03/05/2008
Diagnostic d’une modernité
Bon nombre de ces caractéristiques se retrouvent dans la doctrine chrétienne. Une doctrine sécularisée et privée de transcendance : l’individualisme, l’égalitarisme, le progressisme, l’universalisme, une conception holiste de l’histoire. Il est donc permis d’imaginer que les idéologies laïques post révolutionnaires étaient contenues en germe dans le christianisme.
Toutes les écoles politiques modernes se retrouvent sur l’idée d’une communauté universelle, somme d’individus rationnels appelés à réaliser leur unité dans l’histoire. Une vision globalisante et rationnelle d’ou toute singularité culturelle est exclue, perçue comme dépassée voire dangereuse : la diversité du monde devient un obstacle.
Le marché dont il semble bien, si l’on en croit la thèse de Rodney Starck (cf. post précédent), qu’il fut très tôt intégré dans la weltanschauung chrétienne (rôle crucial dans l’expansion économique, politique, philosophique et géographique de l’Occident), pourrait avoir été le moyen le plus efficace de la modernité pour arracher les individus à leur appartenance singulière et les soumettre à un mode universel d’association.
L’aliénation est le concept clef et le résultat de la modernité. L’homme moderne, coupé de la communauté qui le protégeait et donnait sens à sa vie ne trouve plus de sens dans les grandes idéologies séculières (les grands récits mobilisateurs comme dit A de Benoît) qu’étaient, le communisme, le socialisme, le libéralisme, le nationalisme, les fascismes. Un individu seul, sans recours idéologique au milieu d’individus, également incertains à tous points de vue, désormais simples variables d’ajustement (démographique, économique) dans un monde globalisé dépourvu de toute transcendance et de perspective mobilisatrice hormis le devoir de consommation.
Aliénation, anomie, nihilisme, violence et solitude caractérisent l’homme moderne soumis au règne de l’argent et de l’hédonisme et sommé de croire à un avenir radieux mais, curieusement, de plus en plus inquiétant.
Libéralisme est un mot, un concept, piège. Il n’est pas possible de rejeter en bloc cette doctrine politique, philosophique et économique fondamentale dans l’histoire moderne de l’occident au motif que le libéralisme incarne l’idéologie dominante de la modernité.
Les Lumières furent un mouvement de renouveau intellectuel, culturel construit sur des idées de liberté (de penser, d'agir, de croire), d'égalité, de rationalisme scientifique, d'individualisme, de scepticisme, de tolérance et porté par des hommes d'horizons très divers comme Voltaire, Diderot, Rousseau, Condorcet, David Hume, Spinoza ou Montesquieu.
Tous les secteurs de la société ont alors tendance à se débarrasser des anciennes tutelles. Pour autant elles ne forment pas une école de pensée unique; sur le plan politique, de fortes différences distinguent Montesquieu et son libéralisme démocratique, Voltaire et son despotisme éclairé ou Rousseau et son contrat démocratique. Les philosophes vantent la capacité de l'individu à se servir de sa raison. Au moment ou règne Louis XV, la pensée des philosophes aboutit à remettre en cause tous les principes religieux et politiques qui constituaient les fondements de la société: contre la croyance, le doute; contre l'autorité, le libre arbitre; contre la communauté, l'individu. Les Lumières imposent ainsi l'idée que la religion ne constitue qu'une opinion, dissociant ainsi société et foi.
Cette pensée des Lumières, à l’origine du libéralisme, pourrait également être à l’origine du mouvement socialiste -en réaction- car partageant des valeurs communes que sont : individualisme de fond, universalisme égalitaire, rationalisme, primat de l’économique, foi dans le progrès, aspiration à une fin de l’histoire. Avec des objectifs communs : éradication des identités collectives, et des cultures traditionnelles, désenchantement du monde, universalisation du système de production. En autonomisant l’économie vis-à-vis de la morale, de la politique et de la société, le libéralisme a fait de la valeur marchande l’alpha et l’oméga de notre monde, transformant des économies de marché en sociétés de marché.
Cette solitude de l’homme moderne, aliéné de toute collectivité naturelle se traduit logiquement par un renforcement sans fin du rôle d’un Etat Providence chargé de procéder aux redistributions nécessaire pour pallier la défaillance des solidarités traditionnelles. Aggravant l’assistanat et l’irresponsabilité de citoyens anonymes et assistés, repus de droits virtuels.
Lecture des philosophes.
10:40 | Lien permanent | Commentaires (8)
02/05/2008
No i won't back down
23:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : adriana lima, johnny cash, pff je sais...too late
01/05/2008
Thursday night
20:47 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : good fellas
28/04/2008
Christianisme
« C’est le christianisme qui a créé la civilisation occidentale. Si ceux qui suivaient Jésus étaient demeurés une obscure secte juive, la plupart d’entre vous n’auriez pas appris à lire et les autres liraient des rouleaux copiés à la main. Sans une théologie engagée en faveur de la raison, du progrès et de l’égalité morale, le monde entier en serait aujourd’hui là ou en étaient les sociétés non occidentales aux environs de 1800 ce serait un monde plein d’astrologues et d’alchimistes mais sans scientifiques. Un monde de despotes manquant d’universités, de banques, d’usines, de paires de lunettes, de cheminées et de pianos. Un monde ou la plupart des bébés n’atteindraient pas l’âge de 5 ans et où de nombreuses femmes mourraient en couches, un monde vivant véritablement à « un âge des ténèbres ».
Le monde moderne a pris son essor seulement dans les sociétés chrétiennes. Pas en terre d’Islam. Pas en Asie. Pas dans une société « sécularisée », il n’y en avait pas. Et toute la modernisation qui a depuis gagné l’extérieur de la chrétienté a été importée d’Occident, souvent amenée par les colonisateurs et les missionnaires. Malgré tout, de nombreux apôtres de la modernisation présument qu’étant donné l’exemple que donne l’Occident, des progrès similaires peuvent aujourd’hui être obtenus non seulement sans christianisme mais même sans liberté ni capitalisme, que la mondialisation va pleinement répandre les connaissances scientifiques, techniques et commerciales sans qu’il y ait le moindre besoin de recréer les conditions sociales ou culturelles qui leur ont donné le jour. (…)
Il parait douteux qu’une économie moderne efficace puisse être crée sans adopter le capitalisme, comme cela a été démontré par l’échec des économies dirigées de l’Union soviétique et de la Chine. Les soviets ont pu placer des fusées sur orbite mais ils ne pouvaient pas assurer de façon fiable l’approvisionnement en oignons de Moscou. Quant à la Chine, il a fallut que meurent des millions de gens pour prouver que l’agriculture collectiviste est improductive. Aujourd’hui que le capitalisme prospère dans nombre de nations récemment libérées de l’oppression communistes, il reste à voir si ces nations peuvent offrir la liberté sans laquelle un capitalisme efficace est impossible.
A dire vrai, faute à la fois de liberté et de capitalisme, les nations musulmanes restent à l’état de semi féodalité, incapables de produire la plupart des objets qu’elles utilisent dans la vie quotidienne. Leur niveau de vie exige des importations massives réglées avec l’argent du pétrole, exactement comme l’Espagne a joui des fruits de l’industrie d’autres pays tant que l’or et l’argent du Nouveau monde l’ont maintenue à flots. Sans droits de propriété assurés ni liberté individuelle substantielle, il ne peut pas pleinement émerger de sociétés modernes.
Mais si la modernisation a encore besoin du capitalisme et de la liberté, qu’en est-il du christianisme ? D’un côté, on peut solidement arguer que bien que le christianisme ait été nécessaire pour l’émergence de la science, la science est à présent si bien institutionnalisée qu’elle peut se passer du parrainage du christianisme. Il en va de même de la foi dans le progrès. (…) D’un autre côté, si le christianisme n’a désormais plus de rapports avec la modernisation, pourquoi continue-t-il de se répandre si rapidement ? Le fait est que le christianisme est bien plus rapidement en passe de mondialisation que la démocratie, le capitalisme ou la modernité. (…) L’Afrique est en train de devenir chrétienne si rapidement qu’il y a bien plus d’Anglicans au sud du Sahara qu’en Grande-Bretagne ou en Amérique du Nord.
Il existe de nombreuses raisons pour que les gens adoptent le christianisme, y compris sa capacité à nourrir une foi profondément émotionnelle et existentiellement satisfaisante. Mais un autre facteur significatif est le fait qu’il fasse appel à la raison et qu’il soit si indissolublement lié à l’essor de la civilisation occidentale. Pour beaucoup de non européens, devenir chrétien revient intrinsèquement à devenir moderne. Il est ainsi tout à fait plausible que le christianisme reste un élément essentiel dans la mondialisation de la modernité. » (1)
*
« L’une des choses qu’on nous demandait d’examiner était ce qui expliquait le succès, et à vrai dire la position dominante, de l’Occident dans le monde. Nous avons étudié tout ce que nous avons pu d’un point de vue historique, politique, économique et culturel. Au début nous pensions que c’était parce que vous aviez de meilleurs canons que nous. Puis nous avons pensé que c’était parce que vous aviez le meilleur système politique. Ensuite nous nous sommes focalisés sur votre système économique. Mais au cours des vingt dernières années, nous nous sommes rendu compte que le cœur de votre culture est votre religion : le christianisme. C’est pour cela que l’Occident est si puissant. Le fondement moral chrétien de la vie sociale et culturelle a été ce qui a rendu possibles l’émergence du capitalisme et ensuite la transition réussie vers une vie politique démocratique. Nous n’avons aucun doute la dessus. » (2)
*
Contrairement aux idées reçues, l’Europe a dominé le monde dés l’époque dite « obscure » du Moyen âge. Pour expliquer cette domination, nous avons pris l’habitude de souligner ses avantages géographiques et démographiques (cf l'opus de Jared Diamond, De l'inégalité des sociétés). Pourtant, l’explication première pourrait résider dans la foi des Européens en la raison, dans l’engagement manifeste de l’Eglise dans la voie d’une théologie rationnelle qui a rendu possible les progrès.
Rodney Starck avance une idée révolutionnaire lorsqu’il affirme que le christianisme est directement responsable des percées intellectuelles, politiques, scientifiques et économiques les plus significatives du dernier millénaire. Lorsqu’il montre que la théologie chrétienne en est la source même. Les autres grandes religions ont mis l’accent sur le mystère, l’obéissance et l’introspection ; Seul le christianisme s’est ouvert à la logique et à la pensée déductive comme moyens d’accès aux lumières, à la liberté et au progrès. Au Vième siècle déjà, Saint Augustin célébrait le progrès théologique et « l’invention exubérante ».
Sans doute quelques unes des valeurs qui nous sont les plus chères aujourd’hui en Occident -le progrés scientifique, la démocratie, la liberté des échanges et la circulation des hommes et des idées- doivent largement leur universalité au christianisme vu comme tradition dont nous sommes tous les héritiers.

(1) Rodney Starck, Le triomphe de la raison, p326, presses de la Renaissance 2007
(2) Aikman david, Jesus in Beijing, how Christianity is transforming China and changing the global balance of power, Washington 2003, cité par R. Starck/ op cité.
Le retour à la raison, Man Ray.
22:46 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : raison, progrés, égalité morale, christianisme, islam, capitalisme, propriété

