22/08/2010
cosmopolites
"Les sentinelles de l'antifascisme sont la maladie de l'Europe décadente. Ils me font penser à cette phrase de Rousseau persiflant les cosmopolites, ces amoureux du genre humain qui ignorent ou détestent leurs voisins de palier. La passion trépidante de l'humanité et le mépris des gens sont le terreau des persécutions à venir. Votre ami Alain de Benoist a commencé d'écrire de bonnes choses là-dessus. Dites-le-lui, il faut aller dans ce sens : la contrition pathologique de nos élites brouille ce qui fut la clé du génie européen ; cette capacité à se mettre toujours en question, à décentrer le jugement. Ceux qui nous fabriquent une mémoire d'oppresseurs sont en fait des narcissiques. Ils n'ont qu'un souci : fortifier leur image de pénitents sublimes et de justiciers infaillibles en badigeonnant l'histoire de l'Europe aux couleurs de l'abjection. Regardez ce qu'écrit Bernard-Henri Lévy sur Emmanuel Mounier... C'est un analphabète malfaisant. En 1942, j'étais avec Mounier à Lyon... en prison ! En épousant l'universel, ils s'exhaussent du lot commun ; ils se constituent en aristocratie du Bien... L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie !"
Julien Freund.
pour aller plus loin:
1- http://www.grece-fr.net/textes/_txtWeb.php?idArt=694
2- http://vouloir.hautetfort.com/archive/2007/05/26/eajf.html#more (merci jean-pierre)
et lire le livre de Taguieff, en guise d'introduction+++
22:08 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : julien freund
Commentaires
A mon avis, tout l'égarement européen - et en particulier français - se concentre dans ce seul mot : universel. Sa signification est nécessairement absolue, sans possibilités de nuances aucunes, ni dans le temps pas plus que dans l'espace. Ce mot, envisagé comme une propriété de certains concepts moraux et/ou intellectuels, ne peut, en raison de sa portée, que conduire aux excès irrationnels et destructeurs, tant pour ceux qui s'en réclament que pour les autres. Il est très exactement le pendant profane du fondamentalisme religieux monothéiste.
Il suffirait de le remplacer par quelque chose d'un tantinet moins grandiloquent et d'un plus raisonnable pour qu'un certain nombre de problèmes actuellement insolubles voient leurs solutions se dessiner d'elles-mêmes.
Écrit par : snake | 23/08/2010
oui. et la perversion de ces nouveaux clercs, de ce nouveau clergé séculier, est que ceux-là même qui prônent l'universel, l'accueil inconditionnel de l'autre, etc. sont parfaitement (sauf pour les plus crétins) à l'abri des effets collatéraux dramatiques de leur idéologie.
j'accepterai d'entendre un responsable politique le jour où il habitera en territoire occupé (genre andré bGérin qui parle de guerre civile). les autres sont des cuistres dangereux qui mériteraient douzes balles dans le dos. et encore je suis plein de mansuétude aujourdhui..
Écrit par : hoplite | 23/08/2010
La photo c'est NY le 11/09 ?
Écrit par : daredevil | 23/08/2010
c'est ça!
Écrit par : hoplite | 23/08/2010
Je n'ai lu que cette conversation de Julien Freud et je trouve ça effarant de se dire qu'elle a au moins 20 ans. Qu'il n'y a pas une phrase qui sonne faux. Que tout est dit, décrit et prédit. Et pourtant on y va tout droit, à pleine vitesse.... Nous sommes vraiment des "veaux"
Écrit par : guidzie | 23/08/2010
oui. d'un autre côté, c'est bien de voir que nos modernes restent trés prévisibles..
Écrit par : hoplite | 23/08/2010
Leopardi tellement actuel en cette époque de dictature de l'amour universel.
Ainsi page 127 de l'édition Allia du Zibaldone :
"Voici un autre trait fort curieux de la philosophie moderne. Cette dame a traité le patriotisme d'illusion : elle a voulu que le monde entier fût une seule patrie et que l'amour pour l'humanité fût universel : projet contre nature, qui ne peut avoir aucun effet bénéfique, aucune grandeur, etc.
C'est l'amour de la communauté, et non l'amour des hommes, qui a toujours fait naître de grandes actions ; pour des esprits étroits, il arrive fréquemment que la patrie, ayant un corps trop vaste, n'ait aucun effet sur eux, et ils se choisissent d'autres corps, comme les sectes, les ordres, les villes, les provinces, etc.
Voilà pourquoi l'amour de la patrie a effectivement disparu. Aussi tous les individus n'ayant pu se reconnaître en une seule patrie, les patries ont toutes fini par se diviser en autant d'individus ; l'union universelle qu'avait exaltée cette fameuse philosophie s'est transformée en une véritable séparation des individus"
Dans ces lignes écrites le 3 juillet 1820 au fond d'une des provinces les plus arriérées d'Italie, on trouve tous les maux qui ravagent la France d'aujourd'hui.
La dictature de l'amour universel qui nous impose d'aimer tous les hommes indistinctement et traite de raciste celui qui préfère sa patrie au reste du monde.
Le repliement communautaire ou régionaliste des esprits étroits et des coeurs secs incapables de se hausser à l'amour de la patrie.
L'individualisme destructeur auquel les belles âmes humanistes qui font les lois et l'opinion nous ont conduits à force de stigmatiser l'amour de la France au bénéfice d'un impossible amour universel.
Écrit par : TODOMODO | 24/08/2010
A mes yeux, l'humanisme reste, quoi qu'il en soit, une très grande et belle philosophie et représente certainement un aboutissement dans l'évolution des idées en occident. Et comme toutes les idées, rien n'empêche quiconque de se l'approprier bien que celle-ci soit d'origine occidentale.
L'erreur, bien que logique, est, à mon avis, de croire qu'elle représente l'alpha et l'oméga de toute morale personnelle comme collective, le concept indépassable auquel toutes et tous ne peuvent qu'adhérer à sa simple énonciation, possédant de surcroît de quoi combler, ici et maintenant, tous les aspects et les désirs, formulés comme informulés, de la nature humaine, à tel point qu'il est urgentissime de légiférer sur la base de ses postulats afin que toute autre idée - obligatoirement immorale au regard de sa perfection et dont l'existence même remet en cause sa nature prétendument universelle - ne puisse éclore et encore moins prospérer.
Mais ce n'est là qu'une opinion toute personnel.
Écrit par : snake | 24/08/2010
@TODOMODO, merci pour cet extrait effectivement trés actuel. je n'ai pas trouvé Sciascia dans ma librairie des montagnes mais vais chercher ailleurs.
@snake, oui l'humanisme est effectivement une belle perspective lorsqu'il ne se transforme pas en négation de toute transcendance. En ce sens, l'humanisme athée -anti-chrétien même- égalitaire et prônant l'universel désincarné me parait constituer une forme de totalitarisme moderne (je pousse un peu mais c'est ma nature..): le versant totalitaire de l'héritage des Lumières.
par ailleurs, en bon lecteur de Freund, je ne peux que reconnaitre la confusion qui règne entre champs politiques et moraux dans nos sociétés actuelles qui accordent à l'économie et la morale une importance et une place démesurée au détriment du politique.
le politique n'est pas forcément immoral mais tenter de régler des problèmes politiques avec une approche moralisante ou religieuse est une grave erreur. en ce sens cette propagande droitdelhomiste permanente, ce torrent de bons sentiments aveugles et désincarnés, l'intervention de l'Église catholique (qui a déposé sa tiare en 1968) sont simplement inopérants et dangereux.
Écrit par : hoplite | 24/08/2010
j'ai acquis le livre de Sciascia Noir sur noir...
j'aime particulièrement ce passage : "Il est désormais difficile de rencontrer un crétin qui ne soit pas intelligent, un intelligent qui ne soit pas un crétin. Et il y a toujours eu pénurie de gens intelligents, c'est pourquoi on éprouve une certaine mélancolie, un certain regret chaque fois que l'on tombe sur des crétins frelatés, trafiqués. Ah les beaux crétins d'autrefois ! Authentiques, complets. Comme le pain de ménage. Comme l'huile et le vin des paysans".
Merci Todomodo.
Écrit par : Pascal | 24/08/2010
Bonne lecture.
Écrit par : TODOMODO | 25/08/2010
des crétins frelatés..ho ho, excellent!
c'est pas ce qui manque, nowadays
Écrit par : hoplite | 25/08/2010
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