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17/07/2008

Bourgeoisie, révolution et globalisation

« La bourgeoisie…partout ou elle a conquis le pouvoir, a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité naïve dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substituée aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. La bourgeoisie a dépouillée de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque là pour vénérables et qu’on considérait avec un sain respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré un voile de sentimentalité qui recouvrait les situations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent…

 

[…] La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les conditions de la production, c’est-à-dire tous les rapports sociaux ; Tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés, enfin, d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations ; Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l’industrie sa base nationale, Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore tous les jours.

Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production : elle les force à introduire chez elles ce qu’elle appelle civilisation, c’est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image. La bourgeoisie supprime de plus en plus l’émiettement des moyens de production, de la propriété et de la population. Elle a aggloméré la population, centralisé la production, et concentré la propriété dans un petit nombre de mains. La conséquence fatale de ces changements a été la centralisation politique. Des provinces indépendantes, tout justes fédérées entre elles, ayant des intérêts, des lois, des gouvernements, des tarifs douaniers différents, ont été réunies en une seule nation, avec un seul gouvernement, une seule loi, un seul intérêt national de classe, derrière un seul cordon douanier… »

 

Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848.

 

"La suite du livre vous plairait moins", me dit @cadichon en commentaire. Suis bien d’accord. Je me suis dit qu’une mise au point n’est peut-être pas inutile.

Non, hoplite n’est pas marxiste...

Je n’ai pas de sympathie particulière pour la lutte des classes, la dictature du prolétariat, celle-là même qui devait amener cette société sans classe ou le prolétaire, débarrassé de l’oppression des classes possédantes –du capital, recevrait une juste rémunération pour son travail…

Et l’expérience, la praxis, communiste ne m’inspire que de l’horreur, comme à tout être sain d’esprit. A cet égard la survivance d’une gauche radicale communiste qui ne dit plus son nom, notamment en France avec différentes mouvances trotskystes, ne laisse pas de m’étonner. Je repense toujours avec bonheur à la façon dont Castoriadis avait réglé son compte aux thuriféraires de la IV ème internationale : « la fraction en exil de la bureaucratie soviétique » Oh, oh, oh.

 Deux choses m’intéressent particulièrement dans ce court extrait :

-         d’abord son caractère visionnaire : Marx a anticipé le triomphe de l’économie de marché sous forme d’une globalisation planétaire, sorte d’internationalisme du capital. Peut-être l’internationalisme prolétaire de la lutte des classes répondait-il à sa pré science de la montée en puissance irrésistible de l’économie de marché ?

-         ensuite, la façon dont Marx a compris le caractère profondément révolutionnaire sinon d’une classe bourgeoise, tout au moins des valeurs bourgeoises. Marx a saisi combien bourgeoisie, modernité et capitalisme sont consubstantiels…Combien, depuis l’essor, dans le Moyen-Âge, de cette classe industrieuse de commerçants, de marchands, acquise à la rationalité, à l’économie, au culte de l’argent puis aux idéaux des Lumières, va mettre à bas le vieil ordre féodal pour prendre définitivement le pouvoir en s’affranchissant de toutes sortes de tutelles et contraintes et en imposant, partout, ses valeurs individualistes et sa conception anthropologique utilitariste.

 

Commentaires

La suite du livre vous plairait moins.

Écrit par : cadichon | 19/07/2008

Bien d'accord. Par contre Marx n'invente pas ni ne prône "la lutte des classes". Elle est un fait objectif.
D'autres avant lui, cô Ricardo, en faisaient mention.
Mais Marx dit que pour la première fois cette lutte de classe, convenablement dirigée, pourrait déboucher la domination des "prolétaires" et remplacer la prop. priv"e par prop. sociale.
Marx: la théorie des "modes de production" successifs, et la loi de la Plus value.

Écrit par : l'abbé tymon de quimonte | 19/07/2008

Je n'avais jamais lu autant de Marx à la fois. Mais comme c'est curieux : la première partie du texte semble une apologie du Moyen Age ! "C'était le bon temps !" Et si au lieu du marxisme on prônait le retour à la féodalité, si sainte, si édifiante ?

Lisez Roselli, antifasciste et socialiste révisionniste, assassiné en France par les sbires de Mussolini en 1937. Passionnant !

Écrit par : collignon | 30/08/2008

merci pour la référence littéraire, collignon.

pour autant, le premier paragraphe me parait plus être un constat: la bourgeoisie a détruit ce vieil ordre traditionnel communautaire, certes imparfait, mais plus respectueux des hommes et du monde, aujourd'hui livrés au culte de l'argent et de l'utilitarisme.

Écrit par : hoplite | 30/08/2008

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