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27/06/2013

paradoxe libéral

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 NB: ce post est une réédition, je garde les commentaires car ils prolongent bien la réflexion. Et je vois là aussi à quel point je fais un mauvais anarque...et un bon libéral, mécontent de tout régime (disait Jünger dans Eumeswill)

Assistanat.

Le seul rôle que la plupart des libéraux consentent à attribuer à l’Etat est de garantir les conditions nécessaires au libre jeu du marché, c’est-à-dire de la rationalité économique à l’œuvre sur le marché. L’Etat ne saurait avoir de finalité qui lui soit propre. Il n’est là que pour garantir les droits individuels, la liberté des échanges et le respect des lois. Un Etat axiologiquement neutre ne disant pas le Bien mais le Juste sur la base de lois éminemment fluctuantes au gré des « nécessaires adaptations » à la vie modernes et du jeu des lobbys et campagnes d’opinions sachant qu’il ne saurait désormais exister de références morales, philosophiques ou religieuses communes (et structurant la vie communautaire) sous peine de réintroduire au sein de la Cité les conditions de nouvelles guerres civiles idéologiques.

Le marché devient ainsi le principal opérateur (et le seul ?) de l’ordre social, et par extension, de tous les faits sociaux (la famille vue comme une petite entreprise, les relations sociales comme un réseau de stratégies concurrentielles intéressées, l'école un sas vers l'entreprise, la vie politique un marché où les électeurs vendent leur vote au plus offrant, l’homme un capital, l’enfant un bien de consommation durable, etc.), toute chose ne valant que ce que vaut sa valeur d’échange, mesurée par son prix.

« Tout l’avilissement du monde moderne, écrivait Péguy, c’est-à-dire toute la mise à bas prix du monde moderne, tout l’abaissement du prix vient de ce que le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde antique et le monde chrétien considéraient comme non négociables. » (Ch Péguy, Note conjointe sur Mr Descartes et la philosophie cartésienne, Gallimard)

Dans la mesure ou il se fonde sur l’individualisme, le libéralisme tend à briser tous les liens sociaux qui vont au-delà de l’individu dans un marché qui requiert, pour son bon fonctionnement, la libre circulation des hommes et des marchandises et l'abolition des frontières, ce qui contribue à la dissolution des structures, des identité et des valeurs partagées (au sein de toute société holiste/traditionnelle). Cela ne signifie pas que des libéraux n’aient jamais pu défendre des identités collectives, cela signifie qu’ils n’ont pu le faire qu’en contradiction avec les principes dont ils se réclament. L’atomisation des communautés que produit la montée de l’individualisme libéral se traduit donc par la destruction des structures d’existence organiques (familles, clans, communautés, corporations, syndicats, partis, etc.), par une érosion généralisée du lien social, livrant des individus seuls (désassociés) à la « lutte de tous contre tous » (Hobbes) qu’est la concurrence généralisée au nom de l’utopie d’un contrat social (Locke) ou de la providence (la fameuse « main invisible du marché » de Smith, censée organiser pacifiquement la société à partir de monades antagonistes). Ce dont parlait Tocqueville lorsqu’il évoquait cet homme moderne « retiré à l’écart, comme étranger à tous les autres ». En passant, Smith admettait la légitimité de l’intervention publique lorsque les seules actions individuelles n’étaient pas suffisantes, ce que contestera plus tard Hayek au nom de la nécessité de n’entraver en rien l’ « ordre spontané » du marché.

J’en viens à l’assistanat, bête noire des libéraux (et parfois à juste titre lorsque on en vient à subventionner des polygames à la Courneuve, des associations haineuses appellant à la destruction de la nation, des intermittents de mes deux, performers sur échasses et autres cracheurs de feu arc-en-ciel, des connards de rappers juste bon à casser des galets), mais dont il faut comprendre qu’il est directement lié à la propagation de l’hubris libérale : les libéraux ne cessent de tonner contre l’Etat-providence sans réaliser que c’est l’extension même du marché qui rend inévitables des interventions étatiques toujours accrues du fait de la vulnérabilité croissante des hommes, privés de toutes les anciennes formes de protection sociales/ communautaires détruites par le développement industriel, la montée de l’individualisme et l’expansion illimitée du marché. Les anciennes solidarités pour l’essentiel héritées reposaient sur un échange de prestations mutuelles et la responsabilité de tous (et la logique du Don), les nouveaux rapports marchands sur la déresponsabilisation générale et l’assistanat.

« Un marchand n’est nécessairement citoyen d’aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il tienne son commerce, et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu’il se décide à emporter son capital d’un pays dans un autre, et avec lui toute l’industrie que ce capital mettait en œuvre. »

Adam Smith, (premier internationaliste conséquent), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations, 1776.


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photo: rien à voir, j'aime bien les vieux journaux.