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11/10/2012

Metier

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Il ya quelques années, je plongeais en Mer Rouge en lisant Monfreid (et en retrouvant certains endroits décrits par l’aventurier) et je m’étais occupé du cuisinier qui faisait la bouffe sur le bateau (un turc) ; il était malade du cœur, mal suivi, mal soigné, avait pas vu de médecin depuis belle lurette, prenait quelques médicaments mais s’étouffait toutes les nuits et gonflait des chevilles : un soir, en le regardant faire la bouffe, il me raconte toussa et je lui dis que je suis médecin, il me montre ses medocs, je lui arrange son bordel, lui dit qu’il faut qu’il arrête de saler ses boulettes et ses keftas et il ressuscite en 24h, dormant bien et perdant ses oedèmes. Le jour où on s’est barré, il m’a embrassé pour me remercier.

Dernièrement j’ai rencontré un pote, visiteur médical, déprimé parce qu’il savait qu’il allait faire partie de la prochaine charrette…40 ans, des gosses, une baraque à crédit, toujours bossé dans la visite médicale, études à mon avis bien foireuses, bref. Et chaque fois que je le vois, et parce que je tiens à lui et que je vois venir le bordel (WSHTF), je lui dis de trouver un plan B, de se bouger le fion pour réfléchir à une autre façon de gagner sa vie, un autre métier…et là, il me dit : « mais qu’est-ce que tu veux que je fasse, j’ai jamais rien fait d’autre que de la visite médicale ! C’était bien payé, ça l’est encore d’ailleurs, plutôt facile, relativement gratifiant, bref, autre chose que faire chier les gens à 21 h chez eux pour leur fourguer des assurances ou des encyclopédie que personne lit ! un plan B, t’en as de bonnes, toi » Du coup je lui ai filé le dernier n° du GEAB histoire de lui plomber un peu plus le moral.

Chaque année ou presque, l’hiver, on tue le cochon, en famille. Cochon élevé dans une ferme alentour, qu’on va chercher le jour J pour le METTRE A MORT. Avant ce meurtre rituel, y a toute une organisation, une logistique comme disent les cuistres, de bassines, de couteaux, de récipients divers, de machine à saucisse, de sel, de poivre, de torchons, de gros sel, de café, de bouffe, bref tout un bordel qui coûte rien ou presque mais qui est indispensable pour une cuisine du cochon qui se respecte. La mise à mort est critique car le bestiau comprend très vite qu’on lui veut pas du bien…en général on lui noue un lien (me rappelle Homère..) autour d’une patte arrière qu’on prend dans une dent d’un tractopelle, on lève la pelle et on lui file des coups de couteaux dans la gorge. On l’égorge, quoi. Moment critique car c’est un monstre de 150 ou 200kg bourré d’adrénaline qui cherche à chopper un point d’appui avec ses pattes, mieux vaut garder ses distances. Une fois étourdi par l’hémorragie, on le descend, on l’attache sur une planche propre, on récupère le maximum de sang frais dans une bassine, on nettoie le cochon à l'eau chaude, on lui grille les poils et là on prend une putain de leçon d’anatomie: en général, il faut bien deux heures pour découper une bête (un gars expérimenté « fait » 4 cochons dans la journée, c’est pas du sushi) : on coupe la tête, les pattes, on évacue les parties sales (intestins, vésicule biliaire, vessie, bref, tout ce qui peut contaminer la viande. Puis on découpe la barbaque dans un ordre précis en mettant les morceaux à tel endroit et pas ailleurs. Les jambons, les filets, toute la viande rose, rien ne se perd. On coupe la viande en morceaux, on fabrique des kilomètres de saucisse et du boudin. On bouffe rapide à midi car tout doit être torché rapidement, même s'il fait froid. On prépare le saloir (sorte de caisse remplie de sel et de cendre filtrée dans laquelle on va laisser les jambons plusieurs mois en les retournant régulièrement avant de les pendre au sec et à l’abri des bestioles. Bref, tout un barnum parfaitement ordonné, rangé, minuté, sans improvisation ni affectation, chacun sait ce qu’il a à faire et le fait. Chaque fois que je vois le tueur découper la bête, je me dis que ce gars-là, quoiqu’il arrive, même si Wall Street ou la City s’écroulent, même après le pire des effondrements, ce gars-là continuera à tuer des cochons, à les découper de la même façon (peut-être sans le tractopelle..), qu’il ne mourra jamais de faim et qu’il refusera du boulot. Contrairement à mon pote VRP.

photo: elle non plus, mourra jamais de faim.

Commentaires

Par contre elle me donne faim. Pas la même faim évidemment :)
Hoplite vous tuez donc des cochons dans la baignoire ?? Agent double !

Écrit par : daredevil | 12/10/2012

J'aime beaucoup ce texte.

Écrit par : Ali Devine | 12/10/2012

Eh oui, mon grand-oncle, paix à son âme, était simple boucher avant la guerre.
En 1960 il était déjà millionnaire.

Écrit par : Roberta Blancourt | 12/10/2012

Bravo Hoplite ;
Henry de Monfreid ; mer rouge… et si cette proximité idéologique venait d’un vécu similaire ?
Sans doute pas mais je le dis comme ça pour m’amuser.
Et puis j’ai la même faim que Daredevil ; sans doute plus grande encore, car plus gourmand.

Écrit par : Sclavus | 12/10/2012

Y a d'autres qui me donnent faim en période crise.
La muse du haut n'est qu'un amuse-bouche.

Écrit par : Three piglets | 12/10/2012

J'ai un oncle qui était boucher.
Par courtoisie, je ne répèterai pas ici ce qu'il pensait des "pedzouilles" qui essayait de faire (mal) son boulot.

Pourtant, même avant, bien avant notre époque aseptisée, on savait faire sans souffrances inutiles.

Amateurs:

http://i45.tinypic.com/femjo3.jpg

Pros:

http://i45.tinypic.com/25zh0mu.jpg

Écrit par : UnOurs | 12/10/2012

Enfin, quand je dis "pedzouilles", on peut bien être du fin fond d'un bled perdu, on peut quand même faire le truc proprement (en passant, très bonne musique des frères Balfa):

http://youtu.be/L2NIZexqb4U

Écrit par : UnOurs | 12/10/2012

Tuer les lapins, les ecorcher, c'est aussi quelque chose, pour ceux qui ont connu...

Écrit par : JÖ | 12/10/2012

« mais qu’est-ce que tu veux que je fasse, j’ai jamais rien fait d’autre que de la visite médicale ! C’était bien payé, ça l’est encore d’ailleurs, plutôt facile, relativement gratifiant, bref, autre chose que faire chier les gens à 21 h chez eux pour leur fourguer des assurances ou des encyclopédie que personne lit ! un plan B, t’en as de bonnes, toi »

Eh bé .... parfois on en est a souhaiter le pire par simple mesure d'hygiene.

"Du coup je lui ai filé le dernier n° du GEAB histoire de lui plomber un peu plus le moral. "

Hi hi.... cruel l'hoplite... Mais vous avez raison, ya des p'ti plaisir qu'il est malsain de se refuser. Mais je doute dans ces cas la de l'efficacite du "retour de la botte souveraine de la realite" : au mieux ce VRP stockera des lingots d'or dans son faux plafond, histoire d'entretenir ses vrais illusions.

Écrit par : johny Walker | 12/10/2012

"ce gars-là continuera à tuer des cochons, à les découper de la même façon (peut-être sans le tractopelle..), qu’il ne mourra jamais de faim et qu’il refusera du boulot. "

au train où vont les choses, il faudra voir à changer de boudin...chai pas si la charia-land acceptera encore les tueurs de cochon (à 4 pattes...). Le mechouis, c'est bon aussi! un petit peu amer peut-être mais certains s'y feront...comme le vrp.

Écrit par : sonia | 12/10/2012

Je cite : "La mise à mort est critique car le bestiau comprend très vite qu’on lui veut pas du bien…" Rien n'est moins certain, cher Hoplite. Nous avons déjà trop de mal à savoir ce qui se passe vraiment dans la tête d'un prophète béchamelien, alors celle du cochonus simplex hein ?
Cela étant, une tranche de jambon d'un tel cochon mort en martyr des mains d'un tel bourreau-artisan vaut tous les pseudo caviars de Matignon, de Bercy ou du Qatar.
La mise à mort est un art, c'est ce que nos bons politiques ne comprendront et ne taxeront jamais.
Beau texte. Merci.
Bien à vous.

Écrit par : Martin-Lothar | 13/10/2012

Et rat homme : "CE qui se passe" (mon orthographe vire au boudin...)
...
Et rat homme 2 : Ben non, je l'avais bien écrit la première fois... Je vais me coucher, tiens ! Et cochon qui...

Écrit par : Martin-Lothar | 13/10/2012

Tiens ? On a encore le droit de tuer le cochon chez soi en France ?

Écrit par : SOPOTEC | 13/10/2012

Sopotec, pas vu pas pris.
Martin, je vous assure qu'il comprend bien avant qu'on le choppe..
Sonia, je doute que ce pays ne devienne jamais chris land, ça peut mal finir mais une théocratie muzz céans, j'y crois pas,
Johnny, en fait c'était plutôt pour l'aider que pour l'enfoncer mais sait jamais(l'heterotelie...)
JO, oui ou les poules sans tete qui fourrent contre les murs...
Un ours, le pendouille qui tue le cochon est un charcutier de métier qui arrondit ses we, pas de massac chez nous..
Tripi, oui je te comprends. Je parlais récemment avec un ancien officier para retraite qui collerait volontiers certains sayans contre le mur, notre BHV national par exemple,
Sclavus, sait-on jamais..plongeur?
Roberta, ben oui, des métiers millénaires, pas de raison que ça marche pas..se méfier de trader à l'avenir..
Ali, merci
Daredevil, non pas dans la baignoire, y'a des bouteilles (que n'auront pas les autres)

Écrit par : hoplite | 13/10/2012

"Arrondir ces fin de mois"

J'ai connus des types qui elevaient poules et lapins mais n'arrivaient pas a les tuer...

Donc on faisait appel a un membre de ma famille qui "savait faire".

Certains se forcaient a le regarder faire et arrivaient a sauter le pas au bout d'un moment.

Les gens preservaient encore naturellement leur independance alimentaire il n'y a pas si longtemps.

Si vraiment tout se casse la gueule...

Plus d'electricité (Deja ca suffit a avoir des emeutes aux USA, le pays "phare"), plus d'eau, plus de supermarché...

Mais surtout plus d'ipod.

On va vraiment s'amuser.

Écrit par : JÖ | 13/10/2012

"qui fourrent cont les murs" ^^ n 'importe Uoi ce correcteur automatique.. Sinon je confesse qu'il y a une certaine jouissance à voir la modernité à roulettes se prendre le mur..

Écrit par : hoplite | 13/10/2012

"matador" ,j'écorche peut-être un peu le nom de cet étrange "ustensile" que j'ai tenu en main il y a plus de 15 ans,impressionnant de poids et d'aspect il devait peser dans les 5 kgs et est relativement elaboré,il ressemble a un gros axe en acier inoxydable long de 30 cms environ,une partie moleté que vous tenez en main,un endroit ou vous entrer une amorce(j'avais deja vu différent type de cette même amorce a usage BTP) il y a un systéme de gachette et donc percussion,a la percussion une "horrible" tige metallique qui doit bien faire 15 cms de long et 1 de diametre sort trés fortement du bout de cet appareil,destiné a percer le crâne d'animaux d'abattage,la tige n'étant pas éjectée,je suppose qu'a l'interieur il y a un ressort récupérateur..
Au plaisir.

Écrit par : Dom | 13/10/2012

chez moive, on fait jeûner le cochon une journée avant, histoire que l'intestin soit vide
c'est un peu le ramadan pour la pauvre bête, voyez?

Écrit par : kobus van cleef | 14/10/2012

kobus, comme les escargots, quoi..
Dom, ça a l'air sympa votre death toy..

Écrit par : hoplite | 14/10/2012

quoique je connais un pays chrétien,où le cochon n'a pas trop cours
c'est l'islande, où y en a pas des masses , de cochons
y a plutôt des moutons, des tas
on fait du boudin de mouton et du jambon de mouton ( ça sent le suint, une abomination)
on conserve ça dans des tonneaux de saumure ( la mer est à deux pas)
ce qu'on n'arrive pas à consommer comme ça on le suspend dans la cheminée, pour le fumer,c'est la viande suspendue
le must, parait il, c'est la tête de mouton suspendue , avec les yeux et tout
perso, j'ai pas pu

Écrit par : kobus van cleef | 14/10/2012

"perso, j'ai pas pu"

ouais, chui pas pressé de gouter..

Écrit par : hoplite | 14/10/2012

:)) Hoplite!

Écrit par : Dom | 14/10/2012

Exécution, façon Wehrmacht, les yeux bandés :

http://i48.tinypic.com/5ag3n.jpg

A la mdoe du Wyoming :

http://i49.tinypic.com/34evmhh.jpg

Le fameux marteau de boucher, mort cérébrale instantanée :

http://i49.tinypic.com/mrafwp.jpg


Donc, on peut faire partie de l'axe du mal, venir du fin fond de la cambrousse ou encore appartenir à une époque déjà lointaine..... et tuer un bestiau sans souffrances inutiles.

Écrit par : UnOurs | 15/10/2012

^^merci, Unours.

Écrit par : hoplite | 15/10/2012

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