compatible à la réalité visible et tant que cette élite est prête à la défendre, le pouvoir connaît une période de stabilité. Dés l'instant où ces conditions font défaut, on est en situation prérévolutionnaire. La représentation pourrait ainsi se concevoir comme un système oligarchique aboutissant à la formation d'un groupe dominant et endogamique, hostile, au moins méfiante à l'égard du Peuple, tolérant celui-ci lorsque il reste dans les limites permises (ce « cercle de raison » du servile Minc) mais prompte à l'excommunier lorsqu'il dévie de la pensée unique (cf. la réaction du progressiste Cohn-Bendit après le référendum Suisse).

Ce divorce entre élites et citoyens est de plus en plus criant : abstention massive, vote protestataire, nomadisme électoral, défiance généralisée à l'égard de la classe politique perçue comme déconnectée du réel, en décalage permanent avec les aspirations populaires (vote TCE) et massivement gangrenée par la langue de bois et un discours politiquement correct que tous ou à peu prés sont capables aujourd'hui de décrypter instantanément, tels des soviétiques moyens...Ce fossé béant illustre une crise majeure de la représentation et du discours politique.

Au-delà de l'autisme stratosphérique de nos élites politiques, une explication réside certainement dans la disparition quasi-complète de tout clivage politique réel : la modernité se caractérise par le triomphe de la globalisation marchande et le recentrage du discours politique, détruisant tout pouvoir politique réel à l'échelle nationale au profit de structures supra-étatiques (UE) peuplées de technocrates cooptés, sans la moindre légitimité démocratique, et non étatiques (firmes globalisées, lobbys, Bildeberg, Trilatérale, etc.). La critique de ce système planétaire est quasiment inexistante, confinée à quelques idiots utiles, genre NPA, médiatisés par TF1 (sans que cela fasse question..). A une droite libérale hégémonique (pages saumon du Figaro), répondent des partis de gauche ayant rallié économie de marché et réformisme libéral, matinées d'une culture hédoniste libertaire (pages rebonds de Libé) mondaine et transgressive (lutte contre toutes les « discriminations », clandestins, homoparentalité, vote des étrangers,etc..) en rupture avec la common decency d'une large partie de l'électorat de "gauche" (et de "droite"), encore traditionnel et hostile à toutes ces formidables avancées, ces droits nouveaux (des victoires sur l'archaïsme de la réaction patriarcale, cléricale et militaire) que nos modernes produisent à jet continu

Cette rupture avec le peuple s'accompagne d'un mépris sans fond à on égard ou de tout ce qui peut en émaner, ipso facto étiqueté « populisme » (renvoyant bien évidemment à quelques régime autoritaire, voire fasciste, voire Vichyste, voire pro-apartheid, voire les « heures sombres de notre histoire, voire Hitlerien »). Le hold-up est parfait : déjà dépossédé de tout pouvoir réel au profit d'une représentation qui ne l'est nullement, le peuple est, de surcroît, mis à l'écart par principe car ontologiquement irrationnel et dangereux. « Il faut en finir avec cette histoire de majorité ! » dit le cuistre Cohn-Bendit...

On peut donc légitimement se demander si l'abstention croissante des électeurs n'est pas vue avec faveur par nos modernes libéraux-libertaires, pressés d'organiser une gouvernance du peuple sans le peuple.

Charge au Spectacle d'organiser une propagande suffisamment efficace pour convaincre le vulgaire du bonheur qu'il a à vivre en démocratie libérale représentative, le « moins mauvais des régimes », aidée d'un tittytainment prompt à satisfaire les besoins ludiques, festifs et sucrés les plus primaires et d'une police de la pensée omniprésente, prompte à sanctionner tout crim'pensée de mort sociale et médiatique.

Dans notre monde post-moderne et post-démocratique, il est donc permis de considérer que la démocratie véritable, c'est-à-dire directe, puisse être une idée neuve et révolutionnaire.

En passant.

Sans doute Cioran pensait-il aux ancètres et clones de Peillon lorsqu'il écrivait:

"Quelle malédiction a frappé l'Occident pour qu'au terme de son essor il ne produise que ces hommes d'affaires, ces épiciers, ces combinards aux regards nuls et aux sourires atrophiés, que l'on rencontre partout, en Italie comme en France, en Angleterre de même qu'en Allemagne ? Est-ce à cette vermine que devait aboutir une civilisation aussi délicate, aussi complexe ? Peut-être fallait-il en passer par là, par l'abjection, pour pouvoir imaginer un autre genre d'hommes. " (Cioran, Histoire et utopie)

bonne nuit

Commentaires

"On peut donc légitimement se demander si l'abstention croissante des électeurs n'est pas vue avec faveur par nos modernes libéraux-libertaires, pressés d'organiser une gouvernance du peuple sans le peuple."
Bien sûr que oui!
A noter également que les scores obtenus par les uns et les autres sont faux, puisque ne tenant aucun compte des votes blancs, qui ne comptent nulle part, ni dans l'abstention, ni dans les votes exprimés. Il serait pourtant important de remettre les élus à leur place en leur montrant que 35%, c'est pas la même chose que 51% des votants.

Écrit par : Marine | 14/01/2010

Je crois que nous sommes très nombreux à partager votre analyse. D'ailleurs en quelques clics vous devriez même trouver des parlementaires, des syndicalistes, des patrons... qui remettent en cause les mécanismes de la représentativité.

Ceci étant dit, la seule question qui vaille c'est donc de savoir comment on fait pour corriger le tir ? Je serai heureux de lire et de partager des idées sur ce point ?

Amicalement,

Ammonius

Écrit par : Ammonius | 14/01/2010

Si vous commencez à dire aux braves gens que la Trilatérale est l'instance où furent décidése les politiques de divertissements/abrutissements mises à l'œuvre au fil du temps par toutes les municipalités dociles, que l'OCDE est le lieu où se sont décidées les reformes scolaires et éducatives influant sur la formation ou le formatage intellectuel des jeunes gens depuis une trentaine d'années, vous allez déstabiliser trop de monde et on vous prendra pour un fou.
Il vaut donc mieux dire que Vincent Peillon est un p-tit gars sympa, et que Manuel Valls (qui a lui quelques bonnes vraies cartouches dans sa poche)sera, l'heure venue, un présidentiable tout à fait correct aux yeux des instances internationales qui gèrent les masses et fascine la vermine.
Bien à vous.

Écrit par : SOLKO | 14/01/2010

L'échec patent de notre démocratie ne viendrait-il pas du fait que nous avons une classe politique composée de clowns, à de rares exceptions près ? Et que les Français ouvrent enfin les yeux. Clowns arrogants, ne cessant de promettre tout et n'importe quoi tout en leur martelant ce qui est bon pour eux.
Par exemple sur le débat de l'identité nationale, et à entendre nombre de responsables politiques suivis ou précédés de 95% des médias, il est nauséabond de demander à Mme Michu (textuel !)son avis sur une question qui la dépasse et à laquelle elle ne peut répondre que par une xénophobie primaire.
Alors, Mme Michu ne vote plus...en attendant qu'on lui supprime le droit de vote ?
Peu importe, cela ne leur pose aucun problème : ils peuvent être "élus de la Nation" malgré 70% d'abstentions !
Tout cela va mal finir.

Écrit par : Augustine | 15/01/2010

@marine, je vois pas pourquoi la scène pseudo démocratique échapperait au spectacle: tout est faux, truqué, falsifié pour imposer au plus grand nombre une orientation, une weltanschauung délirante portée par quelques idéologues officiant dans les instances qui comptent (trilatérale et ocde, comme dit solko, mais aussi UE), une vision globalitaire, un projet babel servi par une cohorte de "responsables" politiques incultes, arrogants, corrrompus et protégés des conséquences désastreuses du système qu'ils mettent en place jour aprés jour. je n'évoquerai pas la presse, également massivement corrompue et térrorisée par le politiquement correct, par charité...dans ce genre de situation vérrouillée de toutes parts, la salution ne ma parait malheureusement pouvoir venir que de crises majeures, telles celle que nous vivons actuellement et doont l'ampleur me parait minorée par le plus grand nombre. je dis malheureusement car ce genre de catastrophes peut fort bien trés mal se terminer.

@ammonius: c'est tout le probléme; si on suit pareto, la solution, hormis une crise globale majeure, est dans l'incapacité de l'oligarchie à défendre une vision du monde cof-hérente avec le monde tel que nous le voyons tous les jours: en ce sens, le gap monstrueux entre le discours, décrédibilisé, de nos élites, et la réalité est certainement un point encourageant...

@solko: on est d'accord; à noter que jean-claude michéa fait ce constat depuis des années, dans son coin. à relire d'urgence.

@augustine: tu as raison sur la classe politique, à mon avis plus corrompue et terrorisée qu'autre chose. ils se savent en décalage complet et conscients de leurs privilèges et ont PEUR du peuple. On pourrait considérer que nous sommes en situation pré-révolutionnaire. et tout cela pourrait mal finir effectivement et malheureusement pour nous.

Écrit par : hoplite | 15/01/2010

Je pense que tu connais ça, Hoplite:
http://www.euro-reconquista.com/site/spip.php?article104

On a là les explications à cette situation.

Écrit par : Marine | 15/01/2010

Bonsoir,bonne année,particulièrement à Hoplite,

Comment appliquer la Démocratie directe dans un pays de 63 millions d'âmes ?

Non,le problème est au niveau de la qualité des représentants,particulièrement ceux qui sont médiatisés dont la décence commune est en dessous de zéro;par calcul ou parcequ'ils ne savent même pas ce que c'est ( Eh oui,cela existe).

Le Spectacle est une technique de gouvernement où SEULE l'économie marchande,qui a envahi tous les domaines de la vie, prime.Technique utilisant les médias au sens large (presse sur tout type de support,industrie culturelle,éducation,...).Bref,cela fait beaucoup de monde au service du système et donc comment renverser celui-ci ???

@ Marine,

Plutôt que l'improbable euro-reconquista,allez sur Riposte Laïque où en ce momment c'est très intéressant,notamment sur Eurabia...

Écrit par : Aubin | 16/01/2010

Zut,je n'ai pas fini,

Même si quand j'entends le mot laïque,j'aurais tendance à sortir mon PA 9mm...Ahahahaha!!!

Écrit par : Aubin | 16/01/2010

Merci, Aubin.
L'un n'empêche pas l'autre, la visite est libre ;)

Écrit par : Marine | 16/01/2010

@marine: merci, j'avais lu cet article...même si c'est bidonné (?), les analyses me paraissent pertinentes donc pessimistes..

@aubin: salut à toi et bonne année aussi pour toi et les tiens!

"Comment appliquer la Démocratie directe dans un pays de 63 millions d'âmes ?"

vaste question. fondamentalement, pour éviter ce genre de dérive oligarchique et cette coupure par rapport aux intéréts et désidérata du peuple, la solution me parait être une démocratie directe avec des mandats "bloqués" (obligation faite aux élus d'appliquer le projet politique promu) au niveau local avec une subsidiarité du bas vers le haut, l'esprit étant le contrôle de l'édifice par le Souverain et ses missi dominici...dans un projet européen fédéral décentralisé. c'ets tout à fait faisable; l'obstacle principal est cette oligarchie de politiciens professionnels endogames et cooptés hostile à TOUTE remise en cause de son pouvoir.

"Même si quand j'entends le mot laïque,j'aurais tendance à sortir mon PA 9mm...Ahahahaha!!!"
on ne saurait être trop prudent, tu as raison..

Écrit par : hoplite | 17/01/2010

"obligation faite aux élus d'appliquer le projet politique promu"...
sous peine d'être révoqués!
Objectifs-résultats: vous ne tenez pas vos promesses? You're fired!

Écrit par : Marine | 17/01/2010

exctement! comme n'importe quel employé. les hommes politiques sont les représentants de la volonté populaire. point. on a trop oublié ce principe de base, dans ce putain de pays!

rahhh populisme!!

Écrit par : hoplite | 17/01/2010

Chez Ruquier hier soir, Jospin parlait, à juste titre, de "personnel politique".
Ils ne sont rien de plus. Ils sont du personnel des partis, sans plus de convictions qu'il ne convient aux gens bien élevés.

"les hommes politiques sont les représentants de la volonté populaire": je dirais plutôt "devraient être", puisqu'ils ne tiennent pas leurs engagements.

Écrit par : Marine | 17/01/2010

oui, devraient...hélas

Écrit par : hoplite | 17/01/2010

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