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27/12/2006

La colonisation, une idée de gauche.

Cela ne vous a pas échappé : le passé colonial de ce pays est devenu un élément à charge constant dans le procès permanent en infamie fait à la France par nos amis progressistes…

Pour autant, nul ne s’étend sur les idéaux qui ont porté l’entreprise coloniale et permis l’érection de l’Empire colonial Français. Et pour cause.

 

Sous l’influence de deux républicains et hommes de gauche, Léon Gambetta et Jules Ferry, la France de la troisième république s’engagea dans la voie de la création d’un empire colonial. Si Jules Ferry fut le père de la colonisation républicaine Française, il ne fit en réalité que mettre en pratique l’engouement que la gauche Française nourrissait alors pour l’expansion coloniale.

En 1879, avec une rare emphase, Victor Hugo avait ainsi prononcé un discours archétypique de la pensée coloniale de gauche :  « (…) Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte c’est la sauvagerie ! (…) Allez peuples, emparez vous de cette terre ; Prenez-là ! A qui ? A personne !. Prenez cette terre à Dieu ; Dieu donne l’Afrique à l’Europe ! Prenez-là, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour l’industrie (applaudissements prolongés). Versez votre trop plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ! Croissez, cultivez, colonisez, multipliez, et que sur cette terre de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté (applaudissements enthousiastes..) ». Discours prononcé le 18 mai 1879 au banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, en présence de Victor Schoelcher ! (1)

Ou encore, le même jour : « Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie à son histoire, l’Amérique à son histoire, (…) l’Afrique n’a pas d’histoire .»

Aujourd’hui une telle arrogance, un tel mépris à l’égard de l’Afrique fermeraient à Victor Hugo les portes du Panthéon et le rangerait dans le camp des infréquentables…

Jules Ferry, ministre de l’Instruction Publique en 1879, puis Président du conseil fut un des principaux artisans de cette politique coloniale.

Sa doctrine coloniale reposait sur trois points:

-         économique : l’Empire devait offrir un débouché à l’industrie Française ; la lecture des ouvrages de référence sur cette question économique (2) permet de mesurer l’ampleur de l’erreur d’appréciation,

-         philosophique : la France, patrie des Lumières, se devait de faire connaître aux peuples qui l’ignoraient encore ce message universaliste. Dans la réflexion de la gauche Française, la dimension idéologique morale et universaliste tient une part considérable. On trouve chez Jules Ferry la notion de colonisation émancipatrice et cet homme de la gauche coloniale utilise alors des arguments qui choquent aujourd’hui : « Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un doit vis à vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » ! (discours à la chambre du 28 juillet 1885)

-         politique : créer à la France de nouvelles conditions de rayonnement d’une grande puissance.

Dans la justification de sa politique coloniale, la gauche républicaine Française eut alors recours à des références qui aujourd’hui tomberaient sous le coup de la loi. Clemenceau, alors opposant à cette politique coloniale, répondit à Ferry en ces termes : « Vous nous dites « nous avons des droits sur les races inférieures » [interruption du député Bonapartiste Paul de Cassagnac : « c’est la théorie des négriers ! » !], c’est bientôt dit ! Race inférieure les Hindous ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde pour la Chine ? Avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore les magnifiques vestiges ? Race inférieure les Chinois ? Inférieur Confucius ? » (discours à la chambre du 30 juillet 1885.

Ecoutons aussi Jean Jaurès, grand icône républicaine dans son discours devant la Chambre en 1903 (3) : « La civilisation [que représente la France] en Afrique auprès des indigènes, est certainement supérieure à l’état présent du régime Marocain. »

Ou Léon Blum le 9 juillet 1925 devant les députés : « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler au progrès réalisées grâce aux efforts de la science et de l’Industrie »…

Portée par son postulat philosophique, la gauche coloniale Française enjambait allégrement les contradictions. Ainsi la Société des Amis des Noirs, crée en 1788 pour lutter contre l’esclavage, changea-t-elle de nom au début du XIX ème siècle pour devenir la Société des Amis des Noirs et des Colonies. Quant à Victor Schoelcher, le célèbre abolitionniste, aujourd’hui quasiment déifié, il fut secrétaire d’état aux colonies et coprésida en 1889 le congrès colonial international aux cotés du Général Faidherbe, conquérant du Sénégal…

Des républicains, des hommes de gauche, des laïcs militants furent donc des initiateurs de la colonisation, alors que toute la philosophie qui les animait reposait pourtant sur le contrat social. Pourquoi ?

La réponse est claire : parce que la France républicaine avait un devoir, celui d’un aîné devant guider son cadet non encore parvenu à l’éclairage des Lumières.

 

Jusque dans les années 1890, la position de la droite nationaliste fut claire : la France devait choisir entre la « revanche » envers l’Allemagne, un impératif patriotique, et l’expansion coloniale, chimère détournant les Français de la ligne bleue des Vosges. Dés lors toute aventure coloniale était considérée comme une trahison. Cet anti colonialisme de droite fut bien incarné par Paul Déroulède et Maurice Barrès. Pour le premier, la cause était entendue : jamais les colonies ne pourraient offrir une compensation à la perte des provinces occupées par l’Allemagne et c’est dans ce sens qu’il déclara à Jules Ferry : « J’ai perdu deux sœurs et vous m’offrez vingt domestiques » !(3)

Face à la cohérence philosophique de la gauche coloniale, la droite Française était plus divisée : il s’agissait d’un choix entre les priorités d’action. Charles Maurras à résumé cette attitude : « Les Français ont été autrefois très divisés sur la politique coloniale. Après 1870, dominait le parti du Recueillement et de la Revanche ; Il groupait des hommes aussi différents que le Duc de Broglie et Clemenceau. Ils disaient, ils savaient que les Empires coloniaux, s’ils ne se gagnent pas sur les champs de bataille de l’Europe, ne se perdent à coup sur que là. Il voulaient donc d’abord reprendre Metz et Strasbourg. Après, mais après seulement, on serait parti à la conquête de l’univers. » (4)

 

Ceci étant, en dehors de certains milieux d’affaires minoritaires, qui avait adhéré à la doctrine de Jules Ferry, en pensant comme lui (et à tort) que les colonies allaient être une bonne affaire la droite était initialement généralement anti coloniale quand la gauche était majoritairement ralliée au mouvement d’expansion coloniale.

Secondairement seulement la droite Française se rallia majoritairement au « credo colonial », sous la pression entre autres de l’humanitaire (rôle décisif dans la lutte contre l'esclavage) et du religieux  (évangélisation des Africains).

Jacques Marseille a bien résumé cet unanimisme : « (…) le mot d’ordre commun est de civiliser ; Il s’agit pour les républicains de conquérir des débouchés indispensables à l’économe et en même temps d’apporter les Lumières au monde et faire rayonner la civilisation Française ; Pour les missionnaires, il s’agit de diffuser la religion catholique et de convertir ceux que l’on nomme alors des « primitifs ». L’unanimité habite alors les deux camps de la gauche à la droite. » (5)

 

Ou l’on voit que la droite en 2006, ne devrait pas avoir de complexes vis à vis de la politique coloniale Française. La gauche aujourhui a totalement oublié (ou feint d'avoir oublié) cette page de sa propre histoire. Mais le terrorisme intellectuel de la propagande progressiste est puissant et l’inculture historique de nos hommes politiques abyssale…

 

 

(1)   Lugan ; Pour en finir avec la colonisation. Ed du Rocher 2006.

(2)   Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français  - Histoire d'un divorce. 01/2005 ; Daniel Lefeuvre. Pour en finir avec la repentance coloniale  Flammarion ; 09/2006

(3)     Raoul Girardet, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962. Paris 1978.

(4)   L’Action Française, 26 juin 1939.

(5)   Entretien donné à « Enquête sur l’histoire », numéro spécial L’aventure coloniale, automne 1993, p.16.

Commentaires

Vous ne parlez que de la colonisation française du 19ème siècle. Que vous auriez mieux fait d'appeler colonialisme pour faire un distingo avec le reste.
Parce que l'Amérique (du Nord comme du Sud) a bien été colonisée il me semble. Et présenter les puritains fanatiques de la nouvelle Angleterre comme la gauche, m'apparaîtrait une erreur. Et question génocide ca fonctionnait bien.

Écrit par : Cadichon | 28/12/2006

c'est vrai c'était un parti pris de n'évoquer que les idéaux à l'origine de la constitution de l'Empire Français à la fin du 19eme siecle, et de montrer en particulier que le moteur essentiel de cette geste coloniale était philanthropique et porté notamment par des hommes de gauche de la 3eme république laicarde.

Écrit par : hoplite | 28/12/2006

Mais Clémenceau laïcard (mais moins fanatique que Combes dans ce domaine) était farouchement contre la colonisation. Donc la question est plus complexe qu'il n'y parait.
Disons que l'idéologie colonialiste sortie d'une partie des Lumières, a logiquement été reprise par une partie de cette gauche qui voulait éclairer les autres peuples.

Écrit par : Cadichon | 28/12/2006

oui, Clémenceau, radical républicain était farouchement hostile à la politique coloniale Française (ainsi qu'à l'Empire et à la monarchie), ce qui montre bien que malgré tout la ligne de clivage entre coloniaux et opposants pouvait se situer dans un même camp politique.

Écrit par : hoplite | 29/12/2006

Très bon article, vers lequel j'ai déposé un renvoi sur mon blog.

Écrit par : phiconvers | 08/01/2007

Très intéressant.
Cette aspect de la colonisation est complètement oublié, notamment par la gauche.
Vous évoquez les motivations politques, mais apparemment elles n'étaient pas primordiales selon vous. Pourtant à cette époque tous les pays européens qui le pouvaient se créaient un empire non ?

Écrit par : Le Proton Jovial | 09/01/2007

"CET aspect" bien sûr !

Écrit par : Le Proton Jovial | 09/01/2007

Lugan écrivait en introduction d'un livre d'H. servien sur l'épopée française en Afrique que la gauche frileuse voyait l'empire colonial comme une possibilité de rejeter la concurrence étrangère et les avatars du libre-échange en créant un marché exclusif pour l'industrie française. C'est assez bien vu, et cette idée a continué à sous-tendre la politique africaine de la France depuis De Gaulle, même si le coût de ce drôle de soutien à l'exportation pour le contribuable français a largement dépassé les profits des marchés facilement remportés par nos entreprises. Et d'ailleurs, lesdites entreprises sont de moins en moins en situation de monopole...

Écrit par : phiconvers | 09/01/2007

c'est bien ce qui s'est passé, l'état Français a accordé une préférence économique constante à l'égard de l'empire colonial, au détriment du contribuable qui subventionna des années durant un marché artificiel déconnecté du marché réel. D'ou le désengagement précoce du secteur industriel privé et la montée en puissance de l'état. Contrairement à la propagande progressiste, l'Empire colonial n'a jamais été source de profit, et a même pesé lourdement sur les finances publiques. (lire la dessus les livres de daniel lefeuvre et jacques marseille, qui font autorité)
Plus encore, ces auteurs montrent, contrairement à l'historiquement correct, que l'état français a contraint les entreprises Françaises à embaucher une main d'oeuvre maghrebine, moins bien formée et moins rentable que la main d'oeuvre européenne (espagnole et italienne en particulier), dans le même esprit de préférence coloniale mais aussi pour répondre au chomage croissant et endémique Algérien. Il y avait certes un besoin de main d'oeuvre notamment dans l'aprés guerre, mais le choix d'une main d'oeuvre maghrébine n'était pas rationnel. Et s'il ya une dette dans l'histoire, c'est celle des Algériens, de l'Algérie d'aujourdhui à l'égard de la France.

Écrit par : hoplite | 10/01/2007

Quand vous ecrivez "La gauche aujourhui a totalement oublié (ou feint d'avoir oublié) cette page de sa propre histoire.", elle a peut etre oublie, mais elel a garde les memes reflexes, la meme ambiguite entre ses theories et ses actions.
Quand la gauche parle de discrimination positive, d'affirmative action, ou toute autre tentative pour favoriser les minorites appartenant a des groupes ethniques autres que le groupe dominant ( gaulois en France, blanc chretien aux USA ), elle demontre un manque total de confiance dans les capacites des peuples colonises, ex-colonises aux anciens esclaves, qui frise franchement le racisme. Pourquoi donc un Africain ne se hisserait pas de lui meme sans aide a une position sociale a laquelle il aspire (a condition qu'on ne lui mette pas de batons dans les roues bien sur ) ? Pourquoi n'entends t'on jamais la gauche essayer de favoriser les enfants des boat-people asiatiques ? Les Asiatiques seraient ils mieux a meme de se debrouiller tous seuls ?
Dans sa politique culturelle, la gauche presente egalement les memes symptomes. C'est a une elite eclairee d'intellectuels ( donc de gauche forcement ) d'eclairer le peuple sur ce qu'il faut voir au theatre (Theatres subventionnes, veritables gouffres financiers), au cinema (vive l'exception culturelle francaise alors que le public prefere souvent les fameux 'navets' hollywoodiens) ou dans la rue ( les statues commandees officiellement par les elus, colonnes de Buren et autres, horreurs de betons ou de metal qui devisagent nos rues).
Oui la gauche a oublie que ce sont ses theories qui ont engendre la colonisation, mais elle n'a pas pour autant perdu ses reflexes condescendants.

Écrit par : bzh | 11/01/2007

La queue de comète de ces choix coloniaux fait l'objet d'un bref constat économique sur mon blog.

Écrit par : phiconvers | 18/01/2007

La colonisation etait une idee d un deverssement du patrimoine europeen

Écrit par : boubane | 30/06/2014

Les commentaires sont fermés.