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25/11/2006

Retour sur la guerre civile Espagnole

En complément et à l ‘appui de mon dernier post sur les origines de la guerre civile Espagnole, voici un interview de Pio Moa (PM), communiste repenti aujourd’hui démocrate libéral, historien Espagnol de renom et reconnu par ses pairs (Stanley Peyne, Bartolomé Bénassar ou Seco Serrano), paru dans la NRH de mars avril 2005.

NRH : Selon la thèse la plus rependue, la guerre civile espagnole serait la conséquence de l’agression unilatérale de l’armée et d’une minorité de fascistes appuyés par l’église catholique contre le peuple , la démocratie et la république. Qu’en pensez-vous ?

PM : La guerre civile à pour origine l’effondrement de la légalité républicaine. Mais ce sont les principaux partis de gauche qui en sont responsables, en ayant planifie la guerre civile, la révolution et la liquidation de la république bourgeoise. Apres une première tentative d’insurrection armée contre le gouvernement légitime en 1934, ils sont arrivés au pouvoir en février 1936 en raison de la loi électorale, mais avec un nombre de voix sensiblement égal. Ils déclenchèrent alors un nouveau processus révolutionnaire que le gouvernement républicain ne pu ni ne voulu enrayer. Dans cette situation, les partis de droite n’eurent que deux solutions : se rebeller ou accepter leur liquidation politique et physique.

NRH : Qui sont les principaux responsables du conflit ? Franco est-il le premier coupable ?

PM : Les responsables les plus directs furent les socialistes (PSOE, le principal parti de gauche) et les nationalistes catalans d’Esquerra Catalana ; Lorsqu’en novembre 1933, la droite gagna les élections avec une large majorité, ces deux partis commencèrent à organiser littéralement la guerre civile. En octobre 1934, lors du soulèvement des Asturies, Franco et la droite défendirent la légalité républicaine, en dépit de leur peu de sympathie pour une république anti-cléricale. Franco fut un des derniers a se soulever, pour s’oppose a un processus révolutionnaire. La guerre civile ne fut pas une guerre entre démocrates et fascistes. Pendant toute la durée de la république, les droites furent modérées et légalistes, a l’exception de la minorité monarchiste et a partir de 1935 du petit groupe de la Phalange. En Espagne, la lutte opposa l’Espagne catholique, et par conséquent fort peu fasciste, à la révolution dans sa double version communiste et anarchiste.

NRH : Vous avez consacré une grande partie de vos travaux a la tentative de révolution socialiste de 1934.Pourquoi considérez vous que cet épisode est si important pour comprendre le soulèvement national de 1936 ?

PM : Le soulèvement de la gauche en 1934 fut le véritable début de la guerre civile. Il dura deux semaines et causa 1400 morts dans 26 provinces sur les 50 que compte l’Espagne. Si l’échec avait conduit les gauches a changer leur orientation en profondeur, la guerre civile n’aurait pas eclate en 1936. Or en 1936, elles s’empressèrent de créer une situation pré révolutionnaire.

NRH : Une fois la guerre civile déclenchée, l’attitude de la droite fut elle plus violente que celle de la gauche ? Y eut il par ailleurs une persécution religieuse ?

PM : La terreur fut analogue de part et d’autre. Cela se produit toujours ainsi lorsque la légalité s’effondre, et ce fut le cas dans beaucoup de pays d’Europe. Mais j’insiste, les responsables de cet effondrement furent indiscutablement les partis de gauche. En ce qui concerne la persécution religieuse, ce fut sans doute la plus sanglante de l’histoire, plus terrible que celle de la révolution Française ou même de la révolution soviétique.

NRH : Les brigades internationales sont souvent considérées comme le symbole de la liberté dans la lutte contre le fascisme. Que furent elles exactement, quel rôle jouèrent elles ?

PM : On sait très bien aujourd’hui qu’elles furent une armée du Komintern, c’est a dire de Staline. Leur principale contribution a la guerre fut celle de novembre 36 lorsqu’elles aidèrent a défendre Madrid qui était sur le point de tomber devant les troupes Franquistes . Ensuite, elles furent utilisées comme troupes de choc et subirent de lourdes pertes au combat mais aussi en raison des purges internes ordonnées par Staline. Elles contribuèrent a prolonger une guerre qui aurait pu être terminée en cinq mois.

NRH : Quelle fut la position des principales personnalités intellectuelles Espagnoles ?

PM : La guerre divisa l’Espagne en deux ; il en fut de même du monde intellectuel. La propagande de gauche prétend que presque tous les intellectuels appuyèrent le « peuple », c’est a dire les partis de gauche. Mais il n’en fut rien, il faut lire les opinions d’écrivains comme Ortega y Gasset, Maranon ou Perez de Ayala, qui étaient alors connus comme les pères spirituels de la république. Pendant la guerre civile, ils maudirent les partis de gauche en des termes que l’on ne retrouve même pas chez les Franquistes.

NRH : Pourquoi la perception du conflit a l’étranger est elle toujours aussi favorable au front populaire ?

PM : Parce que les Franquistes perdirent la bataille de la propagande et parce qu’a la fin de la seconde guerre mondiale on identifia plus ou moins Franco à Hitler ou Mussolini, alors qu’il avait maintenu l’Espagne neutre et que cette neutralité avait beaucoup plus bénéficié aux Allies qu'a l’Axe. Hors d’Espagne, et même en partie en Espagne, bien que cela soit de moins en moins vrai, l’interprétation la plus connue de la guerre civile est encore celle de la propagande communiste avec quelques variantes mineures.

NRH : Quelle est votre plus importante contribution à l’historiographie de la guerre civile Espagnole ?

PM : Je crois que c’est la démonstration que la guerre commença en 1934 et qu’elle fut décidée consciemment et délibérement par les principaux partis de gauche ; Cette décision ne fut pas prise pour affronter un danger fasciste qui n’existait pas, et dont les partis de gauche savaient qu’il n’existait pas, mais parce qu’ils étaient surs de gagner et de pouvoir enfin réaliser leurs objectifs maximalistes. Cette thèse peut être considérée aujourd’hui comme définitive.

NRH : Vous qui étés un ancien militant anti Franquiste, comment jugez vous aujourd’hui la dictature de Franco ?

PM : Malgré sa dureté au cours des années 40, le Franquisme a libéré l’Espagne de la révolution, de la guerre mondiale et de la pauvreté. Il a en outre légué une société modérée ; Ce n’est pas un mauvais bilan. Grâce a cela depuis un quart de siècle, nous vivons en démocratie.

NRH :Quel jugement portez vous sur votre militantisme communiste d’hier ?

PM : J’ai consacré beaucoup de mon temps à l’analyser. Nous luttions durement mais pour une cause néfaste. C’est une expérience vitale qui me permet de mieux comprendre aujourd’hui l’histoire, du moins je l’espère.