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21/12/2008

Cedant arma togae

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Cedant arma togae dit Cicéron (Des devoirs, I, 22)

Que les armes cèdent à la toge…

Je crois que ce devrait être la devise de l’Union européenne.

Europe. Un territoire (péninsule du continent asiatique disait Valéry), des peuples, une histoire pluri millénaire bien antérieure aux influences classiques –et déterminantes également- d’Athènes et Rome puis de Jérusalem…celle des peuples « barbares » celtes des forêts qu’il est de bon ton d’oublier ou de mépriser.

Depuis la nuit des temps sur ce bout de continent singulier et comme partout ailleurs, l’identité, la paix, la survie de ces peuples ont tenu aussi à la capacité de combattre. La paix, qui n’est qu’une entre deux guerres, était la résultante d’un équilibre des puissances diplomatique et militaire au sein de peuples belliqueux, puis d’empires, de coalitions puis d’états nations souverains et respectant les mêmes règles. Ce monde européen multipolaire et équilibré a expiré dans les conflits mondiaux qui ont déchiré le XXème siècle. Au profit de peuples exsangues gouvernés –selon le mot célèbre de Churchill- à l’Est par des commissaires soviétiques et à l’ouest par des sénateurs américains…

L’effondrement de l’impérialisme communiste a comme on le sait laissé le champ libre à l’autre puissance impérialiste en Europe, les USA, qui ont pu croire selon le mot de Francis Fukuyama à une fin de l’histoire et à l’avènement d’un monde globalisé et enfin apaisé dans la communion de l’économie de marché, de la démocratie libérale et des droits de l’homme, valeurs présentées comme universelles mais éminemment occidentales. Valeurs dont il est vite devenu évident qu’elles ne l’étaient nullement, universelles.

Ma vision de l’europe est évidemment aux antipodes de celles de nos élites progressistes et technocratiques Bruxelloises, zone géographique incertaine aux frontières perpétuellement mouvantes (la notion même de frontière étant suspecte car exclusive par essence), structurée par ce modèle anthropologique utilitariste matérialiste dont la seule transcendance réside dans le culte obsessionnel des droits de l’homme et de l’antiracisme psittaciste. Quant à la démocratie libérale et représentative qui tient lieu de corpus politique à nos élites, la simple notion de représentativité et la non reconnaissance des votes libres des peuples Français, Hollandais et Irlandais suffisent à montrer le caractère précisément non démocratique de cette usine à gaz prométhéenne.

Le visage de cette europe vassalisée est celui de la peur. Peur de ses peuples, peur de se reconnaître une identité, projection de cette histoire millénaire et singulière bien antérieure à l’avènement du christianisme et de 1789…Peur de se fixer des frontières, car il faudrait les défendre et surtout les justifier, peur de reconstituer une puissance militaire crédible à l’échelle communautaire, peur de contrarier l’allié Américain, peur de nommer les choses (les soldats ne font plus la guerre mais des « opérations de maintien de la paix »), peur de ses nouveaux immigrés à la culture si différente, peur de reconstituer ce hard power, complément indispensable de toute dimension diplomatique.

Robert Kagan, diplomate américain conservateur avait écrit récemment que les Etats-Unis d’Amérique étaient de mars et l’europe de vénus. Pour caricatural que soit le propos, il y a du vrai. L’affrontement, le combat, la perspective de l’horizon de la guerre –cher à Jünger- sont devenus inconcevables à nos élites. Les armes n’ont plus droit de cité en europe. Celle-ci s’est réfugiée dans les « valeurs », la négociation, le compromis, valeurs éminemment respectables à certains égards, mais qui me semblent masquer surtout l’impuissance dramatique de l’union européenne à se constituer en entité politique et donc militaire. Le soft power comme recours des vassaux, des puissances secondaires. Plus encore cette posture avantageuse et nécessairement progressiste me parait dangereuse, car reposant sur l’irénisme d’un monde ou la négociation permet de régler tous les problèmes.

Julien Freund, ce grand philosophe français injustement ignoré, répondait fort justement à Jean Hyppolite -un de ses directeurs de thèse –je le citais encore récemment : « Comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié, du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin! »

J’allais recommander à nos élites auto proclamées (je sais qu'ils me lisent) de ne pas l’oublier mais au fond de moi-même je reste persuadé que même dans la pire des situations, le pire des dangers, celles-ci seront prêtes à tous les accommodements, toutes les compromissions, toutes les veuleries plutôt qu’à reprendre les armes et défendre ce qui fait la singularité et la beauté de notre civilisation. Charge alors aux peuples européens, s’ils en trouvent la ressource en eux-mêmes, de secouer le joug et de retrouver leur liberté.

Amen..

06/10/2007

Debray ou Platon?

C’est comme ça. Il y a des jours ou certaines lectures s’imposent. J’ai, depuis quelques années, pris l’habitude de lire plusieurs ouvrages à la fois ; et il est bien rare que j’en oublie un en chemin. Par exemple tout récemment ais-je pu lire simultanément (le plus souvent relire, pour être juste) L’étrange défaite de Bloch, Notre avant guerre de Brasillach, L’apologie de Socrate par Platon, le Journal de Drieu la Rochelle et L'expérience du passé de Ran Halévi.

Hier soir, je pris avec curiosité le dernier opus de Régis Debray (surnommé ironiquement Danton par Guevara…) au titre prometteur (L’obscénité démocratique). Or, malgré ce, et même si l’on sent bien l’auteur sincèrement révolté par de nombreux aspects de notre époque moderne, la prose de Danton est d’une lourdeur somnifère et l’on souhaiterai presque que Debray suive le conseil que donne Roxanne dans Cyrano: délabyrinther ses sentiments… 

« Le fait, sans doute malheureux mais bien réel, qu’un ensemble social ne puisse se produire comme totalité organisée sans s’aliéner dans une instance en surplomb d’elle-même donne à la médiation représentative sa place centrale et névralgique (et à la médiologie, son ticket d’entrée au premier rang des sciences politiques) »…sic!

 

Alors donc que Debray me tombait littéralement des mains, je repris pour le terminer L’apologie de Socrate lorsque ce dernier se sachant condamné à mort relativise sa peine. En 399 avant JC, à Athènes, Socrate comparait en effet devant le Tribunal de la Cité. Accusé de ne pas reconnaître l’existence des dieux traditionnels, de créer de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. Ce fait, qui pourrait être banal, est élevé par Platon au rang de mythe fondateur de la philosophie (la pratique de la philosophie seule fait que la vie vaut d’être vécue). Et, plus tard, Socrate oppose à son ami Criton qui lui propose de fuir, le verdict du philosophe : mieux vaut affronter la mort plutôt que de contrevenir aux lois de la cité et ainsi, commettre l’injustice.

Autant la prose de Debray est tourmentée et obscure à mes yeux, autant celle de Platon est simple et limpide.

« En effet,si, en arrivant chez Hadès, on se trouve débarrassé de ces gens qui prétendent être des juges, et qu’on y trouve des juges qui sont réellement des juges, et notamment ceux-la qui, dit-on, rendent là-bas la justice, Minos, Rhadamante et Eaque, Triptolème aussi, et tous ceux qui, parmi les demi-dieux, ont été des justes durant leur existence sur terre, pensez-vous que le voyage n’en vaudrait pas la peine ? Et encore, la compagnie d’Orphée, de Musée, d’Hésiode et d’Homère, que ne donneriez-vous pas pour en jouir ? Pour ma part, je veux bien mourir mille fois si c’est la vérité. Dans quelles merveilleuses conversations je me lancerai, personnellement, lorsque je rencontrerai Palamède, Ajax, le fils de Télamon, et tel ou tel héros du temps passé qui est mort par suite d’un jugement injuste ; comparer mon sort au leur ne me serait pas désagréable, je le crois. Et tout naturellement le plus intéressant, c’est que je pourrais, en conversant avec eux, soumettre les gens de là-bas à l’examen et à l’enquête auxquels je soumets les gens d’ici-bas, pour découvrir qui d’entre eux sait quelque chose et qui ne sait rien en s’imaginant savoir quelque chose. Que ne donnerait-on pas, juges, pour soumettre à cet examen celui qui a conduit devant Troie cette grande armée, Ulysse ou Sisyphe, et tant d’autres hommes et de femmes que l’on pourrait nommer ? Discuter avec ceux de là-bas, vivre en leur société, les soumettre à l’examen, ne serait-ce pas le bonheur ? »

 

Sans doute.

08/05/2007

Que faire si tu n’aimes pas Athènes ?

"Je serais profondément déçu si Nicolas Sarkozy était élu, pour moi, pour tous les travailleurs immigrés, pour tous les gens qui sont obligés au quotidien de prouver qu'ils sont Français, même pour ceux qui comme moi sont nés en France", a-t-il expliqué. Pour autant, Yannick Noah assure qu'il n'entend pas quitter la France en cas de victoire du candidat UMP. "Il faut résister. Je suis plutôt pour la résistance", a-t-il dit. Fin 2005, l'ancien vainqueur du tournoi de Roland-Garros, avait déclaré : "une chose est sûre: si jamais Sarkozy passe, je me casse". Une phrase par ailleurs coupée de l'interview qu'il avait donné à Paris-match. Il était revenu sur ses propos quelques mois plus tard affirmant : "J'ai dit ça sur le coup. En fait, je crois qu'il vaut mieux rester". (avec AP)

Plusieurs mouvements d'extrême gauche, dont la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), ont appelé à la "résistance" après l'élection de Nicolas Sarkozy, sans toutefois donner de consignes spécifiques pour les jours à venir. (Libération, 08/05/07)

Après avoir été condamné à mort, Socrate répond à ceux qui lui conseillent de fuir :

« Toi que l’on dit sage, oublies-tu que l’on doit plus de respect d’obéissance et d’amour à sa patrie qu’à son père et qu’il faut ou bien faire ce qu’elle ordonne, ou bien la persuader de changer d’avis ? Tu n’as pas le droit de désobéir aux lois : car nous qui t’avons donné la vie, l’éducation et l’instruction, nous qui t’avons procuré, ainsi qu’à tous les autres citoyens, tout le bien dont nous étions capables, nous déclarons ceci : quiconque, parmi les Athéniens, ne nous apprécie pas,  peut, quand il a eu connaissance des affaires de la cité et de ses lois, prendre ses biens et s’en aller ou il le désire. Celui d’entre vous qui reste à Athènes alors qu’il connaît la manière dont nous jugeons les procès et dont nous administrons la cité, nous affirmons que dés lors, il a pris l’engagement tacite de nous obéir. »

 

D’après Platon, Criton, 50-51.