19/12/2006
Che Guevara , l’envers du mythe (2)
Un homme complexe
Sa vie, emplie d’inquiétudes, puis de certitudes (« nous prenons le marxisme avec autant de naturel que toute chose qui n’a plus besoin d’être discutée » (1), enfin de revers sans appel, paraît à posteriori dominée par l’échec, mais il serait sans doute faux de croire qu’il l’avait cherché : l’échec est venu comme une réponse logique à sa méconnaissance du monde et à son hyper volontarisme. L’échec ne pouvait que venir, car à la différence de Castro qui ne cherchait que le pouvoir, Guevara poursuivait lui la transformation radicale du monde et la naissance d’un monde nouveau .
Il y avait bien du Netchaïev en Guevara, mais il avait aussi, ce qui le rend plus complexe, des points communs avec saint Paul : comme lui, Guevara pratiquait ce qu’un exégète appelait « une ascèse athlétique », c’est à dire « essentiellement orientée vers le fruit à porter », et non stérile.(2) Le Guevara pénétré de la misère des populations rencontrées lors de son périple en moto ou celui qui passe quelques semaines comme volontaire dans la léproserie de San Pablo, a quelque ressemblance avec ce missionnaire converti au christianisme. Il était, à un degré moindre que saint Paul certes, un alliage assez rare d’angoisse et de tension positive. Si son discours, pourtant creux et dérisoire sur l’ « homme nouveau » eut une audience, c’est qu’il le prononçait avec une espérance anxieuse : cela devenait autre chose que le discours routinier, froid et inquiétant des apparatchiks bolcheviques sur l’ « homme nouveau ». En définitive ces deux cotés- violence aveugle et quête de perfection- s’entrechoquant au moins dans la première partie de sa vie, le rendaient autrement intéressant qu’un Castro tendu vers le seul but du pouvoir, à vie.
L’échec de l’internationalisation de la guérilla et l’impasse Bolivienne
On sait que Guevara souhaitait créer un deux, trois nouveaux VietNam..En décembre 1964, Guevara fait une tournée internationale de trois mois ou il visite la Chine, l’Egypte, l’Algérie, le Ghana, la Guinée, le Congo, la Tanzanie mais aussi l’Irlande, Prague et Paris ; De retour à Cuba, il s’entretient longuement avec Castro puis disparaît mystérieusement pendant plusieurs mois. En fait il s’embarque incognito pour la Tanzanie, afin d’intégrer l’armée de libération du Congo et de renverser le pouvoir « impérialiste e » en place. Il n’y restera que sept mois, sept mois d’échec à créer une dynamique révolutionnaire. De retour en Europe (Tchécoslovaquie), il commence à songer à la création d’un foyer de guérilla en Bolivie. Pourquoi la Bolivie ? Sans doute parce que ce pays est limitrophe de cinq pays agités de mouvements révolutionnaires (Pérou, Chili, Paraguay, Brésil et son Argentine natale), ce qui en fait une tête de pont idéale pour soulever tout le continent sud-américain. On l’a vu, l’aventure Bolivienne tourne au désastre, non seulement à cause de l’hostilité ou tout au moins de l’absence de soutien des populations locales, mais aussi largement par amateurisme : pas de médicaments (le Che est asthmatique), pas de nourriture (les guérilleros en viennent à manger leur cheval ou boire leur urine !), pas de carte précise et pas de communication radio ! L’isolement, les désertions, les trahisons font le reste malgré le renfort de Danton (Régis Debray, qui de son propre aveu « ne se sent pas mûr pour la mort »…).
Ni au Congo ni en Bolivie Guevara n’est parvenu à créer les conditions d’un foyer insurrectionnel. Reste à savoir si cet homme qui voulait créer « un homme nouveau » voulait gagner ces guerres, ou s’il lui importait d’abord de les mener. La fuite en avant est telle, notamment en Bolivie, que l’on ne peut s’empêcher de penser à une sorte de suicide conscient. Le guérillero écrit dans son dernier message d’avril 1967 : « il faut mener la guerre jusqu’ou l’ennemi la mène : chez lui, dans ses lieux d’amusement, il faut la faire totalement. » Des paroles que ceux qui prennent Guevara pour un martyr christique ont quelque peu opportunément oubliées.
Naissance d’une icône
La mort de Guevara suscita d’abord une incrédulité qui était avant tout un refus sentimental d’admettre que l’idole des révolutionnaires avait pu se faire prendre ; Régis Debray, retrouvant exactement les mots de la religiosité Stalinienne de la fin de la vie du dictateur, déclara : « Le Che n’est pas de ceux qui meurent : exemple et guide, il est à proprement parler immortel, parce qu’il vivra dans le cœur de chaque révolutionnaire. Un Che est mort. D’autres sont sur le point de naître. »(3)
Cette passion pour le révolutionnaire meurtrier qu était Guevara échappe donc au rationnel. En effet, son action décisive dans l’érection de la société communiste Cubaine avec son cortège de meurtres, d’emprisonnement, de déportations, d’exode meurtriers de centaines de milliers de Cubains depuis 1959 n’a bien sur rien d’admirable et suffirait à mettre au ban des démocraties n’importe quel homme, mais pas Guevara !
Son « visage d’archange », notamment sur cette photo célèbre d’ Albert Korda représentant Guevara vêtu d’un treillis militaire, avec béret à étoile, prise en mars 1960, est sans doute un élément de cette passion. Les circonstances de la mort (mystère, assassinat, trahison, panique des autorités, photo « christique » de sa dépouille et mise en scène du cadavre) et son jeune âge (39 ans) sont également importantes dans la naissance du mythe. Que Guevara meure avant la fin de sa vie, si l’on peut dire, encore jeune et assassiné, confortait aussi ce qu’une fraction des révolutionnaires soixante-huitards entendaient par être révolutionnaire : vivre dans l’absence de limites, d’entraves, de régulations de la vie : le révolutionnaire devait être hors norme, étranger à notre condition, fut-ce au prix de la misère d’un peuple et de la mort de nombreux innocents…
« La haine comme facteur de lutte ; la haine intransigeante de l’ennemi, qui pousse au delà des limites de l’être humain et en fait une efficace, violente, sélective et froide machine à tuer » (1).
(1) Che Guevara, Textes politiques. Paris, Maspero 1968.
(2) Claude Tresmontant. Saint Paul et le mystère du christ. Paris, Le seuil, 1956.
(3) R Debray, Le monde, 13 octobre 1967.
20:30 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : che guevara, castro, guerillero, cuba, bolivie, communiste, stalinien
Commentaires
Merci pour cet article que plus de djeuns devraient lire avant d'enfiler leur t-shirt. Je me suis moi-même beaucoup interrogé sur le pourquoi de la popularité de Guevara et je me demande, vous y faîtes allusion, si tout ne vient pas de son "visage d’archange". J'irais même plus loin, je pense que le pire des sanguinaires trouvera des admirateurs pourvu qu'il ait une belle gueule. Je ne veux pas dire par là que ça aide un peu à une certains indulgence, non, c'est bien plus fort que ça. La beauté physique excuse tout, absolument tout. Je pensais à ça lors de la sortie du film sur Roberto Zucco et l'admiration qu'il a pu susciter qui me semble être du même ordre...
Écrit par : j.c. | 20/04/2007
vous avez entièrement raison, la beauté physique est un atout extrêmement précieux, voire décisif; on peut se demander si la jeunesse d'aujourdhui porterait stupidement des tee shirts à son effigie si Korda n'avait réalisé cette superbe photo ou si Guevara avait ressemblé à un leming. excellente remarque; je me faisais récemment la même réflexion au sujet de chirac, dont la vie et l'action sont insignifiants. seule son physique et donc son aura lui ont permis de mener pareille carrière. c'est consternant!
Écrit par : hoplite | 20/04/2007
Le Che n est pas devenu un symbole uniquement grace à son physique. Ca tient du ridicule comme reflexion. D accord le Che était un homme beliqueux, la lutte armée etait pour lui le seul moyen d etablir un regime communiste. Mais pas par n importe quel moyen; pour lui une revolution etait possible uniquement si le peuple avait la volonté de se rebeller. Il est vrai qu il a tuer froidement certains de ses compagnons qui l avait trahi, mais pour ce qui etait des prisonnier de guerre, il les traitaient avec respect et soignaient meme leurs blessures. Il ne faut pas non plus oublier qu il s impliquait activement dans le developpement de Cuba en donnant sa force de travail pour construire des bâtiments publiques. Il est devenu un mythe parce qu il a consacré sa vie à celle des autres pas pour son physique gracieux et son sourire charmeur. Il est un symbole de perséverance et de courage. Il n à jamais trahi et à toujours garder la même ligne de conduite.
Écrit par : mara | 19/07/2007
mara, adolf hitler aimait beaucoup aussi ses neveux et ses nièces et souhaitait sincèrement faire le bonheur du peuple allemand...
quelles que soient les qualités propres ou les motivations nobles de che guevara, elle ne l'absolvent pas de ses crimes à cuba ni d'avoir installé une dictature collectiviste depuis 1959 pour le plus grand malheur des cubains. Le fait que cet homme, certes idéaliste et pas apparatchik pour deux sous-genre castro-, ait succombé "au charme universel de la révolution d'octobre", comme dit F Furet, ne l'exonère en rien de ses responsabilités.
Peut-être avez-vous lu son journal de Bolivie, ou ce personnage pathétique et pitoyable en est réduit à envisager la violence à l'encontre des pasans boliviens qui refusent simplement de le suivre dans sa folie.
Enfin, il est fort probable que s'il n'avait pas eu ce physique avantageux et si korda n'avait réalisé ce cliché historique, peu de monde se souviendrait de ce révolutionnaire aux mains rouges.
Par ailleurs, qu'entendez-vous par "developpement de cuba"?? l'organisation de la pénurie et du rationnement? (comme sous toutes les expériences collectivistes) et ne me ressortez pas la fable du "blocus" américain: cuba n'a jamais fait l'objet d'un blocus puisque toujours libre de commercer avec tous les pays du monde hormis les USA! si ce goulag tropical n'avait été soutenu durant des années par le bloc soviétique et maintenant par chavez, il y a longtemps que l'on assisterait à un scénarion de l'horreur à la corée du nord.
Guevara n' a jamais consacré sa vie qu'à son rêve délirant, quelles que soient les conséquences pour les autres.
Écrit par : hoplite | 20/07/2007
L'un d'entre vous a-t-il lu le livre que Jean Cau lui a consacré ?
Écrit par : Metanoïa | 21/07/2007
non, métanoïa. à lire?
Écrit par : hoplite | 22/07/2007
de la merde ton article
Écrit par : cedric | 30/08/2007
de la merde ton article
Écrit par : cedric | 30/08/2007
efin je pense ke c de la merde
Écrit par : cedric | 30/08/2007
dans le sens ou je vien de lire 500 pages contredisen la moitier de tes conneri
ensuite si cuba ne subissé pa lembargo américain je pense kil sen sortiré mieu économikmen
Écrit par : cedric | 30/08/2007
enfin ta raison vive batista.l'imperialisme américain,un medecin ki fait une révolution et ki aprés étre au pouvoir,par au congo puis en bolivie pour défendre c idée et un personnage pathétique et pitoyable? toi ta vrémen tou compri. ccc
Écrit par : cedric | 30/08/2007
Il faut aimer le style Jean Cau (c'est une bonne occasion de le découvrir). Disons que son Che Guevara est une 'cristallisation', je ne trouve pas d'autre expression. Une lecture du personnage sous la forme d'une fresque moderne miniature, à l'esthétique forte, qui peut plaire aux individualistes de droite.
Même si ma préférence va clairement à Fraigneau, disons que Cau signe ici une sorte d'équivalent de son Songe de l'Empereur - Julien l'Apostat.
Écrit par : Metanoïa | 10/09/2007
C'est bô, Cédric, ce que tu dis et, surtout, comment tu le dis... c'est bô comme un lavabo. La France est pleine d'avenir avec les gars comme toi qui ont l'art et la manière et qui pensent avec tant de délicatesse.
Écrit par : Nebo | 21/09/2007
C'est facile de traiter des gens qui veulent changer le monde de fous ou de meurtriers... Combien d'indiens ont tués les européens pour s'installer en Amérique et instaurer la démocratie...? Et tout ça au nom de l'église et du progrés que celle ci pouvait apporter aux natifs! Combien de morts en Iraq, Vietnam, Afghanistan, Panama et j'en passe... Alors parce que le libéralisme est la pensée dominante aujourd'hui on considère que ces leaders n'ont jamais fait d'erreurs? Cessons de focaliser sur la guerilla que le Che a fait, inspirons nous de ses pensées et du fond de sa révolution internationale! Rappelez vous seulement que sous Louis XVI les républicains étaient considérés comme des traitres, des fous (d'ailleurs la guillotine c'est soft comme révolution?). Reflechissez plutôt à l'avenir et aux autres pensées que la guimauve ambiante! Et pour conclure deux choses : 1-On ne fait pas d'omelette sans casser des eux et 2-Les fous d'aujourd'hui sont les sages de demain!
Paix.
Écrit par : Zgili | 02/03/2008
zgili, plusieurs choses:
-concernant les communistes c'est effectivement assez facile de les qualifier de fous et de meurtriers, quand on connait le passif du communisme. simple constat.
-vouloir changer le monde est une chose, souvent louable d'ailleurs, mais tomber dans le totalitarisme et le crime de masse en est une autre.
-"casser des oeufs" est un doux euphémisme concernant les victimes du communisme, ou simplement celles du meurtrier Guevara.
-quel rapport avec les massacres commis par les européens en amérique, souvent au nom de l'église catholique mais pas seulement, que personne ne nie?
-qu'il y ait une filiation idéologique entre la terreur de 1793 et les totalitarismes du XXieme siecle est probable.
-quand à "la violence accoucheuse de l'histoire", je reste dubitatif.
Écrit par : hoplite | 02/03/2008
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