19/11/2011
principe de Noah
« La décomposition des solidarités locales traditionnelles ne menace pas seulement les bases anthropologiques de la résistance morale et culturelle au capitalisme. En sapant également les fondements relationnels de la confiance (tels qu’ils prennent habituellement leur source dans la triple obligation de donner, recevoir et rendre) la logique libérale contribue tout autant à détruire ses propres murs porteurs, c’est-à-dire l’échange marchand et le contrat juridique. Dés que l’on se place sur le plan du simple calcul (et l’égoïste –ou l’économiste- n’en connaît pas d’autre) rien ne m’oblige plus, en effet, à tenir ma parole ou à respecter mes engagements (par exemple sur la qualité de la marchandise promise ou sur le fait que je ne me doperai pas), si j’ai acquis la certitude que nul ne s’en apercevra. A partir d’un certain seuil de désarticulation historique de l’ « esprit du don » (matrice anthropologique de toute confiance réelle) c’est donc la défiance et le soupçon qui doivent logiquement prendre le relais.
Dans ce nouveau cadre psychologique et culturel, le cynisme tend alors à devenir la stratégie humaine la plus rationnelle ; et « pas vu, pas pris », la maxime la plus sûre du libéralisme triomphant (comme le sport en administre la preuve quotidienne à mesure qu’il se professionnalise et qu’il est médiatisé). Comme souvent, c’est le sympathique Yannick Noah qui a su formuler, avec sa rigueur philosophique habituelle, les nouveaux aspects de cette question morale. Son fils, Joakim, ayant récemment commis, selon les mots de Yannick lui-même, « une petite boulette » (alcool et drogue au volant d’un véhicule sans permis avec, en prime, excès de vitesse), notre héros national a aussitôt tenu à lui rappeler publiquement que l’essentiel, en l’occurrence, aurait été « de ne pas se faire pécho » ; ajoutant au passage, que « ça fait vingt ans que je fais le con et je suis encore populaire parce que les gens pensent que je suis un mec bien. Alors Joakim peut faire la même chose. » En hommage à cette belle leçon de pédagogie paternelle, je propose donc d’appeler principe de Noah la loi qui tend à gouverner une partie croissante des échanges économiques contemporains (on sait par exemple que la contrefaçon est effectivement devenue l’une des industries les plus florissantes du capitalisme moderne).
JC Michéa, La double pensée, 2008.
photo: abrutis congénitaux
22:33 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : michéa, noah, abruti congénital
Commentaires
Le "principe noah" avait commencé d'exister avec Picasso d'une certaine maniere, non?
quand il disait, "je me fous de la gueule du monde" avec son magnifique cubisme, ce qui a marqué le debut du processus des baignoires sales a 800 000 euros...
Sport, art, capitalisme: le liberalisme edifiant est en marche.
On se demande parfois s'il faut rester l'integre couillonné ou rentrer dans le jeu de l'epoque. Juste question de miroir peut-etre!
Écrit par : sonia | 19/11/2011
Ce que j'aime chez Michéa, c'est son art consommé de disséquer avec le scalpel d'une intelligence foudroyante les cadavres puants vivants, et notamment, ceux des "clowns à roulettes" qui nous gouvernent ou pas. C'est un chirurgien du top de chez top. Un peu comme Barthes ou Vialatte, Muray et, pour citer les plus anciens : Voltaire, Montaigne, Shakespeare, Marx, et Toussa. Blaise Pascal n'était pas mal dans le genre non plus, mais pour d'autres sujets.
Mais bon, les chutes répétitives en coups de pied dans les couilles du capitalisme, sont toujours décevantes.
C'est sans doute que je ne sais pas très bien ce que signifie cet objet si "quantique" qu'est le "capitalisme"
C'est sans doute aussi la seule quête (névrose) de Michéa (comme elle le fut pour Marx)
En fait, nous avons tous sinon un problème de maux, du moins un souci de mots.
Bien à vous.
Écrit par : Martin Lothar | 20/11/2011
Je rajoute que je ne connaissais pas ce glorieux journal "GQ" (j'ai un cul pourtant, si, si et souvent merdeux, je vous le dis) Je suppose qu'il est subventionné par notre ministère de la culture et derrière (tout frétillants, bandants) par les moutoncontribuables béats)
Je suis ravi de savoir que je bosse quelques secondes, voire plusieurs minutes par jour, pour que de tels torchons d'éponge à cul soient édités pour la gloire du monde et pour des cierges et des siècles, ah, mais. Je ne vous remercie pas Hoplite — je vais encore mal dormir...
Écrit par : Martin Lothar | 20/11/2011
La culture c'est ce qui reste quand on a tout publié !
Écrit par : Boutros | 20/11/2011
"photo: abrutis congénitaux"
et personnalités préférées des Français… il paraîtrait.
Écrit par : Carine | 20/11/2011
Parents cons de toutes les vertus
Écrit par : Boutros | 20/11/2011
@sonia,
"Le "principe noah" avait commencé d'exister avec Picasso d'une certaine maniere, non?"
certainement dans une certaine mesure (je ne sais pas s'il faut jeter tout Picasso avec l'eau du bain contemporain...dans le genre "pas vu pas pris", j'empoche tous ce que ces crétins de happy fews festifs me fileront, ça se recoupe.
"torchons d'éponge à cul "
pas mal, Martin..
"La culture c'est ce qui reste quand on a tout publié"
oui, quand la vague du tittytainment est passé..
""photo: abrutis congénitaux"
et personnalités préférées des Français… il paraîtrait."
j'en crois pas un mot, je pense que tout ça est bidonné. comme les stats du chomage, de l'immigration, de la sainte croissance, etc.
à des fins ré éducatives évidentes.
Écrit par : hoplite | 20/11/2011
Si Hoplite, si : J'ai participé à une fête récemment dont Noah était la vedette. eh bien je confirme, toutes les gonzesses adorent le voir se caresser le sexe à travers son froc et gesticuler. Je vous confirme, les nanas l'aiment bien ce type qui ne chante même pas correctement.
C'est le triomphe de la médiocrité et de la vulgarité.
Écrit par : berdol | 20/11/2011
Berdol
je ne me reconnais pas dans ces nanas-là.
Écrit par : Carine | 20/11/2011
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