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12/12/2006

Salvador Allende, histoire d’un mythe.

Avec la mort du dictateur Pinochet, le rouleau compresseur du politiquement -et de l’historiquement correct- se remet en branle, exaltant la légende dorée du dirigeant socialiste, donc progressiste versus la légende noire de la dictature militaire.Il n’est bien sur pas dans mon propos de minimiser l’horreur de la dictature de Pinochet ni de passer sous silences les meurtres, exactions, tortures, etc. qu’on y vit., mais bien de préciser les conditions de la dissolution en 1973 de la démocratie Chilienne.

L’ histoire officielle est la suivante: Allende a été renversé et assassiné par un complot militaro-fasciste soutenu par les Etats-Unis, et quiconque veut établir le bilan des responsabilités du gouvernement de l’Unité Populaire se voit aussitôt accusé de complicité avec Pinochet.

JF Revel, dont l’engagement anti-totalitaire n’est plus à démontrer, avait coutume de dire que lorsque le général Pinochet avait tué la démocratie, elle était déjà morte…

Qui était Salvador Allende ?

Ce médecin père de famille d’origine bourgeoise né en 1908 à Valparaiso, franc-maçon, lecteur de Marx et Lénine mais légaliste est le fondateur du parti socialiste Chilien en 1933. Il se distingue tôt par son activisme législatif social (création d’une sécurité sociale des ouvriers en 1937). Elu et réélu sénateur pendant un quart de medium_mir.gifsiècle et accumulant les échecs électoraux, Allende se retrouve durant l’été 1970 à la tête d’une coalition de gauche (Unité Populaire) hétérogène allant du centre à l'extrême gauche révolutionnaire (trotskystes et maoistes du MIR) en passant par les communistes, face à une droite elle même divisée. Le 4 septembre 1970, il est nommé légalement à la présidence de la république par la chambre des députés avec seulement 36.30% des suffrages et avec l’appui conditionnel de la démocratie chrétienne. Situation d’emblée difficile car Allende ne dispose ni d’une majorité au parlement, ni du pouvoir judiciaire, ni du pouvoir militaire.

Quel était le programme de l’Unité Populaire ?

Il fut définit par la convention de Chillan en 1967 :

-         « L’état bourgeois au Chili ne peut servir de base au socialisme, il est nécessaire de le détruire. Pour construire le socialisme, les travailleurs Chiliens doivent dominer la classe moyenne pour s’emparer du pouvoir total et exproprier graduellement tout le capital privé : c’est ce qui s’appelle la dictature du prolétariat. »

-         « La violence révolutionnaire est inévitable et légitime ; Elle est le résultat nécessaire du caractère violent et répressif de l’état classe. Elle constitue l’unique chemin qui mène à la prise du pouvoir politique, économique et à sa défense. »

-         « Il est possible pour le gouvernement de détruire les bases du système capitaliste de production. En créant et en élargissant l’aire de propriété sociale aux dépens des entreprises capitalistes et de la bourgeoisie monopolistique, nous pourrons leur faire quitter le pouvoir économique. »

 

Nulle ambiguïté, donc : collectivisation forcée et instauration d’une dictature du prolétariat.

Le socialisme Chilien.

medium_300px-Salvador-Allende_Fidel.jpgElu, Allende entreprend de mettre en application son programme socialiste dans le cadre de cette union de la gauche (nationalisation à grande échelle, réforme du système de santé, réforme agraire, blocage des prix, impôts sur les bénéfices, moratoire sur le remboursement de la dette extérieure, etc.). Ces réformes tantôt trop modéres, tantôt trop radicales, ne feront jamais l'unanimité dans son camp, et cette radicalisation du régime vers le collectivisme va effrayer le principal partenaire démocrate chrétien, majoritaire au congrès. Cette polarisation du pays est essentielle à la compréhension du climat insurrectionnel de guerre civile qui va s’instaurer progressivement. Nombre d’observateurs civils dénoncent une cubanisation du régime, comparaison d’autant plus juste qu’Allende ne cache pas ses liens amicaux avec le dictateur Cubain, dont les services secrets (DGI) sont omniprésents sur le sol chilien dés 1970 et assurent notamment sa sécurité rapprochée.

La fin de l’expérience socialiste.

La dégradation rapide de la situation économique (500% d’inflation en 1973, chute de la production de 10% par année après les nationalisations, développement du marché noir, rationnement, etc.) alliée à la radicalisation du débat politique expliquent la victoire de l’opposition en mars 1973, mais qui avec 55% des voix ne peut accéder au pouvoir. Dans ce climat insurrectionnel entretenu par l'extrême gauche révolutionnaire, une première tentative de putsch militaire a lieu le 29 juin 1973, sans succès. Le 23 août, Allende nomme le général Augusto medium_allende_pin.jpgPinochet commandant en chef des forces armées et décide la tenue d’un referendum, espérant un plébiscite. Quelques jours plus tard, le 11 septembre, c’est le putsch réussi des militaires avec Pinochet à leur tête, la mort (suicide ? meurtre ?) d’Allende dans son palais de la Moneda à Santiago, et l’instauration de la dictature militaire d’A Pinochet. Avec la chute d' Allende, c'est la fin d'une pratique démocratique originale vieille de plusieurs décennies qui avait valu à ce pays le surnom de "Prusse de l'Amérique du sud".

Le rôle des Etats-Unis.

En 1973, les USA ont impulsé depuis plusieurs décennies une politique d’endiguement face aux visées subversives, révolutionnaires ou terroristes des mouvements marxistes en Amérique latine. La guerre froide sur ce continent sud américain, zone d’influence traditionnelle des USA, prend la forme d’infiltrations, de subversions, d’attentats, de terrorisme de masse, de guérillas, de coups d’états et de dictatures militaires.L’accession au pouvoir d’Allende rassemble les caractéristiques d’une marche vers une régime totalitaire communiste à la Cubaine. Dés 1970, les USA vont tout faire pour limiter les réformes de la coalition d’Allende, notamment les nationalisations et la réforme agraire, et faire capoter l’expérience collectiviste Chilienne.Il est acquis que les USA ont essayé de renverser Allende en 1970 (projet FUBELT), mais leur participation directe dans le coup d’état de 1973 n’est pas avérée à ce jour.L’impression d’ensemble est que les USA (la CIA et Kissinger notamment) n’ont pas eu de participation directe dans l’accession au pouvoir d’A Pinochet mais qu’ils ont créés les meilleures conditions possibles, notamment par le biais de pressions économiques et politiques constantes.

Voilà pour les faits.

Quelques remarques :

-         en 1973, la faillite économique du régime socialiste d’Allende est avérée (malgré les nombreux ré échelonnements de dette et les nouveaux crédits consentis) et résulte avant tout de causes internes (propre à toute expérience collectiviste) et non pas seulement externes (pressions économiques et politiques américaines bien réelles) ;

-         la faillite politique et démocratique est également indiscutable : décomposition de l’état, polarisation extrême du corpus politique paralysant toute coalition stable, climat insurrectionnel permanent (grève des camionneurs, des patrons, des mineurs de cuivre, manifestations populaires casseroles à la main, etc.) ; La radicalisation et la faible légitimité du régime expliquent la résistance d’une grande partie de la société civile déçue de la « chilena via al socialismo », mais aussi celle de l'armée traditionellement conservatrice, et le climat de guerre civile de l’année 1973.

-         A la veille du coup d’état, Salvador Allende ne pouvait déjà plus maintenir au pouvoir de façon démocratique l’Unité Populaire telle qu’il l’avait constituée. Il envisagea, en légaliste et c’est à son crédit, un gouvernement d’union nationale avec les démocrates chrétiens, solution qui fut repoussée par les socialistes et les communistes. Restaient possibles la guerre civile, l’instauration d’un système totalitaire de type castriste ou un putsch militaire, qui advint malheureusement.

-         La responsabilité collective de la coalition de gauche au pouvoir de 1970 à 1973 et la responsabilité personnelle d’ Allende dans la situation du pays à la veille du coup d’état sont écrasantes et ne doivent pas être masquées par le dégoût légitime du régime dictatorial issue de la faillite de l’expérience socialiste Chilienne.

-         Il est par ailleurs difficile de ne pas faire d’analogie avec la période pré insurrectionnelle que connut l’Espagne dans les années 30, avant le déclenchement de la guerre civile en 1934 (révolution des Asturies) : même radicalisation /bolchevisation de la gauche dite modérée, même polarisation extrême de la société civile et du corpus politique, même réaction autoritaire désespérée du pays conservateur devant la menace totalitaire communiste, et même instauration d’un régime dictatorial original (distinct d'un régime fasciste stricto sensu).

-         Bien que marqué par la doxa marxiste et constamment sollicité par la gauche radicale (MIR, et communistes), Salvador Allende crut jusqu’au bout, sans doute, possible une solution démocratique, légale. Quel que furent ses erreurs et son aveuglement, il ne faut pas l'oublier.