21/04/2010
drapeau
« A Janpol, sur le Dniester, en Ukraine, au mois de juillet 1941, il m'était arrivé de voir dans la poussière de la route, au beau milieu du village, un tapis en peau humaine. C'était un homme écrasé par les chenilles d'un char. Des bandes de juifs en caftan noir, armés de bêches et de pioches ramassaient ça et là les morts abandonnés par les Russes dans le village. [Quelques-uns] arrivèrent et se mirent à décoller de la poussière ce profil d'homme mort. Ils soulevèrent tout doucement avec la pointe de leur bêche les bords de ce dessin, comme on soulève les bords d'un tapis. (...) La scène était atroce, légère, délicate, lointaine. Les juifs parlaient entre eux et leurs voix me parvenaient douces et éteintes. Quand le tapis de peau humaine fut complètement détaché de la poussière, un de ces juifs piqua la pointe de sa bêche, du côté de la tête, et se mit en route avec ce drapeau. Il marchait la tête haute (...) [avec] cette peau humaine qui pendait et se balançait dans le vent comme un véritable étendard. Et je dis à Lino Pellegrini qui était assis près de moi : ''Voilà le drapeau de l'Europe, voilà notre drapeau. (...) Un drapeau de peau humaine. Notre véritable patrie est notre peau.'' »
Malaparte, La Peau.
00:03 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : malaparte
Commentaires
Il y a des scènes plus horribles que ça dans ce livre. Je pense au bombardement de Hambourg avec des bombes au phosphore. Les victimes étaient obligées de se jeter à l'eau pour ne pas brûler au contact de l'air. Affreux.
Écrit par : Sébastien | 21/04/2010
oui, cette scène est particulièrement atroce.
Écrit par : hoplite | 21/04/2010
Tout le thème du livre y est, bien évidemment.
J'ai eu des frissons en lisant ce passage de nouveau.
Dommage que Malaparte soit parti si tôt. Il avait tant à dire.
Écrit par : Trader | 21/04/2010
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