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04/08/2009

civilisation intérieure

« Déjeunant chez Lipp, sans doute en 1958, avec Raymond Aron, celui-ci m’expliquait qu’en tant que Juif, il était, en telle occasion, obligé d’agir de telle manière. Et je lui répondais : « Mais Raymond, vous n’êtes pas Juif, vous êtes Lorrain » (sa famille, comme celle de son illustre parent, Marcel Mauss, est originaire de cette province). Je ne sais plus si mon interlocuteur a souri, mais je suis sûr qu’il n’a pas répondu.

Et il est vrai que, confronté aux diverses civilisations qui lui sont au départ étrangères, le fils d’Israël réussit à les assimiler à la perfection, à s’y perdre même, tout en restant réfugié dans une civilisation intérieure à laquelle il tient, dont il ne se détache, quand il s’en détache, qu’imparfaitement.

Pourtant les Juifs ne sont que 14 millions, éparpillés de par le monde (600 000 en France, le groupe le plus important après les Etats-Unis). Comment les réussites éclatantes de la diaspora dont leur histoire est pleine : la Pologne du XVIIème siècle, l’Italie du XVè, l’Espagne du XVIè, l’Allemagne du XVIIIè, les Etats-Unis d’aujourd’hui, le Brésil, la France…, n’ont-elles abouti nulle part à la fusion pure et simple ? Pourquoi ne se sont-ils pas perdus, comme tant d’autres corps étrangers, dans l’une ou l’autre des nombreuses terres d’accueil où ils ont si longuement vécu ? ».

Fernand Braudel, L’identité de la France, 1986.

Une façon de prolonger le court débat en cours dans le post « apartheid ».

En y réfléchissant, je me suis dit que depuis prés de 3 ans d’existence dans la blogosphère et plus de 440 notes, le plus souvent indigentes ou parfois éclairantes par quelques textes cités, je me suis volontiers montré hostile –au moins critique et avec la plus mauvaise foi qui soit- envers le christianisme, l’islam, l’idéologie de Progrès, celle des Lumières, le marxisme, le règne vulgaire de la bourgeoisie, le libéralisme, le colonialisme, la modernité, etc. Mais jamais à l’encontre des Juifs, entendu comme peuple, religion ou civilisation. Il y a là comme une anomalie. Que je m’explique par mon inculture théologique mais aussi –et sans doute surtout- par ce surmoi anti-anti-sémite qui est gravé au burin dans l’entendement de chaque européen depuis 1945 et qui interdit au plus grand nombre, c’est-à-dire à tous les non juifs, d’émettre quelque opinion que ce soit sur ce peuple et cette culture singulière et millénaire.

03/08/2009

opprobre

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Francis Jeanson.

J'avais pensé ne pas sortir de ma tanière avant longtemps; mais la façon dont radiofrance a encensé cet homme ce matin m'a fait gerber.

Il y a en moi un anti colonialiste viscéral. Le colonialisme c'est le mal.

Mais Jeanson a trahi les siens: il a trahi des Français d'Algérie et des Algériens favorables à ce colonialisme honni. Il a permis que des hommes, des femmes et des enfants de son propre peuple soient éventrés par le feu et le fer, aux terrasses des cafés. Il a trahi les siens, simplement.

Il a trahi.

et ça ne se fait pas, bordel!

On me dira -avec raison- qu'il n'a pas trahi ses idées ni ses nouveaux amis, sa nouvelle famille, le peuple Algérien.

Certes. Mais on ne tire pas dans le dos des siens, c'est un principe.

L'opprobre, c'est tout. un peu de décence, merde.

01/08/2009

ami ennemi et analphabètes malfaisants

logogrece_n.jpg(…) Théoricien de la décision souveraine et de l’ordre concret, Carl Schmitt, qui deviendra vite l’un des plus proches amis de Julien Freund, voit dans la relation ami-ennemi un critère permettant d’identifier ce qui est politique et ce qui ne l’est pas : le politique se définit chez lui par la possibilité d’un conflit, tout conflit devenant lui-même politique dès l’instant qu’il atteint un certain degré d’intensité. Renoncer à la distinction de l’ami et de l’ennemi, dit Carl Schmitt dans La notion de politique, ce serait céder au mirage d’un « monde sans politique ».

Comme ses deux maîtres, Raymond Aron et Carl Schmitt, Julien Freund soutient donc la thèse de l’autonomie du politique. Ce n’est pas à dire que l’action politique ne doit pas tenir compte des données économiques, morales, culturelles, ethniques, esthétiques et autres, mais qu’une politique exclusivement fondée sur elles n’en est tout simplement pas une. Chaque activité humaine est en effet dotée d’une rationalité qui lui est propre. L’erreur commune du libéralisme et d’un certain marxisme est de faire de la rationalité économique le modèle de toute rationalité. « La pensée magique, dira Freund, consiste justement en la croyance que l’on pourrait réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens propres à un autre ».

Freund insiste tout particulièrement sur la nécessité de bien distinguer la politique et la morale. D’abord, explique-t-il, parce que la première répond à une nécessité de la vie sociale alors que la seconde est de l’ordre du for intérieur privé (Aristote distinguait déjà vertu morale et vertu civique, l’homme de bien et le bon citoyen), ensuite parce que l’homme moralement bon n’est pas forcément politiquement compétent, enfin parce que la politique ne se fait pas avec de bonnes intentions morales, mais en sachant ne pas faire de choix politiquement malheureux. Agir moralement n’est pas la même chose qu’agir politiquement. C’est ce que Max Weber disait aussi en attirant l’attention sur le « paradoxe des conséquences » : l’enfer est pavé de bonnes intentions.

La politique n’en est pas pour autant « immorale ». Elle a même sa propre dimension morale, en ce sens qu’elle est ordonnée au bien commun, qui n’est nullement la somme des biens ou des intérêts particuliers, mais ce que Hobbes appelait le « bien du peuple », et Tocqueville le « bien de pays ». « Il n’y a pas de politique morale, écrit Julien Freund en 1987, dans Politique et impolitique, mais il y a une morale de la politique ». (suite)

Alain de Benoist, Julien Freund, 2008.

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(…) Julien Freund : « Les sentinelles de l'antifascisme sont la maladie de l'Europe décadente. Ils me font penser à cette phrase de Rousseau persiflant les cosmopolites, ces amoureux du genre humain qui ignorent ou détestent leurs voisins de palier. La passion trépidante de l'humanité et le mépris des gens sont le terreau des persécutions à venir. Votre ami Alain de Benoist a commencé d'écrire de bonnes choses là-dessus. Dites-le-lui, il faut aller dans ce sens : la contrition pathologique de nos élites brouille ce qui fut la clé du génie européen ; cette capacité à se mettre toujours en question, à décentrer le jugement. Ceux qui nous fabriquent une mémoire d'oppresseurs sont en fait des narcissiques. Ils n'ont qu'un souci : fortifier leur image de pénitents sublimes et de justiciers infaillibles en badigeonnant l'histoire de l'Europe aux couleurs de l'abjection. Regardez ce qu'écrit Bernard-Henri Lévy sur Emmanuel Mounier... C'est un analphabète malfaisant. En 1942, j'étais avec Mounier à Lyon... en prison ! En épousant l'universel, ils s'exhaussent du lot commun ; ils se constituent en aristocratie du Bien... L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie ! »

Pierre Bérard : « C'est Nietzsche qui écrit dans La volonté de puissance que l'Europe malade trouve un soulagement dans la calomnie. Mais il se pourrait bien que le masochisme européen ne soit qu'une ruse de l'orgueil occidental. Blâmer sa propre histoire, fustiger son identité, c'est encore affirmer sa supériorité dans le Bien. Jadis l'occidental assurait sa superbe au nom de son dieu ou au nom du progrès. Aujourd'hui il veut faire honte aux autres de leur fermeture, de leur intégrisme, de leur enracinement coupable et il exhibe sa contrition insolente comme preuve de sa bonne foi. Ce ne serait pas seulement la fatigue d'être soi que trahirait ce nihilisme contempteur mais plus certainement la volonté de demeurer le précepteur de l'humanité en payant d'abord de sa personne. Demeurer toujours exemplaire, s'affirmer comme l'unique producteur des normes, tel est son atavisme. Cette mélodie du métissage qu'il entonne incessamment, ce ne serait pas tant une complainte exténuée qu'un péan héroïque. La preuve ultime de sa supériorité quand, en effet, partout ailleurs, les autres érigent des barrières et renforcent les clôtures. L'occidental, lui, s'ouvre, se mélange, s'hybride dans l'euphorie et en tire l'argument de son règne sur ceux qui restent rivés à l'idolâtrie des origines. Ce ne serait ni par abnégation, ni même par résignation qu'il précipiterait sa propre déchéance mais pour se confondre enfin intégralement avec ce concept d'humanité qui a toujours été le motif privilégié de sa domination... Il y a beaucoup de cabotinage dans cet altruisme dévergondé et dominateur et c'est pourquoi le monde du spectacle y tient le premier rôle... » (suite)