11/02/2010
qui parle?
"Chaque fois, par conséquent qu'un individu accepte de monter sur les tréteaux du Spectacle pour venir y célébrer les innombrables bénéfices humains qu'une civilisation est en droit d'attendre de la dissolution de toutes les frontières et du libre-échange généralisé, il est toujours prudent de poser la double question Nietzschéenne : qui parle ? Et d'où ? On remarquerait sans doute que bien des discours intellectuellement admirables, quoique parfaitement rodés, sur l' « esprit d'ouverture », le « métissage culturel », « l'acceptation de l'autre » et la « nécessité de remettre perpétuellement en question notre manière de vivre », prennent soudain une résonance très particulière dés qu'on prend le soin de les relire à la lumière d'une déclaration de revenus ou d'une demande de remboursement de ses frais de déplacement." (JC Michéa, Impasse Adam Smith)
Une illustration parmi d'autres:
D'après l'édition du lundi 4 mai 2009 des Dernières Nouvelles d'Alsace, le président du conseil régional d'Alsace Adrien Zeller avait invité Lilian Thuram à venir témoigner face à des lycéens, pour la clôture du Mois de l'Autre. L'homme aux 142 sélections en équipe de France, membre du Haut-Conseil à l'intégration et connu pour ses engagements contre le racisme,a répondu avec un tarif : 20 000 € pour une intervention d'une heure et demie. La Région a fait une nouvelle tentative en expliquant le sens de la démarche qu'elle mène auprès des jeunes, avec le rectorat, en faveur de la tolérance. Rien n'y a fait. "On ne vit pas dans le même monde", a conclu Adrien Zeller.
Lors de sa dernière visite en Alsace, à "l'invitation" du Conseil de l'Europe, Thuram avait déclaré : "Parler du racisme, des discriminations, est toujours important pour faire avancer les choses." Les choses financières en l'occurrence... (source)
Un des principaux avantages d'être un autodidacte (manière polie de dire « inculte ») et de ne pas avoir la chance d'avoir fait ses civilités (son trivium puis son quadrivium..) c'est l'éclectisme de sa bibliothèque et, de fait, la possibilité de croiser de façon opportune mais improbable des auteurs et des œuvres qui ne seront jamais rassemblées dans le moindre églogue. Un autre avantage est de pouvoir désarçonner en quelques secondes le crétin militant à front de taureau rodé à la guerre de position et à la défense d'un seul camp. Rien de plus dérangeant qu'un esprit libre, me semble-t-il. Je pensais à ça tantôt en lisant La culture du narcissisme de Christopher Lasch : l'originalité dérangeante (au moins pour la gauche contemporaine libérale-libertaire de nos modernes zélotes) de l'œuvre de Lasch est d'avoir su, en bon élève de l'école de Francfort, aborder la critique de la domination de ces nouvelles élites américaines en étant vacciné par avance vis-à-vis de l'aliénation progressiste et en conservant constamment un point de vue ascendant, au milieu des classes populaires (ces classes honnies par la gauche moderne car foncièrement hostiles, de façon atavique, à l'hubris progressiste)
Croiser la réflexion de Lasch sur l'homme narcissique, « dernier avatar de l'individualisme bourgeois », les leçons de Finkielkraut sur « la défense de l'obscur », le scrupule mélancolique du conservateur à la lumière de Kolakowski et la vision d'un monde libre et décent car empreint de « common decency » Orwellienne est toujours réjouissant pour le pygmée que je suis. L'idée que le "vrai" socialisme est indissociable d'un certain idéal de conservation, à rebours de la radieuse croisade moderne des forces de progrés, est tout simplement inaudible pour nos modernes et -véritablement- révolutionnaire.
En passant.
« Il y a des gens comme les végétariens et les communistes, avec qui il est impossible de discuter. » (G Orwell, in Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique)
« Aujourd'hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout,il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d'une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateur dans un sens qu'aucun homme qui s'affiche conservateur n'accepterait. » (Günther Anders, 1977)
22:48 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lasch, finkielkraut, mihéa, thuram
Commentaires
tu "répapyie", vieux.
du verbe "répapyer"...
crois que c'est une sorte de patoiisme que je n'ai jamais entendu utiliser que par mon père. mais chuis pas sûr.
tu recycles, quoi.
tout à l'heure, j'étais aux chiottes et j'avais la haine de ma condition de merde, et je me rappelais les mots déjà lus ici comme quoi, les végétariens... les communistes...
à croire que "les autres" ne valent pas mieux.
Écrit par : jp | 12/02/2010
euhh, jp, c'est Orwell qui cause. et puis c'est pas du premier degré, biquet. c'était pour illustrer la filiation Orwell-Lasch-Michéa-Finkielkraut de défiance à l'égard de la religion du Progrés...et la nécéssaire séparation entre l'idéal progressiste et le socialisme originel...faudrait lire un peu mieux, gars!
Écrit par : hoplite | 12/02/2010
Les commentaires sont fermés.