08/10/2014
anémones
« Le soir du 22 avril, nous quittâmes Prény et fîmes une marche de plus de trente kilomètres jusqu'au village d'Hattonchâtel, sans avoir un seul éclopé, malgré le poids du barda ; nous campâmes à droite de la fameuse « grande tranchée »*, en plein cœur de la forêt. Tout indiquait que nous allions être mis en ligne le lendemain. On nous distribua des paquets de pansements, une seconde ration de « singe » et des fanions de signalisations, pour l'artillerie.
Je restais longtemps assis, ce soir-là, dans cet état de songerie prémonitoire dont se souviennent les guerriers de tous les temps, sur une souche autour de laquelle foisonnaient des anémones bleuâtres, avant de regagner ma place sous la tente, en rampant par-dessus mes camarades, et j'eus dans la nuit des rêves confus, où une tête de mort jouait le rôle principal.
Priepke, à qui j'en parlais le lendemain matin, émit l'espoir qu'il se soit agi d'un crâne Français. »
(Ernst Jünger, Orages d'acier, 12 avril 1915)
Je crois que nulle part ailleurs que dans ses carnets de la première guerre mondiale (Orages d'aciers), qu'il traversera de décembre 1914 à août 1918 n'apparaît mieux la singularité de ce jeune homme qui dés les premiers jours, sous le feu, va faire montre à la fois d'un courage physique hors du commun et d'une maturité sans bornes qui éclate dans sa capacité à s'extraire de l'horreur quotidienne et traumatisante du front -en première ligne- pour évoquer Saint Simon ou Tallemant des Réaux, la beauté d'une anémone ou le détail d'un rêve prémonitoire.
On retrouve la même distance contemplative (qui va de pair avec un engagement physique total dans quelques bataillons de choc durant la première guerre mondiale), largement amplifiée par l'âge et l'érudition, dans son Jardins et routes, carnets de la campagne de France qui mêle considérations guerrières, stratégiques, botaniques et oniriques.
Un homme supérieur, à maints égards.
*ou tranchée de Calonne, route forestière courant aux pieds des Hauts de Meuse. Elle constituera l'axe de l'attaque allemande d'avril.
13:01 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ernst junger
Commentaires
De ces êtres rares qui allient hardiesse physique, capacité intellectuelle et supplément d'âme.
Écrit par : Pharamond | 08/10/2014
Il va falloir, décidément, que je me constitue une petite bibliothèque sur le modèle de ce que tu lis, Hoplite.
Si toi et d'autres ont des conseils de lecture à donner, n'hésitez pas une seconde.
Les ouvrages techniques sont utiles, mais desséchants.
Écrit par : Calliclès | 09/10/2014
Tiens, d'ailleurs, une suggestion d'article pour toi : "la bibliothèque idéale". Si l'un quelconque de tes lecteurs-blogueurs a écrit un article dans cette veine-là, qu'il n'hésite pas ^^
Écrit par : Calliclès | 09/10/2014
J ai lu un peu Ernst Jünger, orage d acier, et ses recits sur 2em la guerre.
Ce que j ai retenu de ses souvenir de la 2em guerre mondiale, c est sa vision sur les nazie, et la pensée racialiste en general. Il pense que les nazie avec leur vision sur les juifs entre autre, sont en vérité des nihilistes, des gens qui poussent la civilisation occidentale vers l abime.
Je pense en lisant se blog qu il a raison, la pensée racialiste est une NON PENSEE en vérité, elle mène a la maladie mentale.
On peu avoir conscience d appartenir a un groupe, on peu être fier de ses origines, mais en faire une pensée politique, voila une immense connerie, et tres peu de gens vous suivront sur se chemin.
Comme disait Boreas, il ne faut pas être binaire.
Écrit par : libherT | 12/10/2014
J'ai un "pied a terre"dans le massif forestier qu'est la Calonne.
Pour Callicles et ceux que ca peut interesser,allez sur litteratureaudio des textes y sont lus,parfois emouvant de par le timbre de la voix du donneur de cette voix;lectures de ces correspondances,14-18 et les lettres de poilus,celles ci de cet homme exceptionnel qu'etait Louis Pergaud,ecrivain,lui aussi,au front,s'attarder a observer ce pigeon ramier effarouche sans doute par la couleur vive de son pantalon,cache dans ses emouvantes lettres a sa femme les fois ou la mort le frole et le raconte plutot dans le courrier a ses amis,dans une de ses lettres se devoile une autre preuve de qui peut etre le plus..salaud de soldat entre un francais et l allemand,pour tuer l ennemi..
Wiki me dit que Pergaud est mort,disparu.
Des disparus il doit en effet y en avoir dans ces lieux de guerre,preuve par ce que me raconte un copain de l onf,parfois ils doivent niveller une coupe de bois,au bulldozer,des ossements humains sont ainsi mis a jours,de 14-18 evidemment.
Écrit par : Dom | 12/10/2014
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