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19/10/2010

le niveau monte

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Suis souvent surpris par le grand écart idéologique que font les plus fervents promoteurs des théories pédagogistes et novatrices au sein de l’Education Nationale –nos amis du désastre scolaire que Brighelli dans son blog épingle si bien, en patient entomologiste du monde scolaire qu’il est. Il y a quelques temps, j’avais écrit –gerbé plutôt- ce que m’inspirait cet éloge absurde du film Entre les murs de l’idéologue invertébré Bégaudeau.

Je dis grand écart idéologique car, sur le fond, il me semble que la plupart des bonnes consciences progressistes –de gauche comme de droite- ne voient pas la contradiction fondamentale qu’il y a à vomir quotidiennement le libéralisme économique d’un côté tout en adoubant, de l’autre, des théories éducatives et des principes anthropologiques qui ressortent directement de l’individualisme le plus libéral.

Je m’explique. Le contraste entre les moyens énormes mis au service de l’institution scolaire et les résultats dramatiques de la même institution montent assez bien à quel point –et contrairement à la rhétorique pavlovienne des syndicats d’enseignants sur le manque de postes et de moyens- il s’agit plus d’une crise civilisationnelle que d’une simple histoire de budget.

Au sens ou si l’école a changé, en mal, sous les coups des Lang, Meirieu, Langevin, Wallon et autres Bourdieu, adeptes de l’élitisme pour tous et de la massification de la culture, la société aussi.

La famille moyenne qui envoyait ses gamins les yeux fermés à l’école publique du quartier dans les années 50 ou 60 pour y acquérir, non pas une éducation qui était assurée par les parents, mais une instruction, n’est plus la famille d’aujourd’hui qui se décharge largement de son rôle éducatif sur l’institution qui, parallèlement, est de moins en moins à même d’assurer son devoir d’instruction.

Quels parents envoient aujourd’hui les yeux fermés leurs gamins à l’école du quartier ? Une minorité sans doute par aveuglement ou culte du métissage social…La majorité des parents n’ont plus confiance dans l’institution. Perte de légitimité et contestation du bien fondé de principes éducatifs impersonnels qui, jusqu’alors, paraissaient évidents à presque tous. Remise en cause du contenu et des méthodes. Pourquoi apprendre ? Quels savoirs ? Pour qui ? Les mêmes pour tous ? Ne faut il pas individualiser l’enseignement, mettre l’enfant au cœur du système ? L’aider à construire lui-même son savoir ? Respecter ses droits ? Rendre le savoir attractif ? Aller vers l’enfant ? Cesser de demander aux enfants de faire l’effort d’acquérir ce savoir ?

A bien considérer les choses, ce primat de l’individu –de l’élève- par rapport à la communauté, cette survalorisation de droits individuels ( apprendre à construire son savoir, à bénéficier d’un enseignement individualisé et attractif, récusation de l’autorité, etc.) au détriment des devoirs de l'enfant (respect de l’autorité, de la figure du professeur, du savoir, humilité et reconnaissance devant ce travail d’individuation et de civilisation nécessaire voulu et organisé par la communauté), cette auto régulation des comportements (qui rappelle l'auto-régulation des marchés, la célèbre main invisible d'Adam Smith), ne sont que les manifestations les plus évidentes de cet individualisme libéral qui est aujourd’hui le credo de nos sociétés occidentales. Pour le meilleur, comme pour le pire.

Au delà de cette contradiction –féconde pour ceux qui veulent bien s’y arrêter- entre la lecture d’Alternatives économiques et le devoir de vigilance citoyen à l’égard des droits de l’élève dans l’institution scolaire, tout cela me semble traduire une confusion générale sur la nature de l’école et sur les rapports entre l’individu –enfant- et la société en tant que communauté.

Christopher Lasch dans les années soixante dix, se posant la question de la compatibilité d’une éducation de masse et du maintien d’un enseignement de qualité, avait démystifié ce chaos moderne en montrant la convergence de vue entre conservateurs partisans d’un enseignement élitiste et jugeant préjudiciable au maintien d’une excellence scolaire l’ouverture de l’école au plus grand nombre et radicaux qui justifient l’abaissement du niveau d’enseignement au nom de l’émancipation culturelle des opprimés.

Pour autant, Lasch faisait le constat d’un abaissement du niveau éducatif dans les lieux mêmes d’excellence (Yale, Princeton, Harvard), assez réfractaires par nature, au dogmes égalitaristes. Et faisait l’hypothèse que cette évolution inquiétante était propre aux sociétés industrielles avancées, celle-ci n’ayant plus nécessairement besoin d’individus brillants autonomes et critiques, mais plutôt de sujets moyens, relativement abrutis, capables d’effectuer un travail moyennement qualifié et de se comporter en bons consommateurs…Connivence des acteurs économiques et politiques pour laisser filer l’enseignement de la littérature, de l’histoire, des sciences politiques et da philosophie, peu nécessaires à l’accomplissement consumériste et festif de l’homme moderne.

Avec pour résultat que l’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, avait fini par abrutir les privilégiés eux mêmes. On retrouve ce type d’analyse chez Renaud Camus lorsqu’il parle de la prolétarisation des classes moyennes et du corps professoral.

Ainsi, contrairement à l’esprit de l’institution qui était de former des citoyens éclairés capables de se diriger eux-mêmes, il semble que le système ne soit plus capable –hors quelques filières d’excellence soigneusement épargnées à dessein- que de produire des générations d’abrutis incultes et pour beaucoup analphabètes, tout juste aptes à obéir servilement aux campagnes promotionnelles, à opiner aux sommations d'une expertocratie auto proclamée et omni présente (en l’occurrence celles de ces étranges « sciences de l’éducation »), et à célébrer comme il se doit l’avènement de cette société du Spectacle de masse dont parlait Debord.

Pourquoi, en effet, dans la perspective utilitariste d’efficacité et de rendement ou de retour sur investissement de nos modernes élites, perdre du temps et de l’argent à enseigner l’histoire ou la littérature à des individus massivement destinés à des emplois peu qualifiés et peu exigeants intellectuellement ? Pourquoi former de bons citoyens éclairés et autonomes lorsque des abrutis grégaires et festifs feront tourner la machine aussi bien –sinon mieux- et ferons de bons consommateurs ?

Et à cette prolétarisation globale des sociétés industrielles, la bureaucratie éducative progressiste à front de taureau répond en produisant à jet continu de nouveaux programmes scolaires (ou cycles) revus à la baisse, peu exigeants, axés sur la socialisation des enfants, les activités transversales ou extra scolaires destinées, non plus à les instruire, mais à les occuper.

« En septembre 1995, 500 hommes politiques et dirigeants économiques de premier plan s’étaient réunis à San Francisco sous l’égide de la Fondation Gorbatchev pour confronter leurs vues sur le monde futur. La plupart tombèrent d’accord pour affirmer que les sociétés occidentales étaient en passe de devenir ingérables et qu’il fallait trouver un moyen de maintenir par des procédés nouveaux leur sujétion à la domination du Capital. La solution retenue fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski sous le nom de tittytainment. Par ce terme plaisant, il fallait entendre un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. » Alain de Benoist


podcast

Commentaires

Analyse remarquablement fine et pertinente.
Merci pour la qualité de votre blog.

Écrit par : dimezzano | 20/10/2010

"ne voient pas la contradiction fondamentale qu’il y a à vomir quotidiennement le libéralisme économique d’un côté tout en adoubant, de l’autre, des théories éducatives et des principes anthropologiques qui ressortent directement de l’individualisme le plus libéral."
C'est exactement ça. Nous sommes en pleine contradiction. De même, vouloir préserver les aides sociales, le système de retraite par répartition, le système de santé, bref, ce qui fait notre mode de fonctionnement depuis la WW2, tout en se faisant "France terre d'asile et d'accueil", comme je l'ai vu dans une manif vide de banderoles (sauf celle-là), c'est le paradoxe.
Comme l'a dit Zemmour à Benchetrit samedi dernier: "il faut choisir et assumer (payer)" A quoi l'autre a répondu "je m'en fous des aides sociales, de toute façon, moi, je me démerderai toujours". C'est qui la gauche?

Écrit par : Carine | 20/10/2010

@dimezzano, merci! je fais de mon mieux...

@carine, oui, c'est la contradiction habituelle de nos modernes de gauche comme de droite, que pointe Michéa. finalement, tous s'entendent pour pousser les feux du saint progrés et de ses merveilleuses avancées et ouvrir toutes les portes même si le train est en marche et que la porte donne sur la voie...

contradiction qu'illustrent également à merveille nos "centrales syndicales" non représentatives mais achetées par les puissants (UIMM) qui promeuvent dans le même mouvement contradictoire une immigration de masse (légale et illégale) et la défense de droits sociaux directement mis en cause par la faillite des régimes sociaux et cette armée de réserve du Capital colorée...

Écrit par : hoplite | 20/10/2010

C'est exactement ça. Nous sommes en pleine contradiction. De même, vouloir préserver les aides sociales, le système de retraite par répartition, le système de santé, bref, ce qui fait notre mode de fonctionnement depuis la WW2, tout en se faisant "France terre d'asile et d'accueil", comme je l'ai vu dans une manif vide de banderoles (sauf celle-là), c'est le paradoxe.

Très chère Carine il n'y a pas de paradoxe.
Disons que le second phénomène a conduit à l'écroulement du premier et que l'on est tenté d'y voir une stratégie.
C'est cette même stratégie qui a été menée pour conduire à la ruine ou la banqueroute les entreprises d'Etat afin de les revendre à prix d'amis au privé.
Sauf qu'ici nous parlons d'une nation toute entière vendue aux marchés et ses plus emblématiques réussites (retraites, sécu) livrées à la jungle.
Dès lors que l'on a brisé le peuple pour qui ces merveilles avaient été créées pourquoi se priver?

Écrit par : fredi maque | 21/10/2010

@fredi maque, entièrement d'accord, ce "paradoxe" n'est qu'apparent pour celui qui ne voit qu'une conjonction de faits, mais a un sens lorsque l'on imagine une volonté logique derrière, à l'oeuvre.

Écrit par : hoplite | 21/10/2010

petite citation de Meirieu lue début septembre dans le nouveloopservateur :
« L’éducation en France a toujours insisté sur le développement de la raison –donc la mise sous le boisseau de la subjectivité- en visant une sorte d’idéal unique de culture. Nous en gardons les traces. L’école continue d’imposer sa norme."

Meirieu ou Le toutsevautisme dans toute son horreur!
Tout se vaut, l’individu est ROI. Il arrive à l’école tel qu il est et tel qu il est il doit en ressortir.
Comme l’étranger arrivé en France doit rester absolument lui-même, et ne prendre de notre culture que ce qui lui plait (de préférence des trucs neutres : ipod, dvd,yaourts aux fruits, radiateurs…) l’élève ne doit pas changer mais développer sa subjectivité en classe c'est-à-dire sa capacité a continuer de penser ce qu’il pense et qu’au passage il a bien APPRIS quelque part non ?

Écrit par : dxdiag | 21/10/2010

A noter le ministère de l'Education Nationale avait remplacé le ministère de l'Instruction Publique au XX° siècle en France.

On en mesure aujourd'hui toutes les conséquences désastreuses et l'histoire s'accélère...

Écrit par : Aubin | 21/10/2010

Zut!"A noter que..."

Et Meirieu pontifiant au NouvelObs:Horreur.Noter qu'il a fini direcyeur d'iufm (en minuscules,j'insiste) avec tout les avantages que cela représente.

Écrit par : Aubin | 21/10/2010

Bel article !!! J'adore.

Écrit par : Mandrake | 16/08/2012

Les commentaires sont fermés.