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21/03/2007

Tartufe au Darfour.

« Oh, c'est bien, tout le monde se met à signer !" Mi ironique, mi-ravi, Bernard Kouchner salue, depuis la tribune de la Mutualité, à Paris, le dernier miracle en date de la présidentielle : François Bayrou, Dominique Voynet et Ségolène Royal font tribune commune lors du meeting organisé, mardi 20 mars, par le collectif Urgence Darfour. Ils se succèdent pour assurer de leur détermination à stopper les massacres dans cette région de l'ouest du Soudan, qui ont fait quelque 200 000 morts depuis 2003. » Le Monde, 21/03/07.

Vingt ans de guerre civile dans cette province du Soudan,

Vingt ans de massacres interethniques, de viols, de meurtres, de déportations, de réduction en esclavage,

Vingt ans d’antagonisme culturel et surtout religieux entre un sud soudan majoritairement noir et animiste ou chrétien et un nord soudan musulman,

En vingt ans, ce ne sont pas 200 000 morts mais sans doute plus de deux millions de victimes, dans l’indifférence générale, voire la complicité de tous.

Un peu d’histoire.

Le Soudan est le plus grand pays en superficie du continent Africain. Il correspond en grande partie à l’ancienne Nubie. Il fut toujours le champ naturel d’expansion de l’Égypte (colonie Egyptienne en 1821). Après la conquête (1896), et les défaites des armées mahdistes (dirigées par le chef religieux Muhammad Ahmed Ibn Abdallâh dit al-Mahdi, littéralement « le bien guidé par dieu ») puis la colonisation Britannique, le pays devint un condominium Anglo-Egyptien (1899). La partition ethnique, culturelle et religieuse du Soudan n’est pas récente : depuis 1922, le sud Soudan (trois provinces) était placé par les Britanniques sous un régime spécial (« closed districts »), destiné à protéger les populations sudistes de l’islamisation en interdisant l’usage de la langue arabe, le port de la djellaba et la présence de commerçants arabes. Tout déplacement de populations entre le nord et le sud mais aussi du sud vers le nord était interdit. Ces mesures étaient un héritage de la période précoloniale quand la traite des esclaves organisée depuis le nord musulman dévastait les populations noires du Soudan méridional. L’indépendance du Soudan, en 1956,  fut le fait de la détermination Britannique à l’encontre de l’Egypte qui souhaitait une annexion pure et simple.

La colonisation Britannique, à l’opposé de la colonisation Française assimilatrice de la troisième république, reposait sur une politique originale de respect des coutumes et des langues locales (un peu à l’images des « bureaux arabes » du début de la geste coloniale en Algérie, ou de la politique de Lyautey au Maroc) : les territoires étaient administrés bien souvent par l’intermédiaire de leurs chefs traditionnels, sous le contrôle des autorités Britanniques. Cela permit aux populations du sud Soudan de vivre selon leurs coutumes originales, profondément différentes de celles du nord Soudan musulman. La parenthèse coloniale refermée, les esclavagistes  musulmans venus du nord puisent à nouveau dans le vivier humain des tribus noires du sud : en effet, pour les Arabes et les islamisés du nord, les noirs animistes du sud (notamment les Dinkas et les Chillouks regroupés au sein de l’APLS /Armée Populaire de Libération du sud Soudan, œuvre du colonel John Garang), sont des êtres inférieurs, justes bons à faire des esclaves ; Au XIX éme siècle, ils étaient acheminés jusqu’aux marchés du nord en suivant la vallée du Nil ; cette traite Arabe organisée fut amplifiée sous la domination Egypto Ottomane et seule la colonisation y mit un coup d’arrêt (provisoire donc). Il a donc toujours existé au Soudan un clivage entre, un Nord arabo-musulman et un Sud noir, animiste et chrétien, héritage de plus d’un millénaire de pénétration de l’islam et de domination des Arabes allochtones sur les Noirs autochtones. Une opposition consolidée par l’administration britannique, qui s’est substituée à la domination égypto ottomane, et qui a soumis le Soudan a garder ce clivage en combattant le brassage des populations arabes et noires

Il s’agit donc depuis l’indépendance d’une véritable guerre civile opposant des milices arabes armées par le gouvernement de Khartoum (avec l’aide militaire active des chinois et des pays musulmans) qui souhaite premièrement l’uniformisation religieuse du pays et l’imposition à tous de la charia, notamment aux trois provinces du sud Soudan, dont les Dinkas, qui refusent de se laisser convertir à l’islam, constituent la base ethnique, deuxiémement prendre le controle de territoires riches en pétrole... La famine organisée, les déportations à grande échelle (4 millions d’habitants du sud déplacés), le viol comme arme de guerre et surtout la réduction en esclavage de femmes et d’enfants (les hommes sont tués le plus souvent) constituent l’ordinaire de ces populations sudistes, elles mêmes divisées en de multiples ethnies (Fours, Nuers, Baggaras, Mundaris, etc.) passant parfois des alliances tactiques avec les arabes pour régler quelque compte ethnique avec l’ethnie Dinka dominante… Que cette véritable traire esclavagiste arabe se fasse sous le couvert de la guerre civile entre arabisés et noirs , musulmans et chrétiens ou païens ne change rien au fait incontestable que les arabes ont recommencé à vendre des noirs. En 2005, un accord de paix signé à Nairobi et une nouvelle constitution permirent la formation d’un gouvernement d’union nationale qui vola en éclats lors de la mort (accidentelle ?) de John Garang dans un accident d’hélicoptère.

Cette guerre oubliée a fait au moins deux millions de morts depuis plus de vingt ans (de 1955 à l'indépendance de 1973, on estime que 1,5 million de Soudanais chrétiens ont été éliminés par le gouvernement de Khartoum et que de 1983 jusqu'au récent traité de paix, 2 millions d'êtres humains du Sud Soudan ont perdu la vie dans ce que le même régime a appelé "une guerre sainte contre les infidèles"), et non pas deux cent mille, comme le prétendent quelques bobos tiers mondistes mal informés comme il se doit par quelques dépêches politiquement correctes de l’AFP.