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24/06/2010

Franzose!

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« - Franzose..., Franzose..., Franzose...

Bien sûr que j'arrive, Tovaritch ! Ils sont là, hirsutes, avec, encore, la trace récente de leurs épreuves et ils désignent une ferme dans le lointain. Qu'elle est grande, cette ferme ! En avant, en avant, elle se rapproche. La bande a des visages de bêtes fauves à la curée. Personne ne parle. Au diable la civilisation.

La police sera faite par nous.

On arrive dans la cour de la ferme. Tout est calme. Un cercle se forme, on entend des revolvers qui s'arment. Un grand rire mélancolique et triste prend naissance. Les dents semblent vouloir retenir la colère. Deux coups à la porte, trois coups à la porte, quatre coups à la porte. Un signe. Kostia incline sa mitraillette, une rafale dans la serrure, une poussée d'épaules, un grand bruit, la porte cède et s'effondre. Des corps culbutent et s'engouffrent pêle-mêle avec des jurons infernaux. La voie est libre et la marée délirante afflue. La bande hésite alors, puis dans un calme spectral monte les escaliers. On distingue l'ondulation des échines, c'est tout. Arrivés au premier étage, les portes sont fermées. A coups d'épaule, la bande les ouvre.

Dans une pièce se trouve la famille entière. Et parmi la bande, il y en a deux qui ont subi les mauvais traitements du patron : Michel et Fédor. Michel se souvient des lanières de cuir et de sa fille de trois ans, morte dans la baignoire remplie d'eau froide. Fédor n'oublie pas sa main brûlée à une tige de fer chauffée à blanc. Ce sont eux, eux seuls, qui vont procéder à l'exécution. La famille les regarde. Le père, la mère, la fille, la petite fille, l'oncle et la tante.

Fédor et Michel ajustent leurs couteaux.

Un geste pour le père : au coeur. Il s'écroule avec un vomissement rouge, et son ventre tressaille et le parquet absorbe la salive écarlate. Un geste pour la mère : au coeur aussi. Elle ouvre plus grand les yeux, les referme, puis s'abat, les bras cassés par l'agonie. La joue gauche se colle contre une commode. Le bas du rein se désarticule et s'affaisse progressivement.

Un geste pour la fille. Fédor la prend par les seins, le bout du téton disparaît dans ses doigts et Fédor serre, serre... La fille dodeline de la tête, son aisselle se cabre, mais Fédor s'abat sur elle et la possède sur une chaise. Leur étreinte se prolonge jusqu'au moment où la nuque de la fille se désagrège. Kostia arrive, repousse Fédor et prend livraison à son tour du corps qui ne réagit pas. Son rut fini, il referme tranquillement sa braguette d'un air satisfait. Un éclair. Fédor a réagi brutalement. Une tache rouge sur la tête de la femme, un jet de sang et la forme s'affaisse. Il faudrait Goya pour peindre cette scène. Contraste des couleurs et de la violence. Mon front me fait mal, je ne suis qu'un homme et ces visions commencent à me dépasser.

Un geste pour le fils, une croix est faite dans sa poitrine ; je ne sais pas où ces bougres prennent la force de couper les os avec une simple lame d'acier.

Un geste pour l'oncle. L'homme tend presque son visage. C'est en effet un trou ruisselant de cervelle caillée, qui le tue. Un geste pour la tante. Elle est déjà évanouie. Oh, ça ne fait rien. C'est avec une hache que Kostia la décapite. Il s'acharne sur le cadavre. Au bout d'une minute, il n'existe plus qu'une bouillie informe de viande et de cartilage.

Un geste pour la petite fille : ah non, pas celle-là. Je me précipite. Fédor grogne. D'un coup de poing en pleine figure je l'envoie rebondir contre une chaise et je m'enfuis avec la gosse. Dieu que les escaliers sont longs à descendre... Et la plaine, je cours dans la plaine. La petite pleure. Loin de la ferme, je la prends mieux dans mes bras. Elle est gentille, cette gosse remplie de tâches de rousseur et que je console. Arrêt contre une pierre. Elle colle sa lèvre à ma poitrine. Je caresse ses cheveux, ses jambes et ses petits pieds.

Je suis Français et cette enfant est Allemande.

Comme elle pleure éternellement, je tire de ma poche une barre de chocolat et la lui mets dans la bouche. Après des gestes de refus, elle commence à mordiller dedans. Quel âge peut-elle avoir ? Cinq ans, six ans peut-être. Entre mes doigts se dessine le mot « New-York » où a été fabriqué le chocolat.

En arrière de plusieurs semaines, des hommes venus de la même ville laissaient tomber dans la même région des bombes explosives. Aujourd'hui.... aujourd'hui. Ne pleure pas Gretchen, va ne pleure pas.

Je me lève et entre dans le village. Je frappe à une porte, un homme paraît qui me prend la petite fille sans un mot avec un regard bleu, bleu comme doit être le paysage du paradis germanique. Quand je lui offre une cigarette, il referme la porte.

Je me gratte le menton et contemple alternativement ma ceinture et mes mains. Et je me dirige de nouveau vers la ferme.

Je ne veux penser à rien, rien, rien et rien. »

Jours francs, Jean Bradley , 1948.

Commentaires

Vous faites bien de publier cela juste après le commentaire de ce crétin de John Doe car c'est exactement cela qu'il souhaite à sa propre famille et à lui même, sans même le savoir. La vengeance impitoyable, la haine brute déversée sur des innocents. Expurger sa haine sur des bouc émissaires.

Ces allemands sont en effet coupable si l'on écoute ce connard de John Doe, ces allemands sont coupables et doivent expier leurs péchés. Ce que ce débile de John Doe ne comprend pas c'est que lorsqu'il écrit "les blanc doivent payer", c'est de cela qu'il s'agit. "Payer" signifie massacrer.

Ces cons biens pensants mettent en place doucement, petit à petit, sans le savoir, les mécanismes de pensées qui permettent ce genre de déferlement de haine. Au nom de la morale ces cons construisent leur propre échafaud. Le leur ainsi que celui des leurs proches, et c'est en cela qu'ils sont infiniment méprisable.

Pire que méprisable, ils font pitié.

Écrit par : Jean-Pierre | 25/06/2010

J'ai toujours beaucoup de peine lorsque je lis ces passages de Jours Francs. J'en arrive à penser qu'après avoir été humiliées , certaines victimes sont devenues à leur tour monstrueuses, et que les tuer serait la meilleure solution.

Écrit par : Gapée | 25/06/2010

"Je ne veux penser à rien, rien, rien et rien."
Même pas au devenir de cette enfant de la guerre?

"La vengeance impitoyable, la haine brute déversée sur des innocents."
Violer et tuer des femmes, des vieillards et des enfants, c'est plus facile que de vaincre des armées. Ou de déloger un Ben Laden, transposé à notre époque.
Cette sauvagerie inhumaine est encore courante en Afrique. On connait les cas de guerres tribales, mais c'est au quotidien qu'on rencontre là-bas des enfants et adolescents ivres de tout ce qu'on veut et armés de machette. C'est la menace du "c'est ton tour, toi, sale blanc!"
Dans les rues de Narbonne aussi... Je ne l'ai pas encore digéré ça. La transplantation ne les a pas calmés.

Écrit par : Carine | 25/06/2010

@jean-pierre,
"Ces cons biens pensants mettent en place doucement, petit à petit, sans le savoir, les mécanismes de pensées qui permettent ce genre de déferlement de haine. Au nom de la morale ces cons construisent leur propre échafaud. Le leur ainsi que celui des leurs proches, et c'est en cela qu'ils sont infiniment méprisable."

oui, cela m'a effleuré aussi...

@gapée,

texte fascinant: la victime devient bourreau!

@carine,
"Cette sauvagerie inhumaine est encore courante en Afrique. On connait les cas de guerres tribales, mais c'est au quotidien qu'on rencontre là-bas des enfants et adolescents ivres de tout ce qu'on veut et armés de machette. C'est la menace du "c'est ton tour, toi, sale blanc!""

machettes, machettes...

Écrit par : hoplite | 27/06/2010

Les commentaires sont fermés.