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08/02/2008

Citations

« La décolonisation a été une réaction xénophobe de peuples qui ont profité d’une conjoncture favorable pour chasser l’étranger, redevenir maître chez eux et préserver avec l’indépendance politique leur identité collective. Il est contradictoire d’être en même temps un ardent partisan de la décolonisation tous azimuts et un adversaire de toute xénophobie. » (1)

« Sachons être suspect. C’est le signe, aujourd’hui, d’un esprit libre et indépendant, surtout en milieu intellectuel. Il faut, en effet, choisir entre la flatterie de l’idéologie dominante et la suspicion dont les parangons de cette idéologie accablent ceux qui refusent de se plier à la nouvelle mode. » (2)

« Cette belle espérance [l’union européenne] fond comme neige au soleil. Sans doute parce que pour avoir un point fédérateur, il faut accepter d’avoir des frontières et un ennemi. En économie, vous avez des concurrents, en politique vous avez des adversaires. L’Europe a existé chaque fois qu’elle a identifié un ennemi. Le mot « Europe » apparaît au IX ème siècle, et l’adversaire était alors le Sarrasin. Le mot, en tant qu’identité politique et non pas géographique, refait surface au XVème siècle contres les Turcs, c’est la bataille de Lépante. Et il prend tout son essor contre Staline en 1946. Vous vous posez en vous opposant ; si vous n’avez personne à qui vous opposer, vous ne vous posez pas. Vous faites une union économique, un marché, mais vous ne faites pas une puissance. » (3) (on peut également noter que l'appellation "hommes d'Europe" apparait dans la description de la bataille de poitiers au début du VIIIème siècle aprés JC)

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(1)Julien Freund, Les garde-fous et le mirador, p.14

(2)Julien Freund, préface à Carl Schmitt, cité par PA Taguieff, Julien Freund, la table ronde, p. 133.

(3)Régis Debray, interview aux Echos du 07/02/08.

 

06/10/2007

Debray ou Platon?

C’est comme ça. Il y a des jours ou certaines lectures s’imposent. J’ai, depuis quelques années, pris l’habitude de lire plusieurs ouvrages à la fois ; et il est bien rare que j’en oublie un en chemin. Par exemple tout récemment ais-je pu lire simultanément (le plus souvent relire, pour être juste) L’étrange défaite de Bloch, Notre avant guerre de Brasillach, L’apologie de Socrate par Platon, le Journal de Drieu la Rochelle et L'expérience du passé de Ran Halévi.

Hier soir, je pris avec curiosité le dernier opus de Régis Debray (surnommé ironiquement Danton par Guevara…) au titre prometteur (L’obscénité démocratique). Or, malgré ce, et même si l’on sent bien l’auteur sincèrement révolté par de nombreux aspects de notre époque moderne, la prose de Danton est d’une lourdeur somnifère et l’on souhaiterai presque que Debray suive le conseil que donne Roxanne dans Cyrano: délabyrinther ses sentiments… 

« Le fait, sans doute malheureux mais bien réel, qu’un ensemble social ne puisse se produire comme totalité organisée sans s’aliéner dans une instance en surplomb d’elle-même donne à la médiation représentative sa place centrale et névralgique (et à la médiologie, son ticket d’entrée au premier rang des sciences politiques) »…sic!

 

Alors donc que Debray me tombait littéralement des mains, je repris pour le terminer L’apologie de Socrate lorsque ce dernier se sachant condamné à mort relativise sa peine. En 399 avant JC, à Athènes, Socrate comparait en effet devant le Tribunal de la Cité. Accusé de ne pas reconnaître l’existence des dieux traditionnels, de créer de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. Ce fait, qui pourrait être banal, est élevé par Platon au rang de mythe fondateur de la philosophie (la pratique de la philosophie seule fait que la vie vaut d’être vécue). Et, plus tard, Socrate oppose à son ami Criton qui lui propose de fuir, le verdict du philosophe : mieux vaut affronter la mort plutôt que de contrevenir aux lois de la cité et ainsi, commettre l’injustice.

Autant la prose de Debray est tourmentée et obscure à mes yeux, autant celle de Platon est simple et limpide.

« En effet,si, en arrivant chez Hadès, on se trouve débarrassé de ces gens qui prétendent être des juges, et qu’on y trouve des juges qui sont réellement des juges, et notamment ceux-la qui, dit-on, rendent là-bas la justice, Minos, Rhadamante et Eaque, Triptolème aussi, et tous ceux qui, parmi les demi-dieux, ont été des justes durant leur existence sur terre, pensez-vous que le voyage n’en vaudrait pas la peine ? Et encore, la compagnie d’Orphée, de Musée, d’Hésiode et d’Homère, que ne donneriez-vous pas pour en jouir ? Pour ma part, je veux bien mourir mille fois si c’est la vérité. Dans quelles merveilleuses conversations je me lancerai, personnellement, lorsque je rencontrerai Palamède, Ajax, le fils de Télamon, et tel ou tel héros du temps passé qui est mort par suite d’un jugement injuste ; comparer mon sort au leur ne me serait pas désagréable, je le crois. Et tout naturellement le plus intéressant, c’est que je pourrais, en conversant avec eux, soumettre les gens de là-bas à l’examen et à l’enquête auxquels je soumets les gens d’ici-bas, pour découvrir qui d’entre eux sait quelque chose et qui ne sait rien en s’imaginant savoir quelque chose. Que ne donnerait-on pas, juges, pour soumettre à cet examen celui qui a conduit devant Troie cette grande armée, Ulysse ou Sisyphe, et tant d’autres hommes et de femmes que l’on pourrait nommer ? Discuter avec ceux de là-bas, vivre en leur société, les soumettre à l’examen, ne serait-ce pas le bonheur ? »

 

Sans doute.