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07/05/2014

tolérance à la fraude

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(...) Le monde de la finance ne constitue pas une tribu, ne serait-ce que parce que ceux qui travaillent dans sa sphère se redistribuent immédiatement en deux sous-populations : les décideurs et les non-décideurs. Même les non-décideurs prennent bien évidemment des décisions, individuellement ou en tant que membres de comités, mais celles-ci sont de nature purement technique, visant à résoudre des problèmes d’ordre pratique, sans conséquences pour ce qui touche à l’interaction de la compagnie avec le monde extérieur. Les décideurs décident et lorsque les implications de leurs décisions empiètent sur le monde des non-décideurs ceux-ci ne manquent pas de les déplorer, les évoquant péjorativement comme des interférences « politiciennes ».

Personnellement, et quel que soit le titre relativement élevé dont on m’ait gratifié (« First Vice-President » au sommet de ma carrière), j’ai toujours appartenu au sein de la finance au monde des non-décideurs. La compétence dont on fait preuve alimente en permanence une dynamique de promotion et, recruté initialement par une compagnie en capacité de programmeur, je me suis retrouvé après quelques mois rebaptisé « business analyst » en raison de ma bonne culture en finance proprement dite. Les promotions peuvent cependant atteindre un plafond, un « glass ceiling » comme on dit en anglais : un plafond de verre, séparant précisément la classe des non-décideurs de celle des décideurs. Ce plafond est constitué d’un jugement porté – explicitement ou implicitement – sur la capacité du candidat à fonctionner au sein du monde plus secret des décideurs.

Les décideurs aiment caractériser le critère d’appartenance à leur club en termes de compétence, mon expérience de dix-huit ans m’a cependant convaincu que ce critère était en réalité d’un autre ordre : la tolérance personnelle à la fraude.

Problèmes techniques et enjeux politiques

Une fois parvenu immédiatement au-dessous du seuil correspondant au « plafond de verre », le candidat est testé : il est invité à des réunions où sont évoquées des questions impliquant des décisions d’ordre politique. Je me souviens ainsi d’une réunion à laquelle j’avais participé et où la question posée était de savoir s’il fallait ou non rétrocéder des commissions à une compagnie qui nous transférait une portion de son chiffre d’affaires, j’imagine pour qu’elle puisse rester en-dessous d’un certain seuil fiscal, ou pour qu’elle puisse maintenir un certain statut, lui permettant de continuer à bénéficier d’un régulateur coulant par exemple. La rétrocession de commissions prendrait la forme classique de la commande d’études que nul n’aurait l’intention d’effectuer ou de la sous-facturation de services. Il ne s’agissait donc pas d’escroquerie de haut vol mais de malhonnêtetés à la petite semaine. Je m’abstins de toutes remarques mais mon silence dut être interprété en soi comme une marque de désapprobation car on ne me réinvita jamais à des réunions de ce type. Mieux, quand un peu plus tard je tombai accidentellement et sans m’en apercevoir initialement sur une supercherie de grande envergure, on me licencia aussitôt. Une alternative aurait consisté à me prendre à part et à m’expliquer de quoi il s’agissait, en me faisant comprendre que mon silence allait de soi, tactique qui était utilisée avec d’autres mais que l’on rejeta dans mon cas. Le fait que mon comportement général suggérait a priori une probité sans compromis transparut à une autre occasion, dans le cadre d’une compagnie où je découvris accidentellement que les cadres supérieurs recevaient des pots-de-vin de nos clients en échange d’un traitement plus favorable que celui prévu par les barèmes, pénalisant bien entendu la compagnie qui nous employait et plus particulièrement son propriétaire. Comme dans le cas précédent, c’était une certaine dextérité dans l’extraction et l’analyse de données appartenant à la comptabilité de mon employeur qui m’avait fait découvrir ces faits. Je fus convoqué dans les dix minutes qui suivirent ma découverte et on me dit sans ambages : « Vous comprendrez aisément que le nouveau contexte nous oblige à réclamer votre démission ».

J’aurais pu choisir de faire du bruit, mais j’entendais poursuivre mon expérience au sein du monde de la finance, et toute dénonciation de ce type m’aurait transformé en persona non grata dans l’industrie. Je m’en abstins donc prudemment. Privé d’accès à des fonds de recherche depuis 1989, je consacrai chaque fois les allocations de licenciement généreuses que l’on me consentait pour acheter mon silence à rédiger un livre relatif à ce que je découvrais, mais traité sur un plan plus général. Ce fut dans le premier cas rapporté ci-dessus : Investing in a Post-Enron World (Jorion 2003), et dans le second cas : Vers la crise du capitalisme américain ? (Jorion 2007).

Le profil que j’adoptais était celui du « savant distrait », du technicien absorbé par la résolution de problèmes purement techniques et prétendument incapable de noter les enjeux politiques du cadre au sein duquel il évolue. Cela suffisait en général à ce qu’on me laisse tranquille puisque je réalisais par ailleurs les tâches que l’on me confiait (le plus souvent d’ailleurs celles sur lesquelles mes prédécesseurs s’étaient cassé les dents, ce qui me rendait indispensable malgré mon caractère atypique et assez inquiétant). Il m’arriva pourtant un jour que l’on me rappelle en termes explicites la nature des enjeux politiques et leur préséance sur la résolution technique des problèmes. L’anecdote mérite d’être rapportée car elle est éclairante en soi quant au monde financier et au rapport de force existant entre lui et ses autorités de tutelle : le régulateur étatique qui supervise, en principe du moins, son activité.

Je faisais partie à l’époque d’une équipe de consultants introduisant dans une banque européenne (la plus importante du pays en question) le protocole de gestion du risque « VaR », Value at Risk. Les autorités de tutelle avaient imposé que les banques produisent dorénavant journellement ce chiffre de Value at Risk exprimant, pour dire les choses en deux mots, sa perte maximale probable au cours d’une période donnée, vu son exposition au risque sur les marchés. Mon rôle consistait à tester le logiciel que nous installions. J’avais pour cela créé un portefeuille fictif de l’ensemble des instruments de dette que possédait la banque, dont je calculais le prix « à la main », c’est-à-dire en ayant créé un modèle de cet instrument sur un tableur, puis je comparais les valeurs obtenues à celles que le logiciel générait pour les mêmes configurations. Or ça ne collait pas : on trouvait dans les prix des produits (en amont du calcul de la « VaR ») des erreurs de l’ordre – si je me souviens bien – de 1%, ce qui sur des portefeuilles de la taille des portefeuilles bancaires était tout à fait inacceptable.

Je demandai à examiner le code (C++), ce qu’on m’accorda, bien qu’en me maudissant silencieusement. Le code était correct et il ne s’agissait donc pas d’un bug, d’une erreur de programmation. La méthodologie VaR était codée à l’intérieur d’un module inséré lui au sein d’un logiciel beaucoup plus vaste. Je me mis à examiner les chiffres en entrée dans le module VaR en provenance du logiciel général. La source des erreurs était là. Or ce logiciel était d’usage courant depuis plusieurs années, installé dans des centaines de banques de par le monde, le vendeur bénéficiant d’une part considérable du marché. Nos services étaient coûteux pour la banque hôte et l’équipe à laquelle j’appartenais était restée bloquée depuis plusieurs jours, attendant le résultat de mes investigations. La nouvelle que j’annonçais : que le problème était en amont et beaucoup plus général que nul n’avait envisagé puisqu’il affectait la valorisation de produits financiers très répandus, jeta la consternation.

Quelques jours plus tard, la banque organisait un cocktail dans un excellent restaurant de la ville. J’étais là, mon verre à la main, quand un vieux monsieur m’aborda : « Vous savez qui je suis ? » Non, je ne le savais pas. Il me dit son nom qui m’était familier : c’était celui du numéro deux ou trois de cette grande banque dont tout le monde connaît le nom. « Et moi je sais qui vous êtes : vous êtes l’emmerdeur qui bloquez tout. Il y a une chose que vous n’avez pas l’air de comprendre mon petit Monsieur : le régulateur, ce n’est pas lui qui me dira ce que je dois faire. Non, ce n’est pas comme ça que les choses se passent : c’est moi qui lui dirai quels sont les chiffres, il ne mouftera pas et les choses en resteront là. Un point c’est tout ! » Et il tourna les talons, me plantant là, moi et mon verre.

On s’interroge aujourd’hui pourquoi dans la période qui s’acheva en 2007 les régulateurs de la finance étaient assoupis aux commandes. Mon expérience m’avait offert la réponse : le rapport de force existant véritablement entre banques et régulateurs. (...)

Paul Jorion 2010/source

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Je vous suggère de lire entiérement ce texte de Jorion, tellement il est éclairant sur le fonctionnement intime et criminel de la finance globalisée. Michéa y fait une brève allusion dans son dernier opus (Le complexe d'Orphée), non sans raison. Jorion y décrit, avec l'oeil de l'anthropologue qu'il est, et du candide aussi, les situations de ruptures professionnelles que vont amener ses compétences hors-normes et sa simple probité dans un milieu, donc, ou ce qu'il est convenu d'appeller "esprit d'équipe" n'est en fait que l'aptitude à tolérer l'usage systématique de la fraude. passionnant+++

14/12/2011

signaux

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(...) Tandis que la Fed et la Bank of England lancent les signaux prémonitoires de relances prochaines de leurs programmes d’achats d’obligations d’État, Mark Carney, le gouverneur de la banque centrale du Canada, a dressé un tableau peu alléchant de ce qui attend les Nord-Américains et les Européens. « Les économies avancées ont régulièrement accru leur levier d’endettement durant des dizaines d’années. Mais cette époque est désormais bien révolue. Si la direction du processus est claire, son envergure et sa rapidité ne le sont pas. Celui-ci pourrait être long et ordonné ou abrupt et chaotique. »

Cette période de désendettement pourrait selon lui mener à une déflation et à des défauts de paiement désordonnés, pouvant provoquer « d’importants transferts de richesse et des troubles sociaux ». Le gouverneur a aussi prédit pour l’Europe que « la dure combinaison de l’austérité budgétaire et de l’ajustement structurel nécessaires aura pour conséquences une baisse des salaires, un chômage élevé et un resserrement des conditions du crédit aux entreprises », annonçant des « baisses non négligeables du niveau de vie » dans certains pays. Concluant qu’il faudra au moins cinq ans avant que l’Europe ne retrouve son niveau de richesse d’avant la crise (sans préciser l’évolution de sa répartition).

Alors que les nouvelles qui viennent d’Athènes accréditent l’idée que son sauvetage est en train d’exploser en plein vol, l’ensemble des informations qui sont disponibles convergent vers une simple constatation : lentement mais surement les pays européens continuent de s’enfoncer dans la crise. Sous les assauts néfastes conjugués de l’implosion du système financier et de la stratégie développée pour tenter de la contrôler.

Dans cette catastrophe au ralenti, tout se passe comme si les forces conservatrices voyaient dans la situation actuelle l’opportunité d’imposer leurs vues, voulant ignorer qu’elles ont enclenché une spirale descendante qu’elles ne maitrisent pas, comme si elle avaient lancé au ciel un pari d’ivrogne.

François Leclerc (chez Jorion)

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Post de décembre 2004 – Compte-rendu de situation sur la faillite de l’Argentine

OK, c’est parti, j’espère que cela aidera. Nous désignons souvent les gens non préparés - la masse – sous le terme de moutons. Mouton les décrit particulièrement bien. Ils font ce que les autres font, ne se battent pas pour leurs droits, acceptent presque tout et ainsi de suite. Mais que ce passe-t-il quand les moutons sont désespérés ? Eh bien, ce qui s’est passé ici.

Après des années de fermetures d’usines et de destruction de notre industrie nationale, de salaires extrêmement bas, les gens en ont eu assez. Cette économie destructive menée par Menem, notre ancien président, un des présidents les plus corrompus de l’histoire (il était impliqué dans l’attentat de l’ambassade israélienne et gérait le marché de la drogue dans le pays, juste pour cité quelques exemples) associée à la stupidité du président suivant, De La Rúa, était la formule du désastre.

Un jour le Ministre de l’Economie a déclaré que personne ne pourrait obtenir plus de 100 dollars par jour de l’ATM (NDT : Automatic Teller Machine = Distributeur de billets) ni clôturer des comptes bancaires. Vous pouviez juste retirer 100 dollars par jour à la banque. C’était tout. Alors vint la dévaluation. Avant qu’elle n’arrive, un dollar US valait un peso argentin. Soudainement le ratio est passé à un dollar US pour 2 pesos, puis 2,5 et même 4. Aujourd’hui un dollar US vaut 3 pesos. Les banques conservent l’argent du peuple, leurs dépôts en dollars US inclus. Si vous aviez 1000 dollars US à la banque de Boston par exemple, elles les ont remplacés par 1000 pesos, équivalents à 333 dollars US. Elles vont ont donc volé 666 dollars US ! Les prix ont augmenté de 200 à 300%, parfois plus. Imaginez un instant à quoi ressemblerait votre vie si demain vous vous rendez au supermarché et constatez que tout à augmenté de 200%. Comment survivriez-vous avec votre chèque de paie ?

Les moutons sont devenus désespérés. Tout d’abord parce qu’ils avaient été spoliés par les banques et ne reverraient jamais leur argent. Ensuite parce que les classes sociales bénéficiant des revenus les plus bas ont découvert que leur salaire ne suffirait jamais à s’acheter le minimum vital. Le pays a alors protesté en demandant la démission du président. Lequel a dû quitter le palais présidentiel en hélicoptère… Les banques ont été saccagées par le peuple voulant récupérer son argent durement gagné. Les supermarchés et magasins ont été pillés, ainsi que les maisons. Cela a duré environ un mois, le chaos, concentré dans les grandes villes, s’étendant à tout le pays.

Je me souviens m’être retrouvé dans un supermarché en train de négocier avec le manager, alors que les émeutiers se trouvaient dehors. Parfois, ils ne détruisaient pas l’endroit si le supermarché leur laissait les biens pacifiquement. La nourriture est devenue rare. Je veux dire par là que vous ne pouviez acheter qu’une certaine quantité de lait ou d’eau, 4 bouteilles par exemple. Et la plupart des produits d’importation ont disparu. Les produits électroniques comme les TV, les lecteurs vidéos et les réfrigérateurs ont conservé leur prix en dollars, devenant inaccessibles pour beaucoup de gens. La même chose s’est produite avec l’immobilier, les voitures et les produits de luxe. Aujourd’hui tout cela semble bien lointain. Non parce que la situation s’est améliorée, mais simplement parce que nous humains avons cette damnées capacité à nous adapter. Combien nos vies ont-elles changé ? Je ne suis même pas capable de l’expliquer… Tout a changé ! Les rues sont plus dangereuses que jamais, grâce à la pauvreté généralisée.

En raison de cela l’éducation a également souffert, les enfants devant travailler ou voler au lieu d’aller à l’école. Comment pourrais-je vous l’expliquer ? Par exemple les outils sont devenus vraiment chers, vu que la majorité est importée. N’oubliez pas que notre industrie a été vendue ou détruite. Des trucs comme les MRE (NDT : Meal Ready to Eat) ou les barres énergétiques de survie sont impossibles à se procurer. Plus personne ne les importe (j’ai payé 10 dollars pour une MRE qu’un gars avait). Les armes et les munitions sont vraiment chères et sont vendues en petites quantités. Oubliez l’idée d’acheter une caisse de munitions ! Oubliez cela ! Je sais que c’est difficile pour certains d’entre vous d’imaginer cela, mais vous ne pouvez plus acheter une caisse de quoi que ce soit. Un grand magasin pourra avoir 10 ou 15 boîtes de chacune 20 balles de 308. Les petits magasins en auront 10 ou moins. Seules les munitions courantes sont disponibles, comme les calibres .22, .38, .357, 9mm, quelques 40 S&W, 12, 308 et un peu de .223. C’est à peu près tout. Les munitions pour mon 357 SIG sont difficiles à obtenir. J’achète une boîte de munitions chaque fois que je le peux… et c’est extrêmement cher.

PASSAGE CENSURE - NON CONFORME A LA CHARTE OLDUVAI SUR LES ARMES

Les chaussures et les vêtements sont également chers, même en dollars US. La main d’œuvre est bon marché : vous pouvez avoir un domestique et un jardinier pour 300 dollars. Il n’y a pas d’emploi sûr. Avec 20% de chômage, ils vous paient ce qu’ils veulent et si vous ne voulez pas du travail il y a 100 personnes prêtes à le faire. Posséder un magasin est difficile. Vous devez prendre en compte les attaques à main armée (certains sont attaqués 10 fois par mois) et vous devez également payer la police pour votre protection (contre eux-mêmes). J’espère que cela aidera, au moins vous aurez une idée de ce que sera votre monde si cela arrive à votre pays, en espérant que vous n’aurez jamais à expérimenter cela… Si vous avez une question n’hésitez pas à demander. J’espère vous être utile.

Ferfal, 2004.

11/11/2011

liquidation

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LA FIN PRÉPROGRAMMÉE

On parle ce matin de gouvernement d’unité nationale non plus seulement pour la Grèce, mais dorénavant aussi pour l’Italie, progression inéluctable des temps normaux vers les temps d’exception que j’annonçais déjà dans une chronique d’avril 2010 pour Le Monde-Économie :

Les gouvernements d’unité nationale sont pour bientôt, quand il sera devenu évident aux yeux de tous qu’aucun parti ne connaît à lui tout seul la solution des problèmes insolubles qui se posent, suivis alors de Comités de Salut Public, quand il sera clair que même tous ensemble ils n’y comprennent rien…

Pourquoi mon pessimisme anticipé ? Parce que la machine de destruction s’était mise en branle et les moyens de l’arrêter, inexistants, la zone euro s’étant privée délibérément des soupapes de sûreté que sont d’une part la dévaluation et la réévaluation de la devise et, d’autre part, le défaut et la restructuration de la dette. Un fédéralisme voulu comme simplement superficiel, limité à l’Europe des marchands, exigeait cela.

Un taux de la dette italienne à dix ans supérieur à 6,5%, comme c’est le cas désormais, déclenche une dynamique perverse qui devient irréversible : le taux poursuit sa progression vers le haut, tandis qu’en écho, la dette existante se déprécie de plus en plus rapidement. Dans la logique à l’intérieur du cadre néo-libéral, qui est celle de tous les gouvernements occidentaux – de gauche comme de droite – de leurs banques centrales et du FMI, les seules variables d’ajustement sont la suppression de l’État-Providence et de la protection des salariés contre les abus au sein du droit du travail. Une agence de presse donnait hier la parole à trois économistes représentants de cette idéologie désormais suicidaire, répétant les lignes de leur catéchisme : que l’augmentation de l’imposition sur les grosses fortunes est anathème aux yeux du marché des capitaux – à la tête maintenant de toutes nos nations, et que seule compte pour lui, comme mesure valable, le démantèlement de l’État-Providence.

Les 14 membres restants de la cordée zone euro suffisaient de justesse à soutenir les corps pendants dans le vide de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande. L’Italie qui tombe, et c’est la cordée toute entière qui est précipitée dans l’abîme.

Le seul sursaut possible consisterait à sortir immédiatement de ce cadre néo-libéral réfuté en ce moment par l’histoire. Sinon, le suicide collectif est déjà programmé.

 Paul Jorion, 2011.

On aimerait que paul Jorion nous explique un peu mieux ce qui se passe quand c'est la fin; mais ceux qui le lisent régulièrement et qui ouvrent les yeux sur la situation de quelques pays précurseurs comme les USA, la Grande-Bretagne ou la Grèce, savent: paupérisation générale, dislocation de tous les cadres institutionnels structurants (éducation, santé, transports, sécurité, distribution, régimes sociaux, etc), sauve-qui-peut général (GGG, la devise des survivalistes: Gold, Guns, Get away), déreliction générale, violence, abandon des plus faibles.

Comme le dit Jorion, c'est le démantèlement des états-providences avec ces filets sociaux (qui font rêver les 49 millions d'américains qui survivent de bons alimentaires dans leur voiture ou sous des tentes). Certains diront avec raison que vont disparaitre également toutes les dérives insupportables de l'état thérapeutique moderne qui accompagne nécessairement la progression de la weltanschauung individualiste libérale (allocations tous azimuts, subventions délirantes, promotion dérisoire d'un "vivre-ensemble" introuvable, etc.).

Trois remarques: la première est que c'est ce compromis historique entre la logique du capitalisme (désormais globalisé et "sans entraves") et les exigences sociales minimales de communautés nationales édifié aprés 45 qui va partir avec l'eau du bain...les néo-libéraux qui se félicitent de la faillite de ce modèle anthropologique propre aux européens se préparent des jours difficiles dans leurs think-tank sécurisés, comme je le suggérais il y a quelques mois (j'aime bien me citer...):

Dans la mesure ou il se fonde sur l’individualisme, le libéralisme tend à briser tous les liens sociaux qui vont au-delà de l’individu dans un marché qui requiert, pour son bon fonctionnement, la libre circulation des hommes et des marchandises et l'abolition des frontières, ce qui contribue à la dissolution des structures, des identité et des valeurs partagées (au sein de toute société holiste/traditionnelle). Cela ne signifie pas que des libéraux n’aient jamais pu défendre des identités collectives, cela signifie qu’ils n’ont pu le faire qu’en contradiction avec les principes dont ils se réclament. L’atomisation des communautés que produit la montée de l’individualisme libéral se traduit donc par la destruction des structures d’existence organiques (familles, clans, communautés, corporations, syndicats, partis, etc.), par une érosion généralisée du lien social, livrant des individus seuls (désassociés) à la « lutte de tous contre tous » (Hobbes) qu’est la concurrence généralisée au nom de l’utopie d’un contrat social (Locke) ou de la providence (la fameuse « main invisible du marché » de Smith, censée organiser pacifiquement la société à partir de monades antagonistes). Ce dont parlait Tocqueville lorsqu’il évoquait cet homme moderne « retiré à l’écart, comme étranger à tous les autres ». En passant, Smith admettait la légitimité de l’intervention publique lorsque les seules actions individuelles n’étaient pas suffisantes, ce que contestera plus tard Hayek au nom de la nécessité de n’entraver en rien l’ « ordre spontané » du marché.

J’en viens à l’assistanat, bête noire des libéraux (et parfois à juste titre lorsque on en vient à subventionner des polygames à la Courneuve, des associations haineuses appellant à la destruction de la nation, des intermittents de mes deux, performers sur échasses et autres cracheurs de feu arc-en-ciel, des connards de rappers juste bon à casser des galets), mais dont il faut comprendre qu’il est directement lié à la propagation de l’hubris libérale : les libéraux ne cessent de tonner contre l’Etat-providence sans réaliser que c’est l’extension même du marché qui rend inévitables des interventions étatiques toujours accrues du fait de la vulnérabilité croissante des hommes, privés de toutes les anciennes formes de protection sociales/ communautaires détruites par le développement industriel, la montée de l’individualisme et l’expansion illimitée du marché. Les anciennes solidarités pour l’essentiel héritées reposaient sur un échange de prestations mutuelles et la responsabilité de tous (et la logique du Don), les nouveaux rapports marchands sur la déresponsabilisation générale et l’assistanat.

« Un marchand n’est nécessairement citoyen d’aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il tienne son commerce, et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu’il se décide à emporter son capital d’un pays dans un autre, et avec lui toute l’industrie que ce capital mettait en œuvre. »

Adam Smith, (premier internationaliste conséquent), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations, 1776.

Deuxième remarque, tout ce psychodrame ne doit pas masquer l'état réel du monde anglo-saxon dont la faillite est programmée à court terme malgré les poses des cuistres Obama et Geithner venant distribuer des satisfecit aux enfants européens (et malgré tous les QE du monde). En 2008, c'est Lehman bros qui a failli mettre le système à terre, rien n'a été fait pour corriger les mécanismes à l'oeuvre, même Madoff, du fond de sa geole, rappelle que les USA et leur "rimland" vivent sur une pyramide de dettes insolvables...Qui tombera en premier?

Troisième remarque, on entend à nouveau depuis peu l'habituelle réthorique guerrière de l'administration US et de leurs affidés israéliens sur la menace iranienne comme si le crime Irakien n'avait pas existé. Comme si tout le monde avait oublié le pauvre Colin Powell et son flacon d'anthrax à la tribune des Nations-unies. Comme si cette administration acculée n'était pas à nouveau prête à rejouer le pire.



01/01/2010

contre toute attente, la situation s'aggrave

la-route_ok.jpg(...) Le krach de 2010 est en cours d’élaboration. La Réserve fédérale ne peut pas baisser ses taux d’intérêt en dessous de zéro et ils sont pratiquement à zéro en ce moment. Elle ne peut pas prêter plus d’argent. Elle n’en a plus. Vous connaissez la FDIC (la Federal Deposit Insurance Corporation), celle qui garantit votre argent, au cas où votre banque fait faillite. Eh bien, devinez quoi ? La FDIC est ruinée ! Elle a un trou de 8 milliards de dollars. Elle a demandé aux banques de payer leurs cotisations avec 3 ans d’avance, afin de disposer d’un peu d’argent pour garantir d’autres banques en difficultés. Le nombre de banques en faillite n’arrête pas d’augmenter, et continuera en 2010.

Si nous nous acheminons vers un second krach en 2010, avec des taux de chômage catastrophiques, que pensez qu’il arrivera à l’américain moyen, qui imagine que 2010 sera une année de reprise économique ?

Il risque d’être déçu ! En Novembre 2007, le président de la Fed, Ben Bernanke, a dit que nous n’allions pas vers une récession. Il l’a répété devant le Congrès, en Janvier et Avril 2009 ! Ce n’est pas de l’histoire ancienne. Ben Bernanke a dit que nous n’allions pas vers une récession, « nous n’en voyons pas venir. »

Comment pourrait-on croire ces gens ? En février 2009, l’administration Obama a déclaré que sans son programme de relance, nous serions confrontés à des taux de chômage de 8% en 2009. Eh bien, devinez quoi ? On a dépassé les 10,2% en 2009 et cela avec les programmes de relance.

Comment pourrait-on croire ces gens ? Ils vont d’un échec à l’autre, depuis toujours. Ainsi, toute personne mettant ses espoirs dans les propos de ces personnes, risque d’être très déçue.

Si vous n’êtes pas en forme physiquement, émotionnellement et spirituellement, alors vous allez avoir du mal à faire face à cet avenir très difficile, car l’une des autres tendances que nous prévoyons est la suivante : survivre. Les gens devront trouver les ressources en eux. Nous prévenons qu’il faut être en forme physique, émotionnelle et spirituelle, avant que cela arrive, si l’on veut que les choses se passent le mieux possible.

Personne ne sait ce qui va advenir ensuite, il faut que les gens soient dans une dynamique de survie. Diminution des moyens, apprendre à faire sans. Réfléchir à tout, être inventif. Soyez prêt au pire. Cela ne veut pas dire qu’il faut aller vivre dans les bois avec un fusil et des provisions. Mais cela pourrait arriver ! Comment allez-vous faire pour survivre aux temps à venir ? Comment allez-vous changer votre style de vie et être suffisamment intelligent pour garder ce que vous avez et essayer de construire là-dessus ? Survivre de toutes les manières possibles, sera une tendance majeure pour 2010. (...) source

Suis perplexe sur ce genre d’analyse. Bien qu’étant un néophyte –aussi- en matière économique, je constate que nombre de commentateurs et analystes économiques hétérodoxes (Jorion, Reymond, etc.) ont une vision très pessimiste des années à venir. Vision que je partage. Et ce pauvre Obama obligé de faire allégeance à quelques grands blancs, interchangeables sous les dernières administrations US, du genre Geithner ou Bernanke, fait plus pitié qu’autre chose malgré sa mesurette bien restrictive sur une couverture santé qui me parait finalement n’être que l’arbuste sanitaire cachant la forêt de ruines de l’économie américaine. Au fond, je pense que nous vivons, consciemment ou pas, et involontairement pour l’écrasante majorité des hommes et des peuples, une catastrophe, un renversement brutal, qui peut éventuellement être du à un enchaînement de causes fortuites (une convergence des catastrophes, dirait Faye…) mais dont il ne faut pas sous-estimer la possibilité qu’il soit organisé et pensé par quelques global leaders (type Bildeberg, trilatérale, genre Attali, Geithner et consorts) disposant de pouvoirs exorbitants, notamment sur les décideurs politiques planétaires de premier plan. Je sais bien que ce type de réflexion fait souvent naître un sourire...théorie du complot, etc. Je trouve au contraire que les arguments allant dans ce sens sont légion. Et qu’une bonne crise planétaire est sans doute un facteur d’accélération puissant de réorganisation planétaire du pouvoir et de prise en main des sociétés humaines.

Dans cette perspective, il faut avoir en tête ce que disait Wilfredo Pareto, cet Italien génial, théoricien du Politique, qui avait expliqué que derrière tout pouvoir, quelles que soient les justifications qu’il se donne, il y a une minorité qui en tient les rênes, une minorité dominante, une oligarchie. Tant que cette oligarchie donne une image du monde compatible à la réalité visible et tant que cette élite est prête à la défendre, le pouvoir connaît une période de stabilité.

Dés l’instant où ces conditions font défaut, on est en situation prérévolutionnaire.

Chacun peut constater que la vision promue par nos élites spectaculaires médiatico-politiques d’une « mondialisation heureuse » ou d’une « Europe garante de prospérité et de lien social » ne correspond plus en rien à la réalité contemporaine faite d’appauvrissement généralisé, de précarité (j’aime bien employer le jargon du NPA, ah, ah !) sociale croissante, d’ensauvagement, de violence, d’explosion du corps social, d’anomie, de repli sur soi, de sentiment d’abandon et d’insécurité.

Et, finalement, peu m’importe que quelques centaines, voire quelques millions de Chinois sortent de la misère absolue pour devenir des esclaves d’un capitalisme globalitaire digne de l’Angleterre du XIXème siècle que décrivait très bien Orwell dans son Quai de Wigan (et qui fut à l’origine de son engagement « socialiste »), si les miens souffrent et ont tout à perdre.

La vision du monde défendue par nos oligarchies, servilement relayée par quelques bancs de harengs journalistiques adeptes de la pensée unique et prompts à crucifier toute pensée hérétique, ne correspond plus en rien au désastre contemporain. Toute la question est de savoir jusqu’à quel point nos oligarques sont prêts à la défendre et à défendre leurs prérogatives.

"Nous sommes reconnaissants au Washington Post, au New York Times, Time Magazine et d'autres grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions [groupe Bildeberg]et respecté leurs promesses de discrétion depuis presque 40 ans. Il nous aurait été impossible de développer nos plans pour le monde si nous avions été assujettis à l'exposition publique durant toutes ces années. Mais le monde est maintenant plus sophistiqué et préparé à entrer dans un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d'une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est assurément préférable à l'autodétermination nationale pratiquée dans les siècles passés." (David Rockefeller (Président et fondateur du Groupe de Bilderberg et de la Commission Trilatérale. Président du CFR (, Council on Foreign Relations). Propos tenus à la rénion du Groupe de Bilderberg à Baden Baden en 1991.))

08/11/2009

non, pas du tout!