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13/10/2008

Socialistes et communistes

 

orwell-son1.jpg« On a parfois l’impression que les simples mots de socialisme ou communisme ont en eux une vertu magnétique qui attire irrésistiblement tous les buveurs de jus de fruits, nudistes, porteurs de sandales, obsédés sexuels, Quakers, adeptes de la vie saine, pacifistes et féministes que compte l’Angleterre. Cet été, alors que je me déplaçais dans la région de Letchworth, je vis monter dans mon autocar deux vieillards à l’air épouvantable. Ils avaient tous les deux la soixantaine, tout petit, roses, grassouillets, et allaient tête nue. L’un arborait une calvitie obscène, l’autre avait de longs cheveux gris coiffés à la Lloyd George. Ils portaient tous deux une chemise de couleur pistache et un short kaki moulant si étroitement leurs énormes fesses qu’on discernait chaque repli de la peau. Leur apparition dans l’autocar provoqua une sorte de malaise horrifié parmi les passagers. Mon voisin immédiat, le type même du voyageur de commerce, coula un regard vers moi, détailla les deux phénomènes, se tourna à nouveau vers moi et murmura « des socialistes », du ton dont il aurait dit par exemple : « des Peaux-Rouges ». Il avait sans doute deviné juste – le parti travailliste indépendant tenait son école d’été à Letchworth. Mais l’important est que, pour ce brave homme, excentrique était synonyme de socialiste, et réciproquement. »

 

Georges Orwell, Le quai de Wigan, p.196-197.