09/02/2011
échauffourées
La Bastille, on en fait après l’événement le symbole du despotisme, l’abominable donjon où agonisaient des malheureux, coupables seulement d’avoir déplu au tyran ou à ses maîtresses. En vérité, l’ancien château de Charles V, avec ses huit tours grises couronnées de canons rouillés, n’est plus qu’une prison de luxe où le roi fait enfermer pour quelques semaines, bien nourris, bien logés, recevant des visites et parfois même pourvus de permissions de sortie, des fils de famille extravagants ou des libellistes sans mesure. Elle est commandée par un galant homme, Jourdan de Launay, qui dispose seulement de trente-deux Suisses et de quatre-vingt-deux invalides.
Le marquis de Launay, qui va être assassiné, sa tête fichée sur une fourche, n’est pourtant pas bien coupable ni belliqueux et va même jusqu’à faire retirer les canons des embrasures, manière de ne pas exciter inutilement la foule en colère... C’est beaucoup moins une victoire du peuple qu’une victoire de la canaille…mais peu importe finalement. Launay n’aura rien vu venir.
Rien à voir, en termes de culpabilité, avec un Greenspan, un Bernanke ou une Blythe Masters ! Eux aussi, pourtant, bien que prévenus par supermétis BHO, n’auront rien vu venir !
“My administration,” the president added, “is the only thing between you and the pitchforks.”
On ne saurait être plus clair…
(gravure: la tête de Launay hissée au bout d'une fourche - d'après le croquis au crayon de Girodet)
21:56 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : launay, révolution française, bernanke
krisis
« (…) Il importe donc, quand on parle de la « crise de la représentation », de bien saisir qu’au départ la représentation a surtout été un moyen d’empêcher le peuple de s’exprimer directement, et que la « crise » en question résulte apparemment de ce que le peuple commence à s’en apercevoir. C’est ce que constate Jacques Rancière quand il écrit : « La représentation n’a jamais été un système inventé pour pallier l’accroissement des populations. Elle n’est pas une forme d’adaptation de la démocratie aux temps modernes et aux vastes espaces. Elle est, de plein droit, une forme oligarchique, une représentation des minorités qui ont titre à s’occuper des affaires communes […] L’évidence qui assimile la démocratie à la forme du gouvernement représentatif, issu de l’élection, est toute récente dans l’histoire. La représentation est dans son origine l’exact opposé de la démocratie. Nul ne l’ignore au temps des révolutions américaine et française. Les Pères fondateurs et nombre de leurs émules français y voient justement le moyen pour l’élite d’exercer en fait, au nom du peuple, le pouvoir qu’elle est obligée de lui reconnaître, mais qu’il ne saurait exercer sans ruiner le principe même du gouvernement […] La “démocratie représentative” peut sembler aujourd’hui un pléonasme. Mais cela a d’abord été un oxymore ».
Parallèlement au ralliement d’une grande partie de la gauche à l’économie de marché, sinon au réformisme libéral, la montée d’une culture de gauche d’inspiration hédoniste-libertaire (dite « bo-bo ») est l’un des facteurs qui ont le plus contribué à couper les partis de gauche des couches populaires, lesquelles ont assisté avec stupéfaction à l’émergence, puis à l’installation médiatique d’une gauche mondaine et arrogante plus portée à défendre l’« homoparentalité », les sans-papiers, l’« art contemporain », les droits des minorités, le discours sur les « genres », le « politiquement correct », les phobies corporelles et la surveillance permanente du comportement d’autrui, qu’à renouveler le langage de la classe ouvrière en se plongeant si nécessaire les mains dans le cambouis28. Ayant laissé aux libéraux le champ libre dans l’ordre économique et social, la « gauche caviar », c’est-à-dire la grande bourgeoisie libérale de gauche, d’autant plus permissive en matière de moeurs qu’elle est indifférente en matière sociale, se tient à distance de milieux populaires dans lesquels elle ne se reconnaît plus. « La gauche caviar, géographiquement, vivait éloignée des classes pauvres, écrit Laurent Joffrin. Par un étrange processus, elle décida, de surcroît, de s’en couper politiquement. Et cela à travers une opération culturelle et idéologique d’une tragique frivolité : l’escamotage du peuple ».
Les « people » ont ainsi remplacé le peuple. Elue par la mondialisation, une Nouvelle Classe politique-médiatique s’est mise en place, qui associe dans un même élitisme de la richesse et du paraître dirigeants politiques, hommes d’affaires et représentant des médias, tous intimement liés les uns aux autres (hors caméra, ils se tutoient et s’appellent par leurs prénoms), tous convaincus de la « dangerosité » des aspirations populaires. Alexandre Zinoviev, pour désigner cette Nouvelle Classe, parlait de « supra société ». Confrontée à un peuple qu’elle redoute et qu’elle méprise à la fois, elle constitue une autorité oligarchique qui s’emploie avant tout à préserver ses privilèges et à réserver l’accès du pouvoir à ceux qui émanent de ses rangs.
Ce mépris du peuple s’alimente bien entendu de la critique d’un « populisme » assimilé désormais à n’importe quelle forme de démagogie ou d’« irrationalisme » de masse. Qui parle aujourd’hui du peuple s’expose par là même au reproche de « populisme ». Devenu une injure politique, le populisme est présenté comme une sorte de perpétuelle « maladie infantile » de la démocratie, dans une perspective à la fois péjorative et disqualifiante. Le recours au « populisme » fournit ainsi à la mise à l’écart du peuple une justification théorique, sinon savante.
Le ralliement au Front national d’une large partie de l’ancienne classe ouvrière a joué à cet égard un rôle décisif. Il a en effet permis à une large partie de la gauche de répudier le peuple au prétexte qu’il « pensait mal », tandis qu’un antiracisme convenu, mais affiché hautement, lui permettait de masquer ses propres dérives idéologiques. L’antilepénisme s’est ainsi substitué à l’anticapitalisme, précieux alibi qui justifiait qu’on relègue à l’arrière-plan la question sociale au moment même où celle-ci resurgissait avec une force perdue depuis l’époque des « Trente glorieuses ». (…) »
Alain de Benoist, Krisis, 2008.
Alain Soral dans ce soir ou jamais 17 janvier 2011
envoyé par ERTV. - L'info internationale vidéo.
18:58 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : alain de benoist