08/04/2015
perdre Eurydice?
" (...) De ce point de vue, la récente « affaire » Éric Zemmour est assurément emblématique. Ce journaliste (l'un des rares représentants du « néoconservatisme » à la française autorisé à officier sur la scène médiatique) ayant, en effet, déclaré, lors d'un débat télévisé, que les citoyens français originaires d'Afrique noire et du Maghreb étaient massivement surreprésentés dans l'univers de la délinquance (et notamment dans celui du trafic de drogue), la police de la pensée s'est aussitôt mobilisée pour exiger sa condamnation immédiate – voire, pour les plus intégristes, sa pure et simple interdiction professionnelle (Beruf verboten, disait-on naguère en Allemagne). Je me garderai bien, ici, de me prononcer officiellement sur le bien-fondé de l'affirmation d’Éric Zemmour, et ce pour une raison dont l'évidence devrait sauter aux yeux de tous. Dans ce pays, l'absence de toute « statistique ethnique » (dont l'interdiction est paradoxalement soutenue par ces mêmes policiers de la pensée) rend, en effet, légalement impossible tout débat scientifique sur ces questions (un homme politique, un magistrat ou un sociologue qui prétendrait ainsi établir publiquement que l'affirmation de Zemmour est contraire aux faits – ou, à l'inverse, qu'elle exprime une vérité – ne pourrait le faire qu'en s'appuyant sur des documents illégaux). Il n'est pas encore interdit, toutefois, d'essayer d'envisager toute cette étrange affaire sous l'angle de la pure logique (« en écartant tous les faits », comme disait Rousseau). Considérons, en effet, les deux propositions majeures qui structurent ordinairement le discours de la gauche sur ce sujet.
Première proposition : « la principale cause de la délinquance est le chômage – dont la misère sociale et les désordres familiaux ne sont qu'une conséquence indirecte » (comme on le sait, c'est précisément cette proposition – censée s'appuyer sur des études sociologiques scientifiques – qui autorise l'homme de gauche à considérer tout délinquant comme une victime de la crise économique – au même titre que toutes les autres – et donc à refuser logiquement toute politique dite « sécuritaire » ou « répressive »). Seconde proposition : « les Français originaires d'Afrique noire et du Maghreb sont – du fait de l'existence d'un « racisme d'Etat » particulièrement odieux et impitoyable – les victimes privilégiées de l'exclusion scolaire et de la discrimination sur le marché du travail. C'est pourquoi ils sont infiniment plus exposés au chômage que les Français indigènes ou issus, par exemple, des différentes communautés asiatiques ». (Notons, au passage, que cette dénonciation des effets du « racisme d'Etat » soulève à nouveau le problème des statistiques ethniques mais, par respect pour le principe de charité de Donald Davidson, je laisserai de côté cette objection.)
Si, maintenant, nous demandons à n'importe quel élève de CM2 (du moins si ses instituteurs ont su rester sourds aux oukases pédagogiques de l'inspection libérale) de découvrir la seule conclusion logique qu'il est possible de tirer de ces deux propositions élémentaires, il est évident qu'il retrouvera spontanément l'affirmation qui a précisément valu à Zemmour d'être traîné en justice par les intégristes libéraux (« Le chômage est la principale cause de la délinquance. La communauté A est la principale victime du chômage. Donc, la communauté A est la plus exposée à sombrer dans la délinquance »). Les choses sont donc parfaitement claires. Ou bien la gauche a raison dans son analyse de la délinquance et du racisme d’État, mais nous devons alors admettre qu’Éric Zemmour n'a fait que reprendre publiquement ce qui devrait logiquement être le point de vue de cette dernière chaque fois qu'elle doit se prononcer sur la question. Ou bien on estime que Zemmour a proféré une contrevérité abominable et qu'il doit être à la fois censuré et pénalement sanctionné (« pas de liberté pour les ennemis de la liberté » – pour reprendre la formule par laquelle Saint-Just légitimait l'usage quotidien de la guillotine), mais la logique voudrait cette fois (puisque ce sont justement les prémisses de « gauche » qui conduisent nécessairement à la conclusion de « droite ») que la police de la pensée exige simultanément la révocation immédiate de tous les universitaires chargés d'enseigner la sociologie politiquement correcte (ce qui reviendrait, un peu pour elle, à se tirer une balle dans le pied), ainsi que le licenciement de tous les travailleurs sociaux qui estimeraient encore que la misère sociale est la principale cause de la délinquance ou qu'il existerait un quelconque « racisme d’État » à l'endroit des Africains (au risque de découvrir l'une des bases militantes privilégiées de la pensée correcte).
Le fait qu'il ne se soit trouvé à peu près personne – aussi bien dans les rangs de la gauche que dans ceux des défenseurs de droite d’Éric Zemmour – pour relever ces entorses répétées à la logique la plus élémentaire en dit donc très long sur la misère intellectuelle de ces temps libéraux. On en serait presque à regretter, en somme, la glorieuse époque de Staline et de Beria où chaque policier de la pensée disposait encore d'une formation intellectuelle minimale. Dans la long voyage idéologique qui conduit de l'ancienne Tcheka aux ligues de vertu « citoyennes » qui dominent à présent la scène politico-médiatique, il n'est pas sûr que, du point de vue de la stricte intelligence (ou même de celui de la simple moralité) le genre humain y ait vraiment beaucoup gagné. "
Michéa, Le complexe d'Orphée, 2011.
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Les lecteurs de ce blog sont habitués à la prose de Michéa. Je crois vraiment qu'il faut lire cet homme car sa vision du monde est réellement subversive (ce qui n'est pas un objectif en soi bien sûr) en ces temps de rebellitude en peau de lapin.
Michéa fait le constat que la doctrine libérale (philosphique) repose sur une vision foncièrement pessimiste de l'homme ("incapable de vrai ni de bien" selon Pascal) qui conduisit les penseurs libéraux a s’émanciper volontairement de toute hétéronomie fondatrice (de toute socialité primaire fondée sur la triple obligation du don -donner/rendre/recevoir, de toute valeurs civilisationnelles communes, de toute tradition ou religion normatives) pour échapper aux guerres civiles religieuses qui ravagèrent le monde occidental (l'europe) au 16ème et 17ème siècle.
Id est, en s'émancipant de tout ce qui a toujours fondé la vie en communauté (mais qui est polémogène en soi) et en n'organisant la vie qu'autour du droit procédural et du libre-échange, les libéraux organisent l'autonomie des sociétés et leur auto-institution sur le plus petit dénominateur commun (c'est le sens de son essai intitulé "l'empire du moindre mal"): le moindre mal c'est ce qu'il reste quand on a évacué tout ce qui fait sens dans une communauté et permet de vivre ensemble mais qui devient éminement subjectif et sujet à caution voire à des procédures juridiques sans fin dés lors que l'on a détruit toutes les architectures de sens normatives faisant société...
Le grand truc des libéraux c'est que la liberté des uns doit s'arrèter lorsqu'elle limite celle des autres... le problème est que c'est TOUJOURS le cas! si je veux éouter de la musique à fond toute la nuit, fumer ou il me plait et avoir des relation sexuelles avec des enfants, je suis aujourdhui fondé à revendiquer ces droits! et pourquoi pas? et au nom de quoi me l'interdirait-on dés lors qu'il n'y a pas de norme commune hormis des lois fluctuantes au gré des lobbys et des campagnes d'opinion?
Le code libéral c'est le code de la route: institué par défaut pour éviter un trop grand nombre de conflit mais n'instituant AUCUNE direction commune, aucune architecture de sens partagée, aucun horizon commun hormis celui de consommer et de faire valoir des droits -par nature- extensifs (des "avancées citoyennes" sur les décombres des "derniers tabous" pour parler comme le journaleux progressiste lambda du Monde ou de Libé): sorte d'unification juridico-marchande.
Dire cela ne revient nullement à dire:
1-que Constant ou Hume ou même Adam Smith anticipaient ou espéraient ce genre de monde invivable dans lequel nous vivons mais dire penser que les prémisses de cette pensée ne pouvaient mener qu'au chaos contemporain.
2- qu'il faut jeter ce mouvement d'autonomisation et d'émancipation des sociétés occidentales -totalement singulier dans l'histoire de l'humanité- avec l'eau du bain IKEA ou DOMAC mais qu'il est urgent de déconstruire l'imaginaire progressiste/libéral (cela revient au même) qui est hégémonique aujourd’hui et comprendre qu'il n'y a pas de progrès humain sans une volonté de conservation et sans enracinement dans des valeurs communes, des traditions fondatrices.
Une babel arc-en-ciel remplie de crétins festifs à roulettes revendicateurs et tirant dans tous les sens ne mène qu'au chaos: nous l'avons sous les yeux.
Michéa se définit parfois comme le faisait Orwell (de façon semi-ironique): un anarchiste conservateur (anarchist tory)! Ou bien un socialiste anarchiste, étant entendu pour lui que "socialisme" et "gauche moderne" n'ont strictement rien en commun tant la "gauche" contemporaine (et la "droite" idem) à définitivement adoubé l'imaginaire juridico-marchand libéral et tant le socialisme ouvrier qu'il exhume de l'histoire était étranger à tout rejet de la tradition, d'un minimum de conservation c'est-à-dire d'un enracinement fort dans une culture et des valeurs culturelles partagées...On est trés loin du nomade attalien avec sa tablette changeant de "job" et de "site" tous les 4 matins...
Aprés Orwell, Lasch ou Clouscard (ou Debord), c'est l'immense mérite de Michéa que de déconstruire l'hubris contemporaine du capitalisme globalisé version économistes de droite ou version sociologues de gauche (faut pas compter sur les Inrocks ou BHL...). Personne n'est obligé de valider cette vision du monde, mais il faut reconnaitre l'originalité de sa pensée et son caractère authentiquement subversif.photo: un monde décent
22:37 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : orwell, michéa, culs, clouscard, inrocks
11/02/2015
régénération
"Andrew Neather, qui rédigeait les discours de Tony Blair, Jack Straw et David Blunkett, a fait une révélation de taille, dans l’émission Question Time de la BBC. Il a en effet dévoilé que l’énorme augmentation de l’immigration durant la dernière décennie était une politique délibérée et organisée par les Travaillistes afin de modifier la constitution ethnique de la Grande Bretagne : « Outre les besoins du marché du travail, il y avait également une motivation « politique » derrière la politique d’immigration. [Les ministres entendaient] mettre le nez des conservateurs dans la diversité ». Cet apparatchik de premier rang a précisé que les dirigeants travaillistes avaient opéré secrètement, craignant que cette politique ne perturbe « la classe ouvrière qui est son vivier électoral ». Les vraies raisons, qui figuraient dans les premières versions du rapport Performance and Innovation Unit, rédigé par Downing street, ont été supprimées dans la version finale du document afin de ne pas révéler cette politique délibérée et organisée. Selon lui, « l’immigration de masse était pour le gouvernement le moyen de rendre le Royaume Uni totalement multiculturel. Cette politique délibérée a duré de 2000 au moins jusqu’au mois de mai 2008, date à laquelle on a mis en place le nouveau système de points.» Ce qui a entraîné l’arrivée, selon le think tank Migration Watch, de plus de trois millions de nouveaux immigrés. " (Faits et documents 15-30/11/09)
Etonnant comment cette entreprise, idéologique et coercitive, de régénération de peuples entiers, à leur insu et pour leur « bien », rappelle celle des révolutionnaires Français les plus « intransigeants », comme Fouché (dit le « mitrailleur de Lyon »…):
« Le peuple Français ne veut pas plus d’une demi instruction que d’une demi liberté ; il veut être régénéré tout entier, comme un nouvel être sorti des mains de la nature ». (Nature humaine et Révolution Française, Xavier Martin)
La part la moins lobotomisée du peuple Anglais n’est pas totalement dupe, du reste.
Quant aux nécessaires "réformes" (étrangement convergentes vers toujours moins de protection sociale et toujours plus de misère planifiée et estampillée "flexi-sécurité" par nos bureaucrates et experts continentaux, genre The road to Wigan pier), va falloir beaucoup de "pédagogie" aux think tanks de l'establishment libéral-libertaire pour arriver à ses fins.
Difficile de voir mourir son monde!
Braudel n'était pas d'accord avec Valéry affirmant que les civilisations sont mortelles. Ce sont des courants sous-marins trés puissants, la plupart du temps inaparents aux regard des hommes mais constituants une trame quasi indestructible structurant de façon consciente ou pas tous les faits d'armes du monde moderne et leur donnant un sens bien différent suivant la civilisation à laquelle on appartient.
15:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orwell, andrew neather, edl, braudel, valery
30/12/2014
fire!
« Parce que Kipling s'identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits « éclairés »- et c'est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont « éclairés » soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions « éclairées » exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent. Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase :
« Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil ! »
Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l'élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c'est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c'est seulement parce que d'autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. »
Georges Orwell, Œuvres complètes, p186-187, cité par Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique
19:39 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : kipling, orwell, rorkes drift
01/09/2014
sahib, sahib!
« On oublie trop que le monde moderne, sous une autre face, est le monde bourgeois, le monde capitaliste. C’est même un spectacle amusant que de voir comment nos socialistes antichrétiens, particulièrement anticatholiques, insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de moderne et le flétrissent, le même, sous le nom de bourgeois et de capitaliste. »
Péguy, Textes choisis, Gallimard, 1973, p.50.
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« C’est cette nécessité de protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe, qui est, vraisemblablement, à l’origine du besoin si souvent ressenti par Orwell de réhabiliter une certaine quantité de conservatisme. Aucune société décente, en effet, ne peut advenir ni même être imaginée, si nous persistons, dans la tradition apocalyptique ouverte par Saint Jean et Saint Augustin, à célébrer l’avènement de l’homme nouveau et à prêcher la nécessité permanente de faire du passé table rase. En réalité, on ne peut espérer changer la vie si nous n’acceptons pas de prendre les appuis appropriés sur un vaste héritage anthropologique, moral et linguistique, dont l’oubli et le refus ont toujours conduit les intellectuels révolutionnaires à édifier les systèmes politiques les plus pervers et les plus étouffants qui soient. C’est une autre manière de dire qu’aucune société digne des possibilités modernes de l’espèce humaine n’a la moindre chance de voir le jour si le mouvement radical demeure incapable d’assumer clairement un certain nombre d’exigences conservatrices. Telle est, de ce point de vue, la dernière et la plus fondamentale leçon de 1984 : le sens du passé, qui inclut forcément une certaine aptitude à la nostalgie, est une condition absolument décisive de toute entreprise révolutionnaire qui se propose d’être autre chose qu’une variante supplémentaire des erreurs et des crimes déjà commis.
« - A quoi devons nous boire cette fois [demanda O’Brien] ? A la confusion de la police de la pensée ? A la mort de Big Brother ? A l’humanité ? A l’avenir ?
- Au passé, répondit Winston.
- Le passé est plus important, consentit O’Brien gravement. » »
Orwell anarchist tory, JC Michéa, Climats, p 134.
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“Si quelqu’un laisse tomber une bombe sur votre mère, laissez tomber deux bombes sur la sienne. Il n’y a pas d’autre alternative : ou bien vous pulvérisez des maisons d’habitation, vous faites sauter les tripes des gens, vous brûlez des enfants – ou bien vous vous laissez réduire en esclavage par un adversaire qui est encore plus disposé que vous à commettre ce genre de choses. Jusqu’à présent, personne n’a encore suggéré de solution concrète pour échapper à ce dilemme. »
George Orwell, Œuvres complètes I, p 296.
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« Ecoutez maintenant une histoire vraie : c’est aux Indes que j’ai tué pour la première fois une femme…Oui oui, une femme…J’étais parti pour chasser le tigre quand en traversant la nuit un village perdu dans la jungle, un vieil indigène m’arrête :
- Sahib, sahib, un ours !
Et il me fait voir dans l’arbre une masse noire qui bougeait. J’épaule vivement, je tire, la masse s’abat dans un bruit de branches cassées, et je trouve une vieille femme que j’avais démolie pendant qu’elle cueillait des fruits. Un autre vieux moricaud, le mari, m’accable d’injures ; on va chercher le policeman indigène. Je dus indemniser la famille : cela me coûta des sommes folles, au moins deux livres.
L’histoire fut vite connue à vingt milles à la ronde. Et pendant plusieurs semaines, je ne pus traverser un village sans que deux ou trois vieux se précipitent :
- Sahib, sahib, un ours dans l’arbre !
Je n’ai pas besoin de vous dire qu’ils venaient d’y faire monter leurs femmes. »
Les silences du colonel Bramble, André Maurois.
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« De nombreux militants de gauche s’insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme anti sexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l’ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la personnalité autoritaire n’est plus le prototype de l’homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l’homme psychologique de notre temps -dernier avatar de l’individualisme bourgeois. »
(C. Lasch, La culture du narcissisme, éd climats, 2000, p 24)
22:20 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : peguy, michéa, orwell, les silences du colonel bramble
24/03/2014
anarchiste tory
" (...) Bref, récapitulons ce que nous enseigne la pensée orwellienne, telle qu’exposée à travers cet entretien et ses (très) nombreuses scolies :
- le Progrès est un mythe, une foi dont les postulats n’ont aucune base réelle mais reposent sur l’amoralité des élites les énonçant. Comme tout dogme, il est totalitaire par essence car ne souffre aucune contestation sérieuse sans aussitôt se montrer répressif ;
- le Progressiste est un croyant, messianiste suprémaciste et amoral, mais aussi infantile, qui a peur de devenir adulte ; il est atteint d’une pathologie du lien et d’une peur adolescente du sentiment (propos de Michéa). L’humanisme des Lumières dont il se réclame est macabre et machiniste. En ce sens, le Progressiste est inhumain ;
- seul un Socialisme digne de ce nom, celui des humbles, des travailleurs, de ceux qui restent ancrés dans le réel, est viable. Non parce que le travailleur est à déifier, loin de là, mais parce qu’il conserve des valeurs comme le don agoniste, l’entraide, les fondements qui permettent à toute société humaine d’exister en tant qu’entité collective ;
- être Socialiste c’est être réactionnaire, refuser la tabula rasa et ses arguments fallacieux. En prenant conscience de cela, et à toutes fins utiles quand nous savons que l’opposition entre les partis au pouvoir est une fausse opposition, il nous appartient de voir en quoi l’opposition entre le nationalisme et le socialisme est aussi une opposition fabriquée par le pouvoir pour faire apparaître antagonistes des tendances en réalité proches et complémentaires, qui devraient faire œuvre commune.
Et à nous, nationalistes, Michéa nous donne quelques pistes de réflexion et de découverte complémentaires : Pierre Leroux, Philippe Buchez, Paul Goodman, Christopher Lasch, George Orwell, Pier Paolo Pasolini, Marcel Mauss, André Prudhommeaux… A la lecture ! Source/Scriptoblog
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Sur la criminalisation de toute critique du Progrès :
« Dans les sciences progressistes de l’indignation, dont les lois sont soigneusement codifiées, la rhétorique du Plus-jamais-ça autorise ainsi, à peu de frais, tous les morceaux de bravoure possibles, tout en procurant, pour un investissement intellectuel minimal, une dose de bonne conscience, pure et d’une qualité sans égale. Le tout, ce qui n’est pas négligeable, pour une absence à peu près totale de danger à encourir personnellement (on songera tout particulièrement, ici, aux merveilleuses processions de pénitents d’avril 2002). »
« La mobilité perpétuelle des individus atomisés est l’aboutissement logique du mode de vie capitaliste, la condition anthropologique ultime sous laquelle sont censés pouvoir se réaliser l’adaptation parfaite de l’offre à la demande et « l’équilibre général » du Marché. Cette conjonction métaphysique d’une prescription religieuse (Lève-toi et marche!) et d’un impératif policier (Circulez, il n’y a rien à voir !), trouve dans l’apologie moderne du « Nomade » son habillage poétique le plus mensonger. On sait bien, en effet, que la vie réelle des tribus nomades que l’Histoire a connues, s’est toujours fondée sur des traditions profondément étrangères à cette passion moderne du déplacement compensatoire dont le tourisme (comme négation définitive du Voyage) est la forme la plus ridicule quoiqu’en même temps, la plus destructrice pour l’humanité. Bouygues et Attali auront beau s’agiter sans fin, leur pauvre univers personnel se situera donc toujours à des années-lumière de celui de Segalen ou de Stevenson. Sénèque avait, du reste, répondu par avance à tous ces agités du Marché : « C’est n’être nulle part que d’être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d’hôtes et pas un seul ami » (Lettres à Lucilius). » Citations tirées de l'ouvrage Orwell éducateur (Michéa).
La common decency selon André Prudhommeaux, cité par Michéa :
« L’anarchisme c’est tout d’abord le contact direct entre l’homme et ses actes ; il y a des choses qu’on ne peut pas faire, quel qu’en soit le prétexte conventionnel : moucharder, dénoncer, frapper un adversaire à terre, marcher au pas de l’oie, tricher avec la parole donnée, rester oisif quand les autres travaillent, humilier un « inférieur » etc. ; il y a aussi des choses qu’on ne peut pas ne pas faire, même s’il en résulte certains risques – fatigues, dépenses, réprobation du milieu, etc. Si l’on veut une définition de base, sans sectarisme ni faux-semblants idéologiques, de l’anarchiste (ou plutôt de celui qui aspire à l’être), c’est en tenant compte de ces attitudes négatives et positives qu’on pourra l’établir, et non point en faisant réciter un credo, ou appliquer un règlement intérieur […] Les rapports entre le comportement (ou le caractère) d’une part, et de l’autre l’idéologie, sont ambivalents et contradictoires. Il y a souvent désaccord profond entre le moi et l’idéal du moi. Tel camarade se pose en adversaire enragé de l’individualisme « égocentrique », de la « propriété » et même de toute « vie privée », qui s’avère un compagnon impossible : persécuteur, calculateur et profiteur en diable : il pense moi, et il prononce nous. » (Texte rédigé en 1956). source/scriptoblog
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Par les temps (d'imposture) qui courent, il est toujours sain de revenir à certaines évidences, en l'occurrence celles figurant dans cet ouvrage de Michéa répondant à la -très progressiste et très salope- Aude Lancelin (du mal-nommé journal Libération...je propose Liquidation).
Le Spectacle promu par nos modernes et leurs organes de propagande estampillés FFI prend soin d'occulter la matrice idéologique commune (rationalisme des Lumières) des deux tendances politiques majoritaires dans ce pays (et partout ailleurs en Occident): la "gauche" progressiste (et libérale) et la "droite" libérale (et non moins progressiste) partagent ce même messianisme du Progrès et cette quête individualiste d'émancipation absolue de tout attachement familial, communautaire, géographique, historique, culturel, religieux ou civilisationnel. Les uns et les autres, comme le décrit joliment Michéa, ne sont que les deux faces du même ruban libéral juridico-marchand de Möbius. En ce sens, le pseudo affrontement politique entre "droite" et "gauche" ne peut que se résumer aux quelques marronniers pour presse people que met en avant le Spectacle et sa nombreuse domesticité à paillettes ("le vote des étrangers, pour ou contre?", "l'homoparentalité, pour ou contre?", "la dépénalisation des drogues douces, pour ou contre?", "la viande hallal, pour ou contre?", ad lib...) permettant d'occulter aux masses non agissantes gavées de tittytainment, des enjeux moins festifs mais cruciaux: quelle critique du capitalisme globalisé? quelle modèle de société? Quelle communauté? Quel contrat? Quelle identité? Quelle critique sociale? Quel développement? Quelle économie? Quelle place de l'économie? Quelle démocratie? Quelle représentation? Quel pouvoir? Quelle éducation? Quels droits? Quels devoirs? Quelles valeurs communes? Quelles vision du monde ?
Déminons immédiatement la question libérale: je nomme "libéral" ce qui correspond à ce projet de la modernité occidentale basé sur l'individualisme, la marché (les fameuses "lois naturelles de l'économie" censées transformer les vices privés en vertus publiques" selon la fable des abeilles de Mandeville), la raison, l'idéologie de Progrès, l'ideal d'autonomie, d'émancipation de toute hétéronomie (autre que celle du "marché auto-régulé" (cette blague pour trader du Forex..), des "droits de l'homme" et, accessoirement en Europe, celle de la Shoah, au profit de l'unification juridico-marchande de nos sociétés contemporaines ("commercial societies" d'Adam Smith) en rupture avec l'idée de communauté enracinée dans un contexte social-historique, des valeurs communes, un projet commun, en rupture avec toute affiliation ou toute détermination antérieure au Moi...Pour dire que la question libérale est plus pour moi une question de philosophie politique que de place de l'Etat dans la société civile (qui a son importance mais qui me parait secondaire; en ce sens, la France et d'autres pays en Europe issus du « compromis Fordiste » et Keynésien de l'après-guerre reposant sur un équilibre singulier (et nullement spontané) entre exigences sociales et logique marchande, trouve une place à part en raison de l'importance de la place de l'Etat et de la planification dans la société. Mais il n'en demeure pas moins que sur un plan philosophique, nos modernes restent des libéraux. Je fait volontairement l'impasse sur cette autre variété de modernes, les républicains, qui bien que nominalistes (l'homme est par nature un être radicalement indépendant) comme leurs cousins libéraux (qui eux font le pari de l’égoïsme anthropologique comme structure fondatrice) , croient eux en les vertus civiques et militaires et pensent qu'une république ne peut survivre sans ces comportements vertueux.
Mais les uns comme les autres, parce que modernes, font délibérément l'impasse sur les conditions anthropologiques de toute vie en communauté, l'obligation réciproque, l'intersubjectivité, le cycle du don et du contre-don (qui structure encore largement les rapports humains dés que l'on quitte les palais lambrissés, les couloirs de Libération ou les coulisses de la Star'ac...) théorisé par Mauss mais présent intuitivement en chacun de nous (cette "common decency" Orwellienne qui ndique simplement que certaines choses se font et d'autres pas).
Par ailleurs et concernant cette intervention étatique toujours excessive aux yeux d’un libéral conséquent (ou d'un républicain, donc), il est important de comprendre que celle-ci est directement corrélée à la disparition des protections, corporations et solidarités multiples, réciproques et naturelles des sociétés traditionnelles et communautaires. En ce sens, en s’émancipant de tout et de tous, nos modernes séparés et désaffiliés ne peuvent plus guère trouver assistance et protection que dans des politiques étatiques toujours plus coûteuses et envahissantes…Si l’on ajoute à cela la récente et très radicale remise en question de cet Etat-Providence sur l’autel des « nécessaires ajustements de rigueur » destinés à « rassurer les marchés », on peut avoir une idée assez juste du monde à venir tel que le concevait le penseur libéral Hobbes (la « guerre de tous contre tous »), ce monde profondément pessimiste et sombre auquel ce penseur de la modernité n’envisageait, pour éviter la guerre civile, qu’un état fort, voire tyrannique (mais non totalitaire), le Léviathan, seul à même de faire régner l’ordre et d’éviter le chaos. Ainsi, émancipation et Etat thérapeutique avec pseudopodes festifs et panopticoïdes avancent ensemble. C’est donc parce que festivus-festivus, cet homoncule hors-sol à tablette prôné par Attali et Carglass, existe et devient la nouvelle figure de la modernité que la bureaucratie étatique si décriée par tous les Marchenoir (parfois à juste titre d’ailleurs mais sans en comprendre la génèse) devient la trame de nos commercial societies…
Un dernier mot sur l'impossibilité pour un libéral conséquent de défendre des identités collectives: le libéralisme est une anthropologie individualiste radicale niant la dimension sociale première de tout homme (chacun de nous vient au monde enraciné dans un contexte social historique, dans une langue, une culture, une communauté culturele sinon ethnique, des paysages, une religion, bref une civilisation); cela ne signifie pas que des libéraux ne puissent pas défendre des identités collectives mais qu'ils le font en contradiction avec les principes dont ils se prévalent. Plus que « réactionnaire », il est aujourd’hui –plus que jamais- nécessaire d’être rebelle au monde tel qu’il ne va plus, sinon révolutionnaire, c'est-à-dire conservateur (refuser le postulat des Lumières selon lequel l'homme est radicalement seul et la société un simple conglomerat de monades vertueuses ou pas selon son inclinaison de moderne, libéral ou républicain). Et socialiste (au sens orwellien du terme…pas au sens strausskahnien). Sorte de sonderweg entre le prussianisme d’un Jünger et l’anarchisme conservateur d’un Orwell.
Bref, de mauvais bourgeois, comme disait Jünger:
« La domination du tiers-état n’a jamais pu toucher en Allemagne à ce noyau le plus intime qui détermine la richesse, la puissance et la plénitude d’une vie. Jetant un regard rétrospectif sur plus d’un siècle d’histoire Allemande, nous pouvons avouer avec fierté que nous avons été de mauvais bourgeois. » Jünger, Le travailleur, 1931
21:57 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : orwell, michéa
17/08/2012
retour aux vaches
Pas de panique, j’ai juste pris quelques jours de repos en phalange, loin de la foule et de la chaleur…comme chaque année, d’ailleurs.
Petite course matinale au pied du Charvet, seul et heureux, au milieu des torrents, des prairies d’alpages, des gentianes et des saponaires, des biquettes à cornes regardant en l’air et des clarines le museau en bas, sifflements des marmottes à mon approche, sommets déchiquetés accrochés par les nuages, souffrance physique modérée (rien de commun avec celle d’un Kröger dans son village oublié), petite pause sur un éperon rocheux au pied d’un buron (toujours le même) prés duquel je passe l’hiver à ski, le bruit en bas du torrent, la paix enfin. Pas vu mon berger avalin lecteur de Marc-Aurèle dont j’ai déjà parlé ici, ses vaches mais pas lui. Me rappelait un guide des Bossons que j’avais suivi quelques étés, jeune et beau, physiquement assez prés de l’Apollon du belvédère^^ et en lequel j’avais une confiance aveugle (à raison, j’avais 16 ans) : le genre de mec capable de me faire retrouver le sourire dans une paroi merdique et gazeuse sur une ou deux petites arrêtes rocheuses et « assuré » par un ou deux spits auto-bloqueurs qui ne me rassuraient qu’à moitié. Un jour on avait fait une voie facile partant de la vallée blanche et montant à l’aiguille du Midi (voie des Cosmiques pour les connaisseurs), facile mais impressionnante car exposée et débouchant sur la plate-forme d’arrivée du téléphérique (avec le spectacle habituel des touristes asiatiques qui te shootent à l’arrivée alors que tu fais une école d’escalade lambda…ça fait du bien à l’ego, ha ha). Bref, on avait fini par devenir potes et il m’avait invité à boire une mousse chez lui dans sa ferme aménagée (sorte de grange retapée avec du bois partout, des cordes d’escalade au plafond, des posters d’Alpirando avec Edlinger aux murs, un vieux frigo –genre frigidaire- rempli de packs de kro…une vie tranquille avec sa copine, une espèce de bombasse aux yeux verts et cheveux noirs, à mon avis experte dans toutes les techniques de verrouillage pelvien et que je ne quittais pas des yeux (au risque de souiller mon 501). Aucune chance de pouvoir se prévaloir d’une quelconque éthique de la virginité, celle-là. Ouais, ils étaient beaux tous les deux et devaient le savoir ; j’ai souvent remarqué que les gens beaux –et conscients de l’être- étaient gentils, un peu comme s’ils voulaient se faire pardonner cet excès de considération divine ? Mouais.
Revu Jeannette, ma voisine Corrézienne (qui vit passer les maudits de Das Reich en 44), dans sa ferme, au milieu de ses poules, de ses lapins et de son potager luxuriant : la même blouse bleu hors-d’âge reprisée mille fois, le visage tanné par le soleil et marqué de grosses rides, les mêmes verres Duralex, la même toile cirée fixée par des petits clous à la table, la même grosse boite de biscuits, les potins du canton, des nouvelles de son petit (mais terriblement efficace car simple) monde champêtre. Le genre de parenthèse hors du monde qui me permet de recentrer mon jugement et d’affronter le démon quotidiennement, et ses figures grimaçantes à la BHL. Toujours vivant l’apôtre! Et si terriblement nuisible.
« Constamment, comme je marche dans les rues, je ne peux m’empêcher de lever les yeux vers les fenêtres pour repérer celles dont on pourrait faire de bonds nids de mitrailleuses. »
G Orwell cité par Simon Leys (Le studio de l’inutilité, 2012)
Cher, cher Eric Blair, je pensais être le seul à me faire régulièrement ce genre de réflexion (quitte à m’interroger sur ma santé mentale, entouré que je suis de festivus progressistes persuadés de ne point avoir d’ennemis, dès lors qu’ils ne s’en désignent pas -comme le dit si bien Freund- et consternés de me voir de temps à autres nettoyer consciencieusement mes armes ou aller au stand de tir), et bien non. Bon, le Londres des années 40 (où la perspective d’une invasion allemande était bien réelle) n’est pas la France de François Normal mais ce genre de préoccupation singulière me parait bien naturelle dès lors que l’on ne perd pas de vue cet horizon de la guerre (dont parle Venner) que seuls les occidentaux ont oublié, au moins depuis 45.
Le bruit des cloches et des torrents ne m’empêche pas d’entendre la petite musique habituelle des guerres impériales servilement relayée par la diplomatie française et ses sayanims fidèles (BHV ou Fabius (dont le patronyme fut emprunté à un général romain par un de ses ancêtres), par exemple mais pas seulement). Serbie, Irak, Kosovo, Libye, Afghanistan, maintenant la Syrie, sans doute demain l’Iran : derrière la propagande en forme de « protection des populations civiles » ou de « promotion des droits de l’homme » ou de la « démocratie » s’avancent sans trop se cacher les VRP d’Halliburton et les mercenaires de Blackwater…toujours le même scénario et la même volonté inflexible de garder l'hegemon. Ordo ab chaos?
A suivre.
19:57 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : obama, bhl, vaches, orwell, marc-aurèle
17/03/2012
lapins et radicalité
« Nous étions dans un fossé, mais derrière nous s’étendaient cent cinquante mètres de terrain plat, si dénudé qu’un lapin aurait eu du mal à s’y cacher (…). Un homme sauta hors de la tranchée [ennemie] et courut le long du parapet, complètement à découvert. Il était à moitié vêtu et soutenait son pantalon à deux mains tout en courant. Je me retins de lui tirer dessus, en partie à cause de ce détail de pantalon. J’étais venu ici pour tirer sur des « fascistes », mais un homme qui est en train de perdre son pantalon n’est pas un « fasciste », c’est manifestement une créature comme vous et moi, appartenant à la même espèce – et on ne se sent plus la moindre envie de l’abattre. »
G Orwell, Looking back on the spanish war, Œuvres complètes II, p. 254
« C’est cette nécessité de protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe, qui est, vraisemblablement, à l’origine du besoin si souvent ressenti par Orwell de réhabiliter une certaine quantité de conservatisme. Aucune société décente, en effet, ne peut advenir ni même être imaginée, si nous persistons, dans la tradition apocalyptique ouverte par Saint Jean et Saint Augustin, à célébrer l’avènement de l’homme nouveau et à prêcher la nécessité permanente defaire du passé table rase. En réalité, on ne peut espérerchanger la vie si nous n’acceptons pas de prendre les appuis appropriés sur un vaste héritage anthropologique, moral et linguistique, dont l’oubli et le refus ont toujours conduit les intellectuels révolutionnaires à édifier les systèmes politiques les plus pervers et les plus étouffants qui soient. C’est une autre manière de dire qu’aucune société digne des possibilités modernes de l’espèce humaine n’a la moindre chance de voir le jour si le mouvement radical demeure incapable d’assumer clairement un certain nombre d’exigences conservatrices. Telle est, de ce point de vue, la dernière et la plus fondamentale leçon de 1984 : le sens du passé, qui inclut forcément une certaine aptitude à la nostalgie, est une condition absolument décisive de toute entreprise révolutionnaire qui se propose d’être autre chose qu’une variante supplémentaire des erreurs et des crimes déjà commis.
« - A quoi devons nous boire cette fois [demanda O’Brien] ? A la confusion de la police de la pensée ? A la mort de Big Brother ? A l’humanité ? A l’avenir ?
- Au passé, répondit Winston.
- Le passé est plus important, consentit O’Brien gravement. » »
(Orwell anarchist tory, JC Michéa)
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Lire aussi cet interview de Michéa sur Orwell dans la revue du MAUSS+++
extrait;
"Orwell établit une distinction entre la gauche et le socialisme. Et vous avez fort bien montré comment la gauche, par sa naissance même comme parti du mouvement, était logiquement devenue la meilleure alliée du capitalisme (ce qui signifie d’ailleurs qu’il n’y a plus de grande différence entre elle et la droite et que ces catégories ne sont guère utiles). Êtes vous, avec Orwell, le défenseur d’une gauche non moderne ou d’un socialisme conservateur, bref d’un anarchisme tory ? Ne sont-ce pas des oxymores ?
Ce ne sont des oxymores qu’à l’intérieur du dispositif idéologique légué par les courants dominants de la philosophie des Lumières (il faut donc en exclure cette tradition du républicanisme « néo-romain » dont Orwell – Crick l’a souligné – était souvent assez proche). Pour les élites intellectuelles du XVIIIe siècle, en effet, il s’agissait avant tout de tracer une ligne de démarcation infranchissable entre les partisans du « Progrès » et de la « Raison » (ce qu’on appellerait bientôt la « Modernité ») et les tenants d’un passé ténébreux, que les progressistes les plus radicaux assimilaient en bloc à l’absurde système « féodal » et à son cortège de superstitions populaires, de coutumes ridicules et de préjugés inacceptables. L’ambiguïté d’un tel dispositif – dans lequel Engels voyait le « règne idéalisé de la bourgeoisie » – saute immédiatement aux yeux. D’une part il a conduit à ancrer le libéralisme – moteur principal de la philosophie des Lumières – dans le camp des « forces de progrès » (on sait d’ailleurs que Constant, Bastiat et Tocqueville siégeaient à la gauche, voire à l’extrême gauche, du Parlement). De l’autre, il a contribué à rendre d’avance illisible la critique socialiste originelle puisque celle-ci allait précisément naître d’une révolte contre l’inhumanité de l’industrialisation libérale et l’injustice de son Droit abstrait (ce qui explique, au passage, qu’un Marx – à la différence d’une Marie-George Buffet ou d’un Olivier Besancenot – n’aurait jamais songé à se revendiquer de la Gauche : comme la plupart des socialistes de son temps, il défendait encore la précieuse indépendance du mouvement des travailleurs, tant à l’égard de la droite monarchiste qu’à celui de la gauche libérale, quitte à appuyer parfois cette dernière pour des raisons purement tactiques et provisoires). Pour autant, cette atopie singulière du socialisme naissant ne signifie pas que ses partisans entendaient revenir au monde d’avant la Révolution. Mais leur dénonciation de ce dernier était infiniment plus subtile que celle des idéologues de gauche. Dans leurs critiques de l’Ancien Régime, ils prenaient toujours soin, en effet, de distinguer ce qui relevait du principe hiérarchique (un socialiste est par définition hostile à toute forme d’oligarchie, quand bien même elle se fonderait sur la prétention de certains à être « plus égaux que les autres ») et ce qui relevait du principe « communautaire » (la gemeinwezen de Marx) et de ses conditions morales et culturelles (un socialiste s’oppose par essence à ce qu’Engels appelait « la désagrégation de l’humanité en monades dont chacune a un principe de vie particulier »). Pour les premiers socialistes il était donc clair qu’une société dans laquelle les individus n’auraient plus rien d’autre en commun que leur aptitude rationnelle à conclure des marchés intéressés ne pouvait pas constituer une communauté digne de ce nom (on remarquera, au passage, que la Gauche contemporaine aurait presque fini par nous faire oublier l’étymologie même des mots « communisme » et « socialisme »). Tout cela, naturellement, Orwell le sentait et le vivait de façon viscérale. Et c’est avant tout cet aspect du « passé » (celui qui fonde, en définitive, une grande partie du sens et du charme de l’existence humaine) qu’il désirait protéger et développer, jusqu’à en faire l’horizon nécessaire – ce n’est qu’un paradoxe apparent – de toute vie privée réussie. Et quitte, selon son habitude, à multiplier les provocations philosophiques destinées à éveiller les intellectuels de gauche de leur éternel sommeil dogmatique. C’est ainsi, par exemple, qu’il confia un jour à Kay Ekevall que « ce dont avait besoin l’Angleterre, c’était de suivre le genre de politique prônée par le G.K.’Weekly de Chesterton : une forme d’anticapitalisme et de « joyeuse Angleterre » agraire et médiévale ». C’est à coup sûr dans ce cadre précis qu’il convient d’interpréter sa dernière volonté d’être inhumé selon le rite anglican. Il ne croyait évidemment pas en Dieu mais il n’en pensait pas moins que « le véritable problème était de trouver un moyen de restaurer l’attitude religieuse, tout en considérant que la mort est définitive ». Non qu’à ses yeux le sens moral trouve son fondement réel dans la religion, mais simplement parce qu’il était convaincu – et bien des révoltes populaires lui donnent raison sur ce point – que la religion pouvait aussi fonctionner, à l’occasion, comme l’un des habillages culturels les plus efficaces de la common decency."
A la lumière de cette "forme d’anticapitalisme et de « joyeuse Angleterre agraire et médiévale »" pronée par Orwell, (!!excellent!), on mesure le chemin parcouru par nos progressistes contemporains de "gauche" (Moscovici?) ou "de "droite" (Coppé?)...sans parler des Mélenchon, DSK, Dray ou Lamy...(je sais, on dirait la liste de Schindler)
22:13 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : orwell
13/03/2012
festivus contre l'ordre moral
« De nombreux militants de gauche s’insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme anti sexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l’ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la personnalité autoritaire n’est plus le prototype de l’homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l’homme psychologique de notre temps -dernier avatar de l’individualisme bourgeois. » (C. Lasch, La culture du narcissisme, éd climats, 2000, p 24)
Suis souvent surpris par le grand écart idéologique (qu'incarne à merveille ce pauvre Hazan et ses clônes modernes) que font les plus fervents promoteurs des théories pédagogistes et novatrices au sein de l’Education Nationale –nos amis du désastre scolaire que Brighelli dans son blog épingle si bien, en patient entomologiste du monde scolaire qu’il est.
Je dis grand écart idéologique car, sur le fond, il me semble que la plupart des bonnes consciences progressistes –de gauche comme de droite- ne voient pas la contradiction fondamentale qu’il y a à vomir quotidiennement le libéralisme économique d’un côté tout en adoubant, de l’autre, des théories éducatives et des principes anthropologiques qui ressortent directement de l’individualisme le plus libéral ("leulibéralisme culturel" pour notre ami Marchenoir)
Je m’explique. Le contraste entre les moyens énormes mis au service de l’institution scolaire et les résultats dramatiques de la même institution montent assez bien à quel point –et contrairement à la rhétorique pavlovienne des syndicats d’enseignants ("de gauche" c'est-à-dire les plus acharnés à saper les piliers de l'institution au nom du Progrès et de la célèbre "lutte contre toutes les formes de discriminations") sur le manque de postes et de moyens- il s’agit plus d’une crise civilisationnelle que d’une simple histoire de budget.
Au sens ou si l’école a changé, en mal, sous les coups des Lang, Meirieu, Langevin, Freinet, Bayrou et autres Bourdieu, adeptes de l’élitisme pour tous et de la massification de la culture, la société aussi.
La famille moyenne qui envoyait ses gamins les yeux fermés à l’école publique du quartier dans les années 50 ou 60 pour y acquérir, non pas une éducation qui était assurée par les parents, mais une instruction, n’est plus la famille d’aujourd’hui qui se décharge largement de son rôle éducatif sur l’institution qui, parallèlement, est de moins en moins à même d’assurer son devoir d’instruction.
Quels parents envoient aujourd’hui les yeux fermés leurs gamins à l’école du quartier ? Une minorité sans doute par aveuglement ou culte du métissage social…La majorité des parents n’ont plus confiance dans l’institution. Perte de légitimité et contestation du bien fondé de principes éducatifs impersonnels qui, jusqu’alors, paraissaient évidents à presque tous. Remise en cause du contenu et des méthodes. Pourquoi apprendre ? Quels savoirs ? Pour qui ? Les mêmes pour tous ? Ne faut il pas individualiser l’enseignement, mettre l’enfant au cœur du système ? L’aider à construire lui-même son savoir ? Respecter ses droits ? Rendre le savoir attractif ? Aller vers l’enfant ? Cesser de demander aux enfants de faire l’effort d’acquérir ce savoir ?
A bien considérer les choses, ce primat de l’individu –de l’élève- par rapport à la communauté, cette survalorisation de droits individuels ( apprendre, à construire son savoir, à bénéficier d’un enseignement individualisé et attractif, récusation de l’autorité, etc.) au détriment des devoirs de l'enfant (respect de l’autorité, de la figure du professeur, du savoir, humilité et reconnaissance devant ce travail d’individuation et de civilisation nécessaire voulu et organisé par la communauté), cette auto régulation des comportements (qui rappelle l'auto-régulation des marchés, la célèbre main invisible d'Adam Smith), ne sont que les manifestations les plus évidentes de cet individualisme libéral qui est aujourd’hui le credo de nos sociétés occidentales. Pour le meilleur, comme pour le pire.
Au delà de cette contradiction –féconde pour ceux qui veulent bien s’y arrêter- entre la lecture d’Alternatives économiques et le devoir de vigilance citoyen à l’égard des droits de l’élève dans l’institution scolaire, tout cela me semble traduire une confusion générale sur la nature de l’école et sur les rapports entre l’individu –enfant- et la société en tant que communauté.
Christopher Lasch dans les années soixante dix, se posant la question de la compatibilité d’une éducation de masse et du maintien d’un enseignement de qualité, avait démystifié ce chaos moderne en montrant la convergence de vue entre conservateurs partisans d’un enseignement élitiste et jugeant préjudiciable au maintien d’une excellence scolaire l’ouverture de l’école au plus grand nombre et radicaux qui justifient l’abaissement du niveau d’enseignement au nom de l’émancipation culturelle des opprimés.
Pour autant, Lasch faisait le constat d’un abaissement du niveau éducatif dans les lieux mêmes d’excellence (Yale, Princeton, Harvard), assez réfractaires par nature, au dogmes égalitaristes. Et faisait l’hypothèse que cette évolution inquiétante était propre aux sociétés industrielles avancées, celle-ci n’ayant plus nécessairement besoin d’individus brillants autonomes et critiques, mais plutôt de sujets moyens, relativement abrutis, capables d’effectuer un travail moyennement qualifié et de se comporter en bons consommateurs…Connivence des acteurs économiques et politiques pour laisser filer l’enseignement de la littérature, de l’histoire, des sciences politiques et da philosophie, peu nécessaires à l’accomplissement consumériste et festif de l’homme moderne.
Avec pour résultat que l’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, avait fini par abrutir les privilégiés eux mêmes. On retrouve ce type d’analyse chez Renaud Camus lorsqu’il parle de la prolétarisation des classes moyennes et du corps professoral.
Ainsi, contrairement à l’esprit de l’institution qui était de former des citoyens éclairés capables de se diriger eux-mêmes, il semble que le système ne soit plus capable –hors quelques filières d’excellence soigneusement épargnées à dessein- que de produire des générations d’abrutis incultes et pour beaucoup analphabètes, tout juste aptes à obéir servilement aux campagnes promotionnelles, à opiner aux sommations d'une expertocratie auto proclamée et omni présente, et à célébrer comme il se doit l’avènement de cette société du Spectacle de masse dont parlait Debord.
Pourquoi, en effet, dans la perspective utilitariste d’efficacité et de rendement ou de retour sur investissement de nos modernes élites, perdre du temps et de l’argent à enseigner l’histoire ou la littérature à des individus massivement destinés à des emplois peu qualifiés et peu exigeants intellectuellement ? Pourquoi former de bons citoyens éclairés et autonomes lorsque des abrutis grégaires et festifs feront tourner la machine aussi bien –sinon mieux- et ferons de bons consommateurs ?
Et à cette prolétarisation globale des sociétés industrielles, la bureaucratie éducative progressiste à front de taureau répond en produisant à jet continu de nouveaux programmes scolaires revus à la baisse, peu exigeants, axés sur la socialisation des enfants, les activités transversales ou extra scolaires destinées, non plus à les instruire, mais à les occuper.
« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune.Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que la CEE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. » (Cristopher Lasch, La révolte des élites, 1996)
« En septembre 1995, 500 hommes politiques et dirigeants économiques de premier plan s’étaient réunis à San Francisco sous l’égide de la Fondation Gorbatchev pour confronter leurs vues sur le monde futur. La plupart tombèrent d’accord pour affirmer que les sociétés occidentales étaient en passe de devenir ingérables et qu’il fallait trouver un moyen de maintenir par des procédés nouveaux leur sujétion à la domination du Capital. La solution retenue fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski sous le nom de tittytainment. Par ce terme plaisant, il fallait entendre un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. » (Alain de Benoist (6 juillet 2009)
"Johnny a dit à Adeline: "Ah que c'est chouette!""
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16/01/2012
Issos
« Parce que Kipling s'identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits « éclairés »- et c'est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont « éclairés » soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions « éclairées » exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent.
Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : « Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil ! » Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l'élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c'est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c'est seulement parce que d'autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. » Georges Orwell, Œuvres complètes, p186-187, cité par Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique, p.48.
Passé quelques jours apaisés et ensoleillés dans notre belle capitale entre bistros de happy fews et l’expo spéciale sur le monde d’Alexandre le Grand au Louvre (à ne pas manquer). As usual, impression de passer quelques jours sur le pont du Titanic en compagnie d’hommes et de femmes parfaitement déconnectés de la réalité dissertant sur « la menace populiste » ou sur leur dernier trip kérozène aux Seychelles... Avocats d’affaires, gérants d’immobilier ou de placements financiers, top leaders dans la téléphonie ou l’informatique, tout un monde agréable (quand on est introduit^^) mais totalement inconscient du monde tel qu’il va (ou tel qu’il ne va pas) lorsque l’on n'habite pas le XVème ou le XVème arrondissement et que l’on n'est pas passé par les fourches caudines des fabriques de winners contemporains. Parfois conscients (pour les plus malins) de la guerre économique (en attendant mieux) qui sévit mais se croyant à l’abri ou bien placé dans une compétition planétaire qui sape jours après jours les conditions de leur survie comme occidental moyen (on ne peut s’exclure totalement du monde dans lequel on vit hormis dans les ghettos Brésiliens ou Sud Africains dont le paradigme multiculturel reste l’horizon indépassable de nos sarkosy, hollande et badiou (le pauvre)).
Chaque fois que je me retrouve cerné de la sorte, je pense à cette phrase de Kipling (« Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil ! ») qui illustre si bien l’aveuglement suicidaire de cette superclasse de global leaders qui entraîne avec elle d’autres, nombreux, qui n’ont pas les moyens de combattre et de survivre dans ce chaos métissé™ et festif™ (selon les canons idéologiques de Bouygues et des Inrocks)…Ces « uniformes qui veillent » ce sont toutes ces hommes, ces femmes qui savent qu’il n’y a d’amélioration de la condition humaine (ou de conservation..) que si l’on est enraciné dans une culture, un territoire, une tradition, une langue ; qui savent que la table rase du zorglhomme attalinien tapotant sa tablette entre deux aéroports ou de l'internationaliste négri sont une chimère dangereuse; ce sont toutes ces « architectures de sens » (Delsol) (transmission, fidélité, honneur, culture, décence, affiliations, religions, etc.) qui font que notre monde tient debout et ressemble à autre chose qu’au chaos arc-en-ciel qui nous est chanté par le choeur des enculés du grand journal. Sans parler des vrais uniformes, ceux d'Alexandre et de ses descendants...de fait, ces uniformes sont les cibles premières de tout libéral conséquent, de droite (figaro/la tribune), de gauche (libé/le monde) voire d’extrême gauche (Badiou, négri, les pauvres) acquis au même imaginaire apauvri de nomade hors-sol bardé de droits (à faire valoir), prompt à suivre en toutes circonstances son seul meilleur intérêt en et lutte contre les derniers véritables crimes contemporains (identifiés par Debord il y a quelques années) que sont: l'anti-modernisme, le racisme et l'homophobie!
Repas amusants, discours inquiets sur la montée de la "fièvre populiste" (Lasch, reviens !) et le danger Russe ! J’avais passé la journée à lire les mémoires d’un ancien de la LVF en 43 et 44, amoureux de la steppe et de l’âme russe…ho ho ! Un rien m’amuse, je sais. Ils ne voient pas le danger, les biquets (sinon pour eux, du moins pour les leurs, pour leur communauté si ceci a encore un sens dans ce genre de monde). Darius le grand, roi des rois aux 360 concubines, lorsqu’il apprit le débarquement des Macédoniens avec le fils de Philippe à leur tête prés de Troie, ne prit pas la peine de conduire ses armées et fit envoyer au grand Alexandre une balle d’enfant, manière de lui montrer le peu de cas qu’il faisait de cette menace…quelques années plus tard après trois batailles homériques (Granique, Issos et Gaugamèles), l’empire Perse était défait, Darius trahi par un des siens et fléché au fond d’un char avec Alexandre en pleurs à ses côtés (loin de la morgue vulgaire de l’empire US après l’assassinat du tyran Kadafi..)…
« Prenez garde, ouvriers européens : les mêmes qui vous ont submergés de dizaines de millions de musulmans pour écraser vos revendications peuvent vous exciter demain à vous battre contre ces mêmes musulmans devenus combattants. On vous dira qu'on s'est trompé (qui est "on" ?), que ces hommes n'ont pas su profiter de l'évolution qu'on leur proposait. Ne tombez pas dans le piège. J'ai dénoncé plus clairement que quiconque les bases pathologiques des religions du désert, marxisme inclus. Je suis bien loin de me laisser gagner par les mirages infantiles de l'islam. Mais si la crapulocratie s'en prend à l'islam, ce n'est pas à cause de ses dogmes infantiles, ni à cause des tchadors d'écolières manipulées. C'est parce que l'islam reste la seule force anticapitaliste, la seule capable de faire échouer le chancre mondial de la société de consommation. La guerre civile mondiale, à la fois raciale, culturelle et sociale ne sera pas évitée. Mais les hommes libres n'y ont aucune place. Ne vous laissez pas entraîner dans le tourbillon de folie et ne vous battez qu'en cas d'absolue nécessité, si vous êtes personnellement attaqués. » Robert Dun, « Camarade, ne te trompe pas d'ennemi ! », L'Homme libre, fils de la terre, juin 1995.
J’entends Dun et Soral dans leur préoccupation de cerner l’ennemi principal et de ne pas tomber dans le chaos voulu par certains, et sans doute ce faisant minorent-ils quelque peu l’existence d’un véritable front intérieur, d’un autre ennemi, ces communautés allogènes non assimilées, non intégrées, en rebellion et en sécession contre les peuples autochtones et leurs façons ancestrales de vivre. Certes, faire tomber cette "crapulocratie" de global leaders planétaires et leurs relais médiatiques/culturels utiles est une priorité mais il faut être naïf pour croire que l’ « écolière en tchador manipulée » sera autre chose qu’un ennemi intérieur même après l’effondrement de WS et de la City.Le salut, comme toujours lorsque l'on est gouverné par des pitres et des lâches, est dans la botte souveraine de la réalité que l'on entend de plus en plus, ces temps-ci...(même chez Malika Sorel). Mais si même les pires des autruches commencent à flairer le danger….
« La gauche norvègienne est prise à son propre piège. A la suite de l’octroi du droit de vote et du droit d’éligibilité aux immigrés non européens aux élections locales en 1982, de la dynamique démographique de ses populations et du clientélisme systématique envers eux, les dirigeants du Parti Travailliste Norvégien (Arbeiderpartiet) sont de plus en plus marginalisés au sein même de leur parti. Sur les 20 sièges qu’ils détiennent au conseil municipal d’Oslo, 11 sont occupés par des étrangers. Au total, on trouve 19 élus d’origine non européenne. Ils demandent donc de désigner des quotas afin de « rétablir l’équilibre ». » Faits et Documents, 15-31/01/2011.
Ha ha ! les pauvres.lire aussi ceci sur le basculement extra-européen prochain de grandes villes européennes.
photo: alexandre à Issos.
10:38 | Lien permanent | Commentaires (33) | Tags : alexandre, négri, badiou, robert dun, orwell
09/06/2011
logiciel
« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l’emploi de la double pensée » George Orwell, 1984.
La double pensée est sans doute ce qui définit le mieux toute la cléricature politique et médiatique contemporaine. Les exemples sont innombrables et quotidiens. Tout récemment une grande partie de la classe politique de « gauche » soutenant un DSK coupable de viol (et non pas d’autre chose) au motif que « cela ne lui ressemble pas » alors même que c’est archétypal du personnage. Récemment un JF Kahn assénant « off » quelque bonne grosse vérité sur la transformation démographique accélérée de notre environnement humain sous l’effet d’une immigration de peuplement délirante alors qu’il la nie jour après jour dans son torchon bien-pensant. Tel autre Meirieu ou Bégaudeau assurant que le chaos éducatif contemporain n’en est pas un mais que le niveau monte…etc., etc.
Comment croire que des personnages qui se mentent à eux-mêmes puissent ne pas mentir à leur entourage, à leurs lecteurs, à leurs électeurs, à leurs compatriotes ?
La double pensée est, in fine, l’unique façon de survivre socialement mais aussi moralement dans un monde ou le mensonge est omniprésent et tyrannique. Pour la très grande majorité du personnel officiel médiatique, politique et sociologique, la double-pensée n’est même pas nécessaire car les femmes et les hommes qui le compose sont intimement persuadés de la doxa qu’ils professsent. Et sont même sélectionnées sur leur aptitude à la professer de bonne foi. Encore plus redoutable…et pourtant si fréquent.
Le logiciel idéologique du journaliste ou du sociologue lambda de « gauche », mettons de Libé ou de Télérama est simple :
- l’économie de marché, son imaginaire et le monde qu’elle façonne sont incontournables. Il est urgent d’abandonner toutes approche de la question sociale, toute analyse, toute critique de la globalisation du Capital et de son imaginaire aliénant, l’économisme (avec son rituel de points de croissance, ses injonctions à consommer et à produire, sa liturgie de résultats trimestriels de tel ou tel paramètre obscur) devient la nouvelle religion séculière de tous,
- dés lors, la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux devient une évidence qui justifie l’abolition des frontières, la libre circulation des hommes d’où qu’ils viennent, la régularisation inconditionnelle de tous les clandestins et la diabolisation (reductio ad Hitlerum) de tous ceux qui s’opposent à cette logique modernne et irréfutable (il n’ya pas d’alternative, au moins dans le « cercle de raison » du pitre Minc et de sa cohorte de happy-fews new-yorkais ou marrakchis); la figure de l'homme sans raçines/ hors-sol, le nomade attalinoïde planétaire devient LA NOUVELLE FIGURE ANTHROPOLOGIQUE, par essence,
- les droits de l’homme, naturels et positifs, s’appliquent à tous inconditionnellement et sont susceptibles, sachant que la société et l’Etat sont neutres idéologiquement et ne s’appuient sur aucune conception morale ou philosophique partagée, de s’étendre à l’infini au gré des novations sociétales (présentées comme des combats versus l'oppression réactionnaire) et du jeu des lobbys/minorités instrumentalisés en cour du moment, sans autre limitation que d’autres droits, par nature inconciliables et irréductibles (le droit de faire la teuf et le droit de dormir en paix ou le droit de fumer du canabis et celui à la santé, le droit à une sexualité zoophile sereine et le droit de protéger les animaux de toute violence, etc.) ; le mot d’ordre restant : METTRE A BAS LES DERNIERS TABOUS ! La coexistence forcée d’individus aux logiques et modes de vie forcément irréductibles et désunis par l’absence de toute morale/ philosophie/ common decency partagée produit donc le chaos moderne qu’il est loisible à tous d’observer, sous couvert d’un vague bricolage « citoyen », dérisoire injonction au « vivre ensemble » alors même que le système produit à jet continu les conditions de la guerre de tous contre tous…
- la trahison des classes populaires et des peuples différenciés et enracinés dans une culture, un territoire, une langue, des traditions, au profit d’une posture nomade ultra transgressive car relativiste et déconstructionniste est escamotée par l’injonction frelatée et permanente à LA LUTTE CONTRE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION ET DE RACISME ! autre élément incontournable de la pensée unique qui sert de colonne vertébrale à nos modernes. La seule façon pour la fraction dite « de gauche » de ce personnel politico-sociologique et médiatique pour ne pas sombrer alors dans la schizophrénie et la souffrance psychique qu’implique la double pensée étant alors de s’INVENTER un ennemi fantasmé : c’est le rôle de crétins utiles comme le pauvre Lindenberg ou le pauvre Mouchard/Joffrin qui bataillent sans relâche pour faire accroire au commun que nos sociétés seraient menacées, non pas par le consumérisme effréné et destructeurs de hordes de crétins narcissique et immatures, mais par la TERRIBLE REACTION CLERICALE, MILITAIRE ET PATRIARCALE ET SON SINISTRE ORDRE MORAL !
Et il suffit bien sûr de lire n’importe quel magazine consensuel (genre les Inrocks ou Télérama) ou de regarder une heure de W9 ou M6 boutique pour prendre conscience de la réalité du danger et de la sincérité des posturesde ces pitres…
Pour résumer, à la base, un logiciel de pensée verrouillé et transmis dés le plus jeune âge à nos têtes blondes, dont les moins affûtées intègrent les rangs panurgesques de ce personnel officiel, imprégnés qu’ils sont de la doxa unique, charge à la double pensée de verrouiller, en haut et chez les plus perspicaces, toute velléité de voir et dire le vrai.
C’est bien fait. Mais pas neuf. Cf Orwell.
Demain, le journaliste de « droite ».
le vrai:
12:07 | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : double pensée, orwell
23/10/2010
indigènes et allogènes
« La « neutralité axiologique revendiquée par le libéralisme a parfois de curieuses conséquences. Rien ne peut logiquement interdire, en effet, que l’on utilise le racisme lui-même, à titre pédagogique, si l’on a de bonnes raisons de penser que c’est un moyen politique efficace pour parvenir à l’égalité des droits (c’est le principe de toute affirmative action). C’est ainsi que Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la république, a pu tranquillement déclarer (lors d’une émission de Frédéric Taddéi sur France 3), et sans susciter, cela va de soi, la moindre réaction politique ou médiatique, que la première condition pour « rééduquer le reste de la société occidentale » était de considérer tous « les Blancs » comme des « sous-chiens » (cf. Marianne 30/06/2007). C’est l’occasion de préciser ici un point de vocabulaire visiblement ignoré par la plupart des professionnels du monde politique et médiatique : indigène, en français, signifie non pas « sauvage », « primitif » ou « colonisé » mais originaire d’ici (c’est au fond le synonyme exact de population de souche). L’antonyme de ce mot est allogène, qui signifie, à l’inverse, d’origine étrangère. Il n’est évidement pas besoin d’avoir lu Orwell pour deviner ce qui se cache toujours derrière la décision politique et médiatique d’imposer au grand public l’usage d’un mot dans un sens opposé à celui qui est le sien. »
JC Michéa, L’empire du moindre mal, 2007.
21:17 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : michéa, orwell
02/05/2010
civilisations
(...) Dans le Mississipi, prés des rives du grand fleuve, j'ai vu les ruines de Windsor. Il ne reste plus rien maintenant de cette grande demeure que les hautes colonnes grecques couvertes de vigne vierge. On voit tant de ruines élégantes et mystérieuses dans le Sud, tant d'images de mort et de désolation, tant de spectacles fantomatiques. Et toujours dans les coins les plus beaux, comme si l'envahisseur, visant les centres vitaux, avait voulu frapper aussi l'orgueil et l'espoir de sa victime. On ne peut s'empêcher de rêver à ce qu'aurait pu être cette terre bénie si les ravages de la guerre lui avaient été épargnés, car dans nos Etats du Sud, ce qu'on appelle la « culture esclavagiste » n'avait donné encore que ses toutes premières fleurs. Nous savons ce que les cultures esclavagistes de l'Inde, de Rome, de l'Egypte et de la Grèce ont légué au monde. Nous leurs sommes reconnaissants de cet héritage ; nous ne le repoussons pas sous prétexte qu'il a été bâti sur l'injustice. Qui donc a le courage devant ces merveilles du passé, de s'écrier : « Il aurait mieux valu que rien de tout cela n'eut été si pour créer ces chefs-d'œuvre il a fallu priver un seul être humain de sa liberté ! » Qui sait quelles splendeurs auraient pu s'épanouir dans des foyers de culture comme Charleston, Savannah, New Orléans !
(...) Il est des milliers de lieux de rêve dans le vieux Sud. On peut s'asseoir sur un banc dans un minuscule jardin confédéré, ou s'allonger sur les rives d'un canal ou se poster sur un remblai dominant une réserve Indienne : l'air est doux, lourd encore de parfums, le monde semble endormi, mais l'atmosphère est chargée de noms magiques, d'événements historiques, d'inventions, d'explorations, de découvertes. Riz, tabac, coton : à partir de ces trois éléments, seul le Sud a composé une grande symphonie d'activité humaine. Tout cela est fini maintenant. Un nouveau Sud est né. On a retourné le sol du vieux Sud. Mais les cendres en sont encore tièdes. »
Henry Miller, Le cauchemar climatisé, 1945.
« Parce que Kipling s'identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits « éclairés »- et c'est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont « éclairés » soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions « éclairées » exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent. Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : « Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil ! » Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l'élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c'est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c'est seulement parce que d'autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. »
Georges Orwell, Œuvres complètes, p186-187, cité par Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique, p.48.
10:14 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : kipling, orwell, henry miller
28/01/2010
un homme en train de perdre son pantalon n'est pas un « fasciste »
« Nous étions dans un fossé, mais derrière nous s'étendaient cent cinquante mètres de terrain plat, si dénudé qu'un lapin aurait eu du mal à s'y cacher (...). Un homme sauta hors de la tranchée [ennemie] et courut le long du parapet, complètement à découvert. Il était à moitié vêtu et soutenait son pantalon à deux mains tout en courant. Je me retins de lui tirer dessus, en partie à cause de ce détail de pantalon. J'étais venu ici pour tirer sur des « fascistes »,mais un homme qui est en train de perdre son pantalon n'est pas un « fasciste », c'est manifestement une créature comme vous et moi, appartenant à la même espèce - et on ne se sent plus la moindre envie de l'abattre. » (G Orwell, Looking back on the spanish war, Œuvres complètes II, p. 254)
Cliché célèbre et emblématique de la guerre d'Espagne (Robert Capa, 1936): mort d'un jeune milicien. Publiée dans le monde entier et reproduite sur des milliers de posters avec la légende "Why?" Ce jeune homme immortalisé par Capa se nommait Federico Borrell Garcia, Fondateur des jeunesses libertaires de la ville d'Alcoy et fut fauché par une mitrailleuse à l'âge de 24 ans, le 5 septembre 1936 sur le front de Cerrio Muriano.
21:28 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : orwell, guerre d'espagne, capa
21/01/2010
contre toute attente
"Remise au Premier ministre du rapport « lutter contre le racisme sur internet"
À l'issue du Comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme du 17 janvier 2009, le Premier ministre, François FILLON, a décidé de confier une mission à Isabelle FALQUE-PIERROTIN, Conseillère d'État - Présidente du Forum des droits sur l'internet, pour apprécier les moyens de lutte contre la propagation des contenus racistes et antisémites sur internet.
Le rapport « lutter contre le racisme sur internet », remis le 21 janvier 2010 au Premier ministre, dresse un constat de la situation de l'expression raciste sur internet et préconise un plan d'action au niveau national et international, mobilisant les pouvoirs publics, les opérateurs de l'internet et les associations. Quatre constatations contrastées ressortent du rapport :
-l'existence de contenus racistes sur internet et une difficulté réelle de les quantifier ;
-l'existence d'un risque de voir se banaliser l'expression d'un racisme ordinaire en ligne ;
-un arsenal répressif français complet mais insuffisamment mobilisé sur l'internet ;
-une vigilance des acteurs et une hétérogénéité de leurs actions.
Sur la base de ces constats, le rapport préconise la mise en place d'un plan d'action collectif.
Afin d'être en mesure de quantifier le phénomène de l'expression raciste sur internet, le rapport préconise un réajustement à la hausse des moyens d'actions (notamment humains) de l'Office central de lutte contre la criminalité aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui assure le recueil des signalements des contenus illicites sur internet, une amélioration des systèmes d'information existants au niveau des pouvoirs publics et une systématisation du partage d'information entre les différents acteurs. (...)
"L'Italie censure la diffusion de vidéos sur Internet"
Un décret impose désormais une autorisation pour pouvoir diffuser des vidéos sur le net. L'opposition critique une atteinte à la liberté d'expression.
Google, propriétaire de YouTube, s'est dit "un peu inquiet" par la nouvelle loi italienne (Sipa)
Les vidéos sur Internet connaissent leurs dernières heures en Italie. D'après un décret adopté par le Parlement italien et qui entrera en vigueur le 27 janvier prochain, une autorisation auprès du ministère italien des communications est désormais obligatoire pour "diffuser et distribuer sur Internet des images animées, accompagnées ou non de son".
"La loi assujettie la retransmission d'images sur le web aux mêmes règles caractéristiques que la télévision, qui requièrent une autorisation préalable à toute diffusion par le ministère de la Communication, c'est une limitation incroyable de la façon dont l'Internet fonctionne", a rappelé l'ancien ministre des Communications et membre de l'opposition Paolo Gentiloni sur son blog. "Ce décret est un véritable scandale", a-t-il ajouté.
Des sites de partage de vidéo, comme YouTube, seront ainsi soumis aux mêmes obligations que la RAI. (...)
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Je vois que nos vigies citoyennes ont compris tout le potentiel subversif du web, au travers de son pouvoir de réinformation hors des media officiels bien-pensants, et sont en train de fourbir leurs armes pour y mettre un terme. Sous couvert d'"anti-racisme" bien sûr. Censure, novlangue, terrorisme intellectuel, etc., tout l'attirail des appareils totalitaires se met peu à peu en place. Pas vraiment une surprise, en fait.
Bientôt le choix entre un article de l'Immonde commenté par les seuls abonnés et un article de Libé ou du Figaro fermés aux commentaires...Le futur ne manque pas d'avenir à l'évidence.
"Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l'apparence de la solidité à ce qui n'est que vent." G Orwell.
19:05 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : censure, orwell
19/01/2010
novlangue
De 1933 à 1947, Victor Klemperer, juif allemand, spécialiste de littérature française et italienne à l'université de Dresde, tient méthodiquement un journal dans lequel il note les manipulations du Troisième Reich sur la langue allemande, et la façon dont la novlangue nazie (Lingua Tertii Imperii, LTI) va détruire l'esprit et la culture allemande, à l'image de tout phénomène totalitaire. Klemperer échappe de peu à la mort grâce à l'apocalypse des bombardements alliés sur Dresde en février 1945 qui vont empêcher sa déportation programmée.
Klemperer dissèque la novlangue nazie (mots, tournures, syntaxe, références littéraires, etc.) au travers de sources multiples (discours d'Adolf Hitler et de Joseph Goebbels, journaux, brochures, discussions, livres, etc.) et développe une réflexion inégalée sur le langage totalitaire et la façon dont il peut s'emparer de toute une communauté, de tout un peuple, de façon virale. Klemperer use de la métaphore du mal de mer sur un bateau qui s'empare de tout l'équipage et le conduit à se pencher au bastingage...Après guerre, Klemperer refusa l'exil et choisit de rester en RDA pour y mourir en 1960 ; son journal qui relate douze années d'Hitlérisme, ne fut publié qu'en 1995, signe s'il en était besoin que le régime totalitaire communiste est-allemand ne souhaitait nullement être confrontée à cette grille de lecture du monde totalitaire et de langues perverties par l'idéologie...
(photo: années 30, Hitler jugend, "We build body and soul")
« Quel fut le moyen de propagande le plus puissant de l'hitlérisme ? Etaient-ce les discours isolés de Hitler et de Goebbels, leurs déclarations à tel ou tel sujet, leurs propos haineux sur le judaïsme, sur le bolchevisme? Non, incontestablement, car beaucoup de choses demeuraient incomprises par la masse ou l'ennuyaient, du fait de leur éternelle répétition.[...] Non, l'effet le plus puissant ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu'on était forcé d'enregistrer par la pensée ou la perception. Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. » (Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich)
A la même époque, en 1949, George Orwell publie en Angleterre 1984, une réflexion symétrique sur un monde totalitaire et la novlangue qui le structure et limite le champ de la pensée et qui ne visait pas seulement l'URSS, comme la vulgate le laisse croire, mais aussi les sociétés occidentales qui ne lui paraissaient nullement à l'abri de ce cancer.
« Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (...) Le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n'y a plus, dès maintenant, c'est certain, d'excuse ou de raison au crime par la pensée. C'est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. (...) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu'en l'année 2050, au plus tard, il n'y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? » (George Orwell, 1984)
Le but de toute novlangue est de
-graver irréductiblement dans l'esprit de chacun la doxa totalitaire,
-d'empêcher toute possibilité de pensée hétérodoxe et toute possibilité même d'expression d'une telle pensée en usant de mots, d'expressions, d'artifices syntaxiques, de concepts, de références précises et répétitives mais également en proscrivant l'usage de certains mots ou concepts assimilés à des crimes de la pensée (crim'pensée). La réduction syntaxique et lexicale du newspeak (ou novlangue) par rapport aux langages traditionnels (oldpeak) sont un but en soi destiné à réduire le champ de la pensée, de même que la suppression de toute nuance et l'usage systématique d'une pensée dichotomique (bon/mauvais ou inbon) ; autre outil fondamental du newspeak, la double pensée ou capacité à accepter simultanément deux points de vue opposés afin mettre en veilleuse tout esprit critique.
Exemples :
-apologie inconditionnelle du métissage :
« Dès les premiers contacts entre l'Homo sapiens et l'homme de Neandertal, des matériaux, des formes, des croyances ou des idées se sont mélangés. Ils ont ainsi donné naissance aux premiers objets métis (...) Toujours en mouvement, le métissage voyage d'un continent à l'autre, se modifie et s'enrichit. » (source)
Festival "Cité Métisse" à Cholet : « Cité Métisse, festival de la solidarité et de la tolérance (...). Au programme, des musiques variées, des danses métissées, mais aussi un grand forum anti-discriminations, des animations citoyennes, des rencontres associatives. Intergénérationnel et multiracial, le festival est une grande fête de famille » (source)
ex : transformation du terrorisme islamique en « activités anti-islamiques » (source)
ex : remplacer la recherche de voleurs par une « lutte contre les délits d'appropriation" (source)
ex : remplacer « paupérisation » par « flexibilité » ou « Zone d'éducation prioritaire » par "collège ambition réussite"...
ex : remplacer « clandestin » par « sans-papiers » ou « privé de papiers »
-double pensée : « je suis démocrate mais certaines opinions n'ont pas lieu d'être » ou le mot célèbre du pitre Cohn bandit : « Il faut en finir avec cette histoire de majorité ! »
ad lib.
Ainsi la novlangue de nos progressistes libéraux-libertaires, si bien incarnée dans le venimeux Cohn-Bendit, repose-t-elle sur les mêmes principes que la LTI ou que la newspeak d'Oceania...Les mêmes ressorts totalitaires, résidant dans la perversion du Trivium (grammaire, réthorique, logique), premier niveau -littéraire- des arts libéraux, sont à l'oeuvre. Pour le pire.
Autant le savoir.
(photo: années 2010, Grünen Jugend Führer)
22:51 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : viktor klemperer, lti, novlangue, orwell
19/12/2009
l'air du temps
« En cette époque dite de culture de masse ce ne sont pas les masses qui manquent de culture mais plutôt les élites. Il est rare d’entendre dans un autobus des bourdes aussi monumentales que celles que l’on remarque à la télévision ou dans les journaux. » (Claudio Magris)
Il y a peu, un matin, j’écoutais d’une oreille distraite la propagande progressiste habituelle de France-Inter (sorte de baromètre très utile pour apprécier le degré d’abrutissement généralisé de nos modernes) et, l’esprit encore embrumé, la chronique d’une quelconque apparatchik dont j’ai oublié le nom, qui relatait la façon dont elle avait pu recueillir -courageusement cela va sans dire- l’interview d’un clandestin Afghan, récemment promis à l’expulsion.
Bon, je passe sur l’apologie ordinaire de la transgression de toutes les frontières morales et culturelles –en l’occurrence des lois de la Cité- qui tient lieu de colonne vertébrale à tout bon progressiste, notamment de gauche, et qui commande le soutien inconditionnel à toute forme de mise à bas des lois, coutumes, traditions auxquelles restent curieusement attachés les peuples, les gens ordinaires (sous la bannière maudite du « populisme »), peut-être ceux qui, précisément ne sont nullement à l’abri des effets les plus immédiats de cette déferlante de transgressions ordinaires et de transformation radicale de leur environnement (les gueux qui n’habitent pas Rive gauche dans une ghetto leucoderme sécurisé au milieu de citoyens du monde abonnés à Télérama, pour faire court).
Je me demandais comment cette pintade formatée au discours politiquement correct (xénophilie inconditionnelle, abolition de toute frontières, multiculturalisme érigé en dogme, haine du peuple et de toute émanation populaire, etc.) , sponsorisé par Bouygues et Orange, et qui avait du, quelques jours plus tôt, vomir le peuple Suisse et son référendum « anti minaret », pouvait manifester cette si grande fraternité à l’égard d’un délinquant afghan, aussi valeureux soit-il. Un étranger absolu, quoi.
J’ai repensé à la phrase de Rousseau stigmatisant ces "intellectuels" cosmopolites "qui vont chercher au lointain des devoirs qu'ils dédaignent d'accomplir autour d'eux"...
Le même genre de reportage serait-il envisageable avec un agriculteur Corrézien étranglé par quelque grande surface ou une salariée du Nord licenciée parce que son employeur, France Télécom, délocalise son centre d’appel à Casablanca pour être capable de s’aligner sur la stratégie agressive de Free, au nom du libre marché, de la libre concurrence non faussée ? Non, bien sûr. D’abord, ce sont des « petits blancs misérables », c’est pas très porteur, coco ! Fais moi plutôt un papier sur les Afghans de Calais (non plus les bourgeois...) ou sur ces Charters de la honte (la honte fait partie du jargon progressiste ordinaire, érigé en novlangue,que tout bon progressiste se doit de maitriser, au même titre que "heures sombres", "réthorique nauséabonde" ou "cette france moisie") !
Ensuite parce que libéralisme économique (credo de nos progressistes "de droite") et libéralisme culturel (credo de nos progressistes "de gauche") vont de pair et qu’inconsciemment ou pas, il est relativement inconfortable de rester debout en se coupant une jambe…
Mais de quoi parler dés lors que l’on a abandonné toute critique de la globalisation marchande et de ses supers bulles et que, en bonne progressiste, on se sent obligé de valider toutes ces magnifiques avancées des droits individuels que produit à jet continu notre époque moderne (droit au logement, droit au burkini, droit au repas hallal, droit à l’enseignement de la culture d’origine au sein de l’EN, droit au RESPECT, cette valeur de racaille, etc.) ? Et bien, de ce qui ne mange pas de pain (droits de l’homme (pas ceux des Européens, ceux des Yanomamis), racisme (en précisant immédiatement que seuls les autochtones européens peuvent être racistes, les migrants, ce nouveau prolétariat, ne pouvant, par définition, l’être), antiracisme (en veillant à faire émerger quelques vigies métissées organisées en officines subventionnées par moi, bordel!), islamophobie (tout discours non laudateur à l'égard de la "religion d'amour, de paix et de tolérance), clandestins (rebaptisés "sans-papiers"...) ou d'ennemis imaginaires (nouveaux réactionnaires introuvables, sauf chez le pauvre Lindenberg, ordre moral fantôme, patriarcat à férule moribond, etc...).
Au-delà des apparences de coolitude branchée trendy de cette classe journalistique de merde, endogame et évoluant en bang de hareng sous les ors de la tolérance, c’est l’intolérance absolue des clercs de cette église progressiste qui perce. Qui n’est pas avec eux appartient à l’axe du Mal (comme disait l’autre crétin Texan) et doit être détruit. Delenda est reactio! (que les latinistes me pardonnent..)
Enfin, une caractéristique notable de cette élite spectaculaire et médiatique (!) est la double pensée : ces bulots sont en effet, de par leur situation professionnelle extrêmement bien renseignés sur l’état de notre société, donc sur ce lot quotidien de barbarie, de violence, d’inhumanité, d’atomisation, de désespérance que produit cette mondialisation "heureuse" que vantent nos élites politiques à longueur de billets et de repas de comices. …mais, en même temps, par leur situation sociale, à l'abri de ces menus désagréments.
Tout en ayant conscience du désastre moderne, ils la célèbrent quand même quotidiennement au nom de la marche radieuse du Progrès : ce qu’il faut, de toute évidence, c’est plus de libre marché, plus de concurrence non faussée, plus de délocalisations, plus de désindustrialisation, plus d’immigration –clandestine ou pas- plus de déflation salariale, moins de protection sociale, plus de droits individuels mais moins de retraite, plus de transgression coco, ça fait chier le bourgeois ! (quelle erreur ! au contraire, la transgression est bourgeoise par essence), du nomadisme, à bas l’enracinement et la fermeture, moins de frontières, du métissage avant tout (ce projet Babel, je trouve ça joli, non ?), moins d’armée (yen a plus, c’est pas grave) mais plus de soldats en Afghanistan (pour quoi faire ?) , moins de curés (yen a plus non plus, c’est pas grave) mais plus d’imams, moins de patriarcat (il est mort aussi, pas grave, on fait comme si !) mais plus d’homoparentalité, plus de métissage mais moins de racisme ! ad lib. C’est ça la double pensée : j’ignore délibérément ce que je vois ou je soutiens deux thèses incompatibles, par idéologie. C’est tout.
« Manifestement, depuis une quinzaine d’années, l’orthodoxie dominante, notamment parmi les jeunes, est « de gauche ». Les mots-clefs sont « progressiste », « démocrate » et « révolutionnaire », alors que les étiquettes qu’il faut à tout prix éviter de se voir accoler sont celles de « bourgeois », de « réactionnaire » et de « fasciste ». De nos jours, presque tout le monde, y compris la plupart des catholiques et des conservateurs, est « progressiste », ou du moins souhaite être tenu pour tel. Personne, que je sache, ne se définit jamais comme « bourgeois », de même qu’aucun individu assez cultivé pour avoir entendu le terme ne se reconnaît jamais coupable d’antisémitisme. Nous sommes absolument tous de bons démocrates, anti-fascistes et anti-impérialistes, affranchis de tout respect pour la hiérarchie sociale comme de tout préjugé racial, et ainsi de suite. » (George Orwell, 1948)
(photo: où l'on constate que l'exigeance libérale d'une liberté de circulation pour les hommes, en plus de celle concernant capitaux et marchandises déjà acquise, est aussi une valeur cardinale dans le projet progressiste...ce qui ne saurait surprendre personne, en vérité.)
illustration...
« C’est cette nécessité de protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe, qui est, vraisemblablement, à l’origine du besoin si souvent ressenti par Orwell de réhabiliter une certaine quantité de conservatisme. Aucune société décente, en effet, ne peut advenir ni même être imaginée, si nous persistons, dans la tradition apocalyptique ouverte par Saint Jean et Saint Augustin, à célébrer l’avènement de l’homme nouveau et à prêcher la nécessité permanente de faire du passé table rase. En réalité, on ne peut espérer changer la vie si nous n’acceptons pas de prendre les appuis appropriés sur un vaste héritage anthropologique, moral et linguistique, dont l’oubli et le refus ont toujours conduit les intellectuels révolutionnaires à édifier les systèmes politiques les plus pervers et les plus étouffants qui soient. C’est une autre manière de dire qu’aucune société digne des possibilités modernes de l’espèce humaine n’a la moindre chance de voir le jour si le mouvement radical demeure incapable d’assumer clairement un certain nombre d’exigences conservatrices. Telle est, de ce point de vue, la dernière et la plus fondamentale leçon de 1984 : le sens du passé, qui inclut forcément une certaine aptitude à la nostalgie, est une condition absolument décisive de toute entreprise révolutionnaire qui se propose d’être autre chose qu’une variante supplémentaire des erreurs et des crimes déjà commis.
« - A quoi devons nous boire cette fois [demanda O’Brien] ? A la confusion de la police de la pensée ? A la mort de Big Brother ? A l’humanité ? A l’avenir ?
- Au passé, répondit Winston.
- Le passé est plus important, consentit O’Brien gravement. » » (Orwell anarchist tory, JC Michéa)
NB: étant clair que, dans mon esprit, ni Constant ni Tocqueville ne pourraient se reconnaitre une seconde dans le projet babélien/ libéral tel que nous le voyons s'ériger sous nos yeux aujourdhui (à mes amis libéraux...).
Et une dernière, pour la route:
"On oublie trop souvent que le monde moderne, sous une autre face, est le monde bourgeois, le monde capitaliste. C'est même un spectacle amusant de voir comment nos socialistes antichrétiens, particulièrement anticatholiques, insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de moderne et le flètrissent, le même, sous le nom de bourgeois et de capitaliste."
(Charles Péguy, De la situation faite au parti intellectuel, 1907)
17:10 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : progressisme, libéralisme, islam, orwell
13/12/2009
et le reste
« Etre humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection, à être parfois prêt à commettre des péchés par loyauté, à ne pas pousser l’ascétisme jusqu’au point où il rendrait les relations amicales impossibles, et à accepter finalement d’être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l’amour que l’on porte à d’autres individus. Sans doute l’alcool, le tabac et le reste, sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est elle-même quelque chose dont les êtres humains doivent se garder. »
George Orwell, 1949
23:22 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : orwell, perfection
22/08/2009
phase terminale
Excuses de Hans-Rudolf Merz à la Libye: la presse suisse indignée.
La Suisse à genoux devant Kadhafi; la Suisse capitule; reddition; humiliation: tels sont les commentaires quasi unanimes de la presse romande, au lendemain des excuses présentées par le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, à la Libye pour l'arrestation d'Hannibal Kadhafi.
"Dans cette crise, la Suisse perd plus que son honneur. Elle est sèchement renvoyée à son spectaculaire isolement. Aucun pays ami n'a volé à son secours", note "Le Temps". Un avis partagé par "Le Matin": "La Suisse semble si faible sur la scène internationale que, même quand il a raison, ce tout petit pays doit courber l'échine".
"Le bilan de l'opération Hannibal est désastreux", complète "24 Heures". De nombreux quotidiens relèvent d'ailleurs que la Suisse n'a même pas la garantie par écrit que ses deux citoyens toujours retenus à Tripoli pourront quitter la Lybie prochainement.
M. Merz a indiqué que les autorités libyennes lui avaient promis que les deux hommes d'affaires suisses retenus sur territoire libyen pourraient rentrer chez eux.
Toutes les activités consulaires et commerciales entre les deux pays vont reprendre, liaisons aériennes comprises, a indiqué le Département fédéral des finances.
Le Département précise encore que Berne et Tripoli ont décidé de mettre en place "un tribunal arbitral indépendant" pour enquêter sur les circonstances de l'arrestation d'Hannibal Kadhafi à Genève.
Le premier ministre libyen a de son côté affirmé que les excuses "officielles et solennelles" de la Confédération constituaient un "premier pas" pour régler le contentieux entre les deux pays.
Le fils de Mouammar Kadhafi et sa femme Aline, alors enceinte, avaient été arrêtés en juillet 2008 dans l'hôtel où ils logeaient après avoir fait l'objet d'une plainte pour maltraitance de deux de leurs domestiques. (...) (source)
Megrahi sème le trouble entre Londres et Tripoli
(Megrahi, reçu en héros par le colonel Khadafi)
Accueilli en héros en Libye et reçu par Khadafi, Megrahi aurait été libéré en échange de contrats comerciaux avec la Grande-Bretagne, selon le fils du leader lybien, Seif al-Islam. Londres dément.
La libération d'Abdelaset al-Megrahi a-t-elle eu lieu en échange de plusieurs contrats commerciaux entre la Grande-Bretagne et la Lybie ? C'est ce qu'affirme Seïf al-Islam, le fils du colonel Khadafi, dans une interview diffusée vendredi sur sa chaîne Al-Motawassit (»La Méditerranée»).
Selon lui, le seul condamné des attentats de Lockerbie, libéré jeudi officiellement pour raisons de santé, aurait été au coeur des tractations avec Londres. «Dans tous les contrats commerciaux, de pétrole et de gaz avec la Grande-Bretagne, (M. al-Megrahi) était toujours sur la table des négociations», explique le fils du leader lybien. (...) (source)
« Une approche frappante de l’approche contemporaine de cette guerre de quatorze siècles a été donnée le 8 octobre 2002, par le premier ministre français de l’époque, Jean-pierre Raffarin, dans son discours sur l’Irak à l’assemblée nationale. Evoquant devant les députés la figure de Saddam Hussein, il releva qu’un des personnages historiques favoris de Saddam Hussein était son compatriote Saladin, lui aussi originaire de la ville de Tikrit. Au cas ou les députés auraient ignoré qui était Saladin, Jean-pierre Raffarin tînt à préciser qu’il fut celui « qui défit les croisés et libéra Jérusalem ». Qu’un premier ministre catholique présente la prise de Jérusalem par Saladin comme une libération de la domination des croisés, français de surcroît pour la plupart, témoigne d’un cas extrême de nouvel alignement, sinon des loyautés, du moins des perceptions des choses. » (Bernard Lewis, L’Europe et l’Islam, Le débat, mai 2008)
Bon, de bonnes vacances, globalement! De l'air frais (comme dirait Orwell), quelques sommets et névés, mon pélerinage à l'Iseran, quelques beaux visages et belles rencontres. Un berger d'Ecole, dans les Bauges, qui lisait Marc-aurèle au milieu de ses bestiaux! on va encore dire que j'affabule, mais non. Silènes et saponaires...
Finalement, rien d'étonnant à ce que les occidentaux se comportent comme des marchands de bestiaux, c'en sont. Ce ne fut pas toujours le cas. C'est toujours un peu décevant, c'est tout. Le prix de la modernité, sans doute.
"Quelle malédiction a frappé l'Occident pour qu'au terme de son essor il ne produise que ces hommes d'affaires, ces épiciers, ces combinards aux regards nuls et aux sourires atrophiés, que l'on rencontre partout, en Italie comme en France, en Angleterre de même qu'en Allemagne ? Est-ce à cette vermine que devait aboutir une civilisation aussi délicate, aussi complexe ? Peut-être fallait-il en passer par là, par l'abjection, pour pouvoir imaginer un autre genre d'hommes. " (Cioran, Histoire et utopie)
Que les Libyens recoivent leur congénère en grande pompe est réconfortant, finalement. Eux savent encore que le concept occidental irénique d'une fraternité universelle n'est qu'une chimère. Qu'un libyen arraché à la justice occidentale, quel qu'en soit le prix, reste une victoire. Sans doute est-ce une survivance, les derniers feux d'une weltanschauung identitaire appellée à disparaître dans un monde globalisé qui ne prône que le Même. Nul doute que dans quelques générations, ces bèrbères islamisés aprés moult autres colonisations, ne succombent aussi aux sirènes du consumérisme festif, version hallal.
Purple haze et Cioran, c'est ça le métissage coco! beware of fuzz face! hu hu!
"Peut-être fallait-il en passer par là, par l'abjection, pour pouvoir imaginer un autre genre d'hommes." dit Cioran...
Surement.
J' imagine bien le désespoir d'hommes -ou de femmes- lettrés de civilisations brillantes et raffinées, Assyriens, Babyloniens, Grecs, Romains ou Vandales devant le ressac de toute déculturation, de toute décivilisation...On ne lutte pas contre ce genre de choses, tout au plus peut-on en avoir vaguement conscience et le déplorer. Depuis ma rencontre avec ce berger stoïcien, je lis aussi Marc-aurèle:
"On se cherche des retraites à la campagne. Et toi-même, tu as coutume de désirer ardemment ces lieux d'isolement. Mais tout cela est de la plus vulgaire opinion puisque tu peux, à l'heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle part en effet, l'homme ne trouve de plus tranquille et de plus calme retraite que dans son âme, surtout s'il possède, dans son for intérieur, ces notions sur lesquelles il suffit de se pencher pour acquérir aussitôt une quiétude absolue, et par quiétude, je n'entends rien autre qu'un ordre parfait.
(...) Il reste donc à te souvenir de la retraite que tu peux trouver dans ce petit champ de ton âme. Et, avant tout, ne te tourmente pas, ne te raidis pas; mais soit libre et regarde les choses en être viril, en homme, en citoyen, en mortel. Au nombre des plus proches maximes sur lesquelles tu te pencheras, compte ces deux: l'une, que les choses n'atteignent point l'âme, mais qu'elles restent confinées au dehors, et que les troubles ne naissent que de la seule opinion qu'elle s'en fait. L'autre, que toutes ces choses que tu vois seront, dans la mesure où elles ne le sont point encore, transformées et ne seront plus. Et de combien de choses les transformations t'ont déjà eu pour témoin! Songes-y constamment: le monde est changement, la vie remplacement." (Marc-aurèle (121-180 ap JC), Pensées pour moi-même)
Et Jünger depuis bien longtemps maintenant:
"Le libéral est mécontent de tout régime; l'anarque en traverse la série, si possible sans jamais se cogner, comme il ferait d'une colonnade. C'est la bonne recette pour qui s'intéresse à l'essence du monde plutôt qu'à ses apparences - le philosophe, l'artiste, le croyant.
(...) Le trait propre qui fait de moi un anarque, c'est que je vis dans un monde que, "en dernière analyse", je ne prends pas au sérieux."
(Ernst JÜNGER, Eumeswill (1977))
14:54 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : occident, islam, libye, cioran, orwell
02/07/2009
humain
"Etre humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection, à être parfois prêt à commettre des péchés par loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rendrait les relations amicales impossibles, et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l'amour que l'on porte à d'autres individus. Sans doute l'alcool, le tabac et le reste sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est elle-même quelque chose dont les êtres humains doivent se garder."
Orwell, 1949.
23:21 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : orwell
07/03/2009
ancilangue et crimepensée
"Quelques-uns des mots B avaient de fines subtilités de sens à peine intelligibles à ceux qui n’étaient pas familiarisés avec l’ensemble de la langue. Considérons, par exemple, cette phrase typique d’un article de fond du Times : Ancipenseur nesentventre Angsoc. La traduction la plus courte que l’on puisse donner de cette phrase en ancilangue est : « Ceux dont les idées furent formées avant la Révolution ne peuvent avoir une compréhension pleinement sentie des principes du Socialisme anglais. »
Mais cela n’est pas une traduction exacte. Pour commencer, pour saisir dans son entier le sens de la phrase novlangue citée plus haut, il fallait avoir une idée claire de ce que signifiait angsoc. De plus, seule une personne possédant à fond l’angsoc pouvait apprécier toute la force du mot : sentventre (sentir par les entrailles) qui impliquait une acceptation aveugle, enthousiaste, difficile à imaginer aujourd’hui ; ou du mot ancipensée (pensée ancienne), qui était inextricablement mêlé à l’idée de perversité et de décadence.
Mais la fonction spéciale de certains mots novlangue comme ancipensée, n’était pas tellement d’exprimer des idées que d’en détruire. On avait étendu le sens de ces mots, nécessairement peu nombreux, jusqu’à ce qu’ils embrassent des séries entières de mots qui, leur sens étant suffisamment rendu par un seul terme compréhensible, pouvaient alors être effacés et oubliés. La plus grande difficulté à laquelle eurent à faire face les compilateurs du dictionnaire novlangue, ne fut pas d’inventer des mots nouveaux mais, les ayant inventés, de bien s’assurer de leur sens, c’est-à-dire de chercher quelles séries de mots ils supprimaient par leur existence.
Comme nous l’avons vu pour le mot libre, des mots qui avaient un sens hérétique étaient parfois conservés pour la commodité qu’ils présentaient, mais ils étaient épurés de toute signification indésirable.
D’innombrables mots comme : honneur, justice, moralité, internationalisme, démocratie, science, religion, avaient simplement cessé d’exister. Quelques mots-couvertures les englobaient et, en les englobant, les supprimaient.
Ainsi tous les mots groupés autour des concepts de liberté et d’égalité étaient contenus dans le seul mot penséecrime, tandis que tous les mots groupés autour des concepts d’objectivité et de rationalisme étaient contenus dans le seul mot ancipensée. Une plus grande précision était dangereuse. Ce qu’on demandait aux membres du Parti, c’était une vue analogue à celle des anciens Hébreux qui savaient – et ne savaient pas grand-chose d’autre – que toutes les nations autres que la leur adoraient de « faux dieux ». Ils n’avaient pas besoin de savoir que ces dieux s’appelaient Baal, Osiris, Moloch, Ashtaroh et ainsi de suite... Moins ils les connaissaient, mieux cela valait pour leur orthodoxie. Ils connaissaient Jéhovah et les commandements de Jéhovah. Ils savaient, par conséquent, que tous les dieux qui avaient d’autres noms et d’autres attributs étaient de faux dieux.
En quelque sorte de la même façon, les membres du Parti savaient ce qui constituait une bonne conduite et, en des termes excessivement vagues et généraux, ils savaient quelles sortes d’écarts étaient possibles. Leur vie sexuelle, par exemple, était minutieusement réglée par les deux mots novlangue : crimesex (immoralité sexuelle) et biensex (chasteté).
Il n’y avait pas de mot, dans le vocabulaire B, qui fût idéologiquement neutre. Un grand nombre d’entre eux étaient des euphémismes. Des mots comme, par exemple : joiecamp (camp de travaux forcés) ou minipax (ministère de la Paix, c’est-à-dire ministère de la Guerre) signifiaient exactement le contraire de ce qu’ils paraissaient vouloir dire.
Il était rarement possible en novlangue de suivre une pensée non orthodoxe plus loin que la perception qu’elle était non orthodoxe. Au-delà de ce point, les mots n’existaient pas.
Le fait que le choix des mots fût très restreint y aidait aussi. Comparé au nôtre, le vocabulaire novlangue était minuscule. On imaginait constamment de nouveaux moyens de le réduire. Il différait, en vérité, de presque tous les autres en ceci qu’il s’appauvrissait chaque année au lieu de s’enrichir. Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir.
Prenons comme exemple un passage bien connu de la Déclaration de l’Indépendance :
« Nous tenons pour naturellement évidentes les vérités suivantes : Tous les hommes naissent égaux. Ils reçoivent du Créateur certains droits inaliénables, parmi lesquels sont le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la recherche du bonheur. Pour préserver ces droits, des gouvernements sont constitués qui tiennent leur pouvoir du consentement des gouvernés. Lorsqu’une forme de gouvernement s’oppose à ces fins, le peuple a le droit de changer ce gouvernement ou de l’abolir et d’en instituer un nouveau. »
Il aurait été absolument impossible de rendre ce passage en novlangue tout en conservant le sens originel. Pour arriver aussi près que possible de ce sens, il faudrait embrasser tout le passage d’un seul mot : crimepensée."
Appendice à 1984, Les principes du Novlangue, Orwell, 1948.
(Application: relever dans le discours des enflures ci-dessous tout ce qui s'apparente à la novlangue et notamment au crimepensée.)
17:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 1984, orwell