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15/10/2016

Souvenirs de guerre

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- Mostar 1992 : / Souvenirs de guerre -


" J'avais un Kamarade "
- Qu'est-ce qui se passe dans votre tête quand vous roulez dans un vieux bus bringuebalant, au milieu des tirs, le cul pose sur une boite mal fermée dans laquelle se décompose votre meilleur pote ? C'était un seigneur. Il voulait arrêter de faire la guerre et il était inquiet de ce qu'il allait trouver après.

Nous parlions beaucoup, il avait quand même quelques projets, il était fatigué de ce qu'il avait vu en Bosnie et de ce qu’il y avait fait. Il voulait partir en Afrique, et s'installer dans une réserve pour soigner les animaux et lutter contre les braconniers.

Il avait été généreux, toujours là à réconforter un copain malheureux, a offrir une cigarette ou la moitié de son verre de vin, toujours à sortir le premier d'une tranchée pour ne pas exposer ses hommes inutilement. Il avait un charisme extraordinaire. Ses soldats l'auraient suivi n'importe ou, il le savait, alors il modérait ses ardeurs et les leurs.

Quarante fois il avait voulu déposer les armes avant cette putain d'opération sur Mostar. Mais nous n'étions pas parvenus à détruire les chars, et il ne voulait pas partir sur un échec. Nous y étions donc retournés une troisième fois, moins pour les chars que pour les blessés et les morts que nous avaient coûtés nos deux tentatives précédentes. . Il m’avait dit : << Moi, c'est ma dernière opération. Je n'ai plus de chance avec moi. J'ai épuise mon capital. >> Il n’avait jamais dit un tel truc auparavant.

La dernière opération, c'est toujours la poisse. Combien de types j'ai vu mourir lors de leur dernière opération... C’EST un truc qu'on porte en nous...

Un jour, il s'était dit putain qu’il était arrivé au bout de sa baraka. C'était un mauvais jour. Beaucoup d'autres sont tombés avec lui.

Les Serbes avaient décidé de nous rentrer dedans. Ils cherchaient à franchir la Neretva. On avait reçu une préparation d'artillerie intense. Puis on les a vus, baionnette au canon, mettre à l’eau des barques. On a riposte avec des canons sans recul qu'on venait de recevoir et qui n’avaient encore jamais servi; les types ont été surpris et ont rebroussé chemin.
Nous pensions être enfin tranquilles, mais ça n'a pas duré. Ils ont envoyé tout ce qu'ils avaient sous la main, du 20 millimètre, du 82 mm, du On avait à peine le temps de lever le nez pour lâcher une rafale. Thomas et moi, nous nous sommes redressés au même moment, il y a eu une explosion juste derrière, et je l'ai cherché des yeux, je ne le voyais plus. Puis j'ai entendu une plainte très faible, comme un animal blessé. Il était à mes pieds. Il m’appelait par mon prénom : <<Gaston, Gaston. >>

Il avait une blessure épouvantable à la tête. Une véritable tranchée dans le crâne. Je n'avais jamais vu ça de ma vie, un gros sillon, il avait été labouré sur six centimètres de long et trois de large. Sans doute un éclat d'au moins trois cents grammes... On voyait le cerveau avec des bulles roses dégoûtantes, ça dégoulinait de partout et il m'appelait toujours : << Gaston, Gaston... >> J'étais paralyse. Je me suis assis par terre, les mains devant les yeux, je ne voulais plus le voir, j'aurais aime ne plus l'entendre. C'était incroyable, il continuait à parler avec la tête ouverte comme une boite de conserve. Des camarades sont venus en rampant parce que ça tombait toujours autour de nous. Ils lui ont mis des compresses mais ça ne servait vraiment a rien, il continuait a pisser le sang.

Nous avions besoin d'une voiture. Il fallait l'évacuer immédiatement. Mais des voitures, en temps de guerre, dans une ville en ruines, c'est tout un problème... La plupart des civils qui en possédaient encore les cachaient, ou alors ils cachaient l'essence, ou encore ils cherchaient à monnayer leur aide.

Thomas expirait. L'un de nous a défoncé la porte de la maison d'un civil et l'a braque pour lui prendre les clés de sa Yugo. On pouvait toujours continuer affichant un optimisme débordant pour le rassurer plus personne n'y croyait. Cette fois-la, l'optimisme n'allait pas nous permettre de traverser le carnage en chantant. Les bombardements avaient redoublé d’intensité et nous ne pouvions pas bouger le petit doigt. Nous étions coincés dans la Yugo à nous faire engueuler par son propriétaire, recroquevillé à quatre pattes devant sa porte fracturée, qui hurlait que notre pote était mort et qu' on allait lui tacher ses sièges avec tout ce sang qui giclait...

Quelqu'un a demandé: << Je le bute ?>> et on a entendu murmuré << C'est une bonne idée, mais c'est moi que vous allez buter...>> Il voulait qu'on l'achève. On était assis comme des cons dans cette putain de voiture, bloqués par les explosions, et moi avec sa tête sur la poitrine; on ne pouvait pas fermer les portières parce qu'il était trop long et qu'il dépassait. J'ai regardé vers l'extérieur, les obus continuaient de s'abattre dans un fracas assourdissant et je me suis demandé dans quel film je m'étais fait piéger, Le Jour le plus long ou Les Oies sauvages...

Il a mis encore un quart d'heure pour mourir. On ne s'en est pas rendu compte tout de suite, Lukatic avait fait démarrer la Yugo et attendait le moment pour la lancer. Son voisin a dit : << Il ne parle plus. >> On a regardé, il avait cessé de vivre. Personne n'a rien dit, nous étions figés, attendant peut-être qu'un obus fauche la voiture...

" Ainsi Va l'homme " , Gaston Besson

Commentaires

J'avoue ne pas comprendre ce genre d'engagement.

Écrit par : UnOurs | 15/10/2016

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Il est toujours passé entre les gouttes en envoyant les autres au casse pipe.

Écrit par : Hugues capet | 15/10/2016

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J'aime bien les recits de guerre. Pas nouveau. Besson, sans doute pas mal de chance vu le temps qu,il a passe en zone de guerre. Quant a l'engagement, c toujours subjectif. Si j'avais vecu en 1944 quel aurait ete mon engagement? Je me pose souvent cette question. Sans doute un anachronisme mais j'aurais pu finir dans un maquis communiste comme a la LVF. Les circonstances, les rencontres, etc.

Écrit par : hoplite | 16/10/2016

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Prenons le cas ukrainien.

Je suis un "facho".
Je m'engage avec les "fachos" ukrainiens et je tue des Blancs russes.
Je suis un "natio".
Je m'engage avec les "natios" russes et je tue des Blancs ukrainiens.

Si l'on n'est pas directement engagé à titre personnel de par sa naissance dans ce genre de conflits, j'estime inutile de s'y engager. Sauf à agir dans la mesure du possible comme médiateur, dans une perspective de survie de l'homme européen.




Et là, on ne parle pas vraiment de guerre, mais de conflit civil.
Avec tout ce que cela implique de laideur et d'horreurs médiocres.


Et les guerres que nous allons peut-être devoir faire ressemberont problablement à cela.
Pour nous, pas d'uniformes martiaux et sanglés de près, pas de prise d'armes épiques, de batailles de chars à une échelle épique, pas d'ordre, pas de discipline, d'as de la chasse, nulle beauté sombre des armées en route.

Le critère esthétique est d'ailleurs pertinent. Les guerres récentes ne suscitent aucune production artistique. Tout s'affaisse, même la guerre.

https://youtu.be/-QNlebUDb8U

Écrit par : UnOurs | 16/10/2016

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"J'aime bien les recits de guerre."

A lire absolument (la traduction est excellente):

https://www.amazon.fr/Putain-mort-Michael-Herr/dp/2226141928

Écrit par : UnOurs | 16/10/2016

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Un classique : Patrick Chauvel – Rapporteur de Guerre.

https://www.amazon.fr/Rapporteur-guerre-Patrick-Chauvel/dp/2915056048

Écrit par : Danny | 16/10/2016

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Et "Campagne de Russie" de Degrelle.

Passionnant, épique et fort joliment écrit.
Se trouve facilement sur le net en epub ou pdf.

Écrit par : UnOurs | 16/10/2016

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merci les gars

Écrit par : hoplite | 16/10/2016

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@ Hoplite à propos de quel côté il aurait fini en 44...

il me semble avoir lu dans un livre nauséabond de ma jeunesse (les souvenirs d'un gars de la LVF...) qu'un gars qui s'était engagé dans la LVF était pisté par des gars de la Milice alors qu'il se rendait à un rendez-vous que lui avait fixé un contact pour entrer dans la Résistance. Ne voulant pas amener la Milice à ses basques, et n'arrivant pas à les décrocher, il est finalement rentré...dans le bureau de recrutement de la LVF.
Avec la Milice qui attendait dehors, il a donc terminé sur le front de l'Est.

A l'époque, il en fallait peu pour basculer d'un côté ou de l'autre.

Écrit par : Popeye | 16/10/2016

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Popeye, très probablement "Le Rêveur Casqué" de Christian de la Mazière.


http://avxhome.in/ebooks/Le_reveur_casque_Christian_de_la_Maziere.html

Écrit par : UnOurs | 16/10/2016

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Hoplite,
Cela me semble possible que ce soit ça. Ça date du lycée quand même, tout ceci ne nous rajeunit pas. Tiens, pour la marrade, je vais passer chez Gibert et demander s'ils ne l'ont pas d'occase. Le rictus du vendeur va être une volupté de fin gourmet....

Écrit par : popeye | 17/10/2016

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Certains rictus très usés sont de plus en plus obsolètes...

Écrit par : JÖ | 18/10/2016

Le mouvement des flics me rappelle celui de 2001, il avait dans un premier temps échappé aux syndicats puis apres deux trois manifs ils avaient repris la main et tout était rentré dans l'ordre . La rencontre de ce soir entre les mêmes syndicats kapos et cazevide va être très intéressante , les flics vont ils enfin aller au bout de leur mouvement ou vont ils comme d'habitude rentrer dans le rang apres quelques effets d'annonces du ministre ? J'opte pour la seconde solution.

Écrit par : Hugues capet | 19/10/2016

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@Hugues Capet : mais les choses se s0nt bien dégradéees depuis 2001 .... http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/10/18/01016-20161018ARTFIG00343-comment-dans-l-essonne-la-justice-tente-de-faire-face-a-la-violence-des-bandes.php

Écrit par : dimezanov | 19/10/2016

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