09/10/2010
guignol
Hier matin, en écoutant François Morel dans sa chronique hebdomadaire (?) j’ai compris deux choses :
-la carrière de l’humoriste était désormais assurée à perpétuité à Radiofrance,
-Morel n’est pas drôle, il est juste un serviteur zélé de l’esprit du temps.
Les deux assertions étant bien sûr liées.
Morel, dans son costume de résistant en carton ou de justicier en peau de lapin (au choix), évoquant le comportement de Pétain à l’égard de Juifs durant la seconde guerre mondiale, terminait sa chronique en rappelant combien la lutte contre toutes les discriminations reste l’alpha et l’oméga de tous, sachant toujours fécond le ventre de la bête immonde…
La soumission au zeitgeist, au travers de cette lutte formidable contre un adversaire fantasmé (la terrible réaction d’un ordre moral incarné –le système y veille- par quelques ligues de chaisières appartenant à la fraternité saint Pie X) ou mourru depuis longtemps (ce vieux guerrier à moustache) marque infailliblement l’appartenance de son auteur au camp du Bien (ou son adoubement par ses thuriféraires). Comme quoi, l’ascenseur social marche encore, quoiqu’on en dise.
A posteriori, la carrière –la vis comica- de Morel, des Deschiens aux cartes postales de vacances de franchouillards en vacances, cet été, semble parfaitement correspondre à la vision que se font nos élites de la France profonde et du français ordinaire : un imbécile inculte, hostile par principe aux magnifiques avancées progressistes, volontiers xénophobe et conservateur en diable…seule figure de la modernité interdite par nos modernes (selon Kolakowski).
Comment cela ne ferait-il pas écho avec la prose de Christopher Lasch :
« (…) La meilleure façon de comprendre les conflits culturels qui ont bouleversé l’Amérique depuis les années 60 est d’y voir une forme de guerre des classes, dans laquelle une élite éclairée (telle est l’idée qu’elle se fait d’elle-même) entreprend moins d’imposer ses valeurs à la majorité (majorité qu’elle perçoit comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe), encore moins de persuader la majorité au moyen d’un débat public rationnel, que de créer des institutions parallèles ou « alternatives »dans lesquelles elle ne sera plus du tout obligée d’affronter face à face les masses ignorantes. » Christopher Lasch, La révolte des élites, 1995.
Ou avec celle de Michéa :
« (...) Analyse [le tittytainment de Zbigniew Brzezinski] ou l’on retrouve sans trop de peine la représentation cynique et méprisante que les élites intellectuelles et médiatiques se font spontanément des gens ordinaires (de cette « France moisie » comme dirait l’élégant Sollers) : un monde peuplé de beaufs et de Deschiens, cible quotidienne des dessins de Cabu ou des Guignols de l’info. On notera ici l’étonnante puissance de récupération du système : au XIXème siècle, le Guignol était l’une des quelques armes dont disposait encore le petit peuple pour brocarder ses maîtres. Il est devenu aujourd’hui l’artillerie lourde que l’élite emploie pour se moquer du peuple. On peut imaginer ce qu’il adviendra de Robin des bois le jour où, pour des raisons d’audimat, Vivendi demandera à ses employés de lui donner à nouveau une existence télévisée. » JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, 1999.
sinon what's up?
10:56 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : morel, guignol, michéa, lasch
Commentaires
Prions.
L'avenir est comme un gigantesque et inquiétant nuage noir qui approche.
On ne sait pas ce qu'il y a dedans, on ne sait pas ce qui va se passer, on ne sait pas ce qu'il va advenir, mais ce qu'on sait, ce dont on est absolument sûr, c'est qu'on va se le prendre sur la poire.
Écrit par : Jean-Pierre | 09/10/2010
Le propos est juste.
Je voulais toutefois faire quelques observations sur la manière. Le type veut donner l'impression qu'il parle d'une manière informelle, alors qu'il lit de grands cartons. Pourquoi alors cette mise en scène d'une fausse entrevue???
J'ai aussi remarqué un écran vitré à l'arrière du type. On y voit bouger quelqu'un et ça distrait. Pour ma part, j'aurais profiter de cet écran pour y faire passer un strip-tease de manière à illustrer allégoriquement la décadence américaine.
Bon w-e!
Écrit par : Trader | 09/10/2010
...Tant que le frigo est plein...
Est-ce qu'il va le rester longtemps ?
Écrit par : JÖ | 09/10/2010
@Jean-pierre, peut-être l'Amérique offre-t-elle une bonne anticipation de ce qui nous attend...bientôt des camps Sarkosy pour les millions de pauvres?
@trader,
"Je voulais toutefois faire quelques observations sur la manière. Le type veut donner l'impression qu'il parle d'une manière informelle, alors qu'il lit de grands cartons. Pourquoi alors cette mise en scène d'une fausse entrevue???"
tu as raison...je sais pas
"j'aurais profiter de cet écran pour y faire passer un strip-tease de manière à illustrer allégoriquement la décadence américaine."
hi hi! ou de la pub!
@JÖ,
non! 1788?
Écrit par : hoplite | 09/10/2010
anna est charmante
Écrit par : dimezzano | 09/10/2010
oui, hein?
Écrit par : hoplite | 10/10/2010
J'avoue que j'ai du mal à croire à l'effondrement annoncé de l'économie mondiale du fait de la dette américaine. Qui y aurait intérêt ? Les EU sont dans la position d'une espèce de richissime ranchman d'un comté américain qui depuis longtemps vivrait très au-dessus de ses moyens. Il est endetté jusque par dessus la tête auprès des banques du patelin, mais justement, si elles se mettent à refuser son papier, elles se cassent toutes la figure. De même, les commerçants du lieu n'ont aucun intérêt à voir disparaître le principal débouché de leurs camelotes ou autres services.
Premier débiteur et client de la planète, les EU paye leurs frasques en émettant des dollars que tout le monde fait en quelque sorte semblant d'accepter, un peu comme dans l'Allemagne du docteur Schacht (saison 2, Hitler regnante), la commande de grands travaux publics se mit à faire circuler les fameux effets Mefo, théoriquement escomptables auprès de la Reichbank, ce qu'elle aurait été bien incapable de faire, et ce que finement aucune entreprise ne demanda : elle se les refilaient en les endossant tour à tour. Et c'est ainsi que le Führer fit reculer le chômage.
A la fin du XVIIIe siècle, le Royaume-Uni trimballait une dette publique aussi effrayante que celle du malheureux Louis XVI. Les experts annonçaient la culbute.
Je peux me tromper, je ne le souhaite pas, et l'amour propre n'entre pour rien dans la défense de cette spéculation dans laquelle on espère voir le monde rester à l'abri de tourments supplémentaires.
Écrit par : L. Chéron | 10/10/2010
merci pour cette perspective historique, L.Chéron. le genre de chose qui me plait.
peut-être avez vous raison, peut-être le monde est-il si intégré que la défaillance d'un de ses acteurs clefs comme les USA serait une catastrophe même pour ses ennemis directs (comme la Chine par exemple) qui, dés lors, n'auraient pas d'intérêt dans la politique du pire...mais, au contraire, des intérêts déterminants dans le fait de lui venir en aide, quitte à récupérer un leadership planétaire.
Peut-être le seul véritable changement réside-t-il dans l'apparition de ce pluriversum dont parlait C Schmitt, un nouveau nomos de la terre ou plusieurs acteurs globaux se partagent le pouvoir...et peut-être est-ce une bonne nouvelle pour les Européens, sous le joug anglosaxon depuis trop longtemps.
Écrit par : hoplite | 10/10/2010
Oui, c'est vrai que les gros débiteurs, d'une certaine manière, n'ont pas d'inquiétude immédiate à avoir.
Par contre, le plus embêtant pour les USA, c'est que les créditeurs comme la Chine peuvent se permettre à moyen-long terme de leur imposer la manière de gérer leur économie: là où le gouvernement US devra dépenser et là où il devra cesser de dépenser, faute de quoi les prêteurs chinois pourraient réagir négativement.
C'est comme cela qu'on devient une colonie. Et c'est comme cela qu'on perd son indépendance.
Écrit par : Trader | 10/10/2010
"Et c'est comme cela qu'on perd son indépendance."
tout à fait, les européens peuvent en témoigner...
Écrit par : hoplite | 10/10/2010
Sauf que l'Europe etait ruinée (En ruines pour etre précis) quand les américains ont pris l'ascendant.
L'Amerique, encore patriote, avec des moyens militaires conséquents, se faire devorer a coup d'OPA ou de dettes par la Chine ? Vraiment ?
Ca sera plus compliqué, les USA savent se defendre à ce niveau et bloquer les investissements chinoix sur des secteurs strategiques...Ca peut s'appeler du protectionnisme...Et puis quand on a une armée déployable...
Écrit par : JÖ | 11/10/2010
La stratégie de l'intervention militaire en cas d'impasse économique, c'est la dernière option.
Surtout en cette ère hyper-commerciale.
Les USA doivent trouver une réponse économique à un problème économique, pour la bonne raison que c'est sa raison même d'exister (le commerce) qui est en jeu.
N'oubliez pas, les USA se sont surtout hissés pendant longtemps au sommet grâce à sa prédominence économique et technologique. Ses quelques succès militaires ont été des épiphénomènes de son évolution. Rappelez-vous que les Américains ont longtemps été réticents à intervenir sur le plan internationale. Il aura même fallu Pearl Harbour pour entrer dans la WW II.
Mon opinion, en tout cas.
Écrit par : Trader | 11/10/2010
@JÖ,
c'est vrai, l'europe était ruinée par la guerre, la situation était différente. les US sont actuellement en faillite virtuelle. des millions d'américains ne vivent que grâce à des bons alimentaires, le dollar est mort, ne reste qu'une puissance militaire énorme qui pourrait, Trader le rappelle, être utilisée en dernier ressort pour relancer une économie moribonde (c'est l'entrée en guerre durant la ww2 qui, selon certains, relança durablement l'économie américaine). les US ont-ils les moyens d'un nouveau conflit en Orient. je ne crois pas.
C'est vrai aussi que les US n'hésitent jamais à se montrer protectionniste (un comble pour le pays à l'origine du capitalisme globalisé), contrairement aux européens qui sont les seuls idiots utiles de la mondialisation...mais c'est aujourd'hui un pays massivement appauvri, désindustrialisé, au bord de la rupture.
un changement d'époque, quoi qu'il en soit.
Écrit par : hoplite | 11/10/2010
Le dollar n'est pas encore tout a fait mort, mais sa place d'etalon/pierre philosophale...
Oui le gros problème c'est que l'Europe est peu armée en cas de faillite.
Les USA ont un enorme complexe militaro-industriel, et leur socièté est plus armée et violente.
Ce qui est aussi notable c'est que l'isolationisme américain qui a joué pour les deux guerres mondiales etait sans doute plus facile à apprehender et tenir à l'époque ou l'Amerique etait moins dépendante à l'international.
L'Amerique est quand meme partie en Irak au nom de la démocratie...
(C'est de l'humour evidement)
On est loin du Viet Nam ou il s'agissait "d'endigment".
(Bien sur il s'agissait de démocratie aussi en fait...)
J'ai du mal à juger l'etat concret de l'Amerique, parce qu'il y a encore des poles très dynamiques sur place.
(Et une mentalité dynamique, plus qu'en europe souvent))
Le tout est de savoir à quel ratio se situe le desequilibre, sii c'est tenable, ou à défaut surmontable ou pas.
Écrit par : JÖ | 11/10/2010
point de vue interessant, merci
Écrit par : offre canal plus | 12/09/2011
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