02/07/2014
cynisme
"Lors d'une émission de France 2 (Des paroles et des actes du 12/04/2012), David Pujadas semble s'être beaucoup amusé à poser au sympathique Philippe Poutou cette question surprenante et particulièrement perverse (il faut dire qu'en tant que membre éminent du Siècle -le plus sélectif des clubs de rencontre de la classe dirigeante française-, ce journaliste ne doit guère entretenir d'illusions sur la nature réelle du système qu'il a choisi de servir): "J'ai bien lu votre programme. Je n'ai rien trouvé contre la société de consommation. Est-ce que l'une des grandes formes d'aliénation aujourd'hui, ça n'est pas la dictature des marques, le dernier écran plat absolument, le dernier Smartphone absolument? Y a pas un mot là-dessus! Est-ce que ce n'est pas aussi une forme d'aliénation?" Réponse du candidat de la nouvelle extrême gauche "anticapitaliste" à cette question cyniquement debordienne: "Ouais, ben enfin, à notre avis, ce n'est pas le premier problème." Il est vrai que, pour la plupart des extrêmes gauches "citoyennes" (reconnaissons que le NPA ne va pas encore jusque là), le "premier problème" est généralement celui du "mariage gay" ou, à défaut -chacun pourra choisir-, celui de la légalisation du cannabis, du vote des étrangers ou de l'interdiction des corridas."
JC Michéa, post-face à La culture de l'égoïsme, Christopher Lasch et Cornelius Castoriadis, 2012.
photo: la modernité conserve certains attraits
22:47 | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : michea, pujadas, lasch, castoriadis, pulp fiction
21/02/2013
faillite radicale
« À partir du moment où l’on refuse de fonder son jugement sur une critique de la marchandisation du corps (puisqu’il s’agit d’une philosophie particulière et, qui plus est, anticapitaliste) il est difficile de ne pas suivre le juriste libéral Daniel Borillo lorsqu’il en vient à conclure : « L’État n’a pas à promouvoir une morale sexuelle spécifique sous peine de devenir lui-même immoral. La personne adulte est la seule capable de déterminer ce qui lui convient (...). De quel droit l’État interdirait-il à une personne la faculté d’avoir des relations sexuelles moyennant rétribution et de faire de cela sa profession habituelle ? » Cette analyse juridique imparable, du moins si l’on tient les dogmes fondateurs du libéralisme pour sacrés, offre ainsi une assise idéologique blindée à la position des « féministes » libérales, lorsqu’elles proclament sous la plume de Marcela Iacub et de Catherine Millet : « En tant que femmes et féministes nous nous opposons à ceux qui prétendent dire aux femmes ce qu’elles doivent faire de leur corps et de leur sexualité. Nous nous opposons à ceux qui s’acharnent à réprimer l’activité prostitutionnelle au lieu de chercher à la déstigmatiser, afin que celles qui ont choisi ce qu’elles considèrent comme un authentique métier, puissent l’exercer dans les meilleures conditions possibles ». Ce schéma argumentatif assez rustique peut, naturellement, être étendu à toutes les revendications concevables, y compris les plus contraires au bon sens ou à la common decency, comme l’exemple des États-Unis en offre la démonstration quotidienne. Il suffit, pour cela, de savoir manier, même de façon très approximative, ces techniques de la « déconstruction », que leur heureuse simplicité conceptuelle met désormais à la portée de n’importe qui (même d’un lecteur de « Libération ») et qui permettent, sans trop d’efforts intellectuels, de transformer tous les scrupules éthiques possibles en autant de tabous arbitraires et historiquement déterminés. » Michea, L'empire du moindre mal, 2010.
« La gauche a trop souvent servi de refuge à ceux que terrifiait la vie intérieure. Paul Zweig a déclaré qu’il était devenu communiste à la fin des années 1950, parce que le Parti le délivrait « des chambres défaites et des vases brisés d’une vie qui n’était que privée ». Tant que ceux qui cherchent à noyer le sentiment de leur faillite personnelle dans l’action collective — comme si cette dernière empêchait que l’on portât une attention rigoureuse à la qualité de sa vie personnelle — seront absorbés par les mouvements politiques, ceux-ci auront peu à dire sur la dimension personnelle de la crise sociale. Le besoin de chercher à tout prix une explication purement sociologique à l’ensemble des comportements humains (qu’il s’agisse de la délinquance, du rapport à l’école ou de sa propre vie personnelle) trouve, sans doute, dans cette analyse une grande partie de ses raisons véritables. » Christopher Lasch Le Seul et Vrai Paradis 1991.
21:43 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : michea, lasch, iacub
13/02/2013
corruption
« La corruption généralisée que l'on observe dans le système politico-économique contemporain n'est pas périphérique ou anecdotique, elle est devenue un trait structurel, systémique de la société où nous vivons. En vérité, nous touchons là un facteur fondamental, que les grands penseurs politiques du passé connaissaient et que les prétendus « philosophes politiques » d'aujourd'hui, mauvais sociologues et piètres théoriciens, ignorent splendidement : l'intime solidarité entre un régime social et le type anthropologique (ou l'éventail de tels types) nécessaire pour le faire fonctionner. Ces types anthropologiques, pour la plupart, le capitalisme les a hérités des périodes historiques antérieures : le juge incorruptible, le fonctionnaire wébérien, l'enseignant dévoué à sa tâche, l'ouvrier pour qui son travail, malgré tout, était une source de fierté. De tels personnages deviennent inconcevables dans la période contemporaine : on ne voit pas pourquoi ils seraient reproduits, qui les reproduirait, au nom de quoi ils fonctionneraient. Même le type anthropologique qui est une création propre du capitalisme, l'entrepreneur schumpétérien, combinant une inventivité technique, la capacité de réunir des capitaux, d'organiser une entreprise, d'explorer, de pénétrer, de créer des marchés, est en train de disparaître. Il est remplacé par des bureaucraties managériales et par des spéculateurs. Ici encore, tous les facteurs conspirent. Pourquoi s'escrimer pour faire produire et vendre, au moment où un coup réussi sur les taux de change à la bourse de New York ou d'ailleurs, peut vous rapporter en quelques minutes 500 millions de dollar ? Les sommes en jeu dans la spéculation de chaque semaine sont de l'ordre du PNB des Etats-Unis en un an. Il en résulte un « drainage » des éléments les plus entreprenants vers ce type d'activités qui sont tout à fait parasitaires du point de vue du système capitaliste lui-même. »
Cornélius Castoriadis, La montée de l'insignifiance, 1993.
"Lors d'une émission de France 2 (Des paroles et des actes du 12/04/2012), David Pujadas semble s'être beaucoup amusé à poser au sympathique Philippe Poutou cette question surprenante et particulièrement perverse (il faut dire qu'en tant que membre éminent du Siècle -le plus sélectif des clubs de rencontre de la classe dirigeante française-, ce journaliste ne doit guère entretenir d'illusions sur la nature réelle du système qu'il a choisi de servir): "J'ai bien lu votre programme. Je n'ai rien trouvé contre la société de consommation. Est-ce que l'une des grandes formes d'aliénation aujourd'hui, ça n'est pas la dictature des marques, le dernier écran plat absolument, le dernier Smartphone absolument? Y a pas un mot là-dessus! Est-ce que ce n'est pas aussi une forme d'aliénation?" Réponse du candidat de la nouvelle extrême gauche "anticapitaliste" à cette question cyniquement debordienne: "Ouais, ben enfin, à notre avis, ce n'est pas le premier problème." Il est vrai que, pour la plupart des extrêmes gauches "citoyennes" (reconnaissons que le NPA ne va pas encore jusque là), le "premier problème" est généralement celui du "mariage gay" ou, à défaut -chacun pourra choisir-, celui de la légalisation du cannabis, du vote des étrangers ou de l'interdiction des corridas."
JC Michéa, post-face à La culture de l'égoïsme, Christopher Lasch et Cornelius Castoriadis, 2012.
« Ce n'est que de nos jours, qu'il est possible de commencer à mesurer exactement les effets politiquement catastrophiques de la croyance au caractère conservateur de l'ordre économique et libéral. C'est ce postulat insensé qui, depuis trente ans n'a cessé de conduire mécaniquement la plupart des militants de gauche à tenir l'adoption a priori de n'importe quelle posture modernisatrice ou provocatrice -que ce soit sur un plan technologique, moral ou autre- pour un geste qui serait toujours et par définition , « révolutionnaire », et « anti-capitaliste » ; terrible confusion qui, il est vrai, a toujours eu l'incomparable avantage psychologique d'autoriser ceux qui s'y soumettaient, à vivre leur propre obéissance à l'ordre industriel et marchand comme une modalité exemplaire de la « rebel attitude ».
JC Michéa, Préface à La culture du narcissisme de Christopher Lasch.
22:05 | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : lasch, michea, castoriadis
13/03/2012
festivus contre l'ordre moral
« De nombreux militants de gauche s’insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme anti sexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l’ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la personnalité autoritaire n’est plus le prototype de l’homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l’homme psychologique de notre temps -dernier avatar de l’individualisme bourgeois. » (C. Lasch, La culture du narcissisme, éd climats, 2000, p 24)
Suis souvent surpris par le grand écart idéologique (qu'incarne à merveille ce pauvre Hazan et ses clônes modernes) que font les plus fervents promoteurs des théories pédagogistes et novatrices au sein de l’Education Nationale –nos amis du désastre scolaire que Brighelli dans son blog épingle si bien, en patient entomologiste du monde scolaire qu’il est.
Je dis grand écart idéologique car, sur le fond, il me semble que la plupart des bonnes consciences progressistes –de gauche comme de droite- ne voient pas la contradiction fondamentale qu’il y a à vomir quotidiennement le libéralisme économique d’un côté tout en adoubant, de l’autre, des théories éducatives et des principes anthropologiques qui ressortent directement de l’individualisme le plus libéral ("leulibéralisme culturel" pour notre ami Marchenoir)
Je m’explique. Le contraste entre les moyens énormes mis au service de l’institution scolaire et les résultats dramatiques de la même institution montent assez bien à quel point –et contrairement à la rhétorique pavlovienne des syndicats d’enseignants ("de gauche" c'est-à-dire les plus acharnés à saper les piliers de l'institution au nom du Progrès et de la célèbre "lutte contre toutes les formes de discriminations") sur le manque de postes et de moyens- il s’agit plus d’une crise civilisationnelle que d’une simple histoire de budget.
Au sens ou si l’école a changé, en mal, sous les coups des Lang, Meirieu, Langevin, Freinet, Bayrou et autres Bourdieu, adeptes de l’élitisme pour tous et de la massification de la culture, la société aussi.
La famille moyenne qui envoyait ses gamins les yeux fermés à l’école publique du quartier dans les années 50 ou 60 pour y acquérir, non pas une éducation qui était assurée par les parents, mais une instruction, n’est plus la famille d’aujourd’hui qui se décharge largement de son rôle éducatif sur l’institution qui, parallèlement, est de moins en moins à même d’assurer son devoir d’instruction.
Quels parents envoient aujourd’hui les yeux fermés leurs gamins à l’école du quartier ? Une minorité sans doute par aveuglement ou culte du métissage social…La majorité des parents n’ont plus confiance dans l’institution. Perte de légitimité et contestation du bien fondé de principes éducatifs impersonnels qui, jusqu’alors, paraissaient évidents à presque tous. Remise en cause du contenu et des méthodes. Pourquoi apprendre ? Quels savoirs ? Pour qui ? Les mêmes pour tous ? Ne faut il pas individualiser l’enseignement, mettre l’enfant au cœur du système ? L’aider à construire lui-même son savoir ? Respecter ses droits ? Rendre le savoir attractif ? Aller vers l’enfant ? Cesser de demander aux enfants de faire l’effort d’acquérir ce savoir ?
A bien considérer les choses, ce primat de l’individu –de l’élève- par rapport à la communauté, cette survalorisation de droits individuels ( apprendre, à construire son savoir, à bénéficier d’un enseignement individualisé et attractif, récusation de l’autorité, etc.) au détriment des devoirs de l'enfant (respect de l’autorité, de la figure du professeur, du savoir, humilité et reconnaissance devant ce travail d’individuation et de civilisation nécessaire voulu et organisé par la communauté), cette auto régulation des comportements (qui rappelle l'auto-régulation des marchés, la célèbre main invisible d'Adam Smith), ne sont que les manifestations les plus évidentes de cet individualisme libéral qui est aujourd’hui le credo de nos sociétés occidentales. Pour le meilleur, comme pour le pire.
Au delà de cette contradiction –féconde pour ceux qui veulent bien s’y arrêter- entre la lecture d’Alternatives économiques et le devoir de vigilance citoyen à l’égard des droits de l’élève dans l’institution scolaire, tout cela me semble traduire une confusion générale sur la nature de l’école et sur les rapports entre l’individu –enfant- et la société en tant que communauté.
Christopher Lasch dans les années soixante dix, se posant la question de la compatibilité d’une éducation de masse et du maintien d’un enseignement de qualité, avait démystifié ce chaos moderne en montrant la convergence de vue entre conservateurs partisans d’un enseignement élitiste et jugeant préjudiciable au maintien d’une excellence scolaire l’ouverture de l’école au plus grand nombre et radicaux qui justifient l’abaissement du niveau d’enseignement au nom de l’émancipation culturelle des opprimés.
Pour autant, Lasch faisait le constat d’un abaissement du niveau éducatif dans les lieux mêmes d’excellence (Yale, Princeton, Harvard), assez réfractaires par nature, au dogmes égalitaristes. Et faisait l’hypothèse que cette évolution inquiétante était propre aux sociétés industrielles avancées, celle-ci n’ayant plus nécessairement besoin d’individus brillants autonomes et critiques, mais plutôt de sujets moyens, relativement abrutis, capables d’effectuer un travail moyennement qualifié et de se comporter en bons consommateurs…Connivence des acteurs économiques et politiques pour laisser filer l’enseignement de la littérature, de l’histoire, des sciences politiques et da philosophie, peu nécessaires à l’accomplissement consumériste et festif de l’homme moderne.
Avec pour résultat que l’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, avait fini par abrutir les privilégiés eux mêmes. On retrouve ce type d’analyse chez Renaud Camus lorsqu’il parle de la prolétarisation des classes moyennes et du corps professoral.
Ainsi, contrairement à l’esprit de l’institution qui était de former des citoyens éclairés capables de se diriger eux-mêmes, il semble que le système ne soit plus capable –hors quelques filières d’excellence soigneusement épargnées à dessein- que de produire des générations d’abrutis incultes et pour beaucoup analphabètes, tout juste aptes à obéir servilement aux campagnes promotionnelles, à opiner aux sommations d'une expertocratie auto proclamée et omni présente, et à célébrer comme il se doit l’avènement de cette société du Spectacle de masse dont parlait Debord.
Pourquoi, en effet, dans la perspective utilitariste d’efficacité et de rendement ou de retour sur investissement de nos modernes élites, perdre du temps et de l’argent à enseigner l’histoire ou la littérature à des individus massivement destinés à des emplois peu qualifiés et peu exigeants intellectuellement ? Pourquoi former de bons citoyens éclairés et autonomes lorsque des abrutis grégaires et festifs feront tourner la machine aussi bien –sinon mieux- et ferons de bons consommateurs ?
Et à cette prolétarisation globale des sociétés industrielles, la bureaucratie éducative progressiste à front de taureau répond en produisant à jet continu de nouveaux programmes scolaires revus à la baisse, peu exigeants, axés sur la socialisation des enfants, les activités transversales ou extra scolaires destinées, non plus à les instruire, mais à les occuper.
« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune.Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que la CEE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. » (Cristopher Lasch, La révolte des élites, 1996)
« En septembre 1995, 500 hommes politiques et dirigeants économiques de premier plan s’étaient réunis à San Francisco sous l’égide de la Fondation Gorbatchev pour confronter leurs vues sur le monde futur. La plupart tombèrent d’accord pour affirmer que les sociétés occidentales étaient en passe de devenir ingérables et qu’il fallait trouver un moyen de maintenir par des procédés nouveaux leur sujétion à la domination du Capital. La solution retenue fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski sous le nom de tittytainment. Par ce terme plaisant, il fallait entendre un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. » (Alain de Benoist (6 juillet 2009)
"Johnny a dit à Adeline: "Ah que c'est chouette!""
22:26 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : education, lasch, brighelli, orwell
15/10/2011
ni Juif ni Grec, ni esclave ni maître, ni mâle ni femelle
Paul Jorion disait il y a peu que « nous sommes dans l’œil du cyclone » car le calme apparent n’est que le prélude au chaos qui vient. (drôle d’écrire ce genre de chose..).
On chercherait en vain dans l’actualité, ou chez les penseurs, les hommes politiques de notre temps des signes ou des mots pour dire le moment inédit, et sans doute tragique, que nous vivons. Rien, moins que rien : des « primaires » « socialistes » absurdes et dérisoires organisant le spectacle de quelques progressistes partageant l’essentiel (leur appartenance au club très fermé des ploutocrates du Siècle, entre autres) avec l’archétype de vacuité vulgaire qui nous sert de président, des faits divers atroces, des taxes sur les sodas comiques, la mise en scène perpétuelle de personnages insignifiants, la dysneylandisation de tout et de tous, comme dit Millet. Ce dernier parle dans son dernier opus de « fatigue du sens » pour désigner l’effondrement de notre civilisation européenne, celui de toute verticalité structurante, de toute « architecture de sens » (Chantal Delsol) au profit (le mot qui convient) d’une horizontalité marchande, métisseuse et non contradictoire.
Hier soir je relisais quelques lignes de Jardins et routes, le journal de campagne de Junger, qui, à presque 40 ans, remet l’uniforme, remonte sur un cheval, traverse à nouveau cette frontière et ces villages qui portent encore les marques de la première guerre mondiale. Le regard de cet homme d’exception est un baume en ces temps incertains car il s’intéresse à l’essence du monde, non pas à ses apparences. Contrairement au libéral, l’anarque Jünger, comme le philosophe, l’artiste ou le croyant, voit autre chose. Peut-être faut-il voir dans cette posture rare l’explication de cette résilience incroyable devant l’effondrement de son pays à deux reprises et cet ethos contemplatif et serein. Cabale ainsi de suivre le vol de deux libellules au bord d’une route jonchée de cadavres de chars, d’hommes et de chevaux, capable de jouir de son bref séjour au magnifique château de Montmirail, résidence de La Rochefoucauld, entre deux marches forcées pour atteindre le front à Saint-Quentin.
Et l’on pourra se faire une idée à peu prés juste de l’avenir promis aux classes moyennes occidentales en observant la transformation accélérée de pays comme les Etats-Unis, la Grèce ou la Grande-Bretagne : paupérisation, déclassement, misère…Ou la guerre (comme l'évoquait récemment l'économiste Philippe Dessertine dans le Point)...
« Si l’universalisme de la gauche est d’abord l’héritier de celui de la philosophie des Lumières, on ne saurait pour autant oublier ses racines chrétiennes et, notamment, son origine Paulinienne (c’est un point sur lequel Alain Badiou a eu le grand mérite d’exister). ¨Pour Saint Paul, en effet, il n’existera plus, dans le Royaume de Dieu, « ni Juif ni Grec, ni esclave ni maître, ni mâle ni femelle » (Epitre aux Galates, 3-28) parce que alors tous ne feront plus qu’ « un dans le Christ ». Dans cette conception désincarnée (ou transgenre) de l’universel (que l’on retrouverait, de nos jours, aussi bien au principe de la lutte citoyenne « contre toutes les formes de discrimination » qu’à celui de ces royaumes de Dieu modernes que sont la « communauté européenne » ou le Marché mondial), toute détermination particulière –c’est-à-dire tout agencement symbolique concret supposé enfermer un sujet (qu’il soit individuel ou collectif) dans les limites d’un héritage historique ou naturel donné- doit être pensé comme un obstacle majeur à l’avènement d’un ordre juste et, par conséquent, comme une configuration politiquement incorrecte qu’il est indispensable d’éradiquer au plus vite. Tel est bien, en fin de compte, le sens ultime de la croisade perpétuelle de la gauche et de l’extrême –gauche contemporaines contre tout ce qui pourrait impliquer une forme quelconque de filiation ou d’identité individuelle et collective –y compris sur le plan anatomique et sexuel (Judith Butler –figure emblématique de la gauche américaine moderne- tenant ainsi la drag queen pour le seul sujet politique révolutionnaire capable de remplacer efficacement l’ « ancien » prolétaire de la doctrine marxiste. Si donc la loi du progrès est celle qui doit inexorablement conduire des étouffantes « sociétés closes » à la merveilleuse « société ouverte » -qui oblige, en d’autres termes, l’ensemble des civilisations existantes (du monde islamique aux tribus indiennes d’Amazonie) à renoncer peu à peu à toutes ces limitations « arbitraires » qui fondaient leur identité contingente pour se dissoudre triomphalement dans l’unité post-historique –au sens ou l’entendait Fukuyama- d’une société mondiale uniformisée (unité dont le moteur ne saurait évidement être que le développement coordonné du libre-échange, des « droits de l’homme » et de la culture mainstream)- on comprend alors ce qui fait la cohérence philosophique de la gauche moderne. Pour cette dernière, en effet, c’est forcément une seule et même chose que de refuser le sombre héritage du passé (qui ne saurait appeler, par principe, que des attitudes de « repentance »), de combattre tous les symptômes de la fièvre « identitaire » (c’est-à-dire, en d’autres termes, tous les signes d’une vie collective enracinée dans une culture particulière) et de célébrer à l’infini la transgression de toutes le limites morales et culturelles léguées par les générations antérieures (le règne accompli de l’universel libéral-paulinien devant coïncider, par définition, avec celui de l’indifférenciation et de l’illimitation absolues). Aux yeux de l’intellectuel de gauche contemporain, il va nécessairement de soi que le respect du passé, la défense de particularismes culturels et le sens des limites ne sont que les trois têtes, également monstrueuses, de la même hydre réactionnaire. »
JC Michéa, Le complexe d’Orphée, 2011.
La démystification du barnum progressiste contemporain reste pour moi un pur bonheur. Sans doute peut-on voir dans ce concept d’ « unité post-historique », une passerelle avec la post-histoire (ou sortie de l’histoire) de Philippe Murray qui décrivait l’avènement du triste Festivus-Festivus en Occident comme l’érection d’un univers du Bien sans ailleurs, sans extérieur, débarrassé une fois pour toutes de toute contradiction, de tout antagonisme, de tout particularisme et de tout mystère.
Une autre clef de lecture de l’absurdité de cette post-histoire globalisante et métissophile, comme horizon indépassable de la modernité (et des épigones Joffrinesques, Sarkophiles ou Attalinesques), se trouve chez Cristopher Lasch qui, dans son Moi assiégé, rappelle que « la définition de l’humanité est tension, division, conflit »…
Bonne nouvelle, la « post-histoire » n’a pas d’avenir!
(photo: dorothea Lange, 1936)
PS: and get your money out of your bank...
22:16 | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : michéa, lasch, junger
28/12/2010
anatomie du chaos
Ceux qui fréquentent Hoplite depuis un moment connaissent mes idées sur la sécession ethnique/culturelle/religieuse/sociale qu’organisent méthodiquement nos modernes libéraux-libertaires par le biais d’un remplacement démographique de grande ampleur depuis plus de quarante ans, par la destruction des cadres sociaux, environnementaux, culturels, politiques, religieux ou philosophiques des peuples européens, par l’anomie galopante et la guerre de tous contre tous : les prémisses d'une guerre civile sous-tendue par les bouleversements induits par le capitalisme globalisé (ou néo-libéralisme).
Christopher Lasch ou JC Michéa qui, au-delà de la critique de la religion du Progrès™, décrivent une autre sécession à l’oeuvre, moins visible mais non moins dangereuse, qui est celle de nos « élites ». Par « élites », j’entends cette hyperclasse hédoniste et nomade, ces insiders, hommes politiques rafarinesques, sportifs thuramo-compatibles, journalistes jofrinesques, écrivains attalinoïdes, sociologues woltoneux, dont le point commun est de vivre bien en étant à l’abri des conséquences désastreuses des politiques qu’ils promeuvent et qui font le malheur de beaucoup d'autres (le peuple, volontiers "populiste"), ces outsiders silencieux, en panne d’éducation, d’instruction, de repères, d’argent, de savoir et de sens…et de traditions (horresco referens).
« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune. Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que l'UE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. » (Christopher Lasch, La révolte des élites, 1996)
Christopher Lasch a théorisé cette sécession élitaire, cette trahison de la démocratie, en 1996, dans un livre cardinal, La révolte des élites, qui fut bien sûr ignoré par tout le ban et l’arrière-ban de l’intelligentsia progressiste, notamment en France. Certaines vérités, certaines analyses, trop dérangeantes et anti-conformistes s’enterrant beaucoup plus facilement en les ignorant délibérément qu’en les affrontant. Jean-claude Michéa, dans une courte préface à cet ouvrage, dit l’essentiel :
« Profondément enracinés dans l’économie planétaire et ses technologies sophistiquées, culturellement libérales, c’est-à-dire, « modernes », « ouvertes », voire « de gauche », les nouvelles élites du capitalisme avancé, celles qui contrôlent le flux international de l’argent et de l’information, manifestent en effet, à mesure que leur pouvoir s’accroît et se mondialise, un mépris grandissant pour les valeurs et les vertus qui fondaient autrefois l’idéal démocratique. Enclavées dans leurs multiples « réseaux », au sein desquels elles « nomadisent » perpétuellement, elles vivent leur enfermement dans le monde humainement rétréci de l’Economie comme une noble aventure « cosmopolite », alors que chaque jour devient plus manifeste leur incapacité dramatique à comprendre ceux qui ne leur ressemblent pas : en premier lieu, les gens ordinaires de leur propre pays (on sait par exemple, que dans le monde de l’élite, situé « nulle part ailleurs », l’homme ordinaire ne peut apparaître que sous la figure moquée des Deschiens). Christopher Lasch a tenu à placer sa critique des nouvelles élites du capitalisme avancé sous le signe du « populisme », c’est-à-dire conformément au sens historique du mot, d’un combat radical pour la liberté, et l’égalité mené au nom des vertus populaires. On sait à quel point, depuis quelques années, les media officiels travaillent méthodiquement à effacer le sens originel du mot, à seule fin de pouvoir dénoncer comme « fascistes » ou « moralisateurs » (à notre époque, le crime de pensée suprême) tous les efforts des simples gens pour maintenir une civilité démocratique minimale et s’opposer à l’emprise croissante des « experts » que le système a préposé à la défense médiatique de ses nuisances, s’empresseront de faire courir le bruit –pour affecter de s’en réjouir ou pour s’en lamenter- que ce livre est « réactionnaire ». Il n’est cependant pas interdit d’espérer que le lecteur intelligent puisse encore se faire une opinion par lui-même. »
Une précision s’impose concernant le terme de « libéralisme » que j’utilise régulièrement bien souvent pour en montrer les aspects obscurs et destructeurs, bien que célébré par la quasi-totalité des media occidentaux mais pas seulement. Ce mot fait référence chez moi à ce « néo-libéralisme », sorte de capitalisme globalisé devenant, mondialisation oblige, l’alpha et l’oméga des élites globalisées, occidentales ou pas.
Or, l’imposture fondamentale des thuriféraire du néo-libéralisme est de se vendre (le mot est de rigueur) comme les héritiers du libéralisme politique et économique théorisé par les grandes figures de la philosophie des Lumières : cette aberration (cette imposture), en forme d’impasse intellectuelle, éthique et morale est pourtant monnaie courante aujourd’hui et permet à tous les criminels de guerre (économique) du genre de Madoff, Goldman, Sachs, Friedman, Lehman, Volker ou Greenspan (liste non limitative) de faire passer une société malade de son hyperconsommation rabique pour une geste libérale autrement complexe et nuancée des penseurs européens du libéralisme politique et économique des XVII et XVIIème siècles. Nul doute que Smith, Ricardo, Hume, Locke, Montesquieu et de quelques-uns de leurs –véritables- héritiers comme Constant ou Tocqueville ne pourraient reconnaître une seconde leur vision éclairée et subtile d’émancipation, de liberté et d’autonomie (dans un monde ou régnaient absolutisme et religion) dans l’hubris marchande et prédatrice d’un Bernanke ou d’un Friedman et de ses Chicago boys...
L’exploit de ces apprentis sorciers, outre le fait de pouvoir encore s’afficher comme les héritiers de penseurs authentiques de l’autonomie et de la raison, est d’avoir su imposer leur doctrine « néo-libérale » que décryptent Pierre Bérard, Castoriadis, Michéa ou Lasch, à la planète entière, malgré les ravages, les prédations, les bouleversements incroyables que celle-ci produit partout.
Or cette croyance (c’en est une, aucun fondement solide autre que la foi de ses fidèles) que l’homo oeconomicus serait une créature rationnelle qui ne court qu’après son meilleur intérêt au détriment de toute autre aspiration, que la cupidité de chacun fait la richesse des nations, que le bien-être social découle d’une moindre intervention étatique dans la marche du marché (sorte de veilleur de nuit..), que les marchés s’autorégulent sans nul besoin d’intervention extérieure –notamment étatique, que la spéculation est une activité naturelle et utile à la société, que les principes économiques sus-cités doivent s’appliquer à toutes les sphères des activités humaines, que le protectionnisme des marchés nationaux ou continentaux est une aberration dangereuse n’est que principes simplistes et hégémoniques érigés en dogme intouchable à travers l’enseignement économique, les media, les bureaucraties internationales et leurs relais utiles nationaux (les Sarkosy, Strauss Kahn, Con-Bandit, Barroso, etc.).
13:59 | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : chaos, michéa, lasch, hume, constant
18/11/2010
fricadelles et tribalisme
« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune. Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que l'UE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. »
(Cristopher Lasch, La révolte des élites, 1996)
21:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dikkenek, lasch
10/10/2010
résistance
Je repense à la dernière chronique radiophonique de Morel sur Pétain et les juifs (j’aime bien écouter radiofrance le matin, la voix de la pensée unique). Un symptôme de l’obsession de nos modernes à l’égard de la seconde guerre mondiale et, notamment, de la geste collaborationniste versus la geste résistante dans ce qu’il me semble être les habits neufs de l’anti-fascisme militant. Ou comment instrumentaliser le passé (certaines périodes en particulier) pour légitimer l’ordre contemporain droitdelomiste et sans frontieriste subventionné par Carrefour.
Ce matin sur France Inter, Christine Scott-Thomas évoquant un nième film relatant l’extermination des juifs européens lors de la seconde guerre mondiale et disant (à peu prés) : « Je trouve bien que l’on commence à en parler aujourd’hui ». De la shoah. En 2010...
Il n’ya guère que Finkielkraut, désormais, pour pouvoir dire sans dommage à quel point l’omniprésence de la commémoration du génocide juif durant la seconde guerre mondial puisse être contreproductif.
La compassion, ce poison de la démocratie, comme le rappelait Lasch évoquant le populisme.
Scott-Thomas est emblématique de ces peoples (élites –cacocraties- spectaculaires promues à jet continu par les media) affectant de se situer à la marge de la société alors qu’ils sont le mainstream, alors qu’ils définissent la norme culturelle, médiatique, sociologique, historique, etc. Pas besoin d’être grand clerc pour mesurer les bénéfices secondaires (notamment en termes d’exposition médiatique et d’opportunités professionnelles) que procure ce genre de posture de « rebellion », de « résistance », de « lutte » contre un ordre moral et conservateur –voire xénophobe- fantasmé. Dans le même genre d’imposture spectaculaire, ces célébrités (le système aujourd’hui ne donne plus la parole qu’à des joueurs de foot, des acteurs, des personnels politiques, des sociologues d’Etat, des journalistes stipendiés,etc., bref des personnages parfaitement secondaires, dressés à répéter en boucle le credo du capitalisme globalisé sous couvert de Progès, de Droits de l'homme, de compassion humanitaire ou de protection de l’environnement). Les joueurs de foot offrant l’avantage, par leur vocabulaire réduit et leur inculture crasse, d'appauvrir le champ de la pensée, comme le montre Orwell dans 1984.
Parmi les mystifications contemporaines de nos sociétés spectaculaires et marchandes, figure donc la propension des partis dits « de gauche », c’est-à-dire obsessionnellement progressistes, à trahir les classes moyennes et populaires au profit des « sans-papiers » et des « exclus »…Sans doute l’abandon de toute critique radicale de ce turbocapitalisme globalisé au profit de la fameuse « lutte contre l'intolérance et toutes les formes d'exclusion» et, ce faisant, l'abandon des classes populaires occidentales au profit de cette armée de réserve du capitalisme que sont ces clandestins de tous poils, traduisant le ralliement –non dit- de nos résistants modernes à la geste « libérale » est-il un début d'explication. Comme en témoigne la surexposition médiatique de la grosse Balasko et du mérou Béard, à la moindre fermeture de quelques squatts. Les pauvrettes n’ont pas encore compris (et le simple fait d’être médiatisé à outrance par TF1 et Canal plus devraient les y aider) que, ce faisant, elles se comportent comme les idiots utiles de Vivendi et de Bouygues.
Peut-être ne faut pas chercher plus loin pour comprendre pourquoi tout est fait pour que des penseurs comme Ellul, Lasch ou Orwell, déconstructeurs méthodiques du credo progressiste et adeptes d'un certain conservatisme critique, restent inaudibles (voire démonisés comme en témoigne la campagnes de presse hostile à Orwell, il y a quelques années, accusé –à tort- de dénonciation de communistes dans l’après guerre), au profit des Bourdieu ou Foucault, bien moins dérangeants pour le nouvel ordre spectaculaire et « résistant »…
"(…) Les sentinelles de l'antifascisme sont la maladie de l'Europe décadente. Ils me font penser à cette phrase de Rousseau persiflant les cosmopolites, ces amoureux du genre humain qui ignorent ou détestent leurs voisins de palier. La passion trépidante de l'humanité et le mépris des gens sont le terreau des persécutions à venir. Votre ami Alain de Benoist a commencé d'écrire de bonnes choses là-dessus. Dites-le-lui, il faut aller dans ce sens : la contrition pathologique de nos élites brouille ce qui fut la clé du génie européen ; cette capacité à se mettre toujours en question, à décentrer le jugement. Ceux qui nous fabriquent une mémoire d'oppresseurs sont en fait des narcissiques. Ils n'ont qu'un souci : fortifier leur image de pénitents sublimes et de justiciers infaillibles en badigeonnant l'histoire de l'Europe aux couleurs de l'abjection. Regardez ce qu'écrit Bernard-Henri Lévy sur Emmanuel Mounier... C'est un analphabète malfaisant. En 1942, j'étais avec Mounier à Lyon... en prison ! En épousant l'universel, ils s'exhaussent du lot commun ; ils se constituent en aristocratie du Bien... L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie !" Julien freund
maintenant écoutons le nouvel hymne du -trés progressiste- Front de gauche: "ouvrez les frontières"
10:11 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : orxell, lasch, ellul, bourdieu
09/10/2010
guignol
Hier matin, en écoutant François Morel dans sa chronique hebdomadaire (?) j’ai compris deux choses :
-la carrière de l’humoriste était désormais assurée à perpétuité à Radiofrance,
-Morel n’est pas drôle, il est juste un serviteur zélé de l’esprit du temps.
Les deux assertions étant bien sûr liées.
Morel, dans son costume de résistant en carton ou de justicier en peau de lapin (au choix), évoquant le comportement de Pétain à l’égard de Juifs durant la seconde guerre mondiale, terminait sa chronique en rappelant combien la lutte contre toutes les discriminations reste l’alpha et l’oméga de tous, sachant toujours fécond le ventre de la bête immonde…
La soumission au zeitgeist, au travers de cette lutte formidable contre un adversaire fantasmé (la terrible réaction d’un ordre moral incarné –le système y veille- par quelques ligues de chaisières appartenant à la fraternité saint Pie X) ou mourru depuis longtemps (ce vieux guerrier à moustache) marque infailliblement l’appartenance de son auteur au camp du Bien (ou son adoubement par ses thuriféraires). Comme quoi, l’ascenseur social marche encore, quoiqu’on en dise.
A posteriori, la carrière –la vis comica- de Morel, des Deschiens aux cartes postales de vacances de franchouillards en vacances, cet été, semble parfaitement correspondre à la vision que se font nos élites de la France profonde et du français ordinaire : un imbécile inculte, hostile par principe aux magnifiques avancées progressistes, volontiers xénophobe et conservateur en diable…seule figure de la modernité interdite par nos modernes (selon Kolakowski).
Comment cela ne ferait-il pas écho avec la prose de Christopher Lasch :
« (…) La meilleure façon de comprendre les conflits culturels qui ont bouleversé l’Amérique depuis les années 60 est d’y voir une forme de guerre des classes, dans laquelle une élite éclairée (telle est l’idée qu’elle se fait d’elle-même) entreprend moins d’imposer ses valeurs à la majorité (majorité qu’elle perçoit comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe), encore moins de persuader la majorité au moyen d’un débat public rationnel, que de créer des institutions parallèles ou « alternatives »dans lesquelles elle ne sera plus du tout obligée d’affronter face à face les masses ignorantes. » Christopher Lasch, La révolte des élites, 1995.
Ou avec celle de Michéa :
« (...) Analyse [le tittytainment de Zbigniew Brzezinski] ou l’on retrouve sans trop de peine la représentation cynique et méprisante que les élites intellectuelles et médiatiques se font spontanément des gens ordinaires (de cette « France moisie » comme dirait l’élégant Sollers) : un monde peuplé de beaufs et de Deschiens, cible quotidienne des dessins de Cabu ou des Guignols de l’info. On notera ici l’étonnante puissance de récupération du système : au XIXème siècle, le Guignol était l’une des quelques armes dont disposait encore le petit peuple pour brocarder ses maîtres. Il est devenu aujourd’hui l’artillerie lourde que l’élite emploie pour se moquer du peuple. On peut imaginer ce qu’il adviendra de Robin des bois le jour où, pour des raisons d’audimat, Vivendi demandera à ses employés de lui donner à nouveau une existence télévisée. » JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, 1999.
sinon what's up?
10:56 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : morel, guignol, michéa, lasch
17/03/2010
rebel attitude
« Ce n'est que de nos jours, qu'il est possible de commencer à mesurer exactement les effets politiquement catastrophiques de la croyance au caractère conservateur de l'ordre économique et libéral. C'est ce postulat insensé qui, depuis trente ans n'a cessé de conduire mécaniquement la plupart des militants de gauche à tenir l'adoption a priori de n'importe quelle posture modernisatrice ou provocatrice -que ce soit sur un plan technologique, moral ou autre- pour un geste qui serait toujours et par définition , « révolutionnaire », et « anti-capitaliste » ; terrible confusion qui, il est vrai, a toujours eu l'incomparable avantage psychologique d'autoriser ceux qui s'y soumettaient, à vivre leur propre obéissance à l'ordre industriel et marchand comme une modalité exemplaire de la « rebel attitude ».
(JC Michéa, Préface à La culture du narcissisme de Christopher Lasch)
22:41 | Lien permanent | Commentaires (37) | Tags : michéa, lasch
09/03/2010
cool
Le plan Chatel contre l'absentéisme des profs (Le Figaro - 09.03.10)
Le ministre de l'Education nationale entend demander aux recteurs de se mobiliser pour améliorer les remplacements. Quitte à faire appel à des étudiants ou des retraités. (...)
Une enseignante d'Histoire agressée par son élève (Le Figaro - 09.03.10)
Un élève de troisième d'un collège ardéchois a été convoqué devant la justice pour avoir aspergé de gaz lacrymogène vendredi son enseignante d'Histoire qui venait d'expliquer qu'al-Qaïda était une organisation terroriste, a indiqué l'enseignante aujourd'hui.
Le parquet de Privas a confirmé l'agression, sans en préciser les circonstances. "Je venais d'expliquer que les attentats du 11 septembre 2001 étaient dus à l'organisation terroriste al-Qaïda, comme c'est écrit sur leur livre. Il s'est levé, a dit qu'al-Qaïda n'était pas terroriste, que les talibans non plus", a expliqué l'enseignante, également chef de ce petit établissement de Largentière.
Le garçon de 15 ans a ensuite aspergé de gaz lacrymogène l'enseignante puis le conseiller principal d'éducation, qui ont été légèrement incommodés, a-t-elle ajouté, confirmant une information de la radio France Bleue. Ils ont porté plainte. Le garçon, qui va passer en conseil de discipline au sein de l'établissement, a également été convoqué devant le juge des enfants du tribunal de Privas mardi 16 mars. (...)
Des étudiants! sans déconner! comment mieux cracher à la gueule des enseignants qu'en les remplaçant par des étudiants? Pourquoi pas des enfants comme chez les Kmehrs? Avec une Kalash pour les récalcitrants...misère. (mais qu'attendre d'autre d'un ex-VRP de Loréal?)
Quant au collègien Ardéchois, je lui suggère de contacter la section locale du PS, pas trop tard pour être tête de liste dans sa région. ah! ah! (mais qu'attendre d'autre d'un jeune barbare?)
Relu tantôt L'enseignement de l'ignorance de Michéa. Très convaincant, non seulement sur le désastre de l'éducation nationale, mais aussi sur son explication globale de ce chaos éducatif.
Globalement, et indépendamment de causes structurelles et circonstancielles (massification de l'enseignement, dégradation du niveau des enseignants du au recrutement et à une "formation" indigente dans les IUFM, méthodes d'enseignement ineptes, abandon de l'exigence d'excellence chère à Finkielkraut, irruption du chaos sociétal dans l'enceinte scolaire, etc.), Michéa pointe la responsabilité du "marché".
Pourquoi le marché s'accommode-t-il de la destruction de l'instruction -analphabétisme et inculture- d'une majorité d'élèves ? Parce que ces élèves sont de futurs consommateurs et qu'ils est vital pour l'économie qu'ils soient le moins cultivés et le plus aliénés possibles afin d'offrir le moins de résistance possible aux campagnes publicitaires, l'enracinement culturel et l'érudition étant des obstacles évidents à l'efficacité de la propagande consumériste...
Pourquoi persiste-t-il quelques filières sélectives formant encore une élite de jeunes gens convenablement instruits et autonomes intellectuellement ? Parce que le marché a besoin de personnel compétent pour diriger ses bras armés que sont les grandes firmes internationales.
Pourquoi dans les centres de formation de jeunes footballeurs utilisent-on encore des méthodes efficaces et traditionnelles éprouvées depuis l'antiquité (effort, sélection d'une élite, travail acharné, compétition impitoyable, autorité et discipline) ? Parce que le marché a besoin de jeunes footballeurs efficaces et brillants pour rapporter un maximum d'argent dans un secteur d'activité particulièrement lucratif. Ici, point n'est question de "sciences de l'éducation", de respect de la personnalité de l'élève ou d'éducation au " vivre ensemble"...
Nul doute donc que s'il était vital pour le marché que les jeunes lycéens soient compétents et instruits, ils le seraient..
Mais peut-être Michéa voit-il -à tort- la main invisible du marché partout ?
On connaît le postulat de Michéa : les sociétés occidentales ne sont aujourd'hui que des sociétés de marché organisées essentiellement autour de ce dernier et encadrées par un carcan juridique extensif destiné, dans le même mouvement, à favoriser l'extension infinie de nouveaux droits et à garantir le respect de ces derniers...(sorte de quadrature du cercle progressiste).
En 1964, Bourdieu écrit "Les héritiers", critique au vitriol de l'institution éducative et qui depuis est devenue le bréviaire de toute intelligentsia progressiste, notamment au sein de l'EN. Que dit Bourdieu ? L'école se présente comme l'égalité des chances, en fait c'est le lieu de la reproduction sociale. La bourgeoisie se reproduit par l'école. Les élèves issus des autres classes partent désavantagés par rapport au bagage acquis par imprégnation par les petits bourgeois dans leur foyer. Donc l'école c'est une machine terrible : non seulement elle reproduit les classes sociales mais elle légitime l'inégalité. Et cette critique a tellement porté qu'une école non reproductrice des "héritiers" s'est édifiée.
Par ailleurs,au nom de l'égale dignité des individus, on a abouti à l'égale dignité des pratiques culturelles, à leur équivalence et donc à l'impossibilité de distinguer l'essentiel de l'inessentiel.
Et c'est à partir de là que l'élitisme s'est vu affecté d'une valeur péjorative. Ce qui est très étrange puisque la République, ce n'était pas la haine de l'élitisme mais l'effort pour remplacer le critère de la naissance et de la fortune par le critère du travail et du mérite.
L'école est ainsi l'objet d'une double entreprise de destruction :
- interne, propre à l'institution, (les enseignants, les formateurs, inspecteurs, pédagogistes, sociologues de l'éducation, etc.), au nom même de la lutte contre la reproduction des inégalités et pour l'égalité des chances,
- externe, propre à la nature même des sociétés occidentales de marché soumises à l'emprise libérale/capitalistique enjoignant à l'institution scolaire (par nature un sanctuaire) d'obéir à une logique économique (rentabilité, rendement, production, retour sur investissement, etc..) visant à produire non pas des êtres instruits et cultivés, autonomes et libres (pourquoi faire ? Voter NON au TCE ?) , mais de vrais consommateurs festifs et abrutis capables d'utiliser une carte bleue, un crédit revolving, capables de voter -au choix- Bayrou, Sarko ou Ségo et de garder un coin de cerveau disponible pour suivre les épisodes de la ferme des célébrités.
Situation encore dégradée -à dessein ?- par l'arrivée massive de millions d'immigrants extra-européens, essentiellement maghrébins et sub-sahariens cumulant les handicaps (sociaux, linguistiques, culturels, etc.) et souvent hostiles aux cultures autochtones, tirant le niveau général des enseignements vers le bas et participant -de fait- à l'ensauvagement du monde scolaire.
« L'éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, a fini par abrutir les privilégiés eux-mêmes. La société moderne, qui a réussi à créer un niveau sans précédent d'éducation formelle, a également produit de nouvelles formes d'ignorance. Il devient de plus en plus difficile aux gens de manier leur langue avec aisance et précision, de se rappeler les faits fondamentaux de l'histoire de leur pays, de faire de s déductions logiques, de comprendre des textes écrits autres que rudimentaires. »
(Christopher Lasch. La culture du narcissisme, Climats 2000)
« Quand la classe dominante prend la peine d'inventer un mot (« citoyen ») employé comme adjectif), et d'imposer son usage, alors même qu'il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l'exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu'ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait, à présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l'exclusion et l'injustice sociale, et constitue, à ce titre, l'amorce d'un geste citoyen. »
(JC Michéa, L'enseignement de l'ignorance, Climats 2000)
« Sait-on qu'il y a deux querelles scolaires et que la plus célèbre -séparant l'école publique de l'école privée- n'est ni la plus vraie ni la plus acharnée ? Sait-on qu'une autre querelle, traversant l'école publique elle-même, y oppose les amis du savoir à ceux qui, sous couvert de gestion, de pédagogie ou de dévouement, en réalité les haïssent ? Sait-on qu'il n'y a depuis 1945, qu'une seule et même Réforme et que les gouvernements, qu'ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont tous la même politique : mettre en place cette Réforme unique et tentaculaire ? Sait-on que cette dernière est radicalement hostile à toute école et à tout savoir ? » (JC Milner, De l'école, 1984)
« Les dirigeants réunis à San Francisco (Mikaël Gorbatchev, George H W Bush, Margaret Thatcher, Vaclav Havel, Bill Gates, Ted Turner, etc.) sont arrivés à la conclusion que l'arrivée de la dénommée Société 20/80 (basée sur le principe de la Loi de Pareto) est inévitable, celle dans laquelle le travail de 20% de la population mondiale sera suffisant pour soutenir la totalité de l'appareil économique de la planète. La population restante (80 %) s'avèrera superflue, et, ne disposant pas de travail ni d'aucune forme d'occupation, nourrira une frustration croissante. Brzeziński proposât alors le tittytainment, un mélange d'aliment physique et psychologique, pour endormir les masses et contrôler leurs frustrations et protestations prévisibles. Brzeziński définit le tittytainment, comme une combinaison des mots anglais "tits" ("seins" en jargon américain) et "entertainment". Ce mot ne doit pas être appréhendé avec sa connotation sexuelle, il fait allusion à l'effet calmant, anesthésiant de l'allaitement maternel sur le bébé. » (source)
« citius, altius, fortius » dit-on...ça vient, ça vient! enjoy!
21:45 | Lien permanent | Commentaires (37) | Tags : michéa, finkielkraut, lasch, tropa de élite, milner
08/03/2010
la paix du Christ
Tocqueville, on le sait eut l'intuition remarquable, lors de son séjour outre-atlantique de l'avènement d'un monde marqué par l'égalisation des conditions et l'irruption de l'opinion publique. Cet aristocrate ne voyait pas advenir ce monde avec angoisse, comme ce fut le cas de Chateaubriand parmi les troupes coalisées et voyant s'écrouler son monde, mais avec la sensation confiante de l'inéluctabilité des choses qu'il voyait s'accomplir. Pas non plus avec l'optimisme d'un Benjamin Constant pour autant.
Deux siècles plus tard, l'égalité des conditions s'accomplit dans la paupérisation des classes moyennes et la lutte de tous contre tous : Dans la dèche à Paris et à Londres, dirait Orwell. L'irruption de l'opinion publique dans le refus du peuple Islandais à payer pour quelques ordures en col blanc.
L'espoir de communautés débarrassées de l'arbitraire de la tyrannie, de l'hétéronomie religieuse ou sociale a sombré dans ces sociétés modernes composés de monades anomiques, en sécession vis-à-vis de l'état et de tout nomos communautaire, élevées dans le culte de la jouissance éffrénée, dans la recherche de leur meilleur intérêt et dans l'ensauvagement festif et « no border ».
L'avenir immédiat c'est la tiers-mondisation de l'Occident, c'est-à-dire l'avènement de sociétés fortement polarisées avec une élite (hyper classe nomade, cultivée, mobile, disposant de moyens considérables) restreinte et des masses appauvries, luttant pour survivre, pour éduquer leurs enfants, pour ne pas sombrer dans la vrais pauvreté (celle que connaissent les millions d'Américains insolvables chassés de leurs maisons par les philanthropes Goldman et Sachs, récemment sauvés de la faillite par Saint Obama et ses copains Bernanke et Geithner), accumulant jobs inutiles et formations bidons, violence, tittytainment. La misère d'une régression sociale lourde.
Evolution largement anticipée par le visionnaire Christopher Lasch qui décrypta, à la fin des années 90, cette trahison des élites et ce nouveau type anthropologique qu'est « l'homme psychologique, dernier avatar de l'individualisme bourgeois ».
Des foules abandonnées en colère, mal soignées, mal nourries, mal éduquées, violentes car réduites au silence (celui des agneaux qu'on égorge les matins d'élections), n'ayant que très peu à perdre.
Un peu comme dans soleil vert mais il faudra beaucoup de bulldozers...
Dans une ou deux générations, sur ce sol, des communautés extra-européennes en sécession vis-à-vis des communautés autochtones trop faibles pour imposer la Loi de Rome, et suffisamment fortes et violentes pour obtenir privilèges (lex privata) et territoires, places fortes ; nul doute alors que trouver des hommes de la trempe de Louis XIII ou Richelieu devant La Rochelle sera difficile. N'est pas Ferdinand le catholique qui veut.
Sorte de Los Angeles continental, avatar violent et inhumain du projet sucré Babel de nos modernes bisounours anti-racistes, gangrené par l'ultra-violence, les mafias, les gangs, l'économie parallèle, les milices communautaires ou confessionnelles, la guerre sans doute, des factions rivales, des zones de non-droit absolu au regard desquelles le 9-3 d'aujourd'hui paraîtra idyllique.
Sinon, on peut voter Bayrou.
22:52 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bayrou, goldman sachs, louis 13, richelieu, lasch
11/02/2010
qui parle?
"Chaque fois, par conséquent qu'un individu accepte de monter sur les tréteaux du Spectacle pour venir y célébrer les innombrables bénéfices humains qu'une civilisation est en droit d'attendre de la dissolution de toutes les frontières et du libre-échange généralisé, il est toujours prudent de poser la double question Nietzschéenne : qui parle ? Et d'où ? On remarquerait sans doute que bien des discours intellectuellement admirables, quoique parfaitement rodés, sur l' « esprit d'ouverture », le « métissage culturel », « l'acceptation de l'autre » et la « nécessité de remettre perpétuellement en question notre manière de vivre », prennent soudain une résonance très particulière dés qu'on prend le soin de les relire à la lumière d'une déclaration de revenus ou d'une demande de remboursement de ses frais de déplacement." (JC Michéa, Impasse Adam Smith)
Une illustration parmi d'autres:
D'après l'édition du lundi 4 mai 2009 des Dernières Nouvelles d'Alsace, le président du conseil régional d'Alsace Adrien Zeller avait invité Lilian Thuram à venir témoigner face à des lycéens, pour la clôture du Mois de l'Autre. L'homme aux 142 sélections en équipe de France, membre du Haut-Conseil à l'intégration et connu pour ses engagements contre le racisme,a répondu avec un tarif : 20 000 € pour une intervention d'une heure et demie. La Région a fait une nouvelle tentative en expliquant le sens de la démarche qu'elle mène auprès des jeunes, avec le rectorat, en faveur de la tolérance. Rien n'y a fait. "On ne vit pas dans le même monde", a conclu Adrien Zeller.
Lors de sa dernière visite en Alsace, à "l'invitation" du Conseil de l'Europe, Thuram avait déclaré : "Parler du racisme, des discriminations, est toujours important pour faire avancer les choses." Les choses financières en l'occurrence... (source)
Un des principaux avantages d'être un autodidacte (manière polie de dire « inculte ») et de ne pas avoir la chance d'avoir fait ses civilités (son trivium puis son quadrivium..) c'est l'éclectisme de sa bibliothèque et, de fait, la possibilité de croiser de façon opportune mais improbable des auteurs et des œuvres qui ne seront jamais rassemblées dans le moindre églogue. Un autre avantage est de pouvoir désarçonner en quelques secondes le crétin militant à front de taureau rodé à la guerre de position et à la défense d'un seul camp. Rien de plus dérangeant qu'un esprit libre, me semble-t-il. Je pensais à ça tantôt en lisant La culture du narcissisme de Christopher Lasch : l'originalité dérangeante (au moins pour la gauche contemporaine libérale-libertaire de nos modernes zélotes) de l'œuvre de Lasch est d'avoir su, en bon élève de l'école de Francfort, aborder la critique de la domination de ces nouvelles élites américaines en étant vacciné par avance vis-à-vis de l'aliénation progressiste et en conservant constamment un point de vue ascendant, au milieu des classes populaires (ces classes honnies par la gauche moderne car foncièrement hostiles, de façon atavique, à l'hubris progressiste)
Croiser la réflexion de Lasch sur l'homme narcissique, « dernier avatar de l'individualisme bourgeois », les leçons de Finkielkraut sur « la défense de l'obscur », le scrupule mélancolique du conservateur à la lumière de Kolakowski et la vision d'un monde libre et décent car empreint de « common decency » Orwellienne est toujours réjouissant pour le pygmée que je suis. L'idée que le "vrai" socialisme est indissociable d'un certain idéal de conservation, à rebours de la radieuse croisade moderne des forces de progrés, est tout simplement inaudible pour nos modernes et -véritablement- révolutionnaire.
En passant.
« Il y a des gens comme les végétariens et les communistes, avec qui il est impossible de discuter. » (G Orwell, in Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique)
« Aujourd'hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout,il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d'une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateur dans un sens qu'aucun homme qui s'affiche conservateur n'accepterait. » (Günther Anders, 1977)
22:48 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lasch, finkielkraut, mihéa, thuram
22/10/2009
aliénation
« Ce n’est que de nos jours, qu’il est possible de commencer à mesurer exactement les effets politiquement catastrophiques de la croyance au caractère conservateur de l’ordre économique et libéral. C’est ce postulat insensé qui, depuis trente ans n’a cessé de conduire mécaniquement la plupart des militants de gauche, à tenir l’adoption à priori de n’importe quelle posture modernisatrice ou provocatrice –que ce soit sur un plan technologique, moral ou autre- pour un geste qui serait toujours, et par définition, « révolutionnaire », et « anticapitaliste » ; terrible confusion qui, il est vrai, a toujours eu l’incomparable avantage psychologique d’autoriser ceux qui s’y soumettaient, à vivre leur propre obéissance à l’ordre industriel et marchand comme une modalité exemplaire de la « rebel attitude. »
(C Michéa, préface à Culture de masse ou culture populaire de C Lasch. Climats)
22:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michéa, lasch
des faux culs cosmopolites
"Lundi, le quotidien populaire Bild avait cité des experts accusant le gouvernement d’ «offrir une médecine de seconde classe à ses citoyens ». Les experts ont révélé que le gouvernement a choisit de vacciner la chancelière et ses ministres ainsi que les principaux responsables gouvernementaux avec du Celvapan, le même sérum que celui commandé par l’armée allemande au laboratoire Baxter.
Celui-ci ne contient pas d’adjuvants et entraînerait donc des effets secondaires moins importants que le Pandemrix, le « vaccin des masses » dont 50 millions de doses ont été livrées aux Länder allemands lundi.
Ces révélations ont scandalisé l’opinion allemande. Redoutant les maux de tête et les poussées de fièvre associées au vaccin Pandemrix, seulement 12% des Allemands ont l’intention de se faire vacciner contre la grippe H1N1. Bénéficiant d’une injection sans risques, ministres et responsables gouvernementaux ont beau jeu d’appeler leur concitoyen à la « responsabilité » en acceptant de se faire vacciner.
« Le fait que des politiciens et les principaux fonctionnaires des ministères soient vaccinés avec un autre vaccin que le peuple envoi un signal terrible. De nos jours, les politiciens doivent accepter de prendre ce qu’ils recommandent aux autres », estime Martin Exner, directeur de l’institut d’hygiène et de santé publique de l’université de Bonn. Le porte parole du gouvernement, Ulrich Wilhelm, affirme qu’il n’existe pas « de vaccin réservé au gouvernement ». Il sera désormais difficile de convaincre les nombreux Allemands, persuadés du contraire, d’aller se faire vacciner." Source
(Adrina n'est pas faux cul et ne menace en rien l'ordre social. je sais c'est difficile de lire le texte avec pareille photo en regard. that's life!)
« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune. Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que l'UE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux.
Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. » (Cristopher Lasch, La révolte des élites, 1996)
20:55 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : élites, vaccin h1n1, peuple, tartufes, europe, lasch
10/03/2009
petits salauds
Très instructif le détail de la « vente du siècle », la collection d’art Bergé –Yves Saint-Laurent…
Indépendamment de ces deux bronzes chinois volés par les franco-britanniques lors du sac du palais d’été de Pékin en 1860, on aura pu reconnaître des œuvres de Picasso, Matisse, de James Ensor, de Géricault, un Gainsborough, un Franz Hals,etc., pour un total de 400 millions d’euros.
On remarquera que parmi ces 730 œuvres d’art, qui témoignent d’un goût sûr en matière artistique, ne figurent pas le moindre homard ni le moindre chien rose signé Jeff Koons…Qu’est-ce à dire ? Auraient-ils planqué un lapin rose trop précieux pour être vendu à la plèbe ?
Ou est-ce juste le foutage de gueule et la tartuferie habituels de nos élites bien pensantes c’est-à-dire citoyennes, festives et antiracistes.
Genre je prône la « mixité sociale» mais j’habite dans le 7-5 un ghetto sécurisé surveillé 24h/24h par une milice privée, trés loin de la Seine Saint Denis…. Le « vivre ensemble » et le « métissage » me tirent des larmes devant les caméras, mais je mets mes gamins à l’école Alsacienne, avec les fils de mes copains journalistes et politiciens, tous leucodermes et bien loin « des pépites de la nation » vantées par ces jeunes connards invertébrés de l’UMP.
J’encense la culture de masse (qui ne se confond pas avec la culture populaire) et Darrieussecq ou Buren mais je lis Chateaubriand et j’aime le Louvre plus que tout…
Je porte le trader Koons au pinacle mais je collectionne Picasso ou Matisse…etc.
Lasch a décrit ça trés bien il y a quelques années dans La révolte des élites. Toujours d'actualité. Les blattes ont la vie dure.
Enfoirés.
19:22 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : élites, koons, lasch, bergé
28/09/2008
La politique n'est pas un show
Royal «entre show business
et rassemblement de secte».
Henri Emmanuelli a vivement critiqué le rassemblement organisé samedi au Zénith de Paris par l'ex-candidate socialiste, qui suscite une série de critiques et de railleries, à gauche comme à droite.
«La politique n'est pas un show. Cette vision de la politique axée sur le marketing, qui s'inscrit dans la logique de la publicité commerciale, qui néglige le fond, c'est le genre de cérémonie qui est entre le show business et le rassemblement de secte». Non, cette phrase assassine sur le meeting que tenait samedi Ségolène Royal au Zénith de Paris ne provient pas d'un communiqué de l'UMP, mais bien d'Henri Emmanuelli, qui était sur Radio-J ce dimanche. (…) Figaro du 28/09/08.
La politique n'est pas un show…
!!! Ca pourrait prêter à sourire, d’ailleurs ça me fait rire. Il sort d’où Emmanuelli ? C’est hibernatus ou quoi ?
Comme si cela ne faisait pas un bail que la politique n’était devenue qu’un spectacle, qu’un show médiatique.
Comme si, et depuis longtemps, la notion de crédibilité n’avait pas remplacé le vrai et le faux dans les discours et l’agir de toute classe politique ?
Comme si Lasch n’avait pas déjà tout dit il y a prés de trente ans dans son essai sur la culture du narcissisme.
Comme si la civilisation des masses n’avait pas donné naissance à une société de consommation dominée par les apparences, le paraître : la société du spectacle dans laquelle le fond, l’argumentation politique ont perdu toute valeur vis-à-vis de la crédibilité et du prestige, dans une course effrénée à la célébrité.
Comme si la communication et les concepts de marketing politique n’étaient pas devenus l’alpha et l’oméga de toute carrière politique.
Allez, je ne suis pas dupe. Emmanuelli qui n’est pas la moitié d’un con sait tout cela très bien , comme ses pairs. Cela n’est qu’une façon de flinguer un concurrent situé sur le même segment de marché (l'électorat progressiste), qu’une stratégie marketing de plus visant à assoir justement sa propre crédibilité de dirigeant progressiste (je n'ose dire socialiste).
Rien de plus. Mais rien de moins.
19:25 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : emmanuelli, lasch