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20/02/2011

Camden toujours

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suite de cette intéressante discussion à propos de Camden...

Les libéraux, classiques ou pas, s’accordent tous sur la relégation de l’Etat au minimum (police, justice, armée, par exemple), protecteur de leurs droits naturels ou positifs supposés inaliénables et sur un marché auto-régulé censé créer un lien social, les vices privés étant à l’origine des vertus publiques. La distinction économique/politique rapportée au libéralisme me parait peu opérante. A l’origine se trouve une seule et même chose qui est une doctrine moderne individualiste d’émancipation, d’autonomie, en rupture avec toute hétéronomie (qu’elle soit religieuse, morale, philosophique, politique, etc) et avec la conception holiste qui prévalait partout dans les cultures traditionnelles. En ce sens, pour un vrai libéral, l’intérêt général n’a pas de sens car seuls comptent sa liberté, la protection de droits innés, indépendants de tout contexte social historique et de tout environnement communautaire.

Quand je parle d’anomie concernant le libéralisme, je fais référence au fait que les sociétés libérales ont, par principe, privatisé toute référence morale, philosophique ou religieuse au nom de la liberté de chaque individu d’e pourvoir suivre ses propres croyances dans les limites (fort théoriques) des mêmes libertés d’autrui. Hormis le Marché (ce « doux commerce ») censé apaiser les mœurs et faire société et le Droit que rien ne borne hormis les intérêts divergents de tous ces individus contractants que tout oppose et que rien ne réunit hormis la volonté de vivre à l’abri de la violence. Aristote il y a bien longtemps a écrit avec justesse combien le fait de partager des valeurs civilisationnelles communes était une des conditions nécessaires à la paix civile. Ce que ne sont ni le commerce ni un droit fluctuant au gré des lobbys et de majorités « démocratiques » (qu’un libéral ne reconnaît d’ailleurs pas, ses droits naturels étant –par nature- inaliénables).

Quand je dis que pour les libéraux classiques, l’homme n’est pas un être fondamentalement social c’est parce que la notion d’intérêt général n’a pas de sens dans cette anthropologie individualiste qui fait de l’individu censément libre et responsable son principe de base. La vieille discussion entre libéraux et communautariens…Le lien contractuel révocable à tout moment qui relie des individus « libres » mais dont les intérêts sont souvent parfaitement contradictoires me parait relever de la fiction, de l’utopie. Même si l’idée parait séduisante.

De cette même logique individualiste et contractuelle découle cet idéal d’individu nomade, ce citoyen du monde, bardé de droits inaliénables, parcourant le monde à la recherche de son meilleur intérêt, ne connaissant que des attachements (des communautés) ponctuels et consentis, révocables à loisirs, ayant congédié depuis longtemps toute appartenance « naturelle » culturelle, sociale, communautaire ou géographique. Sorte de monade hors-sol dont le mode de vie sans entraves se trouve promu par la quasi-totalité de l’hyperclasse occidentale, quelle que soit sa couleur politique…Pourquoi des frontières ? (ie les Attali et Minc d’aujourd’hui sont bien les héritiers –illégitimes ? mais les héritiers quand même- de Smith et Hume)

Cette tentation des libéraux d’absolutiser la figure de l’individu, de prendre la partie pour le tout, ce primat des droits de la personne suppose un cadre collectif qu’il ne fournit pas. Les partisans de la liberté individuelle tendent à ignorer l’existence de la communauté dont ils ont besoin, et que leur ignorance menace : « La liberté dissocie, divise, sépare, oppose. Elle délie et disperse les individus ; elle démultiplie les travaux et les rend étrangers les uns aux autres. Pis, elle désolidarise les classes et les jette les unes contre les autres. » (Marcel Gauchet, La crise du libéralisme)

Dire cela ne revient pas à nier la valeur des libertés individuelles mais à souligner qu’on ne saurait les défendre sans conserver à l’esprit les exigences propres de la vie collective.

Mais revenons à la ville de Camden, dont la situation chaotique me parait avoir bien plus à voir avec la logique de ce capitalisme industriel et prédateur –désormais planétaire- que ne renieraient pas les Pères Fondateurs de la Cité sur la colline et ceux du dogme de l’auto-régulation des marchés que de syndicats archaïsants ou d’un interventionnisme étatique US.

Il est comique de voir ceux qui n’ont cessé de gloser sur les mérites de la « main invisible » et les vertus du marché « autorégulé » (« c’est le marché qui doit s’occuper du marché », lit-on régulièrement dans le Financial Times) se précipiter vers les pouvoirs publics pour demander leur recapitalisation ou leur nationalisation de fait. C’est le vieux principe de l’hypocrisie libérale : privatisation des bénéfices et socialisation des pertes. On savait déjà que les Etats-Unis, grands défenseurs du libre-échange, ne se privent jamais de recourir au protectionnisme chaque fois que celui-ci sert leurs intérêts. On voit maintenant comment les adversaires du « big governement » se tournent vers l’Etat quand ils sont au bord de la faillite. La nationalisation de fait de Fannie Mae et Freddie Mac, les deux géants du prêt hypothécaire américains, représente à cet égard un fait sans précédent. On peut y voir un brutal retour du principe de réalité. Mais c’est aussi, pour l’idéologie libérale, un effondrement de l’un de ses principes de légitimation (la sphère publique ne doit jamais interférer avec les mécanismes du marché, sous peine d’en diminuer l’efficacité). Industrialisation et désindustrialisation, immigration sauvage et délocalisations sont les avatars de cette même logique individualiste et utilitariste de marchand maximisant ses bénéfices pour son seul meilleur intérêt et au détriment des autres.

On ne saurait réduire la geste libérale à l’hubris mercantile de nos Bill Gates et autre Tapie mais force est de constater que ces hommes sont quelque part les héritiers de cet idéal absolu d’émancipation de tout et de tous.

Non?

Commentaires

Sur les subprimes, l'Etat etait impliqué dans les "too big to fail", et c'est une des raisons pour lequels la speculation s'est debridée jusqu'au point de rupture.
(Le but etait facilité l'accession à la proprieté, mais en faussant la solvabilité.)

Les liberaux vous diront que c'est la preuve que l'ingerence politique de l'etat dans ces organismes financiers est à l'origine de la catastrophe.

L'economie est trop "mixte" pour eux dans ce domaine.

Le liberalisme ne serait pas en cause.

Écrit par : JÖ | 21/02/2011

oui...

"MATT TAIBI: POURQUOI WALL STREET N'EST PAS EN PRISON
du 21 au 24 février 2011 : Parce que tous les gens de la SEC finissent dans les banques au bout de 4 ans avec des salaires de millionnaires. C'est aussi simple que ça, le système Wall Street est corrompu jusqu'à l'or. "Everything's ****ed up, and nobody goes to jail," he said. "That's your whole story right there. Hell, you don't even have to write the rest of it. Just write that". I put down my notebook. "Just that?" "That's right," he said, signaling to the waitress for the check. "Everything's ****ed up, and nobody goes to jail. You can end the piece right there". Lire son grand article ici pour halluciner un peu. Revue de Presse par Pierre Jovanovic © www.jovanovic.com 2008-2011"

Écrit par : hoplite | 21/02/2011

Bonjour,

Intéressante controverse. Libéral convaincu, je fais cependant partie de ceux qui, comme l'a dit Marc Bloch, sont capables de vibrer à la fois pour le sacre de Reims et pour la fête de la Fédération. Pour autant, l'immixtion permanente, totale et abusive de l'état dans toutes les sphères de la vie, y compris privée, me révulse au plus haut point et suscite de ma part une demande de libéralisme proportionnelle à l'étatisme qui nous envahit.
"C’est le vieux principe de l’hypocrisie libérale : privatisation des bénéfices et socialisation des pertes." On pourrait dire exactement l'inverse de l'hypocrisie étatiste. Personnellement, je ne serai pas choqué si un gouvernement français cessait de subventionner et de vouloir sauver un canard boiteux style SNCF mais la logique politique n'a rien à voir avec la logique économique. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne crois pas qu'un libéralisme affirmé puisse prospérer sans un pouvoir politique fort. Cela suppose que ce dernier se dote des moyens législatifs, et matériels suffisants pour veiller au respect des règles de base qui régissent la vie de la communauté, toutes choses qui me semblent furieusement et curieusement absentes de notre société "moderne".
Didier Goux relaie un billet, ma foi assez bien troussé, de Robert Marchenoir sur ce sujet: http://didiergouxbis.blogspot.com/2011/02/robert-marchenoir-sinvite-diner.html. Comme il le dit très bien, et ce n'est qu'un exemple: "Le lobby du MEDEF", "les patrons du CAC 40" ne représentent pas le libéralisme. Ils ne s'en revendiquent d'ailleurs pas particulièrement. Le lobby du MEDEF représenterait plutôt le stato-capitalisme incestueux typique du colbertisme français, c'est à dire l'exact opposé du libéralisme."

Bonne journée

Écrit par : H. | 21/02/2011

Vous continuez à confondre "les libéraux" avec les banques, "les riches", "les puissances d'argent"...

Les libéraux sont opposés au sauvetage des banques et des grandes entreprises par l'Etat. Ils sont opposés au "quantitative easing", à la création de monnaie par l'Etat pour alimenter des "plans de relance" massifs...

Ce qui met tout vctre raisonnement par terre.

Si quelqu'un défend la socialisation des pertes et la privatisation des profits, ce ne sont certainement pas les libéraux. La position des libéraux sur la crise financière est : il faut laisser les banques faire faillite. Il faut laisser General Motors faire faillite. Cette position a été écrite et répétée des centaines de fois.

Ce sont les socialistes qui soutiennent la "relance par la consommation". Ce sont les nationaux-socialistes français de la "rubrique économique" de Fdesouche qui soutiennent que la Banque de France devrait imprimer des billets à tour de bras, pour prêter cette monnaie de singe à l'Etat sans intérêt, à charge pour ce dernier de la "réinjecter" dans les entreprises.

Ce ne sont pas les libéraux. Il y a un moment où il faut arrêter de travestir et d'inverser la position des gens pour les calomnier.

Vous reprochez leur protectionnisme aux Etats-Unis, mais c'est pour réclamer implicitement le protectionnisme français. Si la France est légitime à dresser des barrrières protectionnistes, alors, certainement, les Etats-Unis le sont également ? Ou bien votre position est-elle simplement un anti-américanisme ?

Mais si vous êtes anti-américain, alors pourquoi vous énerver ainsi ? Les Etats-Unis sont sur le chemin de la décadence : cela devrait vous réjouir, non ? Il vous suffirait de laisser faire et d'attendre... A ceci près que la déconfiture des Etats-Unis ne se fait pas au profit de la France...

Quant au prétendu désintérêt des libéraux pour les liens sociaux et communautaires, vous êtes un peu comme un poisson qui ne peut pas imaginer que d'autres créatures puissent vivre en respirant de l'air. Vous vivez dans l'eau, donc tout le monde vit dans l'eau.

Eh bien non, les libéraux respirent à l'air libre, et s'en portent très bien, merci.

Les libéraux ne parlent pas des traditions nationales, culturelles ou religieuses dans leurs théories précisément parce qu'ils les respectent ; parce qu'ils estiment qu'elles vont de soi, qu'elles représentent un état de fait, et qu'une théorie politico-économique n'a pas à bricoler la religion, la culture, le sentiment national, la tradition.

Quand le libéralisme est né, il allait de soi que les gens croyaient en Dieu, et que la religion était un ciment fondamental de la société. Il n'y avait pas besoin d'intellectuels stipendiés pour dire aux gens d'aller à l'église -- ou pas. Les théoriciens de la politique s'attachaient donc au reste, à ce qui était de leur ressort, à ce qui relevait de leur perspicacité.

En revanche, les stato-gauchistes contemporains, héritiers inconscients du contructivisme marxiste selon lequel rien ne peut exister dans la société à moins d'être Analysé par un Intellectuel-Fonctionnaire, Décidé par un Chef, Imposé par un Ministre, Administré par une Tutelle, observent ce vide apparent dans la théorie libérale, et en concluent :

Puisque les libéraux n'ont pas tartiné des milliers de pages pour expliquer comment rééduquer le peuple en vue de lui inculquer je ne sais quelle croyance, tradition, sentiment national ou communautaire, c'est, forcément, qu'ils sont opposés à toute croyance, toute culture, toute tradition séculaire, tout patriotisme qui motiveraient le peuple en sus de son intérêt simplement financier.

C'est un peu comme si une prostituée accusait les femmes honnêtes de dédaigner les plaisirs de l'amour, au motif qu'elles ne vendraient pas leurs charmes.

Une fois de plus, descendez de votre chaire de théoricien, et examinez l'histoire de la Suisse et des Etats-Unis, deux nations qui ne se sont pas contentées de bavarder sur le libéralisme, mais l'ont vécu et construit.

Comptez, dans les jardins et sur les façades des maisons, les drapeaux en Suisse et aux Etats-Unis, pays libéraux, et comptez les drapeaux en France, pays stato-gauchiste.

Examinez la place de la religion dans les convictions populaires et dans la vie politique, en Suisse et aux Etats-Unis, et examinez sa place en France.

Dites-moi maintenant quel est le peuple qui accorde le plus d'importance aux traditions, au patriotisme, à la religion, à tous ces impératifs collectifs et non politiques qui créent le lien social -- et qui n'ont rien à voir avec l'argent.

Et puis lisez le programme de l'UDC suisse, parti authentiquement libéral, premier parti d'un pays authentiquement libéral, qui promeut à la fois le libéralisme et le protectionnisme, l'ouverture sur le monde et l'opposition au mondialisme, l'immigration raisonnable et l'expulsion des criminels étrangers, la liberté des individus et la défense des traditions nationales.

http://www.udc.ch/g3.cms/s_page/79540/s_name/plateformeelectorale

Là, on est dans le concret. On n'est pas dans le libéralisme fantasmé. Et puis, léger détail : il se trouve que ça marche, en Suisse, le libéralisme. Il faudra bien en tenir compte au moment de parler théorie...

Écrit par : Robert Marchenoir | 21/02/2011

Je suis d'accord sur le fait que beaucoup de liberaux (Y compris des gens proche des idées de Friedman !) n'auraient pas voulu sauver les banques !

De meme la crise est critiquée comme fondamentalement keynesienne, très souvent.

Beaucoup de liberaux de l'ecole Autrichienne ou qui s'interessent a Hayek ne sauraient approuver les collusions banques et Etat.

Je ne peux pas considerer le liberalisme comme le mal absolu, c'est trop simpliste.

Écrit par : JÖ | 21/02/2011



"Je ne peux pas considérer le liberalisme comme le mal absolu, c'est trop simpliste."

ça n'est pas mon cas non plus. j'essaie de faire la part des choses et la controverse est un bon moyen d'y voir plus clair. même si je suis volontiers dans l'outrance..ma manière d'aborder le débat.

c'est d'ailleurs ce que je dis, en fin de post:

"On ne saurait réduire la geste libérale à l’hubris mercantile de nos Bill Gates et autre Tapie mais force est de constater que ces hommes sont quelque part les héritiers de cet idéal absolu d’émancipation de tout et de tous."

Je suis d'accord sur le fait que pour beaucoup d'anti-libéraux réflexes, il y a confusion entre le capitalisme globalisé (qui s'accomode trés bien d'intervention étatique et de protectionnisme) et la doctrine libérale classique.

@robert, je ne suis nullement énervé, ni anti-américain, ni anti-libéral réflexe... j'essaie de me faire une idée la plus juste en confrontant ma vision des choses avec la votre, par exemple. Nul a priori dans ma démarche. je ne demande qu'à être être réfuté de façon convaincante. J'ai assez expliqué (du haut de ma chaire..) ma vision du libéralisme, pourriez-vous synthétiser en quelques phrases ce que vous mettez sous cette bannière? il me semble que nous pourrions gagner du temps et éviter les contresens.

@H,

"Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne crois pas qu'un libéralisme affirmé puisse prospérer sans un pouvoir politique fort. Cela suppose que ce dernier se dote des moyens législatifs, et matériels suffisants pour veiller au respect des règles de base qui régissent la vie de la communauté, toutes choses qui me semblent furieusement et curieusement absentes de notre société "moderne"."

d'accord avec vous. ça ne me semble d'ailleurs pas paradoxal.

Écrit par : hoplite | 21/02/2011

"J'ai assez expliqué (du haut de ma chaire..) ma vision du libéralisme, pourriez-vous synthétiser en quelques phrases ce que vous mettez sous cette bannière?" (Hoplite)

Oui, c'est très simple, et on peut le dire en peu de mots.

Un libéral pense que la vie en société est la plus harmonieuse quand les individus sont libres et responsables de leurs choix et des modalités de leur interaction avec autrui, et ne délèguent à l'Etat que la mission de faire respecter le petit nombre de lois qu'ils se sont données d'un commun accord, afin de garantir la paix et la sécurité.

Un anti-libéral, lui, pense que la liberté individuelle conduit naturellement à la dysharmonie et au chaos, et que seul un Etat puissant et autoritaire peut établir les règles de vie qui sont indispensables en société, puis contraindre les hommes à les suivre.

Vous remarquerez que je n'ai pas employé, dans ces définitions, les mots économie, marché, concurrence, entreprise, emploi, argent, finance, capital, travailleur, patron, immigration, etc.

Ni, d'ailleurs, les mots démocratie, république, élections, suffrage universel, parlement, etc.

Le libéralisme est en amont de ces notions. Bien entendu, il a des conséquences dans tous ces domaines.

Cependant, je crois que l'essentiel des libéraux, depuis la naissance de cette doctrine jusqu'à nos jours, peuvent se retrouver dans la définition que je viens d'en donner.

Je m'empresse d'ajouter -- et là, c'est mon avis personnel, je ne suis pas sûr que ce thème ait été abondamment traité dans la littérature libérale -- qu'une société définie comme je viens de le faire n'est viable qu'à la condition préalable qu'elle présente une certaine homogénéité, un certain passé commun, et donc des traditions et des valeurs communes.

Autrement dit, elle est radicalement incompatible avec l'immigration de masse et le multiculturalisme.

En effet, une société à l'Etat modeste, aux lois minimales, où les individus se font confiance et respectent leur liberté respective, ne peut exister que si tout le monde est implicitement d'accord pour respecter un corpus de lois non écrites, les plus importantes : celles, précisément, dictées par la tradition, la culture, l'identité nationale.

Le drame de l'époque contemporaine est qu'il y a malentendu fondamental sur les Etats-Unis. Tout le monde (anti-Américains compris) est fasciné par l'éclatante réussite (passée) des Etats-Unis.

Mais l'analyse des motifs de cette réussite est faussée, car elle s'appuie sur un écrasement de l'échelle historique. Les Etats-Unis sont présumés être le pays du libéralisme (c'est vrai, mais ça l'est de moins en moins), et ils sont présumés être le pays de l'immigration (c'est vrai, mais c'est récent).

Par conséquent, les gens associent spontanément libéralisme et immigration. Ils s'imaginent que si les Etats-Unis ont réussi, c'est grâce à un libéralisme qui, lui-même, nécessiterait l'immigration.

Or, c'est faux.

La grande période libérale des Etats-Unis ne coïncide pas avec l'immigration de masse extra-européenne, qui n'a commencé qu'avec les lois laxistes de 1965. Au contraire, quand les principes libéraux qui ont fait le succès des Etats-Unis étaient en pleine vigueur, le pays avait certes recours, par périodes, à l'immigration, mais avec une sélectivité et un assimilationnisme impitoyables, qui sont à l'opposé du multiculturalisme aujourd'hui.

Les Américains eux-mêmes sont nombreux à se tromper sur ce point, puisque l'idéologie poltiquement correcte dont ils sont les inventeurs les a largement persuadés qu'ils doivent leur réussite à "l'anti-racisme", c'est à dire à l'importation massive de gens sans le moindre lien ethnique et culturel avec les fondateurs de la nation.

L'histoire des Etats-Unis prouve le contraire.

Écrit par : Robert Marchenoir | 21/02/2011

Il me semblait que le controle drastique de l'immigration avait commencé après 1945( ? )

Écrit par : JÖ | 21/02/2011

Quelques points de repère :

"The founders’ words refute the “nation of immigrants” myth"
http://www.amconmag.com/article/2004/feb/16/00011/

"1965 Immigration Law Changed Face of America"
http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=5391395

"Qui sommes-nous ?", par Samuel Huntington
http://tinyurl.com/5tgdq74

Ce dernier ouvrage, traduit en français, contient une analyse magistrale de l'histoire de l'immigration aux Etats-Unis (et de sa situation actuelle). Résumé de Huntington : "Nous ne sommes pas une nation d'immigrants, nous sommes une nation de colons".

Écrit par : Robert Marchenoir | 21/02/2011

L'astuce, c'est que les termes "libéral", "libéralisme" peuvent désigner tout et n'importe quoi... Les "libéraux" d'aujourd'hui c'est-à-dire ceux qui depuis trente ans ont organisé l'enfer dans lequel nous vivons, en appellent toujours au bon vieux libéralisme de papa ou de grand papa, qui n'a évidemment rien à voir avec le leur... Les dirigeants de ces temps là exploitaient rudement la société dans laquelle ils vivaient, mais ils avaient, quand même, conscience d'appartenir à cette société, et même d'avoir des devoirs envers elle. Ils n'auraient pas dit comme Thatcher "La société? Cela n'existe pas"... Les dirigeants d'aujourd'hui ne se sentent plus liés à nos sociétés : pour eux la seule loi c'est celle du profit, même pas celui de l'avenir, celui du trimestre. Or face aux entreprises mastodontes, on veut affaiblir des Etats coupables de tous les maux. C'est normal, les Etats, malgré leurs tares, sont la seule chose qui protège encore un peu (de moins en moins) la masse de l'hybris des puissants.

Quand je lis une phrase comme : "la vie en société est la plus harmonieuse quand les individus sont libres et responsables de leurs choix et des modalités de leur interaction avec autrui, et ne délèguent à l'Etat que la mission de faire respecter le petit nombre de lois qu'ils se sont données d'un commun accord, afin de garantir la paix et la sécurité", je me dis qu'il ne s'agit que d'une idéologie totalement déconnectée de la réalité, valable sans doute au pays de Oui-Oui ou dans celui des Bisounours... Parce que dans le monde réel...

Quant-à l'immigration... Il serait peut-être bon un jour de savoir pourquoi les Etats-Unis ont aboli les lois restrictives adoptées au lendemain de la 1ère Guerre mondiale, et qu'ils n'avaient que très peu et passagèrement assouplies au lendemain de la seconde. Dans ces mêmes années Soixante, comme par hasard on fait la même chose en Europe... Sans verser dans le complotisme, on peut quand même s'interroger...

Écrit par : Aramis | 22/02/2011

En revanche, penser que l'argent pousse sur un arbre planté dans la cour de l'Elysée, et que la tâche du président de la République consiste à grimper à l'arbre et à jeter les biftons au bon peuple par-dessus la grille, ça, c'est pas du tout déconnecté de la réalité...

Écrit par : Robert Marchenoir | 22/02/2011

Le problème du libéralisme est son caractère tautologique, irréfutable. Une théorie qui ne peut pas être testée, autrement dit infalsifiable, appartient au registre des pseudo-sciences, selon Karl Popper. C'est valable pour le marxisme, le darwinisme, la psychanalyse et le libéralisme.

Quand il est prouvé que le libéralisme est un échec dans les faits (exemple : la crise financière depuis 2008), le libéral répond que cet échec est imputable aux interventions de l'Etat dans l'économie. C'est un raisonnement circulaire, car l'Etat intervient toujours dans l'économie pour sauver les meubles en cas de crise. S'il ne le fait pas, la crise s'aggrave. Un marché auto-régulé, ça n'existe pas, sauf dans les fantasmes de libéraux ultras.

Le leitmotiv du libéral, c'est le raisonnement TINA (there is no alternative), ce qui est la marque de l'idéologie. En réalité, il y a toujours une alternative. L'homme est libre, il n'est pas soumis à une nécessité implacable. Il peut donc faire des choix en toutes choses, y compris de faire des erreurs naturellement.

Enfin, on confond libéralisme et propriété privée des moyens de productions. Au Moyen Age, la propriété était privée mais le libéralisme ne régnait pas en maître. L'alternative n'est donc pas entre libéralisme et communisme, comme tentent de le faire croire les libéraux. D'autres voies sont possibles : corporatisme, protectionnisme, etc.

Écrit par : Sébastien | 22/02/2011

Sébastien : c'est vous qui avez un raisonnement circulaire. Vous prétendez qu'il est prouvé que le libéralisme est un échec dans les faits, à cause de la crise financière. Mais vous n'avez rien prouvé du tout. J'ai expliqué un peu plus haut pourquoi il n'en était rien. Vous vous gardez bien de répondre avec des arguments.

Des milliers de pages ont été écrites pour réfuter votre affirmation péremptoire. Au lieu de les lire et de vous atteler à apporter une contre-argumentation crédible, vous prétendez : il est prouvé que... Ce n'est pas sérieux. Dites plutôt : les anti-libéraux affirment que... Ce sera plus honnête.

Par ailleurs, bien sûr qu'il y a des alternatives. Le stato-gauchisme français, qui génère la guerre de tous contre tous et la ruine du pays, en est une. Il est tout à fait possible de vivre dans un pays avec 20 % de chômage, des jeunes diplômés qui s'exilent en masse, l'impossibilité de trouver un logement, des bas salaires... c'est tout à fait possible. La preuve : 60 millions de personnes le font.

On peut aussi vivre dans un régime communiste : des paquets de Cubains et de Nord-Coréens le font.

On peut aussi vivre dans un régime islamo-socialiste : des millions d'Arabes le font.

Vous affirmez que la théorie libérale ne peut être testée. Bien sûr qu'elle ne peut pas être "testée", au sens où on peut tester si l'eau bout à cent degrés. Mais pas plus que la sociologie gauchiste du CNRS, ou que n'importe quelle science humaine.

En revanche, il est parfaitement possible d'examiner ce qui se passe quand un pays applique des mesures libérales. Il est parfaitement possible d'examiner ce qui se passe quand deux, trois, dix pays appliquent les mêmes mesures. Il est parfaitement possible de rechercher les facteurs qui sont à l'origine de la réussite des pays les plus pacifiques et les plus prospères. Il est parfaitement possible d'examiner ce qui se passe toutes choses égales par ailleurs, dans toute la mesure du possible (c'est à dire jamais complètement). Et d'en tirer des conclusions.

D'ailleurs, c'est bien ce que vous prétendez faire quand vous dites : il est prouvé que le libéralisme est un échec. Il faudrait savoir : on peut prouver que le libéralisme est une réussite ou un échec, ou bien c'est impossible ?

Apparemment, pour vous, il serait impossible (à vos adversaires) de prouver qu'il est une réussite, mais il serait possible (pour vous) de prouver qu'il est un échec.

Vous n'avez pas l'impression de vous moquer légèrement du monde ?

Vous finissez en disant : "D'autres voies sont possibles : corporatisme, protectionnisme, etc".

Mais vous vous gardez bien d'en dire plus. Vous vous gardez bien d'expliquer ce que seraient "le corporatisme" et "le protectionnisme", et de nous dire en quoi ils seraient pertinents dans le monde de 2011.

C'est toujours pareil avec les Degauche : "Un autre monde est possible", mais ils ne disent jamais lequel.

Enfin, si "le corporatisme" et "le protectionnisme" étaient des théories d'organisation de la société (ce que le second n'est certainement pas), ils auraient le même défaut que le libéralisme, à savoir qu'ils ne seraient pas "prouvables" selon vos critères.

Écrit par : Robert Marchenoir | 22/02/2011

Le libéralisme est un échec dans la mesure où il prétend être une science (ce qu'il n'est pas) et où il a le culot de vouloir faire le bonheur des gens, même contre leur gré. Dans le passé, seul le communisme pouvait rivaliser dans ce domaine. Or il a échoué lamentablement, comme on le sait, et désormais le libéralisme règne sans partage. Ce qui ne veut pas dire que cette idéologie est plus vraie que les autres. Elle a le monopole du discours, c'est tout ce qu'on peut dire.

Effectivement, si corporatisme, protectionnisme, etc prétendaient être des théories complètes de la société, elles tomberaient dans le défaut du libéralisme. Je pense qu'en matière économique, il faut se fier à l'expérience et à la bonne gestion, c'est-à-dire faire preuve de pragmatisme. Pour moi, la sphère politique doit prendre le dessus sur la sphère économique. L'alternative telle que je la conçois, ce n'est pas autre chose. Quand on met des théories en pratique, on court à l'échec. Logiquement, la théorie doit venir après l'expérience. On observe un phémonène naturel et ensuite on le théorise. Ce que je reproche au libéralisme moderne, c'est d'être antinaturel et éloigné du bon sens pratique.

Écrit par : Sébastien | 22/02/2011

Je regrette d'être un peu abrupt, Sébastien, mais vous ne connaissez rien au libéralisme. On a le droit de ne pas tout savoir, mais il est moins excusable de s'obstiner à présenter une vision fallacieuse de ce qu'est le libéralisme alors que je viens de rappeler, ici même, en quoi il consiste pour l'essentiel.

En particulier :

- Il est malhonnête d'affirmer que le libéralisme prétend être une science. Le libéralisme est une théorie de l'organisation politique et économique, une idéologie, une philosophie. Il s'inscrit par conséquent dans l'univers de ce que l'on appelle sciences humaines. En déduire que le libéralisme se revendique comme une science, sous-entendu une science dure, relève de la manipulation et du jeu de mots mal intentionné. Je vous défie de me citer un seul théoricien libéral affirmant que "le libéralisme est une science".

D'ailleurs, si le libéralisme était une science dure, les libéraux seraient capables de prouver sa validité par a + b, et les anti-libéraux pourraient tenter de démontrer le contraire de façon tout aussi mathématique. Or vous venez de dire vous-même que le libéralisme est improuvable. Il faudrait mettre un peu vos arguments en ordre.

- Il est malhonnête d'affirmer que le libéralisme veut faire le bonheur des gens contre leur gré. Le libéralisme s'inscrit en faux, précisément, contre toutes les idéologies qui veulent faire le bonheur des gens malgré eux, et en particulier contre tous les étatismes, de droite comme de gauche. Je vous défie de me citer un seul théoricien libéral expliquant que "le libéralisme veut faire le bonheur des gens malgré eux".

Une fois de plus, comme tant d'autres, vous employez le terme "libéralisme" comme synonyme de pouvoir, de gouvernements actuels, de grandes entreprises, de puissances d'argent.

Même selon cette acception du terme votre description du libéralisme est fausse.

Il est impossible de débattre avec quelqu'un qui prétend parler français mais discute en chinois (de cuisine).

Écrit par : Robert Marchenoir | 22/02/2011

C'est curieux de voir citer le corporatisme comme une alternative à l'"ultra-libéralisme" censé être notre mode actuel d'organisation économique, sociale et politique (extraordinaire contresens quand on y pense...). Parce que le seul mouvement politique moderne qui se soit revendiqué du corporatisme, c'est le fascisme. Intéressante référence.

Écrit par : Marcel Meyer | 22/02/2011

"Le corporatisme comme une alternative à l'"ultra-libéralisme"

ha, c'est evident ! Faut rien changer en France dans ce cas !

Écrit par : JÖ | 22/02/2011

"Un libéral pense que la vie en société est la plus harmonieuse quand les individus sont libres et responsables de leurs choix et des modalités de leur interaction avec autrui, et ne délèguent à l'Etat que la mission de faire respecter le petit nombre de lois qu'ils se sont données d'un commun accord, afin de garantir la paix et la sécurité.
Je m'empresse d'ajouter -- et là, c'est mon avis personnel, je ne suis pas sûr que ce thème ait été abondamment traité dans la littérature libérale -- qu'une société définie comme je viens de le faire n'est viable qu'à la condition préalable qu'elle présente une certaine homogénéité, un certain passé commun, et donc des traditions et des valeurs communes.

Autrement dit, elle est radicalement incompatible avec l'immigration de masse et le multiculturalisme. En effet, une société à l'Etat modeste, aux lois minimales, où les individus se font confiance et respectent leur liberté respective, ne peut exister que si tout le monde est implicitement d'accord pour respecter un corpus de lois non écrites, les plus importantes : celles, précisément, dictées par la tradition, la culture, l'identité nationale." (robert M)

Le libéralisme me semble être, avant tout, (et vous avez raison de dire qu'il se situe en amont de l'économie) une doctrine, LA doctrine moderne d'émancipation. la doctrine de légitimation de l'auto-institution du pouvoir, la doctrine du congédiement de toute hétéronomie (qu'elle soit religieuse, politique/étatique ou morale). Le libéralisme c'est le primat de l'individu sur tout le reste: l'individu (et ses droits naturels) est antérieur à ses fins. L'autonomie. Cette quête d'autonomie, totalement inédite dans l'histoire des sociétés humaines est spécifiquement occidentale+++ et si l'on en croit M Gauchet, c'est un phénomène irréversible qui ne peut que déstabiliser toutes les sociétés humaines.

En ce sens, il s'agit d'un phénomène majeur de notre histoire: nous sommes TOUS des libéraux.

Je vous suis aussi sur le fait que le libéral ne demande à l'Etat qu'une seule chose: faire en sorte que ses droits naturels soient respectés (d'où les fonctions régaliennes de police, justice, armée)

Là ou je diverge c'est sur le "passé commun", l'"homogénéité", les "traditions", le "corpus de lois non écrites" qui sous-tendraient une société libérale idéale.

Comme je viens de le dire, c'est précisément CONTRE ce genre d'hétéronomie culturelle/religieuse/morale/communautaire que s'est édifié le projet individualiste libéral! La créature libérale cohérente avec elle-même est autonome et parfaitement libre de ses choix: rien à voir donc avec des valeurs partagées, un passé commun ou un corpus de lois...Il y a là une contradiction majeure, à mon sens.

Cela ne signifie pas, bien entendu, que des libéraux n'aient jamais pu défendre des identités collectives. Mais cela signifie qu'ils n'ont pu le faire qu'en contradiction avec les principes dont ils se réclamaient.

Une société libérale EST multiculturelle par essence puisque chacun reste libre de ses opinions, croyances et agissements, dès lors qu'ils n'empiètent pas sur la liberté équivalente de son voisin...

qu'en pensez-vous?

Écrit par : hoplite | 22/02/2011

Eh bien je pense avoir démontré que c'est faux, comme l'indique mon lien sur les Pères fondateurs des Etats-Unis, qui se sont explicitement opposés à l'immigration, par principe et pour défendre leur homogénéité culturelle. Le voici à nouveau :

"The founders’ words refute the “nation of immigrants” myth"
http://www.amconmag.com/article/2004/feb/16/00011/

Et bien sûr, ce n'est pas en contradiction avec les principes du libéralisme. Une philosophie politique n'est pas une démonstration mathématique qui remplit la totalité de l'espace logique.

Chacun demeure libre de ses opinions dans une société libérale, dans les limites implicites des moeurs générales et des normes en vigueur dans la société en question.

Ce n'est pas parce que ça n'est pas écrit dans le bouquin que la règle n'existe pas. La règle va tellement de soi que personne n'éprouve le besoin de la rappeler.

L'inceste est le tabou majeur des sociétés occidentales, pourtant ce n'est marqué nulle part dans la loi (en tous cas en France). Il n'y en a pas besoin. Ca va de soi.

Dans une société libérale, vous n'êtes pas libre de vous promener à poil dans la rue, même si ce n'est pas marqué dans la loi, parce que ça ne se fait pas. Ca ne viendrait à l'idée de personne.

Dans la jungle amazonienne, au contraire, ça ne viendrait à l'idée de personne de ne pas se promener à poil. Le cadre implicite est différent.

Dans les sociétés occidentales, y compris celles qui sont évidemment libérales, il y a une règle (avec des variantes) qui prescrit de dire bonjour, au revoir, excusez-moi, merci.

Ce n'est marqué nulle part. Ce n'est pas dans la loi. Ce n'est pas dans la constitution.

Néanmoins, même (et surtout !...) aux Etats-Unis ou en Suisse, personne n'est "libre" d'avoir "l'opinion" qu'il n'a pas envie de dire bonjour, au revoir et merci. Tout individu qui se prévaudrait de cette "opinion" serait rapidement mis au ban de la société. En toute orthodoxie libérale.

Vous comprenez ce que je veux dire ? Ceux qui dénient l'existence de ces règles invisibles (et il y en a aussi, hélas, parmi les libéraux de blog) se laissent aller à un délire logique.

Ou alors, c'est une façon subtile de prendre les libéraux pour des cons.

Écrit par : Robert Marchenoir | 22/02/2011

et selon vous, d'où sortent ces "règles invisibles"?

quant à marcher nu dans la rue, ou autre transgression ordinaire de la "common decency", c'est devenu commun lors de certaines prides...

je persiste à voir une contradiction essentielle entre la doctrine individualiste libérale (droits naturels inaliénables de chacun antérieurs à la société) et je ne sais quelles règles communes non-écrites.

à vous lire.

Écrit par : hoplite | 22/02/2011

"et selon vous, d'où sortent ces "règles invisibles"?"

Des hommes vivant en société. Ce n'est pas gentil de m'obliger à enfoncer une porte ouverte.

"quant à marcher nu dans la rue, ou autre transgression ordinaire de la "common decency", c'est devenu commun lors de certaines prides..."

Réponse évidente : a) les règles implicites évoluent, b) c'est une transgression, vous le dites vous-même ; en dehors de la gay pride ce serait mal vu (et même dedans c'est assez mal vu par beaucoup...).

"je persiste à voir une contradiction essentielle entre la doctrine individualiste libérale (droits naturels inaliénables de chacun antérieurs à la société) et je ne sais quelles règles communes non-écrites."

Faux ! La doctrine libérale ne dit pas cela ! Selon les libéraux, les droits naturels sont naturels parce qu'ils ont été spontanément établis par les hommes vivant en société.

Selon les libéraux, les lois décidées ultérieurement ne sont légitimes et efficaces que si elles sont basés sur des principes (droit de propriété, liberté...) dits de droit naturel parce qu'ils ont déjà été, bien avant toute formalisation de la doctrine libérale, testés et adoptés par les hommes d'un commun accord, à la suite d'un processus évolutif d'essais et d'erreurs.

Ces droits, comme tout droit, représentent des libertés, mais aussi des contraintes. Si j'ai la liberté de jouir paisiblement du fruit de mon travail (ce qui s'appelle le droit de propriété), cela signifie aussi que je reconnais ce droit à autrui.

Ce n'est pas "Je décide ce que je veux et je te merde dans ta gueule".

Ecoutez, il faut arrêter de tourner autour du pot. Est-ce que vous croyez que la vie en société est possible sans un minimum de règles communes, consenties par tous ? J'ai cru comprendre que non. Moi non plus je ne le pense pas, et je suis libéral. Connaissez-vous beaucoup de gens qui pensent que la vie en société est possible sans un minimum de règles communes, quelles que soient leurs opinions politiques ? Moi non. Et vous, vous en connaissez ? Je suppose que non.

Bon, alors on parle de choses qui relèvent de l'évidence, là. Je veux bien réexpliquer dix fois que l'eau mouille afin de justifier mon libéralisme, mais enfin au bout d'un certain temps, c'est à vous de produire un penseur libéral important, représentatif du libéralisme "moyen", qui prétendrait qu'il peut exister une société avez zéro règles, implicites ou explicites, et donc ni moeurs, ni coutumes, ni lois.

Il y a des centaines de bouquins et d'articles qui font référence en matière de libéralisme ; si c'était cela, la doctrine libérale, ce devrait être assez facile à trouver.

Je ne comprends pas le procès que vous faites.

Une bonne synthèse de la pensée libérale :
http://www.dantou.fr/

Je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce qu'il y a dedans (Daniel Tourre distingue les libéraux des conservateurs, or je suis libéral-conservateur...), mais c'est une base de qualité. Et puis il y a ma photo...

Écrit par : Robert Marchenoir | 23/02/2011

Le concept de "loi naturelle" aurait un lien avec le droit coutumier anglo-saxon ou je m'egare ?

Écrit par : JÖ | 23/02/2011

JO : je le suppose, mais cela mériterait d'être vérifié.

Écrit par : Robert Marchenoir | 23/02/2011

Oui parce que ce droit est different du droit francais.

En fait il faut peut etre s'interesser à la France d'avant 1945 pour essayer d'y voir plus clair.

Mais je ne suis pas un expert.

Écrit par : JÖ | 23/02/2011

@robert, ce genre de question est loin d'être évidente, même pour un esprit de votre qualité...un peu plus de calme et un peu moins d'arrogance dans la discussion seraient bienvenus.

pour Hobbes, l'état naturel, c'est la peur. de la mort violente et la "loi naturelle" la guerre de tous contre tous... le remède, c'est le Léviathan, un état fort à même d'imposer à ses sujets des lois permettant la paix civile.

Pour Locke, autre pointure libérale, l'état de nature c'est la faim, les "lois naturelles", l'obéissance au Créateur et la protection de ses semblables...un début me direz-vous.

"Faux ! La doctrine libérale ne dit pas cela ! Selon les libéraux, les droits naturels sont naturels parce qu'ils ont été spontanément établis par les hommes vivant en société."

pas d'accord, les "droits naturels" des libéraux, ces droits de l'homme inaliénables (dont le premier rôle de l'Etat est d'en être le protecteur) sont antérieurs à toute vie en société et ne dépendent théoriquement en aucune façon de l'organisation
politique ou sociale, du contexte social-historique. Les gouvernements se doivent de garantir ces droits, mais ils ne sauraient les fonder.

"Ces droits, comme tout droit, représentent des libertés, mais aussi des contraintes. Si j'ai la liberté de jouir paisiblement du fruit de mon travail (ce qui s'appelle le droit de propriété), cela signifie aussi que je reconnais ce droit à autrui. Ce n'est pas "Je décide ce que je veux et je te merde dans ta gueule"."

c'est vite dit! car quelque peu irénique : presque tous les actes humains s'exercent d'une façon ou d'une autre aux dépens de la liberté d'autrui, et il est en outre quasiment impossible de déterminer le moment où la liberté d'un individu peut être considérée comme entravant celle des autres.

"Bon, alors on parle de choses qui relèvent de l'évidence, là. Je veux bien réexpliquer dix fois que l'eau mouille afin de justifier mon libéralisme, mais enfin au bout d'un certain temps, c'est à vous de produire un penseur libéral important, représentatif du libéralisme "moyen", qui prétendrait qu'il peut exister une société avez zéro règles, implicites ou explicites, et donc ni moeurs, ni coutumes, ni lois."

vous vous égarez. je n'ai jamais dit cela. ni lu ce genre de chose chez Locke, Constant ou Tocqueville.

La vraie question (au delà de l'apport philosophique décisif de la geste libérale pour nous autres modernes, en terme de limitation du pouvoir, d'émancipation de toute hétéronomie religieuse ou politique, le légitimation du principe d'autonomie) est de savoir ce qui fonde désormais dans nos démocraties "libérales" le lien social.
A cela je réponds le marché extensif (désenchassé du politique et des exigences sociales/ Polanyi) et des droits naturels et positifs également extensifs, brandis par tous, dans une logique contractuelle, et contre tous. sorte de retour au cauchemar de Hobbes.

On ne peut dès lors s'étonner que la montée de l'individualisme libéral se soit traduite, d'abord par une dislocation progressive des structures d'existence
organiques caractéristiques des sociétés holistes, ensuite par une désagrégation généralisée du lien social, et enfin par une situation de relative anomie sociale, où les individus se retrouvent à la fois de plus en plus étrangers les uns aux autres et potentiellement de plus en plus ennemis les uns des autres, puisque pris tous ensemble dans cette forme moderne de "lutte de tous contre tous" qu'est la concurrence généralisée. Telle est la société décrite par Tocqueville, dont chaque membre, "retiré à l'écart, est comme étranger à tous les autres".

vous allez me dire que ces "démocraties libérales" modernes n'ont de libéral que le nom. Et peut-être avez-vous raison. En ce cas, comment qualifieriez-vous ces sociétés?

Écrit par : hoplite | 23/02/2011

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