15/09/2012
radicalité?
(...) Dans l’espace politique laissé libre par le PS et le PC, une nouvelle radicalité « de gauche » cherche à s’installer, mais elle vaut rarement mieux que les réformistes auxquels elle prétend s’opposer. Au lieu de défendre le peuple, l’extrême gauche s’oriente en effet vers des luttes marginales, de l’aide aux clandestins et aux sans-papiers au mariage homosexuel, en passant par le néoféminisme égalitaire, l’extension du droit à l’avortement, la légalisation des drogues douces, la dénonciation du harcèlement sexuel, le soutien aux « révoltes des banlieues » (les « quartiers difficiles ») ou la défense de l’« art contemporain », toutes causes dont le peuple se contrefiche complètement et auxquelles il est parfois même tout à fait allergique. Ce faisant, elle se situe dans la filiation d’un Mai 68 dont on ne rappellera jamais assez qu’à côté d’un aspect véritablement contestataire (critique de la société du spectacle, rejet des valeurs marchandes, désir de servir le peuple, la plus grande grève ouvrière de l’histoire de France, etc.), il comprenait une composante purement infantile, hédoniste et permissive, et donc profondément libérale, qui est aussi celle qui l’a emporté. Ceux qui voulaient il y a quarante ans « jouir sans entraves » n’ont pas tardé à comprendre que c’est le capitalisme libéral et la société de marché qui leur permettraient le mieux de réaliser cet idéal. Ils disaient : « Sous les pavés, la plage », ils ont eu Paris-plage. Cette extrême gauche rejoint ainsi une gauche sociale-démocrate ou « bobo », désormais aussi libérale sur le plan des moeurs que sur le plan économique, et pour laquelle les « problèmes de société », les questions « sociétales » et « citoyennes », importent visiblement plus que les principes et les exigences politiques.
Le grand mérite de Jean-Claude Michéa est d’avoir montré la congruence entre les différentes formes de libéralisme, et l’incohérence de l’attitude consistant à s’affirmer libéral sur le plan des moeurs tout en ne l’étant pas sur le plan économique. Les deux finissent toujours par se rejoindre. Le libéralisme économique et le libéralisme politico-culturel, écrit Michéa, constituent « les deux versions parallèles et (ce qui est le plus important) complémentaires d’une même logique intellectuelle et historique », ce qui explique pourquoi la plupart des tenants, pseudo-libertaires, du libéralisme des moeurs ont « fini par voir dans l’économie de marché le complément naturel de leurs axiomes idéologiques initiaux »12. Les héritiers de Mai 68 ont voulu faire croire que la « libération des moeurs » était le principal acquis du mouvement, et encore aujourd’hui ils se refusent à comprendre que cette « libération », loin de s’inscrire en faux contre le monde bourgeois, était en réalité parfaitement conforme à l’esprit même du libéralisme, et correspondait très exactement à ce que l’on a pu décrire comme « le simple stade suprême de l’impérialisme de l’avoir et du faux, l’étape supérieur de la colonisation du sexe par la libre circulation fétichiste de l’échange et du vide ». Ils ont cru saper l’ordre en place en multipliant des « transgressions » de toutes sortes, sans voir que ces transgressions qui les fascinent ne faisaient que laisser le champ libre à la logique de la consommation, que les défis à l’« ordre moral » ouvraient la voie à la pensée unique et qu’elles ne permettaient de s’émanciper de la tradition que pour mieux se soumettre aux diktats publicitaires et aux modes. Rien d’étonnant à ce qu’ils défendent aujourd’hui la cause de ces « jeunes de banlieues » dont le seul regret – et le vrai motif de colère, lorsqu’ils deviennent « casseurs » et brûleurs des voitures de leurs voisins – est de ne pas pouvoir profiter aussi vite et aussi massivement qu’ils le voudraient des objets de la production marchande.
A la recherche d’un substitut de prolétariat, l’extrême gauche s’est fixé pour but de trouver un sujet historique qui ne soit surtout pas le peuple. Difficile ici de ne pas évoquer le problème de l’immigration. Comme hier le chômage conjoncturel, l’immigration représente en effet d’abord une armée industrielle de réserve du capital, exerçant une pression à la baisse sur les salaires et accroissant d’autant le taux de profit, la prédication « antiraciste » interdisant, parallèlement, que l’on critique les substitutions de population auxquelles procède le capital pour éteindre les traditions révolutionnaires des peuples européens, en exilant le prolétariat indigène de sa propre histoire. Il ne fait aucun doute que l’« antiracisme » contemporain, formulé à partir des années 1980 par des organisations comme SOS-Racisme, a été formulé avant tout pour remplacer l’anticapitalisme et dissimuler l’abandon par la gauche de ses anciens idéaux. Le danger, désormais, c’était « Le Pen », et non plus le capital. Mieux encore, en « combattant Le Pen », on faisait le jeu d’un capitalisme trop content de trouver dans l’immigration un nouveau gisement de main-d’oeuvre à bon marché, malléable, corvéable à merci et ignorant tout des traditions révolutionnaires du prolétariat français. Tout cela n’avait évidemment rien à voir avec la nécessaire lutte contre le racisme. Ceux qui, aujourd’hui, se consacrent à la défense inconditionnelle des clandestins et du « sans-papiérisme » continuent en réalité à « offrir à la classe capitaliste l’armée de réserve soumise à bon marché dont celle-ci a besoin à mesure qu’elle entend se débarrasser des vieilles contestations ouvrières européennes »13. Les Besancenot et autres gauchistes, adeptes du néopopulisme incantatoire, qui ne parlent au nom du peuple que pour mieux le faire taire, ne constituent aujourd’hui rien d’autre que l’aile gauche de l’appareil politique du capital.(...)"
15:51 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : gauche, michea, alain de benoist, paris-plage
Commentaires
Il y a juste une chose qui m'étonne dans tout cela, c'est de considérer que l'immigrant est une maindoeuvre bon marché? il y a un code du travail en France et je n'ai jamais vu qu'on payait plus un fds qu'un cpf??? si on parle des clandestins, c'est un peu différent mais bien trop risqué pour que ce soit le fond de commerce du capitalisme...
je ne suis pas d'accord avec cette vision de la maindoeuvre bon marché. D'ailleurs pour tout vous dire, on paye mieux un manoeuvre sur un chantier qui n'apporte que ses 2 mains et aucune expérience, qu'un bac +5 qui a fait une école coutant les yeux de la tête du paternel (du vécu).
Écrit par : sonia | 16/09/2012
Sonia, d'après mon expérience, il semble qu'une grande partie des chantiers de bop fonctionne avec de la main d'œuvre non déclarée. Donc corvéable à merci et qui concurrence directement les locaux. Quelle est la légitimité d'une immigration de travail dans un pays ou un continent ou existe un chômage structurel massif? À votre avis?
Aucune sinon induire une déflation salariale, CQFD. De ce point de vue, il est intéressant de constater que les mots d'ordre de la gauche radicale et du medef soient les mêmes...quelles conclusions en tirer selon vous?
Il y a quelques années, les cuisiniers de la tour d'argent à Paris avaient fait grève devant le restaurant prestigieux pour demander à être régularises, oui régularises! Quand cette logique du capital globalisé est prise en défaut sur une activité qui ne peut l'être, la solution est de faire venir en masse des hommes sans protection, sans syndicat ion, sans attachés communautaires qui sont les mieux exploitables et qui dégagent les plus grosses marges bénéficiaires...pas très compliqué à saisir. Sans être marxiste pour autant..
Écrit par : hoplite | 16/09/2012
Meme Estrosi a du regulariser son cuisinier.
La restauration et le travail au noir, c'est tellement courant, et croyez bien que c'est une pratique internationale...
Écrit par : JÖ | 16/09/2012
Sonia,
l'intérêt de l'immigration de masse est de faire pression sur les travailleurs:
1) en faisant diminuer les salaires en raison d'une main d'oeuvre pléthorique disponible,
2) avec la peur du chômage et d'une possible relégation dans les riantes banlieues du vivre-ensemble.
Concernant le code du travail français, je ne pense pas qu'il y ait de différence entre un Européen et un cpf. En revanche, dans d'autres pays, je pense aux US où j'ai bossé un an pour maximiser mes chances de recrutement ensuite en France, car des connards ont décidé que c'était une expérience incontournable, les étrangers ont parfois des statuts un peu spéciaux. Dans mon cas, mon visa de travail me donnait droit de rester aux US un mois après la fin de mon contrat si celui-ci arrivait à son terme, et une journée si j'étais viré.
Écrit par : Sven | 16/09/2012
et une journée si j'étais viré.
^^ faut pouvoir décarrer rapidement...
Écrit par : hoplite | 16/09/2012
Pour resider aux USA et y travailler legalement, il faut un avocat...Les lois sont trop complexes a gerer sinon.
Le Canada est devenu très difficile aussi...
Et ne croyez pas que resider en Europe pour un americain soit si facile...Visa de travail etc, c'est compliqué aussi.
Écrit par : JÖ | 16/09/2012
Ce texte est limpide.
"Ceux qui, aujourd’hui, se consacrent à la défense inconditionnelle des clandestins et du « sans-papiérisme » continuent en réalité à « offrir à la classe capitaliste l’armée de réserve soumise à bon marché dont celle-ci a besoin à mesure qu’elle entend se débarrasser des vieilles contestations ouvrières européennes »
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de militants de cette mouvance qui se dit d'extrême gauche l'ont quittée en quittant leurs oeillères.
Écrit par : Carine | 17/09/2012
Carine, on appréciera dans la même logique, de voir que l'ex CGT demande aujourd'hui le ré-examen du dossier gaz de schiste...halliburton ne ferait pas mieux en termes de lobbying!
Écrit par : hoplite | 17/09/2012
Hoplite, Sven
L'immigration fut justifiée dans l'après-guerre, quand on manquait vraiment de maind'oeuvre. Aujourd'hui, certes ce n'est pas légitime, mais je pense que c'est beaucoup plus profond que cela, et c'est bien plus idéologique que le besoin de travailler.
Maintenant, en parlant de chomage et de deflation des salaires, on voit de tout: les Français ont délaissé les métiers d'artisans et se sont rués dans les universités et les grandes écoles. Du coup, on a une floppé d'infographistes, d'ingénieurs en tout genre ou de commerciaux qui font baisser les salaires car trop de demande, par contre on ne trouve plus d'artisans, de plombiers, de maçons ou de charpentiers qualifiés d'où une certaine hausse dans ces salaires. Il est vrai aussi qu'avec l'arrivée massive des gars de l'est ou des Turcs, les chantiers ont commencé à trouver des mains, souvent non qualifiées, et quoique vous disiez il en manquait (j'ai vu des petites entreprises de btp mettre la clé sous la porte faute de maind'oeuvre et non de chantier), ce qui expliquent aussi la baisse des salaires car ils faut souvent 2 gars étrangers pour faire le travail d'un français qualifié (lequel va vite quitter le salariat pour se mettre à son compte, dans ce domaine).
Sinon, concernant les grevistes de la Tour d'argent, déjà je ne comprends pas que les gens acceptent de travailler ne serait-ce qu'un mois sans être réguliers...pas besoin de syndicat pour gueuler, d'autant que dans ce domaine de la restauration on peut largement faire marcher la concurrence, tous les resto ou presque cherche des employés! (le travail au noir est parfois bien plus interessant pour tout le monde, sauf pour l'etat: pas de charges sociales, une meilleure remuneration horaire et la cmu pour les soins).
Aujourd'hui, pas besoin d'immigrés de travail, il suffit de délocaliser...
Encore une fois, certains profitent des failles creusées par les Français eux-mêmes, la droite comme la gauche qui se tiennent la main depuis de Gaulle (c'est pas nouveau!).
Écrit par : sonia | 18/09/2012
Sonia, vous avez raison sur la responsabilité des français eux-mêmes qui, sur les bons conseils de leurs élites, ont massivement deserte les filières manuelles. Pour autant l'immigration en france n'est qu'à 10% due au travail! Le reste, 90%, est étranger au travail (regroupement familial, asile politique, etc). Sur le fond, le vrai problème est que nos élites libérales ont oublié qu'en faisant venir des millions d'étrangers sur notre sol, ils favorisent la sécession ethno culturelle compte tenu du gap civilisationnel infranchissable au plus grand nombre: mais peut-être est-ce le but.
Les immigrés aujourd'hui ne viennent ni pour travailler ni pour payer les retraites des vieux ...
Écrit par : hoplite | 18/09/2012
"mais peut-être est-ce le but"
pas peut-être, sûr!!! c'est bien ce que je pense, que l'immigration est plus une saloperie politique voire idéologique qu'une manne pour les capitalistes (10% tout au plus comme vous dites)...
Écrit par : sonia | 18/09/2012
"Sonia, vous avez raison sur la responsabilité des français eux-mêmes qui, sur les bons conseils de leurs élites, ont massivement deserte les filières manuelles."
Et pour cause !
La suppression de l'orientation à l'issue de la classe de 5ème a été une grosse saloperie. Je ne sais plus trop de quand ça date, le collège unique jusqu'à la fin de 3ème, mais je pense que ça doit être une des forfaitures de Mitterrand, même si je n'en mettrais pas ma main au feu.
Plus d'orientation vers les CAP en fin de 5ème, destruction de ce qu'on appelait les "travaux manuels" au profit de la "technologie" où on met tout et n'importe quoi et on se fade des élèves inintéressés jusqu'à leurs 16 ans…
Le bizarre de la chose, c'est qu'il y a une grosse publicité faite autour des métiers de bouche, la cuisine a le vent en poupe, mais ce n'est plus dans un collège professionnel qu'on apprend le métier, ou du moins, pas avant 14-15-16 ans suivant le cas.
Pour les autres métiers manuels, faut se débrouiller avec l'apprentissage.
On a d'abord appauvri les collèges techniques, on a ensuite montré à quel point ils étaient obsolètes, puis on en a supprimé l'accès à partir de 12-13 ans. Ce qui en fait une orientation vécue négativement.
Et maintenant, il faut que tous les jeunes deviennent cuisiniers ! Que dis-je "cuisiniers", non, tous des chefs ! C'est tendance et on passe à la télé.
Écrit par : Carine | 18/09/2012
"déjà je ne comprends pas que les gens acceptent de travailler ne serait-ce qu'un mois sans être réguliers..."
Peut etre que le cadre regulier francais ne corresponds pas exactement a leur culture du travail d'origine non plus...Etre "declaré" de la ou ils viennent, sachant qu'on a affaire a des peu qualifiés en general...Bref.
Et puis dans la restauration, vraiment, le travail au noir, c'est consubstantiel.
" l'immigration est plus une saloperie politique voire idéologique"
Influence du protecteur americain qui est un pays d'immigration par essence ?
(Sans emeutes ni violence, c'est connu...)
Écrit par : JÖ | 18/09/2012
Ho et puis simplement, on ne declare pas un illegal, ou il se fait reperer, et il est bien plus cher si on le declare parce que regularisé...
Écrit par : JÖ | 18/09/2012
Bonjour
@ carine : Le collège unique date de 1975, réforme "Haby", sous le couple infernal giscard - chirac
C'est le même couple auquel nous devons l'avortement légalisé et le regroupement familial
On tue chaque année 200 000 petits enfants français dans le ventre de leur mère (Fatoumata et Aïcha n'avortent pas) et on les remplace par autant de divers.
Quelles que soient vos croyances ou non croyances religieuses concernant l'avortement, le remplacement de population est bien programmé
Écrit par : PhD | 19/09/2012
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