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11/06/2012

fracasser le patriarcat

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« Contrairement aux idées développées par une Wendy Brown (qui croit encore, en bonne disciple américaine de Foucault, que les valeurs « néoconservatrices » sont le complément spirituel logique d’une société capitaliste moderne), il apparaît en effet évident que l’accumulation du Capital (ou « croissance ») ne pourrait se poursuivre très longtemps si elle devait s’accommoder en permanence de l’austérité religieuse, du culte des valeurs familiales, de l’indifférence à la mode ou de l’idéal patriotique. Il suffit d’ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure pour constater, au contraire,  que la « croissance » ne peut trouver ses bases psycho-idéologiques réelles que dans une culture de la consommation généralisée, c’est-à-dire dans cet imaginaire « permissif », « fashion » et « rebelle » dont l’apologie permanente est devenue la principale raison d’être de la nouvelle gauche (et qui constitue parallèlement le principe même de l’industrie du divertissement, , de la publicité et du mensonge médiatique). Comme le souligne ainsi Thomas Franck (Pourquoi les pauvres votent à droite, Agone 2008), " c’est le monde des affaires qui, depuis les plateaux de télévision, et toujours sur le ton hystérique de l’insurrection culturelle, s’adresse à nous, choquant les gens simples, humiliant les croyants, corrompant les traditions et fracassant le patriarcat. C’est à cause de la nouvelle économie et de son culte pour la nouveauté et la créativité que nos banquiers se gargarisent d’être des « révolutionnaires » et que nos courtiers en bourse prétendent que la détention d’actions est une arme anti-conformiste qui nous fait entrer dans le millénaire rock’n’ roll."  C’est donc parce qu’ « une économie de droite » ne peut fonctionner durablement qu’avec une « culture de gauche », que les dictatures libérales ne sauraient jamais avoir qu’une fonction historique limitée et provisoire : celle, en somme, de remettre l’économie sur ses rails, en noyant éventuellement dans le sang (sur le modèle Indonésien ou Chilien) les différents obstacles politiques et syndicaux à l’accumulation du Capital. A terme, c’est cependant le régime représentatif (dont l’ingénieux système électoral fondé sur le principe de l’alternance unique, constitue l’un des verrous les plus efficaces contre la participation autonome des classes populaires au jeu politique) qui apparaît comme le cadre juridique et politique le plus approprié au développement intégral d’une société spectaculaire et marchande ; autrement dit d’une société en mouvement perpétuel dans laquelle, comme l’écrivait Marx, « tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée et tout ce qui était sacré est profané . »

Jean-claude Michéa, La double pensée.

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Illustration quotidienne et réjouissante de cette analyse dans la lecture du journal Libération, forme la plus accomplie de cette synthèse réussie entre économie de marché et libéralisme culturel. Torchon dont le principal actionnaire, le baron Edouard de Rothschild, ex-maoïste (dont la fortune personnelle est estimée à plus de 300 millions d'euros) a récemment fait son alyah, acquérant ainsi la double nationalité franco-israëlienne.

De quoi relativiser beaucoup de choses, me semble-t-il.

(photo: André Marie Paul Mouchard dit "Laurent Joffrin" relisant son édito, 2012)^^ un rien m'amuse

podcast

11/03/2009

Capitalisme mon amour

epidauros.jpgTotal supprime 500 emplois. Supprimer ne veut nullement dire licencier mais changement d'affectation, retraite, préretraite, etc.

Total il y a peu a annoncé un bénéfice record pour la dernière année d'exercice.

Réactions outragées des vigies citoyennes, en l'occurrence Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, mais aussi notre amie Ségolène R, pintade du Poitou label rouge, marie georges Buffet thuriféraire du totalitarisme rouge et révisionniste pro communiste curieusement encore en liberté, etc., sur le thème éternel du capitalisme amoral...

«Qu'un groupe comme Total (…) ne soit pas capable dans cette période d'avoir un comportement exemplaire en termes d'emploi me reste en travers de la gorge», a lancé le secrétaire d'Etat.

Bon.

1- Je vais me faire l'avocat du diable: de quoi se mêle l'Etat?

Total supprime-t-il des emplois? Non.

Total perd-il de l'argent et demande-t-il à être renfloué comme d'autres en ce moment? Non

Total est-elle une entreprise nationalisée devant rendre des comptes au secrétaire d'Etat machin? Non.

Un état en faillite chronique depuis plus de trente ans et qui fait porter sur chaque nouveau né une dette supérieure à 20000 euros peut-il se permettre de donner des leçons de management à une entreprise bénéficiaire qui paie à l'Etat Français des millions d'euros en impôts et charges sociales chaque année? Non.

2- Wauquiez est-il un con? Manifestement non. Comment expliquer cette posture et ces contre vérités?

-cet homme sait qu'il ne s'agit pas de licenciements or tout porte à croire dans son discours que c'est le cas. Mensonge.

-cet homme érudit et cultivé (normale sup, agrégation d’histoire, ENA, etc.) sait parfaitement ce qu'il en est du capitalisme globalisé contemporain, ce troisième âge du capitalisme comme dit Alain de Benoist.

Wauquiez sait parfaitement que les grandes firmes globalisées comme Total ont désormais une dimension planétaire. Que, de ce fait, leur activité est pour l'essentiel déterritorialisée et affranchie de toute contrainte étatique nationale en terme de législation sociale ou syndicale ou de droit du travail...Que ces firmes, lorsqu'elles rencontrent des contraintes excessives délocalisent rapidement ou recourent largement à une main d'oeuvre à bas coût (au noir, immigrée, ou d'un autre pays de l'UE, pratiquant le dumping social et fiscal au sein même de l'UE). Que cette forme de capitalisme planétaire n'a plus RIEN à voir avec le capitalisme entrepreneurial national des trente glorieuses qui avait passé compromis avec l'Etat providence –aujourd’hui en faillite- pour garantir des salaires et une situation professionnelle acceptable à des millions de personnes. Qu'il s'agit aujourd’hui, comme autrefois, d'un rapport de force, singulièrement défavorable au salarié du fait de la globalisation des échanges et des hommes et de la dérégulation généralisée du travail.

- Wauquiez devrait dire cela. Il devrait rappeler également qu'il est normal qu'une entreprise adapte son activité en fonction de la conjoncture, même si elle est bénéficiaire (et simplement pour le rester...). Que la gestion d'une entreprise de ce calibre n'a rien à voir avec des considérations morales, pas plus que la politique d'ailleurs.

Que la seule façon de protéger les salariés Français et Européens c'est de comprendre que le marché est incontournable mais que sa toute puissance, cette "démonie de l'économie" que dénonçait Evola, n'est pas une fatalité...Que le rôle du politique est précisément de contrer cette obsession économique (cette religion de la croissance à tous prix) en créant des contre pouvoirs, c'est à dire un protectionnisme européen social et fiscal et un contre pouvoir politique à l'échelon continental (les Etats nations étant obsolètes dans cet affrontement de logiques irréductibles). C'est-à-dire de faire en sorte que le rapport de force soit équilibré entre les stratégies financières globalisées et les exigences sociales locales des peuples qui ne sont pas encore nomades, contrairement à leurs élites frivoles et arrogantes.

-dernier point, comment ce jeune baron de l'UMP, libéral convaincu, peut-il fustiger le comportement non exemplaire d'une multinationale alors même que celle ci obéit aux lois du libre marché et de la libre concurrence constitutives du Traité de Constitution Européenne que Wauquiez a approuvé avec son parti?? N'y aurait-il pas là une certaine incohérence? Comment peut-on à la fois adouber le dumping social et fiscal organisé par l'union européenne elle-même et s'étonner de ses conséquences? Bossuet disait: "Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes..."

3- Redonner la main au politique, ça n'est nullement venir gémir dans les média et se vautrer dans le compassionnel comme le fit Wauquiez ce matin.

Julien Freund, pour désigner ceux qui veulent faire de la politique, ou prétendent en parler sans savoir ce qu'elle est, avait un terme de prédilection: l'impolitique. Une forme classique d'impolitique consistant à croire que les fins du politique peuvent être déterminés par des catégories qui lui sont étrangères, économiques, esthétiques, morales ou éthiques principalement. Impolitique est ainsi l'idée que la politique a pour objet de réaliser une quelconque fin dernière de l'humanité, comme le bonheur, la liberté en soi, l'égalité absolue ou la paix éternelle. Impolitique également l'idée très actuelle de réduire la politique à la gestion administrative ou à une gouvernance inspirée du management des grandes entreprises. Total par exemple.

Faire de la politique c'est en comprendre les présupposés: la relation du commandement et de l'obéissance, la relation du public et du privé, la relation de l'ami et de l'ennemi. C'est expliquer à des gens simples le fonctionnement du capitalisme, amoral par essence (le seul objectif de chefs d'entreprise -j'en suis un- etant de maximiser les profits en réduisant les coûts de fonctionnement).

C'est aussi prévoir le pire et anticiper pour l'éviter.

4-C'est comprendre que morale et politique sont deux choses différentes, bien difficile à comprendre en ces temps de bons sentiments omniprésents, de délires compassionnels et de rhétorique victimaire automatique.

Ce qui ne veut nullement dire que la politique est toujours amorale. Ce sont juste deux champs différents, qui ne se confondent pas. Relire Freund, Schmitt ou Aristote. Distinguer politique et morale –ce que ne font pas, ou plus, la quasi-totalité de nos élites politiques- c’est comprendre que la première répond à une nécessité de la vie sociale alors que la seconde est de l’ordre du for intérieur privé, c’est comprendre que l’homme moralement bon n’est pas forcément politiquement compétent et que la politique ne se fait pas avec de bonnes intentions morales, l’enfer étant pavé de ces bonnes intentions…

Laurent Wauquiez sait tout cela, certainement.

Or donc, soit on se donne les moyens de peser dans ce rapport de force, c'est-à-dire d'agir en politique, soit on abdique cette responsabilité essentielle et on se réfugie dans cette posture de chaisière moralisatrice qu'adoptent Wauquiez et ses pareils, trés conscients de leur impuissance.

 

14/07/2008

Global

J’ai compris ça l’autre soir, en regardant sans le regarder un nième débat entre un leader syndical et un ministre du gouvernement sur i-télé, je crois. On parlait 35 heures, flexibilité, flexi sécurité, heures supplémentaires, avantages acquis, etc, etc. L’irréel de la situation, le coté absurde et tragique à la fois : deux joueurs de cartes sur le pont du Titanic…

D’un coté, un leader syndical représentant 15 à 20 % des salariés syndiqués, soit environ 3 à 5% de l’ensemble des salariés de ce pays, et de l’autre le représentant du gouvernement d’un petit état nation européen, marqué par le déclin économique, démographique et culturel, et dont l’essentiel des lois depuis quelques années ne sont que l’application de directives européennes, elles-mêmes votées par des hommes, des commissions, à la légitimité incertaine.

vueMammouthOsny.jpgCela me rappelait les débats politiques de mon enfance, c’est-à-dire de cette époque dite moderne ou les mots politique et social avaient encore un sens avant qu’ils ne soient soumis à l’économie, avant que nous passions d’une économie de marché largement étatisée à une société de marché ouverte sur un monde globalisé. Ce monde post moderne dans lequel le chiffre d’affaire de Général Motors est supérieur au PNB de l’Indonésie. Un monde ou les stratégies du capitalisme planétaire n’ont que faire des exigences sociales d’états nations obsolètes perméables à tous les flux trans nationaux de valeurs, d’hommes et de capitaux. Obsolètes car incapables désormais de peser de façon significative sur des réseaux qui se moquent bien des frontières, des lois, des hommes politiques, des commissions, des états et des leaders syndicaux…

Quel sens avait cette discussion entre deux hommes qui ne maîtrisent rien ? Aucun.

De quelle influence politique ou sociale peut se prévaloir une organisation syndicale minuscule, à fortiori ultra minoritaire au sein d’un salariat français massivement non syndiqué, dans un monde ouvert comme le notre ? D’aucune.

De Quelle marge de manœuvre, de quel poids décisionnel peut se prévaloir ce membre d’un gouvernement libéral dont la famille politique a fait plus que quiconque pour accélérer la destruction d’un modèle de société et de valeurs qu’ils font semblant de protéger ? D’aucuns.

Deux hommes impuissants pensant ou affectant de penser que le politique avait encore un poids quelconque sur les conditions de travail ou l’organisation de notre société…Du cinéma, quoi.

Constat : ce monde post moderne globalisé, fruit de cette mondialisation économique et financière mais aussi culturelle est régi par des facteurs économiques au détriment de facteurs politiques qui ne pèsent plus rien. Chaque jour apparaît un peu plus évident la disparition des politiques nationales voire trans nationales (union européenne) devant les impératifs du marché planétaire qui se joue des exigences juridiques, sociales ou culturelles de l’ancien monde moderne ou existaient des politiques économiques, monétaires, sociales étatiques et inter étatiques. L’Europe elle-même n’est qu’un marché, certes conséquent, qu’une région du monde soumise aux impératifs d’un marché globalisé. Il s’agit en fait d’une véritable révolution dont la plupart des gens de ce bas monde ne réalisent pas la signification ni les conséquences, notamment pas ces deux apparatchiks archaïques, vestiges d'un monde disparu ou en passe de l'être, qui discutaient à i-télé...

Il ne faut pas voir dans ma prose inepte une critique de l’économie de marché ou de la démocratie libérale, qui me paraissent être deux systèmes économique et politique raisonnables. Je sais trop par ailleurs ce que doit la civilisation occidentale à cette modernité singulière issue de l’état de droit, de l’économie de marché et de l’existence d’une classe moyenne bourgeoise industrieuse depuis la fin du moyen-âge. Non, il faut y voir une critique radicale de cette transformation du monde qui semble s’inscrire dans la dynamique propre du capitalisme, la création d’un marché mondial.

Il s’agit bien sur d’un phénomène complexe à propos duquel beaucoup de choses érudites ont été dites…J’y vois, moi, certaines choses nouvelles et radicales :

-l’autonomisation de l’économique par rapport au politique. Jusqu’alors, la vie économique n’était qu’une partie de l’organisation des états nations, directement dépendantes des exigences politiques –c’est-à-dire du contrôle démocratique- mais aussi sociales ou culturelles. Cela n’est plus le cas aujourd’hui. Phénomène aggravant, la sphère financière, spéculative, s’est également autonomisée de la sphère économique proprement dite,

-avec pour conséquence directe que ce ne sont plus les états nations qui arbitrent et décident, mais bien les marchés financiers et les firmes internationales. Passant ainsi d’un monde organisé autour des états nations à une économie monde, structurée par des acteurs globaux qui échappent par nature à tout contrôle sociétal ou étatique. Ce qui signifie la déterritorialisation du système capitaliste, hors de ses limites nationales habituelles ou il pouvait être soumis aux orientations du politique ou à l’audit civil. C’est l’avènement du capital en réseaux, en flux, qui lui permet de s’émanciper de toute contrainte politico étatique. Ce qui autorise une pression à la baisse des salaires, le renforcement d’une immigration dans les pays du Nord, amenant une main d’œuvre non qualifiée mais peu coûteuse et peu exigeante en terme de salaires et de contraintes sociales.

-l’irruption dans le secteur marchand de secteurs entiers qui auparavant lui échappait en grande partie : le sport, la culture, le monde de l’art, les ressources naturelles, les services, la propriété intellectuelle, etc. Ce que certains -nos amis du monde diplo- désignent sous le vocable de marchandisation du monde.

-finalement la disparition de ce paradigme de l’état providence qui depuis l’après guerre était dominant en occident car il représentait un compromis historique entre le capital et le travail, entre les nécessités du capital et les exigences sociales.

-cette deconnection de l’économique et du social va de pair avec l’impuissance grandissante des états nations dont les marges de manœuvre, notamment en terme de protection sociale ou de droit du travail sont quasiment nulles devant un capital trans national prompt à délocaliser structures, hommes et capitaux ou à faire pression à la baisse sur les salaires par l’intégration d’une main d’oeuvre immigrée.

Ou comment cette impuissance des médiateurs étatiques ou sociaux réduit radicalement leur légitimité démocratique. A quoi bon voter, élire un gouvernement ou des représentants syndicaux, s’ils n’ont plus de poids dans ce bras de fer entre le corps social et ces nouveaux acteurs globaux ? C’est en ce sens que les états nations me paraissent obsolètes dans ce nouvel ordre mondial, car trop petits pour peser véritablement.

-cette nouvelle organisation du monde, aussi complexe et mouvante soit-elle a pour conséquence une uniformisation des modes de vie, des attitudes et des comportements, favorisant l’éradication de cultures traditionnelles et, en retour, l’exacerbation de revendications identitaires, légitimes, de la part de peuples qui se sentent menacés dans leur existence même.

Une sorte de nivellement par le bas de toutes les cultures, réduites à un dénominateur commun consumériste. Une homogénéisation des cultures par le marché, instituant le primat des valeurs marchandes et un modèle anthropologique utilitariste : l’homme se définit comme un individu soucieux de produire et consommer, à l’exception de toute autre ambition…une sorte de non culture universelle du marché.

Un universalisme de l’avoir ou les individus, atomisés, aliénés et anomiques, ne sont plus définis que par leur capacité à produire et à consommer.

Illustration ici

28/04/2008

Christianisme

« C’est le christianisme qui a créé la civilisation occidentale. Si ceux qui suivaient Jésus étaient demeurés une obscure secte juive, la plupart d’entre vous n’auriez pas appris à lire et les autres liraient des rouleaux copiés à la main. Sans une théologie engagée en faveur de la raison, du progrès et de l’égalité morale, le monde entier en serait aujourd’hui là ou en étaient les sociétés non occidentales aux environs de 1800 ce serait un monde plein d’astrologues et d’alchimistes mais sans scientifiques. Un monde de despotes manquant d’universités, de banques, d’usines, de paires de lunettes, de cheminées et de pianos. Un monde ou la plupart des bébés n’atteindraient pas l’âge de 5 ans et où de nombreuses femmes mourraient en couches, un monde vivant véritablement à « un âge des ténèbres ».

Le monde moderne a pris son essor seulement dans les sociétés chrétiennes. Pas en terre d’Islam. Pas en Asie. Pas dans une société « sécularisée », il n’y en avait pas. Et toute la modernisation qui a depuis gagné l’extérieur de la chrétienté a été importée d’Occident, souvent amenée par les colonisateurs et les missionnaires. Malgré tout, de nombreux apôtres de la modernisation présument qu’étant donné l’exemple que donne l’Occident, des progrès similaires peuvent aujourd’hui être obtenus non seulement sans christianisme mais même sans liberté ni capitalisme, que la mondialisation va pleinement répandre les connaissances scientifiques, techniques et commerciales sans qu’il y ait le moindre besoin de recréer les conditions sociales ou culturelles qui leur ont donné le jour. (…)

Il parait douteux qu’une économie moderne efficace puisse être crée sans adopter le capitalisme, comme cela a été démontré par l’échec des économies dirigées de l’Union soviétique et de la Chine. Les soviets ont pu placer des fusées sur orbite mais ils ne pouvaient pas assurer de façon fiable l’approvisionnement en oignons de Moscou. Quant à la Chine, il a fallut que meurent des millions de gens pour prouver que l’agriculture collectiviste est improductive.  Aujourd’hui que le capitalisme prospère dans nombre de nations récemment libérées de l’oppression communistes, il reste à voir si ces nations peuvent offrir la liberté sans laquelle un capitalisme efficace est impossible.

A dire vrai, faute à la fois de liberté et de capitalisme, les nations musulmanes restent à l’état de semi féodalité, incapables de produire la plupart des objets qu’elles utilisent dans la vie quotidienne. Leur niveau de vie exige des importations massives réglées avec l’argent du pétrole, exactement comme l’Espagne a joui des fruits de l’industrie d’autres pays tant que l’or et l’argent du Nouveau monde l’ont maintenue à flots. Sans droits de propriété assurés ni liberté individuelle substantielle, il ne peut pas pleinement émerger de sociétés modernes.

Mais si la modernisation a encore besoin du capitalisme et de la liberté, qu’en est-il du christianisme ? D’un côté, on peut solidement arguer que bien que le christianisme ait été nécessaire pour l’émergence de la science, la science est à présent si bien institutionnalisée qu’elle peut se passer du parrainage du christianisme. Il en va de même de la foi dans le progrès. (…) D’un autre côté, si le christianisme n’a désormais plus de rapports avec la modernisation, pourquoi continue-t-il de se répandre si rapidement ? Le fait est que le christianisme est bien plus rapidement en passe de mondialisation que la démocratie, le capitalisme ou la modernité. (…) L’Afrique est en train de devenir chrétienne si rapidement qu’il y a bien plus d’Anglicans au sud du Sahara qu’en Grande-Bretagne ou en Amérique du Nord.

Il existe de nombreuses raisons pour que les gens adoptent le christianisme, y compris sa capacité à nourrir une foi profondément émotionnelle et existentiellement satisfaisante. Mais un autre facteur significatif est le fait qu’il fasse appel à la raison et qu’il soit si indissolublement lié à l’essor de la civilisation occidentale. Pour beaucoup de non européens, devenir chrétien revient intrinsèquement à devenir moderne. Il est ainsi tout à fait plausible que le christianisme reste un élément essentiel dans la mondialisation de la modernité. » (1)

 
                                                          *

 « L’une des choses qu’on nous demandait d’examiner était ce qui expliquait le succès, et à vrai dire la position dominante, de l’Occident dans le monde. Nous avons étudié tout ce que nous avons pu d’un point de vue historique, politique, économique et culturel. Au début nous pensions que c’était parce que vous aviez de meilleurs canons que nous. Puis nous avons pensé que c’était parce que vous aviez le meilleur système politique. Ensuite nous nous sommes focalisés sur votre système économique. Mais au cours des vingt dernières années, nous nous sommes rendu compte que le cœur de votre culture est votre religion : le christianisme. C’est pour cela que l’Occident est si puissant. Le fondement moral chrétien de la vie sociale et culturelle a été ce qui a rendu possibles l’émergence du capitalisme et ensuite la transition réussie vers une vie politique démocratique. Nous n’avons aucun doute la dessus. » (2)

                                                            * 

Contrairement aux idées reçues, l’Europe a dominé le monde dés l’époque dite « obscure » du Moyen âge. Pour expliquer cette domination, nous avons pris l’habitude de souligner ses avantages géographiques et démographiques (cf l'opus de Jared Diamond, De l'inégalité des sociétés). Pourtant, l’explication première pourrait résider dans la foi des Européens en la raison, dans l’engagement manifeste de l’Eglise dans la voie d’une théologie rationnelle qui a rendu possible les progrès.

Rodney Starck avance une idée révolutionnaire lorsqu’il affirme que le christianisme est directement responsable des percées intellectuelles, politiques, scientifiques et économiques les plus significatives du dernier millénaire. Lorsqu’il montre que la théologie chrétienne en est la source même. Les autres grandes religions ont mis l’accent sur le mystère, l’obéissance et l’introspection ; Seul le christianisme s’est ouvert à la logique et à la pensée déductive comme moyens d’accès aux lumières, à la liberté et au progrès. Au Vième siècle déjà, Saint Augustin célébrait le progrès théologique et « l’invention exubérante ».

Sans doute quelques unes des valeurs qui nous sont les plus chères aujourd’hui en Occident -le progrés scientifique, la démocratie, la liberté des échanges et la circulation des hommes et des idées- doivent largement leur universalité au christianisme vu comme tradition dont nous sommes tous les héritiers.

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(1) Rodney Starck, Le triomphe de la raison, p326, presses de la Renaissance 2007

 (2) Aikman david, Jesus in Beijing, how Christianity is transforming China and changing the global balance of power, Washington 2003, cité par R. Starck/ op cité.

 

 

 

Le retour à la raison, Man Ray.