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28/01/2010

un homme en train de perdre son pantalon n'est pas un « fasciste »

« Nous étions dans un fossé, mais derrière nous s'étendaient cent cinquante mètres de terrain plat, si dénudé qu'un lapin aurait eu du mal à s'y cacher (...). Un homme sauta hors de la tranchée [ennemie] et courut le long du parapet, complètement à découvert. Il était à moitié vêtu et soutenait son pantalon à deux mains tout en courant. Je me retins de lui tirer dessus, en partie à cause de ce détail de pantalon. J'étais venu ici pour tirer sur des « fascistes »,mais un homme qui est en train de perdre son pantalon n'est pas un « fasciste », c'est manifestement une créature comme vous et moi, appartenant à la même espèce - et on ne se sent plus la moindre envie de l'abattre. » (G Orwell, Looking back on the spanish war, Œuvres complètes II, p. 254)

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Cliché célèbre et emblématique de la guerre d'Espagne (Robert Capa, 1936): mort d'un jeune milicien. Publiée dans le monde entier et reproduite sur des milliers de posters avec la légende "Why?" Ce jeune homme immortalisé par Capa se nommait Federico Borrell Garcia, Fondateur des jeunesses libertaires de la ville d'Alcoy et fut fauché par une mitrailleuse à l'âge de 24 ans, le 5 septembre 1936 sur le front de Cerrio Muriano.

Commentaires

Tiens, me souvenais aussi de cet intéressant passage. En revanche, pour la photo, il ressortait d'une enquête sérieuse diffusée par un journal espagnol l'été dernier qu'elle avait été mise en scène.

Écrit par : Baroque | 29/01/2010

oui, il semble bien qu'elle ait été mise en scène. mais le sujet est bien mort quelques mois plus tard tragiquement.

Écrit par : hoplite | 29/01/2010

Bonjour,

Au début la défaite de la pensée de A. Finkielkraut, bouquin assez insipide au demeurant, notre philosophe relate le témoignage d'un type lors de la première guerre mondiale. Ce type raconte comment il est envoyé en mission pour aller faire la peau d'un officier ennemi, il le guette l'a à port´é de flingue et finalement renonce au moment l'officier menacé allume un clope. La scène est assez similaire à celle que vous racontez.

Écrit par : Cherea | 29/01/2010

@chéréa: bonjour. vous avez raison, je ne me rappelais plus de ce passage; peut-être cela illustre-t-il le surgissement d'un moment d'humanité dans une situation extraordinaire qui exclut précisément -a priori- ce type de sentiment. l'homme sous l'armure..

Écrit par : hoplite | 29/01/2010

Même scène dans (sauf erreur) Le hussard sur le toit, de Jules Renard, où un groupe de maquisards veut attaquer une colonne allemande.

Écrit par : Jazzman | 29/01/2010

Et s'il avait été en train de se relever après avoir donné son dû à la nature, ça l'aurait rendu encore plus humain et terriblement proche et vulnérable...
Mais là, pourquoi n'avait-il pas pris le temps de se rajuster avant de sauter hors de la tranchée? Ou bien on leur donnait des pantalons trop grands, aux Franquistes?
Je sais, je suis très pragmatique...

Écrit par : Marine | 29/01/2010

@marine, je rends hommage à ton souci du détail..hu hu

"Ou bien on leur donnait des pantalons trop grands, aux Franquistes?"
sans doute ça!

@jazzman, Junger aussi, dans ses mémoires de guerre, décrit ce type de sentiment lorsqu'il tient dans sa mire un combattant trop humain, fumant sa pipe ou discutant...ce qui ne l'empêcha pas de faire partie de troupe de choc et de combattre au corps à corps. la distance -ou la proximité- n'explique pas tout..mystérieux!

Écrit par : hoplite | 29/01/2010

"(...) (sauf erreur) Le hussard sur le toit, de Jules Renard, où un groupe de maquisards veut attaquer une colonne allemande."

Wat ???

- Le hussard sur le toit
- Jules Renard
- Maquisards et colonne allemande

Je connais ces trois éléments, mais chacun dans un contexte qui exclut à peu près totalement les deux autres...
Ou alors il y a une subtilité que je n'ai pas su saisir ?

Écrit par : fght | 30/01/2010

Le Hussard sur le toit est un Roman de Giono qui se déroule pendant une épidémie de Choléra. A lire.

Murray a d'ailleurs rédigé un article à ce sujet qui se trouve dans son deuxième tome des exorcismes spirituels.

extrait de l'article de Murray :

Celui dont je vous parlais est mort dit le garçon. - Ne vous occupez pas de la mort des autres dit Angelo. - Trois le même jour, c'est beaucoup, dit l'homme. - Ça n'est rien tant que ce n'est pas vous, dit Angelo." On pourrait croire à de l'insensibilité de sa part, de l'égoïsme, si on ne le voyait sans cesse, au fil du voyage, risquer sa vie pour tenter de sauver les malades qu'il toruve sur sa route. Mais il le fait sans passion. Sans militantisme. Sans acharnement caritatif. ("Y aurait-il un dévouement sans envie de se faire plaisir à soi-même ? et envie irrésistible ?"). Un militant ne s'estimerait pas innocent de ce qui se passe sous ses fenêtres, à l'inverse d'Angelo sur les toits de Manosque, quand il insiste à un abominable lynchage. Un engagé, c'est à dire un être de ressentiment, se sentirait coupable, ou au moins responsable des drames qu'il côtoie. Il faudrait qu'il milite et, plus encore, qu'il engage les autres dans ce militantisme. Il faudrait qu'il se mobilise et qu'il mobilise. Qu'il intervienne. Le militant a la maladie de l'intervention. et tant qu'il resterait des individus capables de se regarder comme innocents du réel, comme non solidaires de la catastrophe, ceux-ci apparaîtraient comme des ennemis du peuple. Et tant qu'il n'aurait pas réussi à leur graver dans la conscience le sentiment de la honte vis-a-vis de leur propre bonheur, il ne trouverait aucune paix.Au besoin il rassemblerait des troupes afin de les pourchasser. Éventuellement il les lyncherait ou les ferait lyncher. Pour le bien de l'humanité.



Veuillez me pardonner pour la digression...

Écrit par : Edgar_Detriach | 31/01/2010

excellent, edgar, merci pour cet extrait (qui medonne envie de relire le hussard sur le toit.
angelo et sa mission.

Écrit par : hoplite | 31/01/2010

@fght
J'ai précisé: sauf erreur
Ma mémoire m'a vraisemblablement trahi et je n'ai plus le livre dans lequel j'ai lu ce passage...

Écrit par : Jazzman | 31/01/2010

@Jazzman : Oh y'a pas de mal, hein...

Mais j'aime beaucoup Giono (pour Angelo justement, et Langlois surtout - Un roi sans divertissement) et le Hussard sur le toit (la Provence à cheval, le cholera, Pauline et l'héroïsme, cool...).
J'aime beaucoup Jules Renard aussi (littérateurs du XIXe, bons mots, bourgeoisie provinciale, tout ça... je viens de là, et mon école portait son nom)

Écrit par : fght | 31/01/2010

Dans "Hommage à la Catalogne", quand George Orwell pénètre dans un camp "fasciste" il est étonné du dénuement des soldats.

Il faut relire le livre et éviter la pitoyable adaptation cinématographique du "Hussard sur le toit".

Écrit par : Pharamond | 31/01/2010

c'est vrai. sa description de la répression féroce que menait les staliniens (encensés par tout le camp progressitse occidental) contre le POUM et les anarchistes est édifiante. De même que la réaction des éditeurs et des journalistes anglais qui boycottèrent le témoignage d'Orwell, à son retour.

Écrit par : hoplite | 31/01/2010

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