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21/02/2008

Une journée en enfer

« …le commandant du régiment, vous vous rendez compte ? Moi qui avait déjà les grelots devant le chef de bataillon…J’y fait : « combattant Turine, de l’Armée Rouge, à vos ordres ! » Il me braque dessus des sourcils féroces : « Prénom et patronyme ? » Je les dis. « Date de naissance ?» Je la donne. A l’époque en 30, j’avais quoi ? Vingt deux ans ? Un môme ! « Etats de service ? » « Au service du peuple travailleur ! » Voilà qu’il se met à bouillir. Et vlan, deux coups de poing sur la table… "Au service, qu’il répète, du peuple travailleur ? Comme quoi canaille ? » J’en ai comme un bain de vapeur dans le dedans, mais je ramasse mon courage : « Comme pointeur mitrailleur de première classe,  combattant d’élite pour la préparation militaire et polit… »- « Salaud de première classe, oui ! on nous a envoyé un papier de Kamien, ton père est un koulak, tu te caches et ça fait un an que tu es recherché ! » Moi, pâle comme un défunt, je la boucle. Tout un an je n’avais point écrit de lettres à la maison, manière qu’on ne retrouve pas ma trace ; je ne savais plus rien d’eux, ni même s’ils étaient encore de ce monde, ni eux, de moi rien. « Tu n’as pas de conscience, tu as trompé le peuple ouvrier et paysan ! » il aboyait. Ca secouait les quatre barres qu’il portait au col. Je pensais qu’il allait cogner, mais il l’a pas fait. Il a signé un papier : dans les six heures, je serais flanqué à la porte. Dehors, c’était plein novembre. On m’a enlevé mes effets d’hiver, on m’en a donné d’été, marqués au magasin 3 ans d’usage, et une capote qui venait aux genoux. Couillon comme la lune, je ne savais pas que j’avais le droit de garder ma tenue et de les envoyer se brosser le troussequin…Avec ça, un certificat à la brute-« Chassé de l’Armée Rouge comme fils de koulak » : exactement ce qu’il me fallait pour trouver de l’embauche…, quatre jours de chemin jusque chez nous, pas de feuille de route, zéro comme vivres, pas un jour, la dernière soupe et puis oust !

L’histoire tragique, parmi d’autres, de Turine, « brigadier » d’Ivan Denissovitch au goulag, racontée par Soljenitsyne. Une journée d’Ivan Denissovitch, chef d’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne, écrit en deux mois en 1959,  fut publié en 1962 en URSS et dans le monde entier, avec l’aval des autorités Soviétiques -et de Kroutchev en personne- dans un climat de déstalinisation et d’ouverture relative, propice à la révélation des horreurs du monde carcéral Soviétique que le même Soljenitsyne devait relater plus tard de façon stupéfiante et définitive dans  L’archipel du goulag.

Le monde découvre alors Soljenitsyne. Il a quarante-cinq ans ; capitaine d’artillerie pendant la guerre, et décoré pour faits d’armes, il a été arrêté en Prusse Orientale en 1945 pour propos irrespectueux à l’égard de Staline ; condamné à huit ans de bagne, libéré mais astreint à la relégation en 1953, il a été réhabilité en 1957.

Avant Ivan Denissovitch, rien de tel n’existait en URSS sur les camps Soviétiques. Saturés de romans et de souvenirs sur les camps nazis, l’expérience concentrationnaire communiste restait une réalité abstraite. Ivan Denissovitch déchire d’un coup ces ténèbres : à travers le camp de la steppe Kazakhe ou Choukhov (surnom de Denissovitch) vit sa journée, c’est la vie de tous les camps de l’archipel qui devient, pour tous une réalité concrète.

Soljenitsyne, qui a vécu onze ans de captivité, raconte dix-sept heures de la vie d’un captif, paysan de la Russie centrale.

A l’inverse de l’Archipel du goulag, ou l’auteur relate son expérience concentrationnaire personnelle avec force détails atroces, Soljenitsyne élimine dans Ivan Denissovitch, tout ce qui pourrait distraire de l’essentiel : l’horreur du camp, c’est l’interminable quotidien.

La psychologie concentrationnaire, la dégradation des êtres, ou au contraire, la sauvegarde de la dignité humaine, tout est dit avec un minimum de mots.

Ce que n’a pas vu Kroutchev, lorsqu’il donne son imprimatur, c’est que le récit dramatique de cette société concentrationnaire en évoque irrésistiblement une autre : le bagne n’est pour Soljenitsyne que le reflet caricatural de la société Soviétique, et Choukhov, l’homme du peuple, l’incarnation d’une majorité silencieuse refusant la société qu’elle subit.

Incontournable.

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19/02/2008

acculturation

Je crois qu'il faut regarder les choses en face: l'acculturation, c'est-à-dire le changement d'identité culturelle ne peut se produire que lorsque la culture d'accueil est suffisament désirable ou puissante pour s'imposer. La plupart des nouveaux européens sont issus de la civilisation musulmane et s'ils adoptent certains traits de la modernité occidentale, ils restent profondément des musulmans. Je ne peux m'empecher de me mettre à leur place: l'occidental que je suis deviendrait-il un oriental si je devais vivre en terre d'islam? trés probablement non (je ne parle pas de religion ici, mais de façon de vivre, de culture). 
Je crois que de nombreux décideurs nationaux et européens, pétris de tiers-mondisme et de repentance, sous-estiment l'importance de l'enracinement culturel/ civilisationnel et continuent à considérer les hommes comme des variables d'ajustement démographique ou économique sans histoire ni attachement. Pour notre malheur. D'autres, décideurs, savent qu'un homme ne change pas ainsi d'identité (surtout lorsque celle-ci est l'islam) et envisagent donc plus ou moins paisiblement la perspective d'un séparatisme européen à grande échelle, sachant qu'imanquablement ces nouveaux européens resteront fidèles à leur culture première (leur statue intérieure comme disait François Jacob) et ferons donc sécession à un moment ou à un autre.
La diatribe récente d'Erdogan (totalement politiquement incorrecte au regard de la propagande irénique de l'assimilation sans douleur de Bruxelles) est intéressante dans ce contexte car elle montre sans fard l'attachement viscéral d'un homme à sa culture, et sa crainte de voir des Turcs devenir des européens, c'est-à-dire perdre leur identité Ottomane. Tout homme raisonnable devrait être d'accord avec la vision réaliste - la weltanschaung- d'Erdogan. 

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Or l'identité européenne, qui devrait être défendue avec la même ardeur, la même foi, par nos "élites", et qui devrait se projeter dans un corpus de valeurs non négociables par les nouveaux migrants désireux de s'établir en Europe, semble ne plus exister. La dimension culturelle, historique, civilisationnelle de notre identité est constamment niée ou dépréciée par ceux-là mêmes qui devraient la promouvoir; pour de multiples raisons. N'importe quelle culture primitive ou seconde à droit de cité, notamment en France, mais curieusement notre culture occidentale, européenne, est seule méprisable et indigne d'être portée et enseignée avec fierté.
On me rétorquera que cet état de fait est conjoncturel, que notre histoire récente, à nous européens, est trop dramatique (guerres civiles européennes, décolonistion, génocides divers) pour que nos petits clercs pétris d'ethno-masochisme puissent apprécier son génie propre sur la longue durée. Certes, nous sommes d'accord la dessus. On me dira encore que l'histoire récente des pays de l'est européen recouvrant leur culture aprés un demi-siècle de colonialisme soviétique montre assez à quel point une civilisation ne se perd point facilement. D'autres encore évoquerons l'héroïque reconquista chrétienne de la péninsule Ibérique aprés sept siècles de colonisation arabo-musulmane...et nous sommes d'accord la dessus: notre identité européenne n'est pas prés de se perdre, même si elle n'est pas reconnue, même si elle est méprisée, par nos dirigeants.
Pour revenir aux mots du leader turc Erdogan, et considérant que cette acculturation n'est pas possible au plus grand nombre, la question clef, dans nos pays démocratiques soumis à la loi de la majorité, devient l'importance des populations non européennes au sein de notre continent. S'il est difficile aujourdhui de considérer comme le faisait le Général De Gaulle que les Européens sont un peuple de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne, c'est en raison de la rapidité et de l'importance des transformations démographiques et culturelles à l'échelle continentale... 

Sept siècles, c'est un peu long.